J'avais vingt ans. Je venais d'aimer. J'étais triste et vous m'avez proposé de me faire visiter la ville. Je n'avais qu'à prendre un billet d'avion pour la semaine prochaine. J'avais besoin de passer à autre chose et je n'avais jamais fait de vol long courrier. Je suis arrivée au mois d'octobre. Boston. Vous m'attendiez à l'aéroport. Il faisait nuit. Nous avons dormi à l'université et le lendemain, nous prenions le car pour New-York. Assise à ma place, j'observais les lacs et les feuilles orangées, les couleurs de l'automne dont je me rappelle encore de par leur beauté. La foret, les montagne, et vous qui me parliez sans que je n'écoute réellement, car j'imaginais à quoi elle devait ressembler. Après quelques heures, le décor se mit à changer. Des grands murs de briques aux affiches publicitaires et aux graffitis. Plus grands et plus hauts que les ponts. J'avais l'impression qu'on m'avait rétrécis. Vous m'avez fait découvrir la ville de la manière la plus extraordinaire qu'il soit vous la connaissiez par coeur. De l'Empire State Building à la Statue de la Liberté, du Flatiron et son histoire au Meatpacking District, de Pastis aux anciens abattoirs transformés en restaurants, de Chinatown à Soho, d'East Village et ses punks à Little Italy, de Wall Street à Lush, de Time Square à ses bars d'hôtels qui tournent... J'ai passé mon temps à marcher la tête en l'air. Il faisait bon, parfois nous nous baladions en tee short dans Central Park. Je suis repartie en me disant je reviendrai. J'en ai parlé de toi, j'ai rabâché ton nom sans cesse à tous les curieux. Puis l'année suivante, un autre décida de réaliser le souhait qui m'animait le plus te rendre visite à nouveau. C'était au mois d'aout, il faisait très chaud, nous sortions de l'avions et nous allions nous désaltérer sur le toit d'un building, sur la 5eme avenue. De ce voyage j'en ai déduis qu'il se passait quelque chose entre toi et moi, quelque chose de fort, Peut-être était-ce dans la calèche autour de Central Park que me vint ce sentiment? Ou bien au Rockfeller Center? Au Shake Shack? Au Spotted Pig? A ground zéro? A Battery Park? A Brooklyn, sous le pont, au River's Café? Chez Victoria's Secret. Ou chez Dans ce petit café italien pas loin du grand magasin Apple. Lorsque le bartender m'a servit un cappuccino et que la mousse représentait un apache. Chez Century 21, entre les robes Marni et les survêtements Juicy Couture? Dans ma chambre du Carlton sur Madison? Bleecker Street chez Marc Jacobs ou dans les librairies? Sûrement lorsque j'ai vu Mamma Mia au théâtre. Toutes ces heures passées dans la rue à marcher d'un blok à l'autre, au MoMA à errer dans les étages, au Museum of Sex à chercher du lubrifiant. Je suis retournée en France, en me promettant que je viendrai te rendre visite chaque année. En 2010 je n'ai pas vu le temps passer mais à chaque fois que j'ai entendu chanter Jay-Z, mon coeur s'est serré. En 2011 ça faisait 10 ans que l'on t'avait attaquée et un mois après ton triste anniversaire, j'étais avec toi. Je sortais d'une dépression, de plusieurs semaines sans manger, de boites à pharmacie vidées et je savais que tu pouvais me guérir. J'ai prit un billet d'avion. La carte de mon père, un de ses amis m'avait trouvé un logement et un job. Je suis arrivée le 26. Sans ma valise. J'ai passé 3 jours à pleurer. Je suis allée bosser et j'ai été virée. J'ai passé 15 jours à pleurer. Un soir j'ai mit mon manteau de fourrure, je suis sortie, j'ai bu, j'ai rencontré des gens et j'ai trouvé le sourire. J'ai fait en six semaines des rencontres formidables, et d'autres exécrables. J'ai côtoyé des gens plus stupides et puérils que chez moi, je suis sortie avec des garçons et dans des endroits pitoyables. Je me suis dit à maintes reprises que j'avais la même vie ici qu'en France, vie que je haïssais et que je voulais fuir, mais, chaque matin, lorsque je me levais pour aller acheter mon croissant, je souriais, sourire niais de voir les buildings et de ne rien comprendre à ce qu'on me racontait, qu'il pleuve, qu'il neige, que ma peau craquelle sous le froid glacial de ton vent, chaque matin je me disais tu as de la chance. Vous étiez sur ton lit, son Ipod en musique aléatoire, une chanson est passée, une belle chanson d'amour qui parlait de New York, et ce moment s'est figé,c'était un de mes plus beaux moments chez toi, avec vous; mais cette chanson ne parlait pas vraiment d'amour. Tu l'avais idéalisé avec ta barrière de la langue. Cette chanson parlait de la beauté et de la désillusion de la ville. Elle disait qu'elle te détruisais et paradoxalement elle te remplissait de quelque chose que tu ne saurais expliquer qui est un mélange d'euphorie et de joie un peu comme si tu te droguais. Et c'est à ce moment là, je crois, que j'ai su que c'était toi mon seul amour, que je rate ma vie ou que je la réussisse, seule peu m'importe, c'est ici et dans tes bras que je veux être plus que tout. Que rien ne m'importe plus que tes rues, que ta culture, que la gentillesse de tes habitants, que tes parcs, que tes métros, personne ne pourra me procurer le même bonheur que toi. Et tant pis si personne ne me comprend, tant pis si les autres disent que je suis folle, ce n'est pas le rêve américain, je sais juste que pour la première fois de ma vie je me suis sentie à ma place quelque part. Sans être torturée, sans penser à prendre des pilules pour oublier que je déteste ma vie et que je me déteste. Il se passe quelque chose de curieux lorsque l'on te pénètre. Une addiction, comme un aimant, comme un retour dans le ventre de sa mère, on ne se voit plus en sortir. Plus rien ne m'intéresse si ce n'est de faire partie de toi, contribuer à ton développement. Je suis ici ce soir depuis bien trop longtemps et je ne dors plus figure-toi que chaque nuit je pense à toi, et aucune discussion n'est plus belle que lorsque tu y es prononcée, et je ne parle que de toi, lorsque je regarde un film où l'on peut apercevoir un de tes 5 Borough je pleure comme une enfant qui a perdu sa poupée. NEW YORK JE T'AIME