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Edit Showing all 3 items Jump to Release Dates 1 Also Known As AKA 2 Release Dates France 2 November 2017 Paris premiere Also Known As AKA original title MĂȘme qu'on naĂźt imbattables! France MĂȘme qu'on naĂźt imbattables! Contribute to This Page
Maisdepuis plusieurs annĂ©es, ils partagent la mĂȘme passion de l’escalade. Un art de vivre poĂ©tique pour Greg, le sage, une activitĂ© plutĂŽt sportive plus que sportive pour DĂ©dĂ©, vice-champion de France de la discipline. Le documentaire suivra les deux amis dans une expĂ©dition au Drakensberg, en Afrique du sud, une chaĂźne de montagne qui s’étire sur plus
C’est le 30 Novembre 1982 que Michael Jackson propose l’opus “Thriller“. Il sort d’un gros succĂšs avec son album “Off The Wall” et conserve sa place sur la scĂšne pop grĂące Ă  des tubes comme “Beat It” ou encore “Billie Jean”. L’opus est un vrai raz-de-marĂ©e qui dĂ©passe les simples frontiĂšres du monde musical pour devenir un rĂ©el phĂ©nomĂšne de sociĂ©tĂ©. Le projet rĂ©colte 8 grammys, se classe en tĂȘte du Billboard pendant 2 ans et s’écoule Ă  50 millions de copies dans le monde. Un record Ă  sa sortie. Il entre mĂȘme dans le fameux Guiness’Book. Cependant, “Thriller” a depuis perdu sa suprĂ©matie en terme de Grammys. L’opus de Santana “Supernatural” et celui de U2 “How to Dismantle an Atomic Bomb” en ont tous les deux obtenus 9 statuettes. Ensuite, AdĂšle a rĂ©ussi l’exploit d’avoir l’opus le plus vendu en 2011 puis en 2012. Ce qui lui a permit d’égaler le record de Michael Jackson. Mais ce dernier a gardĂ© une sĂ©rieuse avance dans la catĂ©gorie “ventes” . Il caracole toujours en tĂȘte avec 50 millions de disques vendus. Et c’est quelque chose qui ne semble pas prĂȘt de changer. Vous vous demandez surement comment c’est possible qu’il puisse ĂȘtre aussi serein. Plusieurs choses l’expliquent. Mais d’abord le changement des habitudes des consommateurs en terme de musique. du marchĂ© des singles. Avant, les gens achetaient des albums. Aujourd’hui, il prennent juste des singles. Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000’s, il y a eu un vĂ©ritable boom au niveau des achats des albums comparĂ© aux 90’s et aux 80’s. Avant, la musique mainstream ratissait trĂšs large et visait principalement un public “mature“, d’oĂč le fait que les ventes d’opus soient bien plus soutenues que celles des singles. Aujourd’hui avec Internet et l’abondance d’informations, tout est dirigĂ© vers une seule chanson et les albums sont de moins en moins de lĂ  que naĂźt ce dĂ©calage. En 1982, 447 millions d’opus Ă©taient vendus
 contre millions de singles. Il faut savoir que les singles Ă©taient eux aussi vendus en version physique Ă  cette Ă©poque et coĂ»taient souvent le tiers du prix d’un opus pour seulement une chanson. DĂšs 2003, avec I-tunes, le prix d’une chanson passe Ă  99 centimes, et ça joue Ă©normĂ©ment sur l’exposition de ce marchĂ© lĂ . On accuse souvent le tĂ©lĂ©chargement illĂ©gal, avec des sites comme Napster et Kazaa, mais la rĂ©alitĂ© est que les gros magnats de l’industrie n’ont pas su anticiper les effets du net sur l’industrie. Ils Ă©taient trop fiers et trop habituĂ©s aux gros chiffres des 2 prĂ©cĂ©dentes dĂ©cennies et n’ont pas su prĂ©voir le changement du mode de consommation. Ce qui a permit Ă  Apple de cannibaliser le marchĂ©. dĂ©fi du streaming. Au delĂ  du mode de consommation “à la chanson”, ce qui complique encore plus la tĂąche d’un artiste qui voudrait battre le record de Michael, c’est sans aucun doute le streaming. De la mĂȘme maniĂšre qu’ils s’étaient emparĂ©s du marchĂ© il y a de cela 12 ans, Itunes et tous les autres sites de tĂ©lĂ©chargement lĂ©gaux mĂȘme s’ils n’ont en rĂ©alitĂ© jamais vraiment comptĂ© comme expliquĂ© plus haut se cassent aujourd’hui la gueule pour laisser la place au streaming. Tidal, Spotify, Pandora, Apple Music, c’est la nouvelle Ăšre, c’est la nouvelle guerre du monde de la musique. On assiste Ă  ce qu’on pourrait dĂ©sormais appeler “l’achat militant“. A une Ă©poque, on achetait un opus parce qu’on aimait la musique. Aujourd’hui, on en achĂšte un parce qu’on veut soutenir l’artiste, ce qu’il reprĂ©sente et plein d’autres choses. Quand on sait qu’avec 10 euros par mois, on peut avoir toutes les chansons qu’on veut, il faut vraiment avoir envie de soutenir le chanteur pour dĂ©bourser 13 ou 15 euros et n’acheter qu’un seul album. L’achat devient plus que musical, il est militant. C’est une chose qui complique encore plus la tache d’un artiste voulant vendre le maximum d’albums, ou mĂȘme de singles en 2015. En effet, depuis le lancement d’Apple Music, on observe ainsi une violente chute des ventes de singles dans le monde. des labels. La logique du business est simple, quand un domaine rapporte moins, on y investit moins. Le coĂ»t de production de “Thriller” Ă©tait de dollars Ă  l’époque, soit 2 millions de dollars aujourd’hui. Ce n’est pas le seul album Ă  avoir coutĂ© aussi cher millions pour le FanMail de Tlc etc... C’était la norme dans les grandes annĂ©es de l’industrie du disque d’avoir Ă©normĂ©ment d’argent investi aussi bien dans la construction d’un album, que dans sa promotion. Il suffit de regarder les clips et la qualitĂ© des enregistrements Ă  l’époque. La musique rapportait Ă©normĂ©ment donc les labels investissaient. Aujourd’hui, les opus coutent beaucoup moins chers. Un label met beaucoup moins d’argent dans la promotion et dans l’élaboration d’un opus car ses dirigeants savent de toutes façons qu’il y a peu de chances que ça leur rapporte Ă©normĂ©ment. Les gens sont versatiles. Ils reçoivent trop d’informations en une seule journĂ©e, trop d’artistes, trop de tout, c’est l’heure du net. Alors, ils n’investissent pas forcĂ©ment Ă©normĂ©ment sur un artiste, mais un “peu” sur un nombre plus important d’artistes, pour ĂȘtre sur de rentrer dans leurs frais. Les promos des opus sont courtes et peu nombreuses. Il n’y a plus aucun artiste qui propose 12 singles dans un mĂȘme album. D’une part, parce que le public assailli d’informations ne suivrait pas. Mais aussi, d’autre part, parce que ce serait trop couteux Ă  faire. C’est plus facile de faire un album, payer une promo la premiĂšre semaine, balancer 2-3 clips , aller en tournĂ©e et de passer Ă  la prochaine Ăšre. RĂ©sultat,trĂšs peu d’artistes ont encore une machine et des fonds aussi Ă©normes que ceux que MJ a eu pour “Thriller” Ă  son Ă©poque. les annĂ©es d’or. Ceci Ă©tant, il ne faut pas croire que la suprĂ©matie de “Thriller” Ă©tait garantie dĂšs la sortie de l’opus. En effet, les 80’s et surtout les 90’s ont Ă©tĂ© des annĂ©es glorieuses pour l’industrie du dit prĂ©cĂ©demment, il y avait beaucoup d’argent en jeu et en plus ça rapportait beaucoup. Dans les 80’s, il y avait environ 2 albums certifiĂ©s diamant chaque annĂ©e aux et dans les 90’s, on passait Ă  4 Ă  5 albums certifiĂ©s diamant 10 millions de ventes chaque annĂ©e. Une mine d’or qui poussait donc les labels Ă  mettre plus d’argent en jeu. Mais Michael n’a pas cĂ©dĂ© sa place. Dans le classement des opus les plus vendus de tous les temps, il est suivi par Shania Twain avec “Come On Over”, Whitney Houston “The Bodyguard”, Alanis Morrissette “Jagged Little Pill” ou encore les Spice Girls “Spice” qui sont tous des opus sortis dans les 90’s qui ont frĂŽlĂ©, voir dĂ©passĂ©, les 40 millions de ventes. Ils n’ont toutefois pas rĂ©ussi Ă  battre “Thriller“. L’opus avait une dimension sociale, visuelle, tout en Ă©tant trĂšs accessible, ce qui en fait quelque chose de plus complet. MĂȘme MJ avec ses opus “Bad “ou” Dangerous” n’a pas pu rivaliser avec ce projet. 5. Le cas AdĂšle et l’avenir de l’industrie. Au vu de la conjoncture, des moyens mis en place, mais aussi du mode de fonctionnement de l’industrie, qui a totalement changĂ©, c’est de plus en plus compliquĂ© pour un artiste d’imposer un opus comme Ă  la grande Ă©poque. Ceci Ă©tant, il faut reconnaĂźtre que les 28 millions de disques vendus par AdĂšle pour son album” 21” en 2011 restent hallucinants et furent assez imprĂ©visibles au moment de sa sortie. Elle l’a fait alors que le marchĂ© des ventes de disques Ă©tait totalement cannibalisĂ© par celui des singles comme prĂ©cisĂ© dans le premier graphique. Donc, il y aura sĂ»rement encore des artistes qui pourront nous surprendre avec de bons chiffres. Mais c’est difficile de penser qu’ils pourraient un jour parvenir Ă  Ă©galer les 50 millions de ventes de MJ. De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, si l’industrie musicale actuelle souffre, ce sont plus des problĂšmes de restructuration qui la panique qu’autre chose. En effet, les gens n’ont jamais autant Ă©coutĂ© et consommĂ© de la musique qu’aujourd’hui. Les revenus du streaming, les ventes de cds et de vynils et les tĂ©lĂ©chargement rĂ©unis montrent clairement que la musique n’a jamais Ă©tĂ© autant Ă©coutĂ©, mais ce sont les moyens d’au mieux la rentabiliser qui ne sont pas encore totalement au point. Triste RĂ©alitĂ©! Ps Ce dossier fait partie d’une sĂ©rie de dossier sur l’industrie musicale qu’on continuera Ă  publier sur Musicfeelings. Merci Ă  Business Community, Ă  FindtheBusinessMoney, et aux Rollling Stones pour les sources citĂ©es dans l’article. N’hĂ©sitez pas Ă  nous rejoindre sur facebook pour d’autres articles.
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En juillet 2019, la France a enfin passĂ© une loi interdisant les violences Ă©ducatives ordinaires faites aux enfants
 Les VEO, inclut les fessĂ©es, les claques, les coups, mais aussi les humiliations, les moqueries et les insultes
La France devient ainsi le 56e État Ă  bannir les violences Ă©ducatives ordinaires et se met en adĂ©quation avec la Convention internationale des droits de l'enfant qu'elle a ratifiĂ©e il y a 29 son cĂŽtĂ©, la SuĂšde, est le premier pays Ă  avoir donnĂ© ces droits basiques Ă  ses enfants. Cette rĂ©volution s’est opĂ©rĂ©e il y a 41 Cuerq a vĂ©cu 7 ans en SuĂšde, lĂ  bas, elle a pu ĂȘtre tĂ©moin de cette sociĂ©tĂ© apaisĂ©e qui regarde l’enfant avec un profond respect. Via son expĂ©rience de jeune fille au pair, elle dĂ©cide de prendre sa camĂ©ra et de rĂ©aliser un premier documentaire
 quelques annĂ©es plus tard elle continue l’aventure et de lĂ  naĂźt le film “MĂȘme qu’on naĂźt imbattables” 1h40 que tout ĂȘtre humain devrait depuis quelques semaines, le documentaire n’est plus disponible
 Marion est en conflit avec la maison de production qui n’a pas respectĂ© ses droits les plus l’aider vous pouvez participer Ă  la cagnotte leetchi que ses amis ont mis en ligne et notamment le Dr Catherine Gueguen. Le lien est dans les bonne Ă©coutePetite prĂ©cision, avec le confinement j’ai créé une chaine Youtube oĂč j’ai commencĂ© Ă  mettre en ligne des cours de yoga pour femmes enceintes et en y faire un tour!A la semaine originale ClĂ©mentine SarlatProduction ClĂ©mentine SarlatEnregistrement ClĂ©mentine SarlatInvitĂ©e Marion CuerqMusiques libres de droits Musique intro by BELAIR Tonight TonightBelair from FugueMusique outro Abloom Lien web Sociaux Instagram Clem Sarlat + La Matrescence Vous pouvez consulter notre politique de confidentialitĂ© sur ainsi que la notice de confidentialitĂ© de la Californie sur
LesMercredis jeux des vacances de la Toussaint, CinĂ© DĂ©bat "MĂȘme qu'on naĂźt imbattables ! Le virus circule toujours et il est dangereux pour nous et nos proches. 04 78 45 80 48, Fax : Il faut vous renseigner auprĂšs de la mairie de Vaugneray pour savoir si la mairie dispose de cet Ă©quipement, les coordonnĂ©es de l'hĂŽtel de ville sont ci-dessous. Conduire en toute slide 1 1 MOHAMMED KHAÏR-EDDINE IL ÉTAIT UNE FOIS UN VIEUX COUPLE HEUREUX RĂ©cit ÉDITIONS DU SEUIL 27 rue Jacob Paris V ieslide 2 2 Qu’y a-t-il de plus fascinant et de plus inquiĂ©tant que des ruines rĂ©centes qui furent des demeures qu’on avait connues au temps oĂč la vallĂ©e vivait au rythme des saisons du labeur des hommes qui ne nĂ©gligeaient pas la moindre parcelle de terre pour assurer leur subsistance Ces maisons de pierre sĂšche bĂąties sur le flanc du roc Ă  quelques mĂštres seulement au-dessus de la vallĂ©e ne sont plus qu’un triste amas de dĂ©combres domaine incontestĂ© des reptiles des arachnides des rongeurs et des myriapodes. Le hĂ©risson y trouve ses proies mais il n’y gĂźte pas. Il y vient seulement chasser la nuit quand un clair de lune blafard fait surgir çà et lĂ  des formes furtives qu’on confondrait assurĂ©ment avec les anciens habitants des lieux disparus depuis longtemps peut-ĂȘtre au moment mĂȘme oĂč de nouveaux Ă©difices poussaient dans la vallĂ©e villas somptueuses palais et complexes ultramodernes copies conformes des bĂątiments riches et ostentatoires des grandes mĂ©gapoles du Nord. Une de ces ruines dresse des pans de murs difformes par-dessus un buisson touffus de ronces et de nopals et quelques amandiers vieux et squelettiques. Elle avait Ă©tĂ© la demeure d’un couple ĂągĂ© sans descendance qui n’attirait guĂšre l’attention car il vivait en silence presque en secret au milieu des familles nombreuses et bruyantes. L’homme avait longtemps sillonnĂ© le Nord et mĂȘme une partie de l’Europe disait-on Ă  la recherche d’une hypothĂ©tique fortune qu’il n’avait pas trouvĂ©e. Un sobriquet lui Ă©tait restĂ© de cette longue absence BouchaĂŻb car il avait dĂ» travailler Ă  Mazagan 1 . De la femme on savait peu de choses sinon qu’elle venait d’un village lointain d’une autre montagne sans doute. Depuis son retour au pays BouchaĂŻb n’était plus tentĂ© par le Nord. Il ne voyageait plus que pour se rendre Ă  tel ou tel moussem annuel comme celui de Sidi Hmad Ou Moussa... et il ne ratait jamais le souk hebdomadaire oĂč il allait Ă  dos d’ñne tous les mercredis. Un Ăąne timide et bien mieux traitĂ© que les baudets de la rĂ©gion. Il n’était jamais puni. Son maĂźtre y tenait comme Ă  un enfant et il le disait crĂ»ment aux persĂ©cuteurs des bĂȘtes. Ce gentil Ă©quidĂ© en imposait aux autres Ăąnes qu’il savait mettre au pas si nĂ©cessaire durant les battages de juin lors desquels on assistait Ă  des bagarres mĂ©morables entre animaux rendus fous par les grosses chaleurs ou par le rut que favorisait le nombre. BouchaĂŻb Ă©tait un fin lettrĂ©. Il possĂ©dait des vieux manuscrits relatifs Ă  la rĂ©gion et bien d’autres grimoires inaccessibles Ă  l’homme ordinaire. Il frĂ©quentait assidĂ»ment la mosquĂ©e ne ratait pas une seule priĂšre il Ă©tait aux yeux de tous un croyant exemplaire qui devrait nĂ©cessairement trouver sa place au Paradis. Il tenait la comptabilitĂ© de la mosquĂ©e sur un cahier d’écolier vert. Les biens de la mosquĂ©e Ă  savoir les rĂ©coltes allaient au fqih en exercice qui en Ă©tait le lĂ©gitime propriĂ©taire. À la communautĂ© de semer labourer etc. tout revenait Ă  l’imam en temps voulu. BouchaĂŻb qui Ă©tait un Anflouss 2 veillait au grain rien ne pouvait tromper sa perspicacitĂ©. Il Ă©tait l’écrivain public par excellence. Il rĂ©digeait les lettres qu’on envoyait aux siens par le truchement d’un voyageur plutĂŽt que par la poste. Il expliquait les rĂ©ponses et donnait des conseils aux indĂ©cis. Il vivait comme il l’entendait aprĂšs les vagabondages de jeunesse dont il Ă©vitait de parler. Le souvenir de cette existence d’errances et de dangers avait fini par dĂ©serter sa mĂ©moire. D’aucuns murmuraient qu’il avait Ă©tĂ© en prison dans le Nord Il a fait de la taule ce gaillard devenu un saint dans sa vieillesse » disaient-ils. Il a mĂȘme Ă©tĂ© soldat quelque part ajoutaient les plus finauds si c’est ça que vous appelez faire de la taule. Mais il a dĂ©sertĂ© car il trouvait ce mĂ©tier pĂ©nible et dangereux. » Rien de tout cela n’était tout Ă  fait juste seul le vieux BouchaĂŻb dĂ©tenait le secret de sa jeunesse enfuie. Cependant comme il fallait donner un sens Ă  tout certains n’hĂ©sitaient pas Ă  broder des histoires qui n’en collaient pas moins durablement au person- nage visĂ©. On ne pouvait pas se dĂ©faire d’un passĂ© peu glorieux ni des mensonges colportĂ©s par des gens de mauvaise foi. Mais peu lui importait ce qu’on disait de lui BouchaĂŻb n’accordait aucun crĂ©dit aux ragots qu’il savait ĂȘtre la seule arme des ratĂ©s. Il avait une Ă©choppe Ă  Mazagan. Il l’avait donnĂ©e en gĂ©rance Ă  un garçon d’un autre canton qui lui envoyait rĂ©guliĂšrement un mandat de quoi vivre Ă  l’aise dans ces confins oĂč l’on pouvait se contenter de peu. Ainsi le vieux couple mangeait-il de la viande plusieurs fois 1 - El-Jadida. 2 - Policier de 3 3 par mois. Des tagines prĂ©parĂ©s par la vieille qui s’y connaissait. Cela donnait lieu Ă  un rituel extrĂȘmement prĂ©cis. Seul le chat de la maison y assistait car il Ă©tait tout aussi intĂ©ressĂ© que le vieux couple. AprĂšs avoir mis un Ă©norme quignon Ă  cuire sous la cendre la vieille femme allumait un brasero et attendait que les braises soient bien rouges pour placer dessus un rĂ©cipient de terre dans lequel elle prĂ©parait soigneusement le mets. AllongĂ© sur un tapis noir rugueux en poils de bouc le Vieux sirotait son verre de thĂ© et fumait ses cigarettes qu’il roulait lui-mĂȘme. Ni l’un ni l’autre ne parlaient Ă  ce moment-lĂ . Chacun apprĂ©ciait ce calme crĂ©pusculaire qui baignait les environs d’une Ă©trange douceur et que seul le bruit des bĂȘtes rompait par intermittence. On avait apprĂȘtĂ© les lampes Ă  carbure et l’on attendait patiemment le dĂ©clin du jour pour les allumer. On pouvait manger et passer la nuit sur la terrasse car l’air Ă©tait agrĂ©able et le ciel prodigieusement Ă©toilĂ© on voyait nettement la Voie lactĂ©e qui semblait un plafond de diamants rayonnants. En observant cette fantastique chape de joyaux cosmiques le Vieux louait Dieu de lui avoir permis de vivre des moments de paix avec les seuls ĂȘtres qu’il aimĂąt sa femme son Ăąne et son chat car aucun de ces ĂȘtres n’était exclu de sa destinĂ©e pensait-il. De temps en temps il se remĂ©morait les vieilles lĂ©gendes mais sa pensĂ©e allait surtout s’égarer parmi ces feux chatoyants Ă  la fois proches et lointains. Est-ce lĂ  que se trouve le fameux Paradis se demandait-il. Et l’Enfer OĂč serait donc l’Enfer » Comme il n’y avait aucune rĂ©ponse il oubliait vite la question. Inutile de fouiller dans les mystĂšres cĂ©lestes pour savoir oĂč est ceci ou cela. L’air devenait de plus en plus agrĂ©able Ă  mesure que la nuit tombait. C’était l’heure oĂč la vieille allumait les deux lampes et oĂč les insectes appelĂ©s comme par un signal tombaient lourdement sur la terrasse. La vieille s’installait Ă  son tour Ă  cĂŽtĂ© du Vieux prenait son thĂ© sans rien dire. On Ă©coutait les mille et un petits bruits de la nature le jappement lointain du chacal la plainte du hibou le crissement des insectes et parfois le sifflement reconnaissable de certains serpents. Tous les prĂ©dateurs se prĂ©paraient Ă  la chasse une chasse risquĂ©e oĂč le plus fort pouvait survivre bien que le sort de la proie fĂ»t scellĂ© d’avance. Dans l’étable la vache avait fini de manger et comme elle ne meuglait pas la vieille femme pouvait la croire endormie. C’était sa bĂȘte favorite. Elle faisait comme elle les labours dĂšs les primes pluies d’octobre. Elle produisait un bon lait que la maĂźtresse de maison barattait dĂšs la traite matinale. Ensuite elle le mettait au frais pour le repas de midi. Elle obtenait un petit-lait lĂ©gĂšrement aigrelet qu’elle parfumait d’une pincĂ©e de thym moulu et de quelques gouttes d’huile d’argan. Le couscous d’orge aux lĂ©gumes de saison passait bien avec cela. Un couscous sans viande que le vieux couple apprĂ©ciait par-dessus tout. Pour la corvĂ©e d’eau la vieille allait au puits deux fois le matin. À son retour elle ne manquait jamais d’arroser copieusement un massif de menthe et d’absinthe dont elle dĂ©coupait quelques tiges pour le thĂ© qu’on consommait matin midi et soir. Les voisins avaient pris la fĂącheuse habitude de venir quĂ©mander quelques brins de ces plantes mais rien n’irritait le vieux couple qui aimait rendre ces menus services. On les aimait parce qu’ils n’avaient pas d’enfants aucun litige avec les gens et que aprĂšs eux leur lignĂ©e serait dĂ©finitivement Ă©teinte ce que tout le monde regretterait sans doute... oui on aimait ces deux vieillards. Mais personne n’osait aborder ce sujet tabou car l’homme stĂ©rile se considĂ©rait Ă  tort moins qu’un homme vu que son sperme n’était qu’une eau sans vie. Le Vieux ne pensait plus Ă  cela. Il savait que toute lignĂ©e avait une fin et il s’accommodait de cette Ă©vidence. C’est ailleurs que je recommencerai une autre jeunesse ailleurs qu’aura lieu le nouveau dĂ©part. Ici c’est fini. Mais est-ce qu’il est permis de se reproduire au Paradis » se disait-il. Des questions cul-de-sac qui ne menaient qu’à un mur infranchissable. Il n’avait donc aucun regret pas la moindre amertume. Au contraire il se sentait en paix avec son Ăąme heureux et totalement Ă©loignĂ© de certaines vanitĂ©s terrestres comme de possĂ©der une nichĂ©e bruyante et batailleuse qui vous attire surtout les remontrances et la hargne du voisinage. Il n’avait donc jamais enviĂ© les pĂšres de famille nombreuse et encore moins cesslide 4 4 pauvres hĂšres qui alignaient tellement d’enfants qu’ils en Ă©taient accablĂ©s. Il savait aussi que la plupart d’entre eux n’avaient aucun avenir et qu’ils rĂ©pĂ©teraient fatalement le mĂȘme processus de misĂšre en ce monde frĂ©nĂ©tique et dur. Beaucoup quittaient le pays et allaient s’échouer dans un quelconque bidonville du Nord. Ils ne revenaient plus au village. Les plus chanceux Ă©taient engagĂ©s en Europe comme mineurs de fond. Et ceux qui trimaient Ă  Casablanca ne relevaient la tĂȘte que s’ils Ă©taient soutenus par les Ă©piciers. Ils apprenaient alors le mĂ©tier sur le tas et finissaient souvent par ouvrir un magasin d’alimentation. Non DĂ©cidĂ©ment je n’envie pas le sort de ces reproducteurs. Sa vieille femme interrompit ses rĂ©flexions. - À quoi penses-tu donc dit-elle. Il ne rĂ©pondit pas tout de suite. Il s’écoula un bon moment puis il dit - À quoi je pense Eh bien Ă  tous ces gens qui ont trop d’enfants et qui ne peuvent mĂȘme pas les nourrir. - Eh bien moi je suis une grand-mĂšre sans petits-enfants mais je suis heureuse. - C’est ce que je pense moi-mĂȘme. Sers-nous donc Ă  dĂźner. Non attends un peu Je dois d’abord faire ma priĂšre. Il se leva fit sa priĂšre puis revint. Ils mangĂšrent calmement en devisant. Il lui parla de sa journĂ©e Ă  la mosquĂ©e. Elle l’entretint de la vache de ses poules bonnes pondeuses qu’un chat sauvage Ă©gorgeait depuis peu. - Qu’est-ce que tu peux faire contre lui dit-elle. - Lui tendre un piĂšge. AprĂšs quoi
 - Mais tu as dĂ©jĂ  essayĂ© Au lieu de ce maudit chat c’est le coq blanc ton prĂ©fĂ©rĂ© qui a Ă©tĂ© pris. - Je mettrai le piĂšge oĂč la volaille ne peut pas aller c’est tout. J’ai mon idĂ©e lĂ - dessus. - Merci. - Ton tagine est fameux. Et le pain aussi. Elle rit. - Dieu nous en fasse profiter dit-elle. Ils se resservirent du thĂ©. - Cette annĂ©e a Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique il a beaucoup plu. Il est mĂȘme tombĂ© de la neige sur les hauteurs. Les moissons approchent. Tout le monde s’y prĂ©pare. As-tu pensĂ© aux moissons demanda le Vieux. - Oui j’y pense. Je trouverai bien quelqu’un pour m’aider. Il y a un tas de jeunes filles disponibles et serviables. - Que Dieu t’entende Ils parlĂšrent encore un bon moment. Le Vieux fumait en avalant de toutes petites gorgĂ©es de ce thĂ© vert de Chine qu’un ami lui envoyait de France. Un thĂ© prohibĂ© qu’il apprĂ©ciait plus que tout au monde. Plus tard ils s’allongĂšrent cĂŽte Ă  cĂŽte et s’endormirent sous le ciel Ă©toilĂ© du 5 5 Mais qu’est-ce que vous nous dites lĂ  Des gens d’ici seraient-ils recherchĂ©s par la police Mais qu’ont-ils donc fait et qui sont-ils » Un Mokhazni armĂ© d’un 36 Ă©tait venu ce jour-lĂ  Ă  la mosquĂ©e en compagnie du Mokaddem. Il exhibait une liste de noms de gens recherchĂ©s Casablanca pour faits de rĂ©sistance - ce qu’on appelait le terrorisme Ă  l’époque. Et c’est en sa qualitĂ© d’Anflouss que BouchaĂŻb le reçut. Dans toutes les villes du Nord la rĂ©sistance Ă  l’occupation Ă©tait trĂšs active. Il y avait des attentats Ă  la bombe des rafles massives et des exĂ©cutions sommaires. Les traĂźtres Ă©taient chĂątiĂ©s sans pitiĂ© mais les feddaĂŻns payaient de leur vie leurs exploits. Comme Zerktouni ou Allal ben Abdallah... Certains commerçants nationalistes qui aidaient financiĂšrement la rĂ©sistance Ă©taient connus des services secrets mais on ne pouvait pas les arrĂȘter car ils s’étaient fondus dans la nature. On pensait donc qu’ils Ă©taient allĂ©s se cacher dans leur village d’origine. Certains d’entre eux s’y trouvaient bel et bien mais nul n’osait les dĂ©noncer pas mĂȘme le Mokaddem ni le Cheik qui les frĂ©quentaient quotidiennement dĂ©jeunaient ou jouaient aux cartes avec eux. Le Cheik Ă©tait lui-mĂȘme un rĂ©sistant notoire il militait pour l’indĂ©pendance. Non On ne les a pas vus ici depuis des annĂ©es dit BouchaĂŻb. Vous perdez votre temps et vous nous faites perdre le nĂŽtre. Retournez plutĂŽt chez votre capitaine et faites- lui savoir que ces gens-lĂ  ne sont pas revenus ici depuis des annĂ©es. - D’accord. Mais on croit que
 - On peut croire ce qu’on veut. Ils ne sont pas ici un point c’est tout. » Le Mokhazni repartit sans avoir obtenu le moindre renseignement ni le plus petit indice de leur prĂ©sence. Il reprit le chemin du bureau en jurant avoir reconnu en la personne d’Untel l’un de ces fugitifs mais il n’en Ă©tait pas vraiment sĂ»r. Nous ne sommes pas des traĂźtres dit BouchaĂŻb au Mokaddem. - Ah ça non » Cependant il informa les intĂ©ressĂ©s de cette visite mais ils ne s’inquiĂ©tĂšrent pas. Tout ça c’est du vent. Qui peut nous atteindre ici Il faudrait une armĂ©e. Quand on est dans la montagne on est insaisissable » dirent-ils. Cet incident n’eut pas de suite. Les rĂ©sistants continuĂšrent de vivre leur exil chez eux jusqu’à l’indĂ©pendance. Ce souvenir Ă©tait si cher au vieil homme qu’il en reparlait souvent. Cette Ă©poque Ă©tait celle de l’enthousiasme du sacrifice et de l’honneur. OĂč est tout cela Ă  prĂ©sent » affirmait-il puis il revenait au quotidien. Un quotidien calme qu’il apprĂ©ciait car il n’avait aucun souci Ă  se faire et sa seule obligation Ă©tait de vivre et de prier. Ses journĂ©es se passaient entre la mosquĂ©e les champs et la maison oĂč aprĂšs le repas de midi il faisait une longue sieste Ă  l’abri de la canicule qui rĂ©gnait dehors. Il dormait dans un coin frais du rez-de-chaussĂ©e oĂč seul le bourdonnement des mouches prises dans des toiles d’araignĂ©e se faisait entendre. Ce bruit ne le dĂ©rangeait pas. Il reprĂ©sentait pour lui l’une des musiques secrĂštes de la vie un langage essentiel adaptĂ© Ă  l’univers des ĂȘtres qui luttent contre la mort omniprĂ©sente. - Ce soir j’irai mettre des piĂšges. On mangera du liĂšvre demain. Il avait plusieurs assortiments de piĂšges et il savait oĂč les tendre pour capturer tel ou tel gibier. Il aimait bien la chair du porc-Ă©pic mais il lui prĂ©fĂ©rait celle du liĂšvre qui sentait bon les aromates. Et c’est sans surprise que le lendemain Ă  l’aube il rapporta deux liĂšvres qu’ils dĂ©gustĂšrent sa femme et lui le soir mĂȘme sur la terrasse. Le chat eut une grosse part. - J’ai donnĂ© un peu de ce gibier Ă  la voisine dit la voisine dit la vieille. - Tu as bien fait. Elle ne mange pratiquement pas de viande. Une fois l’an peut-ĂȘtre Ă  l’occasion de l’AĂŻd si des gens charitables lui en offrent. Il y a longtemps qu’elle vit seule. Elle n’a personne au monde. Il faut penser Ă  cette femme de temps en temps recommanda le Vieux. - Je pense souvent Ă  elle je ne la nĂ©glige 6 6 Cette pauvre vieille vivait dans une immense bĂątisse en partie dĂ©labrĂ©e parmi des multitudes de rats et de chauves-souris. Elle Ă©tait encore assez vigoureuse pour entretenir une vache et s’occuper des corvĂ©es journaliĂšres. Tout le voisinage la respectait et l’aidait. Elle ne manquait de rien en vĂ©ritĂ©. On la surnommait Talouqit 1 sans trop savoir pourquoi. Il y avait ainsi de ces noms bizarres que les gens portaient comme une tunique Ă©limĂ©e et dont ils ignoraient la provenance. Pendant les fĂȘtes elle faisait elle-mĂȘme le pain communautaire car elle avait dans la cour de sa maison un grand four en terre battue qu’elle utilisait Ă  merveille. Les enfants qui venaient lĂ  ne repartaient pas sans emporter une galette rembourrĂ©e d’un oeuf dur en coque cuit Ă  l’intĂ©rieur de la pĂąte. On aimait cette femme dont on savait seulement qu’elle Ă©tait une sainte et qu’elle lisait et Ă©crivait cou- ramment en arabe classique et en berbĂšre 2 . Elle tenait ces connaissances de ses ancĂȘtres qui Ă©taient des cheiks vĂ©nĂ©rĂ©s fait rare dans le clan des AĂŻt Al Hassan qui prĂ©fĂ©raient la guerre Ă  la science. C’était donc une Tagourramte 3 capable d’engager une joute verbale avec n’importe quel alim 4 . Mais elle Ă©vitait de passer pour une guĂ©risseuse mĂȘme occasionnellement alors qu’elle n’ignorait rien des vertus des simples seule pharmacopĂ©e de l’époque. Cependant elle dut parfois soigner des enfants atteints de typhoĂŻde ou de toute autre maladie grave. Les enfants sont des anges disait-elle. Je peux les soigner mais c’est Dieu qui les guĂ©rit. » Elle ne vendait donc pas son savoir au premier venu comme ces charlatans qui infestaient les souks et les rassemblements saisonniers. Elle s’occupait tout particuliĂšrement des maĂąroufs 5 comme celui de Sidi Bourja dont le monument funĂ©raire dominait l’entrĂ©e d’un ancien cimetiĂšre ceint d’un mur de pierre et d’épineux Ă  l’écart du village et tout Ă  cĂŽtĂ© de ruines presque entiĂšrement effacĂ©es si bien qu’on ne savait rien du nom du site. Au vrai personne ne connaissait l’histoire de la rĂ©gion. Les Ă©crits qui lui Ă©taient consacrĂ©s Ă©taient rares et indĂ©cryptables. Il aurait fallu le concours d’experts pour les traduire en clair ce qui n’ intĂ©ressait personne vu l’insignifiance historique de ces lieux reculĂ©s oĂč l’on avait coutume de se rĂ©fugier pour fuir les envahisseurs de tout poil qui s’emparaient surtout des plaines cĂŽtiĂšres et des ports. Ces peuples des montagnes n’avaient connu que des guerres des vendettas et quand l’étranger ne les inquiĂ©tait pas ils s’étripaient entre eux s’engageant ainsi dans des luttes intestines sanglantes et interminables. - Talouqit est une sainte femme dit le Vieux. - Tout le monde en convient rĂ©pondit la vieille. Elle est capable de rĂ©citer le Coran d’une seule traite. - Elle me fait penser Ă  Lalla Tiizza Tasemlalt sainte et savante dont on dit peut-ĂȘtre Ă  tort qu’elle fut la maĂźtresse attitrĂ©e de Sidi Hmad Ou Moussa n’Zzaouit le saint aux mille et un miracles et prodiges. - Que ne dit-on pas On fabrique des histoires Ă  dĂ©faut de dĂ©tenir la stricte vĂ©ritĂ© rĂ©torqua la vieille. Les gens sont plus mauvais que la teigne. Pire On peut soigner la teigne mais on ne peut changer les mentalitĂ©s. - En tout cas il n’y a plus de femme de ce genre prĂ©cisa la vieille. Il n’y a plus que des ignorantes bĂątĂ©es qui triment sous le soleil ou dans la tourmente. - C’est vrai L’ignorance fait des ravages. Nous n’appartenons pas Ă  cette Ă©poque. Nous ne crĂ©ons rien mais nous consommons tout. Serions-nous donc inutiles Nous ne valons pas grand-chose crois-moi. Un jour peut-ĂȘtre... Les peuples du monde entier avancent dans la lumiĂšre d’un jour nouveau pendant que nous stagnons au fond d’une obscuritĂ© semblable Ă  une eau croupie qui dĂ©jĂ  pue la vermine. Mais ce n’est pas Ă  ça 1 - BoĂźte d’allumettes 2 - Le Tifinagh. 3 - Sainte 4 - Savant en science religieuse. 5 - Sacrifice rituel et repas en commun sous l’égide d’un 7 7 que je pense. Je ne pense qu’à moi seul en ce moment. Je ne laisserai rien derriĂšre moi en disparaissant. Le monde peut trĂšs bien se passer de moi car mĂȘme ceux qui m’enterreront ne seront pas de mon sang. C’est aussi bien comme ça. On est venu tout nu on repart tout nu. C’est de l’autre cĂŽtĂ© du visible qu’existe le miracle tant espĂ©rĂ© mĂȘme par les ProphĂštes et c’est pourquoi je prie Dieu de me prĂ©server des turpitudes d’ici-bas. - C’est de la tristesse dit la vieille. - Eh non Je suis logique avec moi-mĂȘme c’est tout. Tu sais il y a quand mĂȘme de trĂšs bonnes choses comme ce dĂźner par exemple. Mais avant de nous coucher j’aimerais t’apprendre une chose... ou plutĂŽt deux. Tout d’abord demain nous offrons un grand sacrifice Ă  la mosquĂ©e. Deux boeufs seront Ă©gorgĂ©s. Chaque famille aura sa part de viande et il y aura un repas commun auquel seuls les hommes participeront. Ce sera magnifique. Et maintenant voici l’autre chose depuis quelque temps je fais un rĂȘve absurde toujours le mĂȘme. Il y a lĂ  un grand arbre un amandier vĂ©nĂ©rable plus haut que tous les autres... et sur ses branches supĂ©rieures beaucoup d’amandes qu’il est impossible de gauler sans grimper. FascinĂ© par elles je n’hĂ©site pas je monte... et c’est au moment oĂč je lĂšve le bras pour gauler que je perds l’équilibre et tombe. Et puis plus rien. Qu’est-ce que ça veut dire - Je ne sais pas. Mais tu devrais faire attention. À ton Ăąge on ne grimpe plus aux arbres. Dors bien et rĂȘve d’autre 8 8 Cette nuit-lĂ  encore il rĂȘva du mĂȘme arbre. C’était le mĂȘme scĂ©nario. Ce qui le turlupinait c’était de ne pas pouvoir donner un sens Ă  ce songe obsĂ©dant. Il aurait pu en toucher un mot au fqih mais il ne le fit pas. AprĂšs tout presque tous les rĂȘves relĂšvent de l’absurditĂ© pure et simple pensait-il. Mais pourquoi celui-ci fausse-t-il ma gaietĂ© » En se rendant Ă  la mosquĂ©e il oublia complĂštement cet incident. Il rencontra le boucher et un vĂ©nĂ©rable vieillard qui ne sortait de chez lui qu’occasionnellement. Ils empruntĂšrent le mĂȘme chemin montant aidant le vieux Ă  avancer et ce jusqu’à la mosquĂ©e situĂ©e tout en haut du village raison pour laquelle on l’appelait Timzguid n’t Gadirt 1 . Cette mosquĂ©e aujourd’hui dĂ©saffectĂ©e a Ă©tĂ© remplacĂ©e par un Ă©difice en bĂ©ton dotĂ© de panneaux solaires et situĂ© sur le sol ferme et non plus sur la roche granitique. Elle ne dĂ©semplit pas car son accĂšs est aisĂ©. On ne s’essouffle pas pour y parvenir. MĂȘme les plus rĂ©fractaires Ă  la marche Ă  pied s’y rendent. ArrivĂ©s tout en haut Ă  destination BouchaĂŻb et le boucher quittĂšrent le vieillard et allĂšrent voir les bĂȘtes du sacrifice. C’étaient deux boeufs Ă©normes un noir et un rouquin. DĂšs qu’ils les virent les bovins s’agitĂšrent et tentĂšrent de se relever mais ils ne le purent car ils portaient des noeuds de corde aux quatre pattes. Leurs naseaux fumaient sous le soleil matinal et l’on sentait une odeur Ăącre de bouse et d’urine. Les bĂȘtes avaient passĂ© la nuit ici mĂȘme sous la surveillance d’un gardien. - Ils ont coĂ»tĂ© cher dit BouchaĂŻb mais la mosquĂ©e a les moyens et les commerçants du Nord sont gĂ©nĂ©reux quoi qu’on dise. Ailleurs il y a des mosquĂ©es tellement pauvres que leur imam porte des guenilles pouilleuses. Il lui arrive mĂȘme parfois de jeĂ»ner faute d’avoir quelque chose Ă  se mettre sous la dent. - C’est bien ennuyeux dit le boucher. Il y avait foule sur la place. Certains hommes fumaient de longues pipes en bavardant pendant qu’un groupe de Noirs leur servaient le thĂ©. Des enfants morveux et dĂ©penaillĂ©s couraient les uns aprĂšs les autres crĂąne rasĂ© et houppe au vent. Ils avaient congĂ© ce jour-lĂ  mais ils prĂ©fĂ©raient assister au sacrifice qu’aller se baigner dans le torrent. Leurs criailleries exaspĂ©raient certains fumeurs qui les vouaient Ă  tous les diables mais ces effrontĂ©s n’en avaient cure. Le goĂ»t du sang et de la fĂȘte Ă©tait plus fort qu’une admonestation ou mĂȘme une gifle. Aussi ne pleuraient-ils pas quand ils en recevaient une. Ils s’empourpraient seulement et se remettaient Ă  crier plus fort qu’auparavant. On les verrait tout Ă  l’heure courir aprĂšs les boeufs auxquels on faisait faire plusieurs fois le tour de la mosquĂ©e avant le sacrifice. Au moment dĂ©cisif ils regarderaient couler le sang Ă  gros bouillons sans Ă©prouver d’effroi. Ils trouveraient naturel qu’on Ă©gorgeĂąt d’aussi grosses bĂȘtes et ils se dĂ©lecteraient de leur viande rouge aprĂšs avoir jouĂ© au ballon avec leur vessie encore humide. De grands kanouns 2 Ă©taient dĂ©jĂ  allumĂ©s Ă  l’écart. On avait apportĂ© d’énormes marmites pour la cuisson du repas communautaire. Il n’y aurait pas de couscous vu le temps que sa prĂ©paration demandait mais on servirait un Ă©norme tagine agrĂ©mentĂ© de lĂ©gumes divers. Le pain viendrait des fours du voisinage oĂč les femmes s’activaient depuis le lever du jour. AprĂšs cette grande agape les inflass procĂ©deraient au partage Ă©quitable de la viande destinĂ©e aux familles puis tous rentreraient chez eux repus et satisfaits. Ainsi se passa cette mĂ©morable fĂȘte qui n’eut pas d’équivalent par la suite. 1 - MosquĂ©e haute » tagadirt signifiant ici hauteur ». 2 - 9 9 Le vieux BouchaĂŻb raconta l’évĂ©nement Ă  sa femme mais cette affaire d’hommes ne l’intĂ©ressait pas. Elle apprĂ©cia nĂ©anmoins le lot de viande que le Vieux avait rapportĂ©e. - Tiens Pour une fois tu n’iras pas au souk dit-elle. - C’est aussi bien rĂ©pondit le Vieux. Nous avons tout ce qu’il faut ici pour au moins quinze jours. - Qu’est-ce que tu veux pour ce soir Du liĂšvre - Il en reste encore - Oui. - Alors prĂ©pare-le. Ils Ă©taient assis sur une natte de jonc dans une petite piĂšce rectangulaire qui donnait directement sur la vallĂ©e. On voyait nettement la cime des grands palmiers-dattiers et quelques vieux caroubiers plus prĂšs de la maison... On entendait le croassement des corbeaux rĂ©fugiĂ©s sur les palmes le roucoulement des tourterelles dans les oliviers et les arganiers et la stridulation insistante des cigales. À un moment donnĂ© un coup de feu claqua. BouchaĂŻb alla regarder par la fenĂȘtre puis il dit - C’est Hmad qui chasse le corbeau. Sa femme est malade elle besoin de la chair de ce volatile. - La pauvre - Elle est plus jeune que toi mais si Ă©puisĂ©e par ses grossesses qu’elle tient Ă  peine debout. - On ne la voit jamais. On ne sait pas Ă  quoi elle ressemble. - C’est une recluse. Hmad n’aime pas voir traĂźner ses femmes dehors. Il les saignerait plutĂŽt - Ce serait dommage Ses filles sont belles. - Personne ne peut leur manquer d’égards on connaĂźt l’esprit de vengeance de Hmad. Il va donc les vendre au plus offrant. - On dit de lui qu’il a tuĂ© au moins cent personnes avant l’arrivĂ©e des Français. - Oh Beaucoup plus Nul ne connaĂźt le nombre exact de ses victimes. Il Ă©tait le maĂźtre de la rĂ©gion pour ainsi dire. Mais aujourd’hui il ne lui reste que son fusil de chasse. Comme les temps ont changĂ© hein - Mais il est toujours craint. - Oui. Aussi ne frĂ©quente-t-il personne. Qui frĂ©quenterait un ancien tueur Ses semblables sont morts depuis longtemps. Il est tout seul maintenant. Tout seul certes mais solide et dangereux aussi dangereux qu’un cobra d’Égypte. Assez parlĂ© de ça PrĂ©pare- nous donc un bon thĂ©. Celui que j’ai pris Ă  la mosquĂ©e Ă©tait infect. - Tu n’entends pas chanter la bouilloire - Si. - Veux-tu des amandes grillĂ©es - Des amandes et des dattes. Elle apporta les friandises. Il aimait les fruits secs. - Ces dattes viennent d’AlgĂ©rie plus exactement de Biskra. Elles sont de loin les meilleures. - Trop sucrĂ©es. - C’est ce qui les diffĂ©rencie des dattes locales. Celles-lĂ  valent trĂšs cher. On ne peut les manger qu’en buvant du lait. C’est ce que font les Touaregs. As-tu dĂ©jĂ  vu des Touaregs Elle ne rĂ©pondit pas. - Non Ce sont des nomades qui possĂšdent d’immenses troupeaux mais ils ne mangent pratiquement pas de viande. Ils vivent seulement de lait de chamelle et de dattes. Ils sont particuliĂšrement rudes. Des BerbĂšres comme nous. Leurs femmes seules sont lettrĂ©es. Elles lisent et elles Ă©crivent. Elles connaissent la vieille Ă©criture berbĂšre leslide 10 10 Tifinagh... et elles composent des poĂšmes et des chansons. - On dirait que tu les connais bien. - Oui. J’ai Ă©tĂ© spahi au Sahara mais j’ai dĂ©sertĂ©. Et quand on m’a rattrapĂ© on m’a jetĂ© en prison. J’ai passĂ© cinq ans de ma vie dans les prisons militaires. J’ai cassĂ© des pierres sous le soleil ardent. J’ai tentĂ© maintes fois de m’évader mais on m’a repris rouĂ© de coups et enchaĂźnĂ© Ă  des boulets lourds que je traĂźnais derriĂšre moi. Quand j’avais soif on me refusait l’eau. On n’en a pas pour toi » me rĂ©pondait-on. - Tu ne m’avais jamais racontĂ© ça dit la vieille. - À quoi bon Tu sais ce sont des choses sans importance. - Des choses sans importance Tu aurais pu y laisser ta peau. - D’autres ont souffert plus que moi ils n’en sont point morts. Va c’est le moral qui compte. Elle servit le thĂ©. La piĂšce Ă©tait fraĂźche bien qu’il fĂźt dehors une tempĂ©rature d’enfer. - Tu penses toujours Ă  ton rĂȘve demanda la vieille. - Maudit soit-il Il revient toutes les nuits comme un vautour prĂȘt Ă  fondre sur un malheureux blessĂ©. - Oublie-le donc - C’est lui qui ne m’oublie pas dit-il. Il but son thĂ© Ă  petites gorgĂ©es fuma plusieurs cigarettes. Cette brusque escapade dans le passĂ© avait rouvert certaines plaies qu’il croyait cicatrisĂ©es depuis longtemps. Il se revit errant de ville en ville Ă  la recherche d’un travail mais il n’y avait rien. La misĂšre rĂ©gnait partout et une grande Ă©pidĂ©mie de typhus emportait les plus faibles. Seuls les EuropĂ©ens Ă©taient soignĂ©s Ă  temps. Cette maladie sĂ©vissait surtout dans le peuple chez les indigĂšnes comme on les appelait alors. Il y avait des poux partout. Chez les EuropĂ©ens les poux n’existaient pas. Certains esprits moqueurs disaient Qui n’a pas de poux n’est pas musulman... » Les Français vivaient dans la propretĂ© tandis que les indigĂšnes s’entassaient les uns sur les autres dans des gourbis confinĂ©s. Plusieurs annĂ©es de sĂ©cheresse avaient appauvri la campagne jadis riche en cĂ©rĂ©ales qu’on exportait vers l’Europe. Maintenant les paysans se nourrissaient de racines et de tubercules eux aussi trĂšs rares. Les morts se chiffraient par milliers C’est la racaille qui crĂšve disait-on. Bon dĂ©barras » Les colons rĂ©cupĂ©raient ainsi des terres abandonnĂ©es. Ils foraient des puits plantaient des orangers semaient du blĂ©. Ils prospĂ©raient sur ces terres qui n’avaient vu que des cadavres. Les humbles fellahs d’autrefois se voyaient contraints de travailler au service des nouveaux maĂźtres pour survivre. Ceux qui avaient eu la chance d’ĂȘtre engagĂ©s pouvaient compter sur l’aide du maĂźtre. Ils Ă©taient alors pris en charge soignĂ©s bien nourris et ils pouvaient Ă©chapper au sort tragique qui dĂ©cimait les gens des noualas 1 et autres hameaux qu’on finissait par dĂ©serter pour fuir une mort certaine. Des masses d’hommes envahissaient les villes et se retrouvaient parquĂ©s dans des bidonvilles dĂ©jĂ  surpeuplĂ©s. Rares Ă©taient ceux qui travaillaient. En Europe la Guerre durait depuis deux ans. Seules les usines d’armement allemandes fonctionnaient. La France Ă©tait sous la botte nazie mais les autoritĂ©s coloniales qui Ă©taient vichystes envoyaient tout en mĂ©tropole. Il n’y avait donc rien Ă  manger pour les autochtones. Avec le dĂ©barquement amĂ©ricain de 1942 qui cloua au sol la flotte aĂ©rienne française fidĂšle au marĂ©chal PĂ©tain les choses se remirent Ă  fonctionner Ă  peu prĂšs normalement. On ouvrit des chantiers le dollar coula Ă  flot. Les bases militaires amĂ©ricaines employant beaucoup de Marocains l’arriĂšre-pays en profita. On soignait les malades. Du jour au lendemain le typhus disparut. Et comme par hasard la pluie se remit Ă  tomber. Les campagnes reverdirent. On se remit Ă  procrĂ©er. 1 - 11 11 L’armĂ©e française engagea des jeunes qu’on envoya sur les fronts d’Europe en Italie et ailleurs. On rendit hommage Ă  la bravoure du Marocain tout en oubliant qu’on l’avait jusque-lĂ  mĂ©prisĂ©. On promit mĂȘme l’indĂ©pendance Ă  Mohammed V lorsque la Guerre serait finie mais on oublia ce serment. L’euphorie des lendemains de la Guerre Ă©tait telle qu’on recommença Ă  traiter le colonisĂ© de sous-homme de turbulent et d’ignorant congĂ©nital. D’arriĂ©rĂ© pathologique en quelque sorte. Le Marocain ouvrit des Ă©coles privĂ©es pour instruire ses enfants. Il lutta fermement pour sa libertĂ©. Les prisons Ă©taient pleines Ă  craquer de rĂ©sistants. Les exĂ©cutions sommaires Ă©taient monnaie courante. On en Ă©tait lĂ  au moment oĂč le Mokhazni Ă©tait venu se renseigner sur les fugitifs recherchĂ©s par la police. BouchaĂŻb l’avait renvoyĂ© sans autre forme de procĂšs. Ils Ă©taient bel et bien au village. Ils se rendaient mĂȘme au souk de temps en temps mais ils savaient se fondre dans la foule et disparaĂźtre au bon moment. On entendait depuis quelques jours l’explosion de mines... C’était l’un de ces recherchĂ©s qui brisait un flanc de la montagne pour agrandir sa maison. Il avait besoin de pierre pour cela. Il avait rĂ©ussi le tour de force de se faire dĂ©livrer par le capitaine commandant le canton une autorisation d’achat d’explosifs. Il avait dĂ» fournir une fausse identitĂ© sans doute. Ou soudoyer un fonctionnaire... Nul n’en savait rien. BouchaĂŻb qui allait chez lui pour Ă©couter la radio la seule radio du village Ă©tait au courant de ce qui se passait dans les villes du Nord. Chaque jour des traĂźtres Ă©taient exĂ©cutĂ©s des bombes explosaient dans les marchĂ©s europĂ©ens et aux terrasses de certains cafĂ©s Ă  l’heure de l’apĂ©ritif. Des journaux interdits se vendaient sous le manteau. On Ă©coutait comme une parole sacrĂ©e La Voix des Arabes Ă©mise depuis Le Caire. On avait le moral car on estimait qu’on pouvait gagner. En AlgĂ©rie mĂȘme et aprĂšs la dĂ©faite de DiĂȘn BiĂȘn Phu la guerre de libĂ©ration avait commencĂ©. Le colonialiste Ă©tait aux abois mais il ne l’admettait pas encore. On n’en Ă©tait pas encore lĂ . Il allait se ruiner dans cette aventure et accepter l’inacceptable Ă  savoir l’indĂ©pendance des opprimĂ©s. BouchaĂŻb qui aurait pu prendre du galon dans l’armĂ©e comme tant d’autres prĂ©fĂ©ra la vie simple aux risques et aux honneurs. C’est pourquoi il s’était retirĂ© chez lui aprĂšs s’ĂȘtre dĂ©menĂ© comme un diable dans les provinces du Nord. Il s’était donc mariĂ© avec une cousine lointaine et s’était mis Ă  cultiver la terre des ancĂȘtres. Il avait trouvĂ© lĂ  une paix royale car il adorait la nature vierge. Et quand il pleuvait c’était l’abondance. La vie reprenait toujours le dessus. On Ă©tait loin de l’agitation des villes des massacres et autres rĂšglements de comptes. Ici on Ă©tait en sĂ»retĂ© on pouvait sortir vaquer Ă  ses occupations sans risquer de recevoir une balle dans la peau. BouchaĂŻb aimait jardiner. Il avait plantĂ© des arbres fruitiers des oliviers des amandiers et mĂȘme un bananier chose inconnue dans la rĂ©gion. Quand il trouvait un nid dans un arbre il Ă©tait heureux. Il considĂ©rait les oiseaux qui venaient dans ses champs comme ses protĂ©gĂ©s. Il avait chassĂ© les gosses qui s’en prenaient Ă  ces oiseaux paisibles et mis durement Ă  l’amende leurs parents en tant qu’anflouss. Ceux-ci durent morigĂ©ner leur progĂ©niture car plus personne ne pilla les nids. Attenant Ă  sa maison un petit verger produisait des clĂ©mentines des oranges et des figues ces petites figues noires dont les merles se rĂ©galent dĂšs qu’elles commencent Ă  mĂ»rir. BouchaĂŻb permet-tait Ă  ces oiseaux dont il apprĂ©ciait le chant de partager sa subsistance. Aussi ne fuyaient-ils jamais Ă  son approche. Comme les oiseaux ne le redoutaient pas on le prenait Ă  tort pour un saint ou un magicien. Lui seul savait que l’amour Ă©tait le lien qui l’unissait Ă  ces ĂȘtres peureux et fragiles. Un animal reconnaĂźt trĂšs vite la bontĂ© chez l’homme. Il sait aussi discerner le mal lĂ  oĂč il se trouve. D’aucuns croient que la huppe l’oiseau de Salomon y voit Ă  vingt pieds sous terre. Les gens de Mogador 1 avalent tout cru son coeur palpitant pour acquĂ©rir encore plus de perspicacitĂ©. Superstition Sans doute. Cependant ce bel oiseau si rare et solitaire fascine encore tous ceux qui le regardent. On n’en voit que rarement. Mais on se sent tout Ă  coup heureux quand on en voit un’ dans un prĂ©. Un oiseau seigneurial. 1 - 12 12 - Tu ne voudrais pas faire ta sieste dit la vieille. - Hein Ma sieste Eh bien pourquoi pas Comme tu me vois j’étais en train de rĂȘver. - De ton arbre - Dieu m’en garde Non Du passĂ© et de certaines autres choses. De la vie quoi. - Tu revis ton passĂ© - Oui. Mais il est si effrayant si misĂ©rable qu’il serait peut-ĂȘtre prĂ©fĂ©rable de l’oublier. - Ton passĂ© - Le mien celui des autres. Les grandes misĂšres de l’époque la famine les Ă©pidĂ©mies l’anĂ©antissement collectif. - Je n’ai jamais connu ça 13 13 Les gens d’ici ne connaissent rien. Ils ont toujours relativement bien vĂ©cu. Ce sont ceux du Nord qui ont souffert. Dans les montagnes on est habituĂ© Ă  vivre Ă  la dure. Quand une chose vient Ă  manquer on lui trouve tout de suite un substitut. LĂ -bas quand une chose s’épuise tout s’épuise y compris le corps. Qu’il y ait une guerre par exemple et tout est remis en cause. Le sort implacable qui a mille tours dans son sac s’en mĂȘle. Tous les malheurs s’abattent sur ces pauvres gens en mĂȘme temps. Les familles se disloquent les maladies minent la population on erre sans but on mendie on perd toute dignitĂ© humaine. - On ne connaĂźt pas ça ici dit la vieille. - Eh non Ici on est tranquille. On vit avec les saisons et au jour le jour on apprĂ©cie l’instant Ă  sa juste mesure. Chaque minute de la vie compte. N’est-ce pas le bonheur suprĂȘme - Bien sĂ»r que oui. - C’est pour cette raison que je n’aime plus le Nord ni ses villes tonitruantes ni ses campagnes. Et pourtant que n’ai-je chapardĂ© dans les fermes uniquement pour survivre La famine Ă©tait terrible. Les gens mouraient en masse. Des dizaines et des dizaines s’en allaient comme ça... Moi je trouvais toujours le moyen de voler quelque chose n’importe quoi pour ne pas crever de faim... C’était le vol ou la mort J’ai moins souffert en prison qu’en libertĂ©. Elle Ă©tait tout le contraire de ce qu’elle signifiait alors. Être libre et crever de faim merci Redonne-moi donc un peu de thĂ© et quelques amandes grillĂ©es. Elle le servit. Il alluma sa Ă©niĂšme cigarette et reprit - À cette Ă©poque sombre seuls les EuropĂ©ens vivaient bien. Ils avaient des mĂ©decins des aliments. Ils savaient vivre. Mais ils vivaient entre eux et pour eux-mĂȘmes. Les autres ne les intĂ©ressaient pas. Ils pouvaient bien crever ça ne les dĂ©rangeait pas. Seuls quelques Marocains trĂšs riches vivaient aussi bien qu’eux. Le sort du peuple Ils s’en foutaient muant aux juifs ils croupissaient dans les Mellahs. Ils Ă©taient aussi misĂ©rables que les musulmans les plus misĂ©rables. Les uns et les autres priaient le mĂȘme dieu mais ils ne se comprenaient pas. Chacun suspectait l’autre de fĂ©lonie de mauvaise foi de filouterie... Et cette discorde profitait surtout aux plus riches Ă  ceux qui tiraient les ficelles. On dressait le BerbĂšre contre l’Arabe le juif contre les deux autres au moment mĂȘme oĂč Hitler en massacrait des millions. Six millions de juifs en tout c’est ce qu’on dit. Partis en fumĂ©e dans les fours crĂ©matoires d’Allemagne et de Pologne. Le juif Ă©tait alors l’ennemi numĂ©ro un le suppĂŽt d’Iblis le sinistre usurier le pendard etc. Quelqu’un dont il fallait Ă  tout prix se dĂ©barrasser pour la tranquillitĂ© universelle. On voulait purifier la planĂšte. Le bouc Ă©missaire c’était le juif. On Ă©tait devenu fou Ă  lier mais cette folie payait. VoilĂ  pourquoi je rejette cette humanitĂ© avilie. Mais j’aimerais bien faire ma sieste Ă  prĂ©sent. Et comme il fait frais je m’allonge ici mĂȘme. Il dit et s’endormit aussitĂŽt mais il se rĂ©veilla en sursaut et maudit cent fois ce rĂȘve qui l’obsĂ©dait le poursuivant partout comme une malĂ©diction. Il fit le serment solennel qu’il ne se rendrait plus Ă  la rĂ©colte des amandes. Lui qui aimait tant y participer il devrait dĂ©sormais se contenter d’observer cette besogne de loin. AprĂšs tout je n’aurai qu’à prendre des prĂ©cautions. Comme je ne suis plus un jeunot je dois Ă©viter certaines tentations. Que diable vais-je chercher lĂ  On n’échappe pas Ă  son destin. On est vouĂ© d’avance Ă  la destruction et comme tel on ignore parfaitement oĂč et quand et comment... Mais oĂč est donc ma femme Ah Elle est encore allĂ©e chouchouter les bĂȘtes je prĂ©sume. Eh bien Reprenons du thĂ© et fumons. Si le sommeil revient qu’il soit le bienvenu je suis toujours prĂȘt Ă  dormir un brin. » Il reprit du thĂ© et fuma. Par la fenĂȘtre ouverte on voyait distinctement le sommet du massif montagneux aussi pelĂ© qu’une dune. Pas un seul arbre visible de ce cĂŽtĂ©-ci de la chaĂźne. Mais il devait y avoir lĂ -haut une certaine vĂ©gĂ©tation puisqu’on y chassait leslide 14 14 mouflon. On y braconnait mĂȘme car il n’existait dans le pays aucune surveillance et il n’y avait pas de garde forestier Ă  cent lieues Ă  la ronde. Mais il fallait ĂȘtre un fin tireur et un grimpeur Ă©mĂ©rite pour abattre un mouflon. Rares Ă©taient les gens capables d’un tel exploit. On pouvait les compter sur les doigts d’une seule main. En traquant le gibier des hauteurs des chasseurs confirmĂ©s avaient perdu la vie en tombant dans le prĂ©cipice - une seule pierre descellĂ©e et l’on allait Ă©clater comme un fruit trop mĂ»r trois cents mĂštres plus bas sur une saillie ou une plate-forme. Aussi se faisait-on gĂ©nĂ©ralement accompagner d’un guide pour qui ces lieux tortueux n’avaient aucun secret. Et mĂȘme alors il y avait encore des risques liĂ©s au travail des roches... personne ne pouvait prĂ©voir un drame toujours possible. Une demi-journĂ©e est nĂ©cessaire pour atteindre ce sommet se dit le Vieux. Je connais bien cet endroit il est truffĂ© de piĂšges naturels. » Autrefois il avait chassĂ© le mouflon. La traque durait parfois plusieurs jours mais c’était souvent payant. On mangeait alors l’un des meilleurs gibiers du monde. La nuit on bivouaquait dans un creux. AprĂšs un dĂźner frugal on dormait jusqu’à l’aube et l’on se remettait en marche. On jouait sa vie comme sur un fil tĂ©nu qu’un rien pouvait rompre Ă  tout moment. Mais un sentiment puissant anesthĂ©siait durablement la peur du vide. Seul le mouflon comptait cet animal plus gros qu’un bĂ©lier domestique et qui sautait d’une roche Ă  l’autre comme un oiseau grimpait lestement se recevait sur une saillie et disparaissait aussitĂŽt qu’il Ă©tait apparu. Impossible de suivre un tel gibier si l’on n’est pas maĂźtre absolu de ses nerfs. C’est quand on perd cet Ă©quilibre que l’accident survient. Le bon chasseur est celui qui n’éprouve aucun sentiment celui qui se fond dans la pierre devient pierre Ă  son tour... » BouchaĂŻb avait passĂ© d’excellents moments en haut avec des amis aujourd’hui disparus et qui Ă©taient de vĂ©ritables guerriers de la montagne des connaisseurs d’armes et des tireurs d’élite. C’étaient aussi des gens d’honneur... Il y avait parmi eux quelques bandits qui ne l’étaient devenus que par la force des choses. Ils allaient piller d’autres villages et ils rentraient armĂ©s jusqu’aux dents en conduisant des bĂȘtes de somme surchargĂ©es de butin. On volait n’importe quoi car tout avait de la valeur. On pouvait tout Ă©couler dans les souks sans encombre. BouchaĂŻb se souvenait de cette Ă©poque oĂč la rapine Ă©tait de rigueur. Tout le monde redoutait ces visites nocturnes. On se barricadait dĂšs la nuit tombĂ©e jusqu’au lever du jour. Les voleurs eux-mĂȘmes qui vivaient avec leur famille avaient peur des autres voleurs. En fait tout le monde volait alors tout le monde. Ce dĂ©sordre cessa avec l’arrivĂ©e des Français qui mirent au pas les bandits coriaces et les tĂȘtes brĂ»lĂ©es. Mais seule la peur du bagne eut vĂ©ritablement raison de cette engeance. À ce souvenir BouchaĂŻb sourit et pensa AprĂšs tout la France nous a apportĂ© la tranquillitĂ©. Une paix sublime. Il serait idiot de ne pas reconnaĂźtre ses bienfaits qui sont nombreux. Avant elle avant sa venue il n’y avait aucune route dans tout le pays aucune autoritĂ© non plus. Et pas la moindre sĂ©curitĂ©. Il y a eu du changement depuis l’arrivĂ©e de la France. Ceux qui ne s’en rendent pas compte ou qui ne veulent pas l’admettre se leurrent. Eh Mais toutes ces routes ont Ă©tĂ© taillĂ©es sur le flanc de la montagne par des lĂ©gionnaires au fur et Ă  mesure que l’armĂ©e avançait... Depuis ce temps toutes les denrĂ©es et autres marchandises arrivent au souk plus la peine d’attendre des mois et des mois le retour des anciennes caravanes... Le commerce est florissant. Mais l’argent vient toujours du Nord... et celui qui n’a personne lĂ - bas n’a rien ici non plus. Heureusement que j’ai cette Ă©choppe Ă  Mazagan elle me rapporte de quoi faire tourner la baraque. C’est mieux que d’aller tous les ans quĂ©mander la zakat 1 chez les gros nĂ©gociants et les Ă©piciers de la ville europĂ©enne. Cependant ils ne m’oublient pas je suis toujours sur leur liste. Je ne me dĂ©place pas mais les sous et les colis arrivent par le car des AĂŻt-M’Zal. Ainsi j’ai mon tabac mon thĂ© et mĂȘme des livres. Je n’ai donc vraiment besoin de rien. Ah si J’ai besoin d’un poste de radio. Par les temps qui courent il faut avoir chez soi un poste de radio. Bah Qu’est-ce que tu veux en faire Que t’importe ce qui se passe ailleurs On ne parle jamais de chez toi Ă  la radio. Ta radio c’est ce qui t’entoure le 1 - AumĂŽne 15 15 vent un brin d’herbe un arbre un oiseau une silhouette furtive et tous ces bruits diurnes et nocturnes qui sont la symphonie de la vie... mĂȘme le coassement des crapauds et des grenouilles la nuit quand le cri du chacal rĂ©percutĂ© au centuple par sa queue c’est une lĂ©gende tranche le silence comme un couperet. Ah Le salopard Que de coqs ne m’a-t-il pas mangĂ©s Mais j’en ai eu un ou deux pardi Non non C’était pas sa faute C’était la faute des poulets. Ils n’avaient qu’à ne pas sortir du poulailler C’est que ces idiots aiment vadrouiller dehors et toujours aux heures oĂč le carnivore est Ă  l’affĂ»t au crĂ©puscule de prĂ©fĂ©rence et tĂŽt le matin quand il ne fait ni jour ni nuit. À l’heure du chacal quoi. Pauvres coqs Idiots J’en ai averti plus d’un. À l’un j’ai dit Ah tu te crois libre et fort Eh bien y aura du grabuge je retrouverai ici mĂȘme tes belles plumes blanches et noires demain matin. » Et c’est ce qui est arrivĂ© hĂ©las Le lendemain matin ses plumes voletaient au mĂȘme endroit. Le prĂ©dateur ne l’avait pas ratĂ©. Eh Mais ce volatile est un parfait idiot Pour un peu il se croirait un aigle. Mais un aigle tue le chacal la diffĂ©rence est lĂ . Il fond sur le charognard et le terrasse proprement. L’aigle C’est le roi du ciel. Mais oĂč est passĂ©e ma femme Elle ne fait jamais de sieste elle. Tiens elle arrive. » - HĂ© OĂč Ă©tais-tu - Chez les bĂȘtes. Il faut bien les nourrir et leur donner Ă  boire. - Assieds-toi. Elle obĂ©it. Un ballet de mouches bourdonnait dans l’air. Dehors c’était toujours la mĂȘme chaleur intense qui poussait les ĂȘtres Ă  se rĂ©fugier dans l’ombre. - Tu veux quelque chose dit-elle. - Je voulais te dire qu’il y a juste un instant j’ai vu une scolopendre au plafond. - Elle a toujours vĂ©cu sous la poutre centrale. - C’est lĂ  que je l’ai vue. Elle ressemble Ă  une chaĂźne en or. - Elle est belle mais venimeuse. - Celle-ci ne ferait de mal Ă  personne. Elle ne descend mĂȘme pas. En plus elle nous connaĂźt. Du reste elle se nourrit exclusivement d’insectes. Elle est plutĂŽt utile tu sais. - Probablement. - On dit que lorsqu’elle mord quelqu’un elle ne lĂąche pas prise tant qu’on n’a pas disposĂ© devant elle un plateau chargĂ© d’or. Est-ce une lĂ©gende - Sans aucun doute. Mais sa morsure est mortelle ça je le sais. - Nous avons un autre locataire dans le rĂ©duit de l’ñne. Un beau serpent bariolĂ©. Il a fait son gĂźte chez l’ñne. On dirait qu’ils s’entendent bien. Quand il me voit il ne bouge pas il n’a pas peur. Ses couleurs sont superbes bleu vert orange jaune et bien d’autres encore que sais-je Il est trĂšs long. Je n’en ai jamais vu un pareil. Ce n’est peut-ĂȘtre pas un reptile ordinaire mais un djinn. En tout cas il mange des rats. Heureusement qu’il est lĂ  pour nous en dĂ©barrasser. Le chat comme tu sais est gĂątĂ© il n’ac- cepte pas n’importe quoi. Il ne court mĂȘme plus aprĂšs les rats Et pourquoi en mangerait-il si habituĂ© qu’il est aux mets dĂ©licats - HĂ© C’est mon chat Pourquoi mangerait-il des rats - Mais c’est son rĂŽle - Eh non Son rĂŽle c’est d’ĂȘtre tout prĂšs de moi et de ronronner. Mais oĂč est-il passĂ© - Il dort Ă  l’étable. Tu le verras ce soir. Tu sais j’aime bien ce chat. N’écoute donc pas ce que je dis. - C’est pour me taquiner ou pour rire - Ho Seulement il est tout noir. Pas la moindre tache blanche Or on dit que le diable est noir et qu’un chat noir c’est l’incarnation du dĂ©mon. - Sottises Un chat n’est pas plus le diable que le diable n’est un chat. Et un nĂšgre n’est pas un diable C’est un ĂȘtre humain de couleur Le diable est invisible les jnounsslide 16 16 Ă©galement. Un chat ou un nĂšgre sont bel et bien visibles. Les jnouns ou le diable peuvent frapper quelqu’un quand ils le veulent il ne peut pas les voir. Il reçoit des coups c’est tout. Mais un chat ne fait de mal Ă  personne. Un nĂšgre si. Les coups du nĂšgre sont tordus Mais il existe des nĂšgres pacifiques. C’est rare trĂšs rare mais il y en a. Notre chat est un seigneur il est supĂ©rieur Ă  un chien. Il n’a jamais attrapĂ© la gale lui. - Tu aimes ce chat autant que tu aurais aimĂ© un enfant n’est-ce pas - Je le considĂšre un peu comme un fils bien qu’il ne soit pas de mon espĂšce. Mais ne dit-on pas que le ProphĂšte adorait les chats ... Oui j’ai un faible pour lui c’est humain. Et dire que les autres mĂ©prisent les animaux - C’est vrai Dans les campagnes du Nord les Arabes chassent les chiens Ă  coups de pierre. Un Français s’en est offusquĂ©. Il m’a dit Vous autres vous ĂȘtes mauvais Vous persĂ©cutez les chiens. » J’ai rĂ©pondu que le chien Ă©tait une bĂȘte maudite un sournois un enragĂ© potentiel. Mais il a maintenu son jugement les Arabes sont mauvais parce qu’ils dĂ©testent les chiens. Il n’a pas tout Ă  fait tort. Les Arabes haĂŻssent les chiens. Comme ils ne leur donnent rien Ă  ronger les chiens se transforment en charognards et mĂȘme en tueurs. Bien des femmes imprudentes ont ainsi Ă©tĂ© dĂ©chiquetĂ©es et dĂ©vorĂ©es par des bandes de chiens errants. - C’est horrible - Oui. Quand je te dis que le Nord n’est pas vivable Il est malsain. - Mais nos chiens ne sont pas aussi sauvages. - Ce sont des chiens de berger des gardiens de troupeaux bien dressĂ©s. Ils mangent bien et font bien leur travail. Mais quand ils contractent la rage on est obligĂ© de les tuer et de les jeter dans un puits loin du village. À l’époque plusieurs familles avaient des troupeaux de chĂšvres et de moutons. Les bergers les sortaient Ă  l’aube et les ramenaient le soir. C’était tous les jours ainsi exceptĂ© pendant les fĂȘtes. Beau spectacle que celui du retour des bĂȘtes au crĂ©puscule. BĂȘlements cacophoniques odeurs fortes et puis la traite des femelles... On offrait du lait frais Ă  tous ceux qui en voulaient. Sur leur passage les boucs et les chĂšvres en dĂ©fĂ©quant abandonnaient aussi la coquille dure des noix d’argan qu’ils avaient avalĂ©es et dont seule la peau avait Ă©tĂ© digĂ©rĂ©e. On glanait ces petites noix pour rĂ©cupĂ©rer l’amande amĂšre dont on extrayait cette huile rouge d’argan tant apprĂ©ciĂ©e des montagnards. Pour ce faire les femmes grillaient les amandes avant de les moudre au moyen d’une meule de grĂšs. Ensuite elles pressaient la pĂąte pour obtenir enfin cette huile parfumĂ©e unique au monde. Quant Ă  la pĂąte sĂšche elle servait Ă  enrichir la nourriture de la vache laitiĂšre. – Je dois t’apprendre une chose femme dit le Vieux. Une chose trĂšs importante. On est heureux ensemble n’est-ce pas – Oui mais sans enfants... – Bah C’est mieux ainsi. Dieu l’a voulu la lignĂ©e est finie. MĂȘme des rois ont subi ce sort. J’ai lu les Écritures et bien d’autres livres je sais ce que je dis. Sidna AĂŻssa 1 n’a pas laissĂ© de postĂ©ritĂ© Sidna Moussa 2 non plus. Et Sidna Mohammed 3 a perdu l’unique garçon qui lui Ă©tait nĂ©. Il n’a laissĂ© que des filles. Alexandre le Grand n’a rien laissĂ© du tout. Il mourut jeune de la malaria contractĂ©e dans les marais de l’Indus et ce sont ses gĂ©nĂ©raux qui ont dĂ©pecĂ© l’Empire aprĂšs sa disparition. Il n’a donc laissĂ© que son nom qui brille toujours comme une Ă©toile vive au firmament du monde. Les Arabes l’appelaient Doul’ QarnaĂŻns 4 . C’est ainsi qu’il est nommĂ© dans une sourate du Livre Saint 5 . Alors nous autres... Tu vois ça n’a vraiment pas d’importance Et pourtant j’en connais qui se 1 - JĂ©sus-Christ. 2 - MoĂŻse. 3 - Le ProphĂšte. 4 - L’Homme Ă  deux cornes. 5 - Le 17 17 lamentent maudissent et s’aigrissent Ă  cause de leur stĂ©rilitĂ©. Parce que leur semence est nulle ils se croient maudits. HĂ© mais ce sont des fous. Dieu fait ce qu’il veut. Et moi je suis content de mon sort. - Mais tu devais me dire quelque chose d’important lui rappela la vieille. - Ah oui Oui... Ce n’est rien. Je veux seulement te dire que ta conversation vaut celle d’un homme sensĂ©. C’est pourquoi ta prĂ©sence me rassure. Elle est agrĂ©able. Tout indique que tu m’étais prĂ©destinĂ©e. Dieu veuille qu’on se retrouve dans l’autre monde aprĂšs le Grand Jugement car je ne veux pas d’autre houri que toi. Je ne suis ni un vicieux ni un polygame. On n’a pas de polygames ici mais on a des vicieux. On dit beaucoup de choses Ă  propos d’Une-telle ou d’Untel... Moi je suis fidĂšle et je n’aime que toi ma vieille. Elle rit. - Tu ne m’en as jamais autant dit. - C’est 18 18 La premiĂšre maison de bĂ©ton apparut prĂšs du cimetiĂšre au lendemain de l’indĂ©pendance. C’était une nouveautĂ© et son propriĂ©taire un commerçant de Casablanca invita tout le village Ă  cĂ©lĂ©brer cet Ă©vĂ©nement. Il fit venir de loin des tolbas 1 qui rĂ©citĂšrent de longues sourates du Coran afin que cette demeure soit bĂ©nie et prĂ©servĂ©e des jnouns et des mauvais esprits qui pourraient remonter des entrailles de la terre afin de frapper de maux insolites ses habitants. Comme par hasard les premiĂšres automobiles firent aussi leur apparition. L ancienne piste fut prolongĂ©e de quelques kilomĂštres pour permettre aux nouveaux riches de se rendre jusque chez eux au volant de leur vĂ©hicule. Ils payĂšrent eux- mĂȘmes des terrassiers qui travaillĂšrent sans relĂąche au dĂ©blaiement du terrain propre Ă  ce tracĂ©. Petit Ă  petit l’aspect des lieux changeait. Les anciennes maisons dĂ©sertĂ©es commençaient Ă  se ruiner. Une pierre tombait une autre suivait puis les murs cĂ©daient sous le poids des poutres. Les maisons qui se trouvaient tout en haut du village furent les premiĂšres Ă  subir les consĂ©quences directes de cette modernitĂ© qui Ă©tait entrĂ©e ici du jour au lendemain sans crier gare. Des pompes Ă  eau arrivĂšrent en mĂȘme temps. On entendait partout leur pĂ©tarade. Les femmes ne s’épuisaient plus Ă  tirer l’eau du puits Ă  la force du poignet pour irriguer le potager. Les postes de radio inexistants jusque-lĂ  cacophonĂšrent la nuit couvrant de leurs grĂ©sillements les bruits naturels des champs. Le vieux couple assista sans tristesse Ă  ces Ă©vĂ©nements insidieux qui allaient transformer de fond en comble le paysage. BouchaĂŻb ne se plaignit pas mĂȘme de l’intempestive intrusion des radios car ceux qui en possĂ©daient habitaient loin de chez lui. Son havre Ă©tait restĂ© aussi calme qu’auparavant. En fait rien ne le gĂȘnait de ce qui venait du Nord bien qu’il continuĂąt Ă  se rendre au souk Ă  dos d’ñne alors que des bus faisaient la navette. Je suis le gardien de la tradition » disait-il quand on abordait ce sujet en sa prĂ©sence. Et il ajoutait aussitĂŽt Tout Ă©volue sauf les mentalitĂ©s. L’ennuyeux c’est qu’elles ont plutĂŽt tendance Ă  empirer. » Il n’était d’ailleurs pas le seul Ă  se rendre au souk Ă  dos d’ñne en suivant les lacets sinueux du chemin muletier Ă  travers la montagne au lieu de la route qui empruntait le cours de la vallĂ©e deux fois plus longue que ce parcours ancestral. Il y en avait mĂȘme qui faisaient tout ce chemin Ă  pied. Il fallait seulement se lever tĂŽt et prendre la route pour arriver Ă  destination avant l’embrasement du jour. À partir de dix heures en effet c’était dĂ©jĂ  la fournaise. Les roches Ă©taient si chauffĂ©es que tout ce lieu chaotique irradiait une Ă©nergie insupportable. Les bĂȘtes sauvages elles-mĂȘmes prĂ©fĂ©raient l’obscuritĂ© profonde des grottes et des anfractuositĂ©s Ă  la lumiĂšre aveuglante et torride du jour. Chemin faisant c’était toute une expĂ©dition les voyageurs Ă©changeaient des informations utiles s’enquĂ©raient du sort de l’un ou de l’autre bref Ă  aucun moment on ne s’ennuyait. On plaisantait mĂȘme HĂ© Moussa As-tu vu ton si joli turban tout neuf - Wah Qu’a-t-il donc mon turban - Il est si beau qu’il plaĂźt aux mouches. Elles font le voyage gratis lĂ -dessus. - Bah Les mouches voyagent comme nous. » Et l’on riait. L’heure passait. Au souk on se sĂ©parait mais Ă  midi on se retrouvait Ă  la mĂȘme gargote autour du mĂȘme tagine de bouc. Une viande succulente car ces bĂȘtes ne consommaient pas de dĂ©chets mais les herbes et les aromates de la montagne. Le soir avant la nuit on rentrait au village en groupe. Ce n’était pas fatigant. Ainsi pour certains prendre le car pour gagner du temps ne valait pas le coup. Il y aura toujours des chemineaux. Il y aura toujours des amoureux de la montagne » rĂ©pĂ©tait le Vieux Ă  qui voulait l’entendre. Mais la plupart des jeunes avaient maintenant des bicyclettes et mĂȘme des vĂ©lomoteurs. D’autres prenaient le car. Seuls les plus endurcis se retrouvaient entre eux une fois par semaine sur le mĂȘme chemin de la montagne. Ils Ă©taient heureux de leur sort et n’enviaient pas les autres. Que le monde Ă©volue ou craque ça ne nous dĂ©range pas nous sommes tout Ă  fait libres de nos mouvements. Quant aux autres si le car les laisse en plan 1 - Étudiants en 19 19 ils se voient contraints de passer la nuit au souk dans une gargote ou Ă  la belle Ă©toile... »slide 20 20 Des annĂ©es passĂšrent donc ainsi apportant chacune plusieurs changements. Cependant les familles continuaient Ă  cultiver la terre Ă  entretenir les arbres Ă  battre le blĂ© ou l’orge en Ă©tĂ©... Elles avaient encore des Ăąnes des mules et des vaches. La pluie Ă©tait au rendez-vous. La sĂ©cheresse et la dĂ©sertification n’étaient pas encore signalĂ©es. Les grandes calamitĂ©s qui faisaient peur aux gens du Sahel et aux PrĂ©-sahariens Ă©taient encore loin. Au souk on n’achetait pas de lĂ©gumes car on en produisait chez soi. En revanche on s’y approvisionnait en produits essentiels comme le pĂ©trole lampant le carbure de cal- cium le thĂ© vert seul le Vieux n’en achetait pas le sucre le sel la viande les dattes et d’autres produits inexistants au village tels que le tabac le hennĂ© les ustensiles manufacturĂ©s etc. Et mĂȘme lorsqu’une boutique s’ouvrit au village tout prĂšs d’un sanctuaire vĂ©nĂ©rĂ© et tout Ă  cĂŽtĂ© de la seule medersa de la rĂ©gion mĂȘme alors on allait encore au souk car c’était lĂ  qu’affluaient les marchandises innombrables et variĂ©es qui venaient du Nord. On avait le choix et l’on marchandait fermement faisant parfois tomber le prix d’une chose de moitiĂ© - ce qui plaisait mĂȘme aux marchands qui mĂ©prisaient visiblement ceux qui payaient sans discussion prĂ©alable. Au souk on pouvait aussi se faire faire une djellaba une gandoura et des souliers sur mesure. Bref ce grand marchĂ© hebdomadaire avait toujours Ă©tĂ© indispensable Ă  l’équilibre Ă©conomique de la rĂ©gion. Aussi venait-on de loin pour y vaquer Ă  ses affaires. Au village une petite minoterie commença de fonctionner. Les femmes qui jusque-lĂ  moulaient l’orge chez elles ne tardĂšrent pas Ă  prendre l’habitude d’y aller. Seule la vieille Ă©pouse de BouchaĂŻb continuait de moudre ses cĂ©rĂ©ales Ă  la maison. Elle trouvait disait- elle plus de goĂ»t Ă  la farine qu’elle produisait elle-mĂȘme. - Mais tu te fatigues objectait le Vieux. - Oh non Ça me maintient en forme au contraire. Regarde donc les autres elles vieillissent plus vite que moi parce qu’elles ont de moins en moins Ă  faire. Et quand elles s’installent chez leur mari en ville elles restent enfermĂ©es grossissent Ă  force d’inactivitĂ© et de mangeaille graisseuse et elles tombent malades. Je plains ces Ă©poux qui se ruinent Ă  payer des mĂ©decins et des mĂ©dicaments. Que ne les ont-ils donc pas laissĂ©es tranquilles ici - Chacun a son point de vue. Le tien n’est pas dĂ©nuĂ© de sens. Mais ces femmes se vantent de vivre mieux en ville qu’ici. LĂ -bas elles portent de l’or. N’as-tu pas vu qu’elles ressemblent Ă  des bijouteries ambulantes Si un voleur les dĂ©pouillait ce serait un homme riche. - Tout ça c’est du tape-Ă -l’oeil dit la vieille. - Du tape-Ă -l’ Ɠil HĂ© C’est de l’or sonnant et trĂ©buchant. Je te rĂ©pĂšte que ces parvenues portent sur elles de vraies fortunes. As-tu toi un seul bijou en or - Non. - Eh bien Tu vois la diffĂ©rence. - Non je ne vois pas. Je suis mieux ainsi. Pourquoi m’exhiber comme une moins- que-rien C’est de la vanitĂ© de l’ostentation que sais-je Je n’ai jamais eu que des bijoux en argent pur. C’est noble et c’est berbĂšre. D’ailleurs j’ai des piĂšces rares qui valent plus cher qu’un bijou en or tout neuf. Mes parures ont une histoire tandis que ce que portent ces parvenues comme tu dis n’en a aucune. Est-ce vrai - Certes. Comme je l’ai toujours dit nous sommes les garants de la tradition. Mais veille bien sur ces piĂšces d’argent. Il y a des trafiquants d’objets rares partout. Tout quitte le pays s’en va ailleurs on ne sait comment... mĂȘme les anciens coffres de bois. Il faut se mĂ©fier des camelots qui passent. Ce sont des pilleurs de patrimoine des rapaces et des menteurs. Ne leur montre surtout pas ce que tu possĂšdes. Ils seraient capables de te saigner pour l’avoir. Des mĂ©crĂ©ants Maudits soient-ils Des camelots passaient dans tous les villages de la rĂ©gion et comptant sur l’ignorance des femmes ils acquĂ©raient Ă  des prix vils des bijoux rares et d’autres objetsslide 21 21 d’art qu’ils revendaient cher Ă  des collectionneurs Ă©trangers. On retrouvait ainsi chez les antiquaires d’Europe des piĂšces en provenance du Sud. Il y avait pire certains guides touristiques n’hĂ©sitaient pas Ă  se transformer en trafiquants. Ils vendaient mĂȘme les vieux coffres prĂ©cieux lĂ©guĂ©s par leurs ancĂȘtres. D’autres violaient carrĂ©ment les vestiges archĂ©ologiques et tel bloc erratique qui portait quelque gravure mythique fut souvent la proie des vandales qui en emportĂšrent des morceaux en ayant bien entendu dĂ©tĂ©riorĂ© l’ensemble. De sorte que ce tĂ©moignage unique mutilĂ© demeure Ă  jamais informe. BouchaĂŻb avait donc mille raisons de mettre en garde son Ă©pouse contre les camelots et leur engeance. Un de ses amis qui voyageait beaucoup lui avait offert une piĂšce de monnaie d’argent frappĂ©e sous le rĂšgne de Moulay Hassan I. Il l’avait acquise au marchĂ© aux puces de la porte de Clignancourt Ă  Paris. Le Vieux apprit aussi que des sacs de ces piĂšces avaient pris depuis longtemps la route d’Europe. On n’en retrouvait plus que dans les anciens colliers des femmes de l’Anti-Atlas. Les mĂšres transmettaient Ă  leurs filles ces colliers sacrĂ©s de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. - HĂ© C’est que des bandits d’un genre nouveau sont apparus depuis l’indĂ©pendance. Il faut se MĂ©fier femme. - Je n’ouvre jamais ma porte aux camelots. Je suis prudente moi. - C’est bon Je disais cela pour que tu saches que les temps ont changĂ©. Il y a bien plus de gredins qu’avant. Un bandit d’autrefois Ă©tait plus honorable que la crapule de nos jours. Dieu seul sait oĂč l’on va. Les gens ne sont plus eux-mĂȘmes. Ils ne respectent plus que l’argent. L’argent encore l’argent. Ils vendraient tout pour de l’argent. C’est le culte du Veau d’or Comme les choses vont vite Le monde court Ă  sa perte. On va bientĂŽt renier pĂšre et mĂšre pour de l’or... Mais les biens de ce monde ne sont pas durables. Ils sont pĂ©rissables comme le monde. Seule compte la foi la foi inĂ©branlable des Anciens. LĂ -dessus on passait Ă  autre chose. Le vieux couple assistait aux changements rapides sans en prendre ombrage. Cela ne l’intĂ©ressait pas apparemment. D’autres maudissaient ces temps nouveaux cette jeunesse dĂ©pravĂ©e qui n’allait plus Ă  la mosquĂ©e et qui osait s’affranchir des vieux interdits en introduisant l’alcool et autres produits prohibĂ©s dans le village. En plein Ă©tĂ© un vieux bonhomme avait remontĂ© d’un puits une caisse de biĂšre... Croyant que c’était de la limonade il en but une puis une autre et ainsi de suite jusqu’à l’ivresse. A son habitude il se rendit Ă  la mosquĂ©e pour la priĂšre. Mais lĂ  il fit scandale. Il blasphĂ©ma et traita durement l’imĂąm les ancĂȘtres et le ProphĂšte. Plus tard on dĂ©couvrit la raison de sa brusque folie et on lui pardonna. Mais on dut le soigner car cette cuite l’avait rendu malade. On sut que c’étaient des jeunes gens du village en vacances d’étĂ© qui avaient mis la caisse de biĂšre Ă  rafraĂźchir dans le puits. Mais le vieillard l’avait rĂ©cupĂ©rĂ©e avant eux... Cette histoire fit rire le vieux couple qui trouvait finalement beaucoup d’esprit Ă  ces jeunots nĂ©s ici mais changĂ©s par la ville. Ils rĂ©ussiront peut-ĂȘtre mieux que d’autres dans la vie dit le Vieux. En tout cas ils ont de l’audace. » Sa femme qui ne connaissait ni la ville ni ce genre d’individus Ă©coutait sans commentaire. Mais chaque fois qu’elle repensait au vieux soĂ»lographe malgrĂ© lui elle Ă©clatait d’un rire qui se transformait vite en une quinte douloureuse. Elle devait prendre mainte potion balsamique pour l’arrĂȘter. En tant qu’anflouss BouchaĂŻb aurait dĂ» dĂ©noncer le comportement de ces jeunes gens irrespectueux des coutumes. Il n’en fit rien. Il avait lui-mĂȘme pas mal picolĂ© lorsqu’il errait aprĂšs un avenir insaisissable de bourg en bourg et de ville en ville affamĂ© presque nu les yeux fiĂ©vreux et l’haleine fĂ©tide. Combien de fois n’avait-il pas trouvĂ© la paix dans l’alcool et ses adjuvants hein Il buvait alors la mahia des juifs car le vin Ă©tait interdit aux musulmans. Seuls les EuropĂ©ens et leurs sĂ©ides y avaient droit. Mais on pouvait aisĂ©ment se procurer du whisky dans les bases amĂ©ricaines. Il suffisait de connaĂźtre un ouvrier du coin. On pouvait mĂȘme y acheter des armes lĂ©gĂšres. Une base amĂ©ricaine Ă©tait alors comme un marchĂ© libre une vraie passoire Ayant expliquĂ© Ă  sa femme pourquoi il n’en voulaitslide 22 22 pas Ă  ces jeunes gens il ajouta - AprĂšs tout s’ils boivent c’est la faute de leurs parents qui vendent du vin dans leurs Ă©piceries. HĂ© C’est qu’on s’enrichit vite en vendant du vin et des alcools aux Arabes. Les Arabes boivent beaucoup plus que tous les autres. Ils engloutissent toutes leurs Ă©conomies dans la boisson. Ils font des stocks chez eux pour passer le ramadan ou les fĂȘtes religieuses... Un Arabe boit pour fuir la rĂ©alitĂ©. Il se drogue et il boit. Depuis peu les Chleuhs suivent la mĂȘme pente. Ils appellent ça la modernitĂ©. Autrement dit qui ne boit pas n’est pas moderne. C’est un dĂ©bile un rebut de l’histoire humaine un attardĂ© mental un moins-que-rien en somme... C’est lumineux comme prĂ©jugĂ© hein Mais une chose en entraĂźnant forcĂ©ment une autre beaucoup de ceux qui s’adonnent Ă  l’alcoolisme font faillite et se clochardisent. N’entends-tu pas dire souvent Untel a bouffĂ© son fonds de commerce » HĂ© C’est qu’il a tout liquidĂ© en alcool et en putes voilĂ  ce qu’il faut entendre par lĂ . Au souk mĂȘme le vin est en vente sous le manteau. Ne s’en procurent que ceux qui ne peuvent pas s’en passer. Ceux-lĂ  se cachent pour siffler leur bouteille. On ne les voit jamais dehors quand ils ont bu. Ils risqueraient six mois de prison pour ivresse publique. Aussi se terrent-ils comme des rats pour s’enivrer entre copains. Mais parfois ça se termine mal trĂšs mal. Il y a eu un meurtre au souk il n’y a pas si longtemps un meurtre liĂ© Ă  l’alcoolisme. Une beuverie suivie d’une bagarre... On s’était battu pour des broutilles. Tu vois Ça c ’ est la modernitĂ© Il est dit dans les Écritures saintes Tu ne tueras point. » Mais l’homme n ’ en fait qu’à sa tĂȘte il tue il vole il ment. Il tue parce qu ’ il a peur. Il a tout le temps peur de tout y compris de lui-mĂȘme. Au souk il y a toujours eu des prostituĂ©es. Ce n ’ est donc pas une nouveautĂ©. Au village mĂȘme il y en a une ou deux... la plus connue c ’ est la veuve Unetelle... Le monde n’a jamais Ă©tĂ© propre. Alors... - Tout ça ne t’alarme donc pas dit la vieille. - Non Pas du tout... Le Temps est le principal acteur de l’Histoire. Il modĂšle les uns et les autres selon ses caprices. Tu vois comme il change tout au fur et Ă  mesure. Rien ne lui rĂ©siste aucun ĂȘtre aucune chose. Allah est le plus grand Wa Salam - J’ai remarquĂ© que tu Ă©crivais quelque chose. C ’ est quoi donc - Oh De la poĂ©sie berbĂšre. - Mais tu n’es pas un raĂŻss 1 tu n ’ as pas d’instrument de musique. - HĂ© La poĂ©sie est en elle-mĂȘme une musique. Elle n ’ a besoin que de ses propres rythmes affirma le Vieux. - Et qu’est-ce que tu comptes faire de ces Ă©crits - Ho rien. - Pourrais-tu m’en dire un Une autre fois. 1 - PoĂšte et chanteur 23 23 Ils Ă©taient une fois de plus sur la terrasse. L’étĂ© tirait presque Ă  sa fin. Les moissons avaient Ă©tĂ© bonnes la rĂ©colte des olives et des amandes aussi. Comme toujours la vieille prĂ©parait son tagine pendant que le Vieux fumait et sirotait du thĂ©. Et comme toujours en Ă©tĂ© l’espace Ă©tait splendide. Des mil-liards d’étoiles illuminaient le firmament. De temps Ă  autre une mĂ©tĂ©orite fendait l’atmosphĂšre en un trait rouge qui s’évanouissait rapidement. Dieu est en train de lapider le Diable... » disaient les Anciens Ă  la vue de ces phĂ©nomĂšnes cosmiques. BouchaĂŻb ne croyait pas Ă  cela. Il connaissait bien l’astronomie. Il avait lu tant et tant de livres qu’il eĂ»t Ă©crit lui-mĂȘme si le sort ne s’en Ă©tait mĂȘlĂ©... Mais il ne regrettait rien. Ses poĂ©sies berbĂšres qu’on lirait peut-ĂȘtre un jour Ă©taient son unique plaisir. Mais qui s’occupait de la poĂ©sie berbĂšre Il Ă©crivait donc pour lui-mĂȘme comme l’avaient fait certains fqihs dont on dĂ©couvre aujourd’hui seulement les oeuvres poĂ©tiques. Mais c’étaient des soufis. BouchaĂŻb avait confiĂ© quelques copies de ses poĂšmes Ă  l’imam de la medersa qui les avait lus et aussitĂŽt rangĂ©s avec d’autres manuscrits dans sa bibliothĂšque. Cet imam avait dit Ces poĂ©sies sont belles un trĂ©sor pour le futur. Rien ne se perd. En as-tu d’autres - Non. Tout est lĂ . - C’est bon. » Le fumet du tagine embaumait l’air. Le chat noir mort depuis longtemps avait laissĂ© sa place Ă  un autre chat roux celui-lĂ . Un chat fauve semblable Ă  une boule de feu. Il n’avait pas connu son prĂ©dĂ©cesseur mais il se comportait exactement comme lui. Il adorait ses maĂźtres qui le gavaient. Le chat sentait l’affection qu’ils avaient pour lui. Il ne manquait donc aucune occasion de faire montre de la sienne Ă  leur Ă©gard. Il les considĂ©rait comme des ĂȘtres lui appartenant en propre. Il se frottait Ă  leurs jambes pour marquer son territoire exclusif ronronnait tout prĂšs d’eux quand ils Ă©taient couchĂ©s chassait d’un coup de patte un Ă©ventuel scorpion et les autres insectes qui s’aventuraient par lĂ . Bref il Ă©tait un aussi bon gardien qu’un chien dressĂ©. Dans la journĂ©e il mangeait peu et pour fuir la canicule il se rĂ©fugiait chez la mule que l’ancien Ăąne Ă©tant mort BouchaĂŻb avait acquise pour le remplacer. Celle-ci acceptait la prĂ©sence du chat dans son rĂ©duit sombre oĂč pas un rayon de lumiĂšre ne parvenait. Il dormait lĂ  jusqu’au crĂ©puscule ensuite il rejoignait le vieux couple sur la terrasse. Cette nuit-lĂ  le chat ne dormit pas avec eux. Il Ă©tait inquiet mal Ă  l’aise. Il goĂ»ta Ă  peine Ă  sa pitance. À un moment il disparut carrĂ©ment. Ce chat est peut-ĂȘtre malade » pensĂšrent les deux vieux puis ils l’oubliĂšrent. Ils dĂźnĂšrent priĂšrent et se couchĂšrent. Au milieu de la nuit ils furent rĂ©veillĂ©s en sursaut par des secousses sismiques violentes. Une crainte supersti- tieuse les Ă©treignit mais ils se calmĂšrent et avant de se rendormir le Vieux dit Ce n’est qu’un tremblement de terre. Il peut avoir des rĂ©pliques. Allez dormons... » Le lendemain on commenta cet Ă©vĂ©nement Ă  la mosquĂ©e. On apprit un peu plus tard que la ville d’Agadir avait Ă©tĂ© complĂštement dĂ©truite. On y ramassait beaucoup de cadavres et beaucoup de survivants et de morts Ă©taient encore sous les dĂ©combres. Dans le village mĂȘme pas un seul mur n’avait bougĂ©. Mais les gens sortaient d’une frayeur Ă©trange et mĂȘme les plus endurcis allĂšrent faire des offrandes aux cheiks locaux. Une peur sourde et inexplicable s’était brusquement saisie de ces gens d’ordinaire insouciants. On recommençait Ă  craindre l’au-delĂ  Ă  visiter la tombe des ancĂȘtres et on priait Ă  l’heure dite en demandant Ă  Dieu d’étendre sa protection sur le village et la famille. Au-delĂ  de la montagne du cĂŽtĂ© de l’ocĂ©an une ville avait Ă©tĂ© rayĂ©e de la carte en quelques secondes. Des esprits d’un autre Ăąge commentĂšrent Ă  leur maniĂšre ce tremblement de terre. Ils rappelĂšrent Ă  qui voulait l’entendre la destruction de Sodome et Gomorrhe et ils affirmĂšrent qu’Agadir Ă©tait le berceau mĂȘme de la luxure et de la sodomie que le touriste europĂ©en n’y venait que pour satisfaire ses perversions sexuelles et dĂ©voyer une jeunesse oisive queslide 24 24 l’argent facilement gagnĂ© tentait plus que les Ă©tudes ou le travail honnĂȘte. Ils mettaient en cause les autoritĂ©s laxistes et les parents qui profitaient de cette aubaine sans poser la moindre question... Ils prophĂ©tisaient des lendemains Ă©prouvants Ă  cette jeunesse irrespectueuse et dĂ©pravĂ©e qui se livrait Ă  l’alcoolisme la drogue et la prostitution sans retenue et sans honte. Oui mĂȘme les Chleuhs ont changĂ© disaient-ils. Ils ont succombĂ© Ă  l’argent qui est le vĂ©ritable instrument d’Iblis - qu’il soit mille fois maudit » En fait tout le monde pensait la mĂȘme chose sauf le vieux BouchaĂŻb qui en savait un bout sur les mĂ©canismes sismologiques et autres phĂ©nomĂšnes naturels. Mais il n’intervint pas dans la polĂ©mique sachant qu’il ne pouvait pas convaincre des gens bornĂ©s qui mĂȘlaient souvent religion et superstition histoire et lĂ©gendes etc. À sa femme pourtant qui l’écoutait avec ferveur quand il abordait un sujet difficile il expliqua la sismicitĂ© des sols et le pourquoi d’une telle catastrophe. Quand il eut fini elle hocha la tĂȘte et dit - Oui mais Dieu s’est servi de cette force qu’il a lui-mĂȘme créée pour chĂątier ces mĂ©crĂ©ants. BouchaĂŻb Ă©clata de rire et rĂ©torqua - AprĂšs tout c’est possible. Pourquoi pas Si Dieu a créé de tels phĂ©nomĂšnes c’est bien pour qu’ils servent quelque cause obscure. Mais l’ignorance est aussi malsaine que la mĂ©crĂ©ante. Le ProphĂšte a bien dit Ô gens Allez chercher le savoir jusqu’en Chine. Dieu Seul est Omniscient. » L’homme quant Ă  lui naĂźt tout nu ajouta BouchaĂŻb. Il est faible et ignorant. Il doit tout apprendre pour se construire une personnalitĂ© et vivre pleinement. Ceux qui parlent de chĂątiment suprĂȘme Ă  propos d’Agadir ne sont que des ignorants. Ils n’ont jamais ouvert un livre jamais rien lu. D’ailleurs ils ne savent ni lire ni Ă©crire. Il ne faut surtout pas les croire. Pour eux il n’y a que la magie et la religion mais comme ils ne connaissent ni l’une ni l’autre ils tĂątonnent et dĂ©bitent des stupiditĂ©s. C’est cette espĂšce de crĂ©dulitĂ© qui empĂȘche le commun d’évoluer. Il refuse l’évidence. Tu lui dis Cet engin qui brille en passant au-dessus de nous toutes les nuits c’est le Spoutnik que les Russes ont lancĂ© dans l’espace. Il fait le tour de la Terre en Ă©mettant des bip-bip. » Mais l’ignorant hausse les Ă©paules et rĂ©pond HĂ© Tu te moques de moi C’est un dĂ©mon qui fait sa tournĂ©e. » VoilĂ  oĂč on en est. Tu sais beaucoup de nations sont en avance sur nous. Nous sommes en queue du peloton. Nous ne parvenons pas Ă  nous accrocher ni Ă  nous accorder avec les autres. Cette course effrĂ©nĂ©e nous semble pĂ©nible. On dirait qu’elle n’est pas faite pour nous. HĂ©las depuis 1492 les Arabes reculent. Ils vivent toujours dans un passĂ© mythique. Mais oĂč sont donc passĂ©s les Almoravides les Almohades ces grands ancĂȘtres Ibn Khaldoun l’a bien dit Ida ouribat khouribat wa ida khouribat lam touskan 1 . » Ibn Khaldoun Un grand déçu de l’Histoire. Il a vĂ©cu la chute des Arabes lui. Il en a souffert plus que tout autre. Cette conversation ou plutĂŽt ce monologue Ă©coutĂ© par la vieille femme avec une curiositĂ© non feinte seyait parfaitement Ă  l’endroit Ă  cette terrasse fraĂźche et tranquille de la vĂ©nĂ©rable demeure oĂč le couple s’installait dĂšs le crĂ©puscule pour dĂźner et dormir Ă  la belle Ă©toile sans ĂȘtre agressĂ© par ces myriades de moustiques qui infestaient le torrent dont les eaux stagnantes encore investies par des grenouilles des poissons des sangsues et des dytiques attendaient dans les creux rocheux et sous l’ombrage des branches qui les prĂ©servait tant bien que mal des effets de la canicule un hypothĂ©tique orage capable de les regonfler... mais il tardait Ă  venir malgrĂ© le passage frĂ©quent de gros nuages noirs... Les hommes les bĂȘtes la terre assoiffĂ©e et brillante toute la CrĂ©ation semblait en attente. Une nuit cependant les vannes du ciel s’ouvrirent si vite que le vieux couple eut Ă  peine le temps de dĂ©mĂ©nager ses affaires dans une antichambre voisine. Mais il Ă©tait heureux bien que trempĂ© jusqu’aux os. L’orage grondait sur. la montagne qui en propageait le bruit assourdissant et la pluie tomba sans discontinuitĂ© jusqu’au matin. Tous les puits et les cours d’eau Ă©taient pleins. La nature paraissait nettement revivifiĂ©e 1 - Quand une maison ou une nation est arabisĂ©e elle se dĂ©labre et quand elle est dĂ©labrĂ©e elle n’est pas 25 25 aprĂšs des chaleurs si dures que mĂȘme les arbres les plus tenaces avaient commencĂ© Ă  s’étioler. L’on craignait que la saison fĂ»t mal engagĂ©e et certains vieux se rappelaient les grandes sĂ©cheresses d’autrefois la disette les maladies le dĂ©sespoir des ĂȘtres et des choses. Cette dĂ©solation qui plaquait sur le paysage un masque de mort aussi sinistre que la face de MĂ©duse. Seuls les gens qui dĂ©pendaient Ă©troitement de la production di sol Ă©taient concernĂ©s par les changements climatiques. Ceux qui ne revenaient du Nord que pour un bref sĂ©jour ignoraient ces prĂ©occupations. Il y a de tout au souk disaient-ils. Pourquoi s’entĂȘter Ă  toujours gratter une terre pierreuse qui ne donne pas grand-chose qu’il pleuve ou pas » Ceux-lĂ  achetaient leur pain chez le boulanger ils ne peinaient pas pour en fabriquer. Le paysan du Sud devait labourer semer suer moissonner et battre l’orge avant d’avoir du pain ou du couscous. Il vivait de sa terre et n’avait pas d’autre revenu comme le citadin qui semblait ignorer la misĂšre dont il Ă©tait lui-mĂȘme issu. Un com- merçant de Casablanca ou de Tanger qui se pavanait chaque Ă©tĂ© dans son village natal et dont chaque geste paraissait dire HĂ© M’as-tu vu Moi j’ai rĂ©ussi » Un vrai tarĂ© aux yeux de ce pauvre paysan qui disputait Ă  la terre rude sa maigre subsistance et qui en rĂ©ponse et pour lui seul disait tout bas Je vis proprement sainement. Moi je ne mange pas le poison des villes et je ne vais pas chez le mĂ©decin pour soigner mon estomac ou mon foie... » MĂȘme le vieux BouchaĂŻb qui pourtant en avait vu d’autres mĂ©prisait ces gens qui venaient faire Ă©talage de leur fortune si rapidement acquise et qui distribuaient l’aumĂŽne au compte-gouttes... Ces parvenus sentaient encore l’indigence Ă  plein nez chose dont ils ne pouvaient pas se dĂ©barrasser comme d’une vieille dĂ©froque. Elle les avait si bien marquĂ©s qu’elle les tenaillait si ancienne fĂ»t-elle elle les poussait mĂȘme Ă  suspecter tout le monde. Aussi ne donnaient-ils jamais rien de bon coeur. Ils avaient peur de tout perdre et de retomber dans la misĂšre de jadis. Ils se revoyaient pouilleux en hardes se grattant jusqu’au sang en des jours qui se prolongeaient indĂ©finiment dans la clartĂ© fauve du soleil affamĂ©s assoiffĂ©s et n’ayant d’autre ressource que la patience. Mioches sales morveux et criards engoncĂ©s dans une laine grossiĂšre mitĂ©e dix fois raccommodĂ©e certains suçaient des boulettes de terre malgrĂ© les admonestations d’une mĂšre ou d’une tante qui n’avaient rien Ă  leur donner pas la moindre petite galette et d’autres grignotaient n’importe quoi mĂȘme des bouts de bois... C’était presque la famine. L’angoisse taraudait les corps. On mourait vite. Chaque jour on enterrait des nourrissons car les mamelles Ă©taient sĂšches tout comme la glĂšbe... et le ciel limpide dĂ©sespĂ©rĂ©ment bleu un dĂ©fi Ă  toute vellĂ©itĂ© de vie Ă  toute espĂ©rance. VoilĂ  pourquoi ces parvenus qui connaissaient Ă  prĂ©sent le luxe Ă©taient si prĂšs de leurs sous. Si les autres ces paresseux avaient fait la mĂȘme expĂ©rience que nous nous serions tous Ă©gaux et nul ne serait obligĂ© de nous regarder de travers pensaient-ils. Tous les ans nous donnons la zakat et nous rĂ©glons nos impĂŽts Ă  l’État c’est suffisant HĂ© Le reste est pour nous et nos enfants. Que chacun s’assume que diable Nous ne sommes pas responsables des autres ces fainĂ©ants barbares qui nous Ă©gorgeraient bien s’ils le pouvaient Ils n’ont qu’à travailler eux aussi Le pays est si riche il y en a pour tout le monde Personne ne crĂšve plus de faim comme autrefois. Quand on donne du pain au mendiant il vous toise avec mĂ©pris car ce qu’il veut c’est de l’argent. Beaucoup de paresseux s’enrichissent de la sorte... La mendicitĂ© est devenue un mĂ©tier une affaire comme une autre qui tourne bien... Voyez Il y a partout des mendiants aux feux rouges dans les cafĂ©s... Ils embĂȘtent tout le monde. Avec eux on n’est pas tranquille. Si on ne donne rien on est copieusement insultĂ©. C’est trĂšs lucratif. L’État n’a qu’à balayer cette racaille. Ça finit par gĂȘner mĂȘme les touristes. Il y en a assez de voir cette vermine souiller nos belles citĂ©s. Oui On ne voit plus les mendiants dans les quartiers populaires mais lĂ  oĂč l’argent circule en ville et mĂȘme Ă  l’entrĂ©e des banques. Et que dire de ces femmes qui louent des gamins Ă  la journĂ©e pour mendier Elles les droguent pour qu’ils ne pleurent pas. Certaines traĂźnent avec elles deux ou trois gosses... Elles n’hĂ©sitent pas Ă  entrer dans les bars sachant qu’un type qui boit a forcĂ©ment la fibre sentimentale sensible. TantĂŽt on donne tantĂŽt on ne donne pas. C’estslide 26 26 une question d’humeur... » Ainsi justifiaient-ils leur refus catĂ©gorique de distribuer l’aumĂŽne Ă  tout bout de champ et Ă  n’importe qui. Oui oui reconnaissait-on mais ici au village il n’y a pas de mendicitĂ© organisĂ©e. Il y a des pauvres pourtant qui ne tendent pas la main. Il faudrait les aider d’une façon ou d’une autre. » Ceux-lĂ  nous les aidons. Chaque annĂ©e ils perçoivent leur part de la zakat. Que veulent-ils de plus Nous sommes certes riches mais nous ne sommes pas l’État. Or seul l’État a les Ă©paules assez robustes pour supporter ce poids considĂ©rable. » Au fil des annĂ©es les villes grossissaient de l’apport d’une dĂ©ruralisation accĂ©lĂ©rĂ©e consĂ©cutive aux mauvaises conditions climatiques ou tout simplement Ă  l’appel irrĂ©sistible de la grande citĂ© qui obnubilait une jeunesse rĂȘveuse la poussant Ă  abandonner la terre natale pour courir aprĂšs la fortune dans les faubourgs de ces mĂ©gapoles trĂ©pidantes. Et c’étaient ces jeunes gens-lĂ  qui devenaient des dĂ©linquants et des meurtriers car ne trouvant aucun emploi et n’ayant appris aucun mĂ©tier ils devaient voler agresser les autres et mĂȘme tuer pour se nourrir. Tous se droguaient afin d’oublier qu’ils Ă©taient de ce monde. D’autres s’enivraient Ă  l’alcool Ă  brĂ»ler et les plus jeunes qui n’avaient pas encore atteint l’adolescence inhalaient des solvants et des colles fortes qui dĂ©truisaient irrĂ©mĂ©diablement leurs neurones. Il y avait partout de ces enfants qui vivotaient dans les rues au milieu d’une population 27 27 Les communications allant trĂšs vite je vieux BouchaĂŻb Ă©tait bien sĂ»r au courant de ce qui se passait dans les villes mais il n’y remettrait pas les pieds pour tout l’or du monde. MalgrĂ© les changements intervenus au cours des annĂ©es le village restait encore un coin de paradis oĂč la tempĂȘte universelle ne parvenait pas Ă  rompre cet Ă©quilibre immĂ©morial qui semblait Ă©maner des roches et imprĂ©gnait la conscience des hommes d’une foi en la vie plus forte que toute autre tentation... Seuls de jeunes Ă©cervelĂ©s voulant imiter Ă  tout prix leurs aĂźnĂ©s allaient se perdre ailleurs abandonnant Ă  la friche les terres qui les avaient nourris et vu grandir... L’ancienne solidaritĂ© n’existait plus depuis l’indĂ©pendance. Ils devaient se dĂ©brouiller tout seuls pour trouver un emploi. La plupart devenaient garçons de cafĂ© chasseurs d’hĂŽtel. D’autres rĂ©ussissaient Ă  quitter le pays pour la France la Belgique ou la Hollande. Ceux-lĂ  revenaient chaque annĂ©e au volant d’une nouvelle voiture qu’ils revendaient Ă  bas prix avant de repartir. En un mois de vacances fĂ©briles ils dĂ©pensaient toutes leurs Ă©conomies. Les plus futĂ©s ne revenaient pas au pays ils investissaient leur pĂ©cule dans le commerce. Les plus entreprenants s’étaient enrichis au fil des ans. D’aucuns avaient acquis des plantations d’agrumes facilement exportables dans la vallĂ©e du Souss. Ils revenaient parfois mais ils ne s’attardaient pas. Ils Ă©taient devenus des hommes d’affaires pas des immigrĂ©s ordinaires. AprĂšs des annĂ©es d’usine ils avaient rĂ©ussi Ă  voler de leurs propres ailes et ce bien avant les annĂ©es de rĂ©cession et de chĂŽmage qui laissaient la majoritĂ© des expatriĂ©s dans un Ă©tat de dĂ©sespoir sans bornes. Incapables de se recycler ils dĂ©pendaient entiĂšrement de l’assistanat des allocations familiales et autres aides ponctuelles que les mairies allouaient aux familles plĂ©thoriques. Ils Ă©taient passĂ©s du tiers-monde au quart-monde sans mĂȘme s’en rendre compte. CondamnĂ©s Ă  subir leur dĂ©chĂ©ance en Europe ils ne pouvaient plus revenir au pays d’oĂč ils Ă©taient partis un beau matin pleins d’espĂ©rance et rĂȘvant d’un avenir dorĂ© oĂč tout serait facile vu qu’ils gagneraient des sommes colossales pensaient-ils. Mais les annĂ©es passant sans rien apporter d’autre qu’une misĂšre Ă  peine dĂ©guisĂ©e ils durent dĂ©chanter et oublier pourquoi ils s’étaient exilĂ©s. Leurs enfants incultes comme eux rééditĂšrent le mĂȘme topo en l’amplifiant. Ils constituaient dĂ©sormais l’essentiel de la population dĂ©linquante et carcĂ©rale des pays d’Europe car le trafic de stupĂ©fiants et le vol Ă©taient le seul mĂ©tier oĂč ils excellaient. Un mĂ©tier Ă  la portĂ©e des exclus de la sociĂ©tĂ© industrielle qui rejetait ces indĂ©sirables en des banlieues surpeuplĂ©es dangereuses et sinistres. - Ces enfants nĂ©s en Europe sont les pires qui soient dit le vieux BouchaĂŻb. Ils ne respectent mĂȘme pas les morts. J’en ai vu une bande qui profanait les tombes. Ils ne parlent mĂȘme pas notre langue. Qu’est-ce que je pourrais bien leur dire Parler Ă  leur pĂšre Je n’ai plus le temps de m’occuper de ça. D’ailleurs je suis blasĂ© et fatiguĂ©. Que ces garnements tombent donc un jour sur une de ces vipĂšres noires qui infestent les tertres et on rira bien Il paraĂźt qu’on ne survit pas plus d’une heure Ă  leur morsure... - Mais ils ne font pas que cela dit la vieille. Ils saccagent aussi les cultures du cĂŽtĂ© de la riviĂšre. - Et que font donc les propriĂ©taires - Ils ont portĂ© plainte. Le pĂšre paiera sĂ»rement une amende. Tu connais leur pĂšre - Je l’ai connu tout mioche. C’était alors un bon petit gars. - Mais ses enfants... - Ce ne sont pas ses enfants vu qu’ils sont nĂ©s en France. Ils ressemblent Ă  tous les voyous du monde. Tu vois les parents n’ont plus aucun pouvoir sur leur progĂ©niture. - Dieu nous prĂ©serve de ces diablotins dit la vieille. - Nous ne risquons plus rien nous autres. Nous avons mieux vĂ©cu que ces parents qui ont semĂ© Ă  tout-va sans savoir oĂč cela pourrait les mener. Beaucoup s’en sont mordu les doigts. N’a pas une bonne progĂ©niture qui veut. Allons chercher les petits os des vieux » ont dit ces chenapans en courant dans le cimetiĂšre et en donnant des coups de pied dans les tertres. Du jamais-vu Ils n’ont mĂȘme pas peur de la mort et encore moinsslide 28 28 de ses symboles Ils se conduisent tout Ă  fait comme des charognards. Je me demande ce qu’on leur apprend lĂ -bas dans les Ă©coles. Cette bande d’enfants venus de France pour seulement un mois de vacances et pour connaĂźtre le village de leur pĂšre Ă©tait mal vue par les autochtones. Elle Ă©tait turbulente et ne comprenait pas l’idiome local. Il n’y avait entre ces gamins et les gens aucune communication. En outre ils causaient des dĂ©prĂ©dations au prĂ©judice des cultivateurs. Ils arrachaient des fruits des tomates des aubergines sans aucun discernement... et ils emportaient cela comme un butin de guerre. Le plus ĂągĂ© avait Ă  peine quatorze ans. C’était lui le meneur Je connais la tombe Ă  grand-mĂšre. Allons-y Je prendrai un petit os comme ça il montra son pouce comme souvenir. Je le mettrai dans un tube de verre comme une relique. J’ai dĂ©jĂ  vu ça dans les Ă©glises. » Ils se rendirent donc au cimetiĂšre et ils se mirent aussitĂŽt Ă  gratter les tertres avec des bouts de bois. À ce moment-lĂ  le vieux BouchaĂŻb passait dans les parages. Ils le regardĂšrent effrontĂ©ment sans cesser de fouiller... Le Vieux les maudit cent fois lui que le nom seul du cimetiĂšre effrayait lorsqu’il Ă©tait enfant. Il ne s’arrĂȘta pas et ne leur dit rien. D’ailleurs ils parlaient une langue Ă©trangĂšre. Une langue qu’il comprenait Ă  peine. Une langue de dĂ©mon sans doute. Ça n’était pas le français qu’il avait baragouinĂ© Ă  la caserne ni celui parlĂ© par les Ă©piciers de Casablanca. C’était le langage obscur d’un autre monde une sorte d’argot en somme. Est-ce que leurs parents les comprennent au moins s’était-il demandĂ©. Je n’en suis pas si sĂ»r. »slide 29 29 L’hiver commença par des rafales de vent qui balayaient la vallĂ©e avec une violence telle que certains palmiers lĂ©gendaires furent abattus comme des fĂ©tus de paille. La tempĂȘte faisait rage et personne n’osait sortir. Les bĂȘtes et les hommes restaient cloĂźtrĂ©s et toutes les portes et les fenĂȘtres closes. Un froid glacial s’était soudain rĂ©pandu car il avait abondamment neigĂ© sur les hauteurs. On entendait le bruit ronflant du torrent principal et de ses affluents quand le vent tombait. Cette musique Ă  la fois sourde et rĂ©gu- liĂšre aux rythmes multiples divertissait ceux qui ne comptaient que sur la terre pour vivre. Quand on se hasardait Ă  monter sur la terrasse on voyait au loin scintiller la grande cascade du djebel Lekest dont la chute vertigineuse finissait six cents mĂštres plus bas entre deux villages accrochĂ©s au mont comme des arapĂšdes. Les routes Ă©taient coupĂ©es lĂ  oĂč passaient les cours d’eau et oĂč n’existait pas de pont. Aussi ne voyait-on plus aucune automobile. On Ă©tait isolĂ© du reste du monde car personne n’allait au souk. On attendait une accalmie terrĂ© chez soi devant un feu de kanoun pĂ©tillant qui enfumait la maison. Le temps s’écoulait sans que l’on s’en prĂ©occupĂąt le moins du monde. Comme la tourmente ne durait guĂšre plus de quelques jours on prĂ©fĂ©rait rester bloquĂ© bien Ă  l’abri plutĂŽt que d’aller se risquer Ă  l’extĂ©rieur. Beaucoup d’imprudents avaient perdu la vie de cette maniĂšre. Certains d’avoir bravĂ© le torrent en crue... D’autres furent assommĂ©s par la chute d’un arbre ou d’une grosse pierre. On Ă©tait constamment en danger au-dehors lorsque la nature se dĂ©chaĂźnait et qu’un flot diluvien emportait tout sur son passage animaux Ă©garĂ©s mais jamais d’animaux sauvages arbustes dĂ©racinĂ©s etc. Chez soi on se vĂȘtait chaudement et on se chauffait Ă  un grand feu de bois qu’on entretenait rĂ©guliĂšrement. On se racontait des histoires on mangeait et on dormait. On se reposait ainsi pour mieux affronter les fatigues Ă  venir car il y aurait la terre Ă  travailler le fumier Ă  sortir et bien d’autres besognes. - C’est trop enfumĂ© ici dit le Vieux. - Le soupirail est ouvert dans l’anoual 1 mais le vent rabat la fumĂ©e rĂ©pondit la vieille. - La mosquĂ©e me manque dit le Vieux. Le pauvre fqih est tout seul sans doute mais on doit lui porter sa nourriture par tous les temps c’est une obligation. - Il n’est pas Ă  plaindre. Il a droit Ă  quatre repas par jour petit dĂ©jeuner dĂ©jeuner goĂ»ter et dĂźner. Qui dit mieux Et qui de nous autres dĂ©vore autant de nourriture - C’est une tradition le fqih doit ĂȘtre choyĂ© plus que tout autre affirma le Vieux. - Au moins le nĂŽtre est un type bien. - Tu parles du nouveau - Oui. - Il est encore Ă  l’essai. Au fait le vieux a pris sa retraite. Maintenant nous avons un jeune frais Ă©moulu de l’institut de Taroudannt. Il est trĂšs cultivĂ©. Et il ne porte pas la barbe comme tant d’autres... - Toi tu en portes une. - J’ai toujours eu une barbe. - Elle te sied bien. - Certes Je ne me vois pas sans barbe. Elle n’est pour moi rien d’autre que le prolongement de mon corps pas une parure ni un signe distinctif. Mais qu’est-ce qu’on va bien pouvoir grignoter ce soir dis - Un tagine aux oignons et aux pruneaux. - C’est bon. - Il n’y a pas encore de lĂ©gumes. - Donc pas de navets et pas de carottes. - Tu en auras plein dans quelques semaines. Tu seras mĂȘme Ă©c ƓurĂ© tellement il y en aura. 1 - Cuisine berbĂšre 30 30 - Dieu fait bien les choses. - Qu’Il soit louĂ© dit-elle. J’ai prĂ©parĂ© un joli quignon bien rond et bien craquant et dorĂ© comme tu aimes. Que voudrais-tu comme viande Du boeuf s’il en reste. - Il y en a du salĂ©. C’est plus succulent que la viande fraĂźche. - Un mets de pacha. - Un mets tout court. Les pachas mangent la gazelle Ă  ce qu’on dit. - Ils ne se refusent rien. Le Vieux fumait paisiblement et buvait du thĂ©. Il y avait devant lui sur une petite table ronde un cahier ouvert un porte-plume et un encrier. De temps en temps il couchait un vers ou deux sur la page blanche. Il venait de commencer un nouveau poĂšme. La vieille le regardait faire sans oser lui demander ce qu’il Ă©crivait. Mais elle se doutait que ça ne pouvait ĂȘtre que de la poĂ©sie cette poĂ©sie qu’elle aurait tant aimĂ© entendre. Le Vieux mettait en vers l’histoire Ă©pique d’un saint mĂ©connu qui aurait combattu les dĂ©mons et autres ĂȘtres infernaux toute sa vie durant. À cĂŽtĂ© de son maĂźtre le chat roux somnolait sur un oreiller et chaque fois qu’il entendait le crissement de la plume sur le papier il dressait les oreilles et remuait la queue. À un moment donnĂ© le Vieux dit tout haut - Mon chat tu comprends la poĂ©sie. Chaque fois que la plume court sur le papier tu te redresses comme pour applaudir. Tu saisis tout rien qu’à ce bruit insolite. La vieille Ă©clata de rire. Elle dit vivement comme pour se rattraper - Ne t’offense surtout pas. Mais pardonne-moi. Je dois rire en effet. AprĂšs tout un chat n’est qu’un chat. C’est seulement le bruit qui le fait rĂ©agir. C’est Ă  moi que tu devrais dire ces poĂšmes pas au chat. Et pourquoi pas Ă  la mule ou Ă  la vache tant que tu y es -Tu exagĂšres Ces animaux comprennent mieux que les hommes. - Je ne crois pas. Bon Voici le dĂ©but de ce nouveau poĂšme Ne cherchez pas ĂŽ gens. Le saint n’a point de tombe. Son corps fut enlevĂ© avant son dernier souffle Par les Anges du Seigneur. Du jour au lendemain on ne le revit plus Sur terre mais d’aucuns disent qu’il marche la nuit Sur les eaux brillantes du firmament. BouchaĂŻb attendit la rĂ©action de sa femme. Elle dit au bout d’un moment - Mais c’est fascinant Tu dois continuer. - Je continue. Quand il sera achevĂ© je te le dirai en entier. - Comme je suis impatiente Elle alla prendre des braises dans le kanoun afin d’en remplir un brasero puis elle s’assit et commença Ă  prĂ©parer sous l’oeil Ă©bloui du Vieux un tagine qu’elle condimenta d’aromates aux fragrances rares. La narine du Vieux Ă©tait titillĂ©e par cet agrĂ©able fumet. Il en laissa mĂȘme tomber son porte-plume pour suivre les gestes prĂ©cis et lĂ©gers de la vieille femme. Un bonheur ineffable s’exhalait de sa personne. - C’est une vĂ©ritable tentation dit-il. Ton merveilleux travail me distrait du mien. Mais ce que tu fais lĂ  c’est aussi de la poĂ©sie. - Ha - Oui c’est de la poĂ©sie. Que Dieu te bĂ©nisse. Elle ne sut que rĂ©pondre. DĂšs qu’il eut reniflĂ© l’odeur de la viande le chat se prĂ©cipita vers sa maĂźtresse en miaulant. - HĂ© Attends comme tout le monde dit-elle. Mais elle lui donna un petit quelque chose qu’il emporta sur l’oreiller. À l’extĂ©rieur la tempĂȘte Ă©tait tombĂ©e. Seules quelques rafales de vent sifflaientslide 31 31 encore par intermittence. Le bruit grondant et continu du torrent dominait tout autre bruit. Pour plus de commoditĂ© le vieux couple s’était installĂ© dans la petite piĂšce qui servait de salon 1 . On y Ă©tait au chaud malgrĂ© les fenĂȘtres ouvertes. Le grand brasier du kanoun qui Ă©tait dans une piĂšce contiguĂ« enfumĂ©e et pleine de suie suffisait Ă  maintenir une bonne tempĂ©rature dans la demeure. Par les fenĂȘtres on pouvait voir tomber la pluie et s’agiter la cime des palmiers-dattiers et les branches hautes d’un gigantesque tĂ©rĂ©binthe le seul de tout le village. Cet arbre unique Ă©tait la propriĂ©tĂ© de la mosquĂ©e. Chaque annĂ©e BouchaĂŻb vendait les baies rouges qu’il produisait Ă  un nĂ©gociant d’Agadir qui venait aussi pour les caroubes. Nul ne savait ce que l’on fabriquait avec les fruits du tĂ©rĂ©binthe. Ces dĂ©mons d’EuropĂ©ens savent tirer profit de tout » disait-on seulement faute d’une autre explication. BouchaĂŻb lui savait qu’on en extrayait une essence mĂ©dicale. Il s’en Ă©tait frictionnĂ© un jour la poitrine au temps de ses vagabondages car il souffrait d’un refroidissement carabinĂ©. GrĂąces soient rendues Ă  ce vieux juif qui m’avait donnĂ© cette fiole se dit-il en regardant les branches agitĂ©es de l’arbre. Mais reprenons notre Ă©popĂ©e. » Il se remit Ă  Ă©crire. L’inspiration Ă©tait bien lĂ  mais ça ne venait pas vite. C’était comme une distillation. Le Vieux travaillait par Ă -coups laborieusement. Parfois il s’interrompait pour fumer et boire du thĂ© ensuite il reprenait son texte. Il semblait lointain comme aspirĂ© par les forces magnĂ©tiques d’un univers insondable. Il travailla ainsi jusqu’à la tombĂ©e de la nuit. Sa femme qui venait d’allumer les lampes le pria de venir manger. Elle apporta une grande table ronde et basse sur laquelle elle disposa le repas. - Mais je n’ai pas fini dit BouchaĂŻb. - Tu finiras demain. Il rangea le cahier le porte-plume et l’encrier dans une niche murale et ils s’attablĂšrent. Le Vieux s’était tu. Il semblait hantĂ© par le fantĂŽme du saint qu’il Ă©voquait dans sa poĂ©sie. Un saint qui terrassait les dĂ©mons et dĂ©fiait le diable. À la fin du repas il rompit le silence. - C’était bon dit-il. Elle apprĂ©cia l’éloge sans rĂ©pondre. Le Vieux loua Dieu pour ses bienfaits et ajouta - Le printemps prochain sera agitĂ©. Il y aura encore des mariages. Les riches viendront se marier avec des filles riches. On ne verra plus que des autos de luxe des hommes et des femmes bardĂ©s d’or. Les pauvres seront exclus de ces fĂȘtes. Mais au fait n’as-tu pas remarquĂ© quelque chose de nouveau dans le village - Quoi donc demanda-t-elle. - HĂ© Ça saute aux yeux Tout le monde plaint les filles pauvres. Elles ne se marient plus. Personne ne veut d’elles. Elles finiront vieilles filles. Les garçons pauvres sont en ville. Ils bricolent et se marient lĂ -bas avec la premiĂšre venue. Les filles qui restent ici croupissent dans leur coin. Leur lot Les travaux pĂ©nibles et rien d’autre. Que Dieu maudisse la pauvretĂ© - C’est bien triste dit la vieille. Il y a en effet des filles de trente ans qui se morfondent dans leur dĂ©sespoir. Elles ne rĂȘvent plus comme Ă  dix-sept ans d’un beau jeune homme mais d’un vieux- veuf qui pourrait les sortir de lĂ ... - En ville elles se seraient prostituĂ©es dit le Vieux. Ce n’est pas possible ici elles n’ont jamais connu d’homme. - C’est lamentable Elles n’ont pas de chance. Le Vieux reprit - L’annĂ©e derniĂšre Ă  la floraison des amandiers il y a eu ce fameux mariage dont tout le monde parle encore. On y a mangĂ© vingt mille poulets de batterie deux cents moutons et cinquante piĂšces de boeufs - et je ne compte pas le reste. On a dĂ©pensĂ© des 1 - La tamasreĂŻt berbĂšre - littĂ©ralement l’ 32 32 centaines de millions en quelques jours. Des camions frigorifiques apportaient de Casablanca les victuailles. C’était le luxe partout. Personne ici n’était invitĂ© sauf moi. Va savoir ce qui leur a pris J’étais profondĂ©ment choquĂ©. Est-ce que tu sais ce que reprĂ©sente un million - Non dit la vieille. Le Vieux sortit de son portefeuille un billet de cinquante dirhams. Il le montra Ă  sa femme - Tu sais combien c’est - Mille rials dit-elle sans hĂ©siter. - Eh bien un million c’est deux cents fois ce billet Pour ce mariage ils en ont dĂ©pensĂ© des milliers et des milliers. - C’est qu’ils en ont beaucoup. - Ils en ont mĂȘme de trop Ă  mon goĂ»t. C’est une honte Ce sont des choses que Dieu rĂ©prouve. Tu sais que nous mangeons Ă  peine un million par an - Je ne sais rien je ne sais pas compter comme toi. - Un million c’est beaucoup d’argent par les temps qui courent. Peu de gens gagnent cette somme dans l’annĂ©e. Mais assez parlĂ© Couchons-nous plutĂŽt. Ils se couchĂšrent aprĂšs avoir fermĂ© les fenĂȘtres et Ă©teint les lampes. Le Vieux ne s’endormit pas tout de suite il pensait Ă  la geste du saint mĂ©connu en Ă©coutant le bruit rĂ©gulier du torrent et le ronronnement du chat tout Ă  cĂŽtĂ© de 33 33 Une bruine persistante continua de tomber pendant des jours et des nuits aprĂšs les grandes averses annonciatrices dune saison opulente. À chaque accalmie les gens vaquaient Ă  leurs travaux agricoles. On eut donc presque tout de suite les premiers lĂ©gumes dhiver et le Vieux sen rĂ©gala abondamment car il adorait les produits frais de la terre. Sa vieille femme lui prĂ©para un couscous n’wawsaĂŻ 1 sans viande quil avala boulette aprĂšs boulette avec du petit-lait parfumĂ© de thym moulu. À la maison tout le monde Ă©tait heureux y compris les bĂȘtes. On aimait la verdure et tous en mangeaient sauf le chat roux. Les premiĂšres oranges arrivĂšrent en janvier et cest le Vieux qui en cueillit comme sil se fĂ»t agi dun rite sacerdotal. Il fit une invocation Ă  Dieu avant de commencer Ă  dĂ©tacher les fruits des branches et Ă  en remplir un couffin. Il s’empĂȘcha d’en goĂ»ter voulant partager ce plaisir avec sa femme. Il les mit donc dans un Ă©norme pot de terre dĂ©corĂ© de motifs berbĂšres qu’il disposa bien en vue sur une table dans le salon. Les oranges fraĂźchement cueillies parfumaient agrĂ©ablement la piĂšce. Pour tuer le temps Bouchai se prĂ©para un thĂ© corsĂ© Ă  l’absinthe et sortit son cahier son porte-plume et son encrier. Il fuma d’abondance. Sentant que quelque chose se passait le chat roux reprit sa place ordinaire sur l’Oreiller prĂšs de son maĂźtre. Ce matin-lĂ  un soleil Ă©blouissant inondait le paysage agreste et faisait Ă©tinceler la neige sur les crĂȘtes. On entendait s’interpeller les gens dans les champs environnants. Une gaietĂ© fĂ©erique avait soudain envahi le coeur racorni des ĂȘtres et les plus mĂ©lancoliques partageaient cette joie Ă©lĂ©mentaire. MĂȘme ces pauvres vieilles filles doivent ressentir un peu de bonheur se dit le Vieux. Ce bonheur de vivre qui est le bien le plus prĂ©cieux au monde. » Oui ces vieilles filles Ă©taient aussi gaies que les autres. N’espĂ©rant plus rien elles s’étaient rĂ©solues Ă  vivre sans rĂȘves et par consĂ©quent sans soucis. Fini le temps oĂč elles voyaient partout l’apparition inopinĂ©e d’un prince charmant Elles ne pensaient plus Ă  leur corps et ne se regardaient plus longtemps dans un miroir. Ces petites prĂ©occupations fĂ©minines leur Ă©taient devenues Ă©trangĂšres le jour oĂč elles avaient eu la conviction qu’elles passeraient leur existence seules et sans homme dans une famille qui les trouverait d’un poids pesant et sans profit... Il vaut mieux qu’elles soient seules plutĂŽt qu’avec un misĂ©- rable qui leur ferait une flopĂ©e de gosses et les battrait parce qu’il est sans le sou. Elles sont beaucoup plus heureuses Ă  mon sens pensa le Vieux. À l’heure qu’il est elles ne songent mĂȘme plus au mariage et pas mĂȘme Ă  cet hypothĂ©tique vieux veuf... Tant mieux Elles vivent tranquilles ainsi. » Il y en avait une pas loin d’ici qui chantait tout en travaillant. Mais le Vieux n’entendait pas distinctement les mots quoique la voix de la fille fĂ»t claire et belle. Une voix aiguĂ« qui s’apparentait aux voix instrumentales d’une Mongolie mythique. La voix des filles du Sud au son pareil Ă  celui d’un Stradivarius manipulĂ© par des doigts magiques ceux d’un jeune prodige tel qu’il n’en naĂźt qu’un tous les mille ans. Et cette voix gracieuse montait des champs verts et fleuris d’une contrĂ©e oubliĂ©e au fond des Ăąges sombres. Le Vieux qui s’était remis Ă  Ă©crire avait rempli deux pages de ce cahier d’écolier qu’il affectionnait tant. Tout comme un Ă©lĂšve douĂ© et disciplinĂ© il traçait les mots en respectant la marge. Il aimait faire ce travail de fourmi car il Ă©tait mĂ©ticuleux. Son Ă©criture fine s’agrĂ©mentait d’une Ă©toile Ă  la fin de chaque strophe. Il en Ă©tait lĂ  quand sa femme revint de ses corvĂ©es matinales. Elle vit aussitĂŽt les oranges. - Eh bien Des oranges... Les premiĂšres. Allez J’en prends une. 1 - Couscous d’orge agrĂ©mentĂ© de jeunes tiges de navet coupĂ©es 34 34 Elle en prit une qu’elle pela et mangea sans se presser. - Elle est fameuse dit-elle. - Je n’en ai pas encore goĂ»tĂ© rĂ©pondit le Vieux. - Mais prends-en donc - Plus tard. LĂ  je suis occupĂ©. Et ça coule de source cette fois. Je ne vais pas m’interrompre. Le saint se manifeste avec force. On dirait qu’il veut sortir de l’oubli. - Eh bien continue. Je vais prĂ©parer le dĂ©jeuner. - Fais du couscous... avec beaucoup de navets. - D’accord. Elle partit. Le Vieux continua d’écrire jusqu’à l’heure du dĂ©jeuner. Il rangea alors ses instruments de travail dans la niche murale et aprĂšs avoir jetĂ© un long coup d’oeil Ă  l’extĂ©rieur il revint s’asseoir Ă  sa place. Il Ă©tait tout Ă©moustillĂ© car cette rĂ©daction l’avait ragaillardi. Son regard se porta sur les oranges. Il en pela une qu’il dĂ©gusta pour mieux en apprĂ©cier la saveur. Orange fille du soleil dit-il tu es belle et nourrissante. Hercule a dĂ» lutter Ă  mort pour t’obtenir - j’en aurais fait de mĂȘme si j’avais vĂ©cu en ce temps-lĂ . Aujourd’hui mĂȘme un gueux peut te manger sans t’apprĂ©cier tellement tu es devenue commune. Cette civilisation du ventre ne te vaut rien. » Ce mot d’esprit le fit rire. Le trouvant ainsi sa vieille femme lui en demanda la cause. - Je parlais Ă  l’orange dit-il. Autrefois un roi avait condamnĂ© un gĂ©ant Ă  lui rapporter des pommes d’orslide 35 35 Manque pages 92-95slide 36 36 le besoin d’aller et venir comme un ours dans sa cage car il n’aimait pas ĂȘtre enfermĂ© entre quatre murs surtout la nuit... Quand il ne traçait pas sur le cahier d’écolier ses lignes fines et rĂ©guliĂšres Ă©maillĂ©es d’étoiles savamment dessinĂ©es entre des strophes plus ou moins longues il conversait avec sa vieille Ă©pouse comme il l’eĂ»t fait avec un homme cultivĂ© et il lui apprenait des choses qu’elle ignorait ou dont elle n’avait jamais entendu parler ce qui faisait qu’elle en savait plus sur les mystĂšres du monde que le plus informĂ© des villageois qui n’écoutaient que la radio cette radio berbĂšre sans autre programme que des chansons toujours les mĂȘmes... Ceux qui connaissaient la langue arabe pouvaient suivre des Ă©missions dans cette langue sur plusieurs stations Ă©couter des programmes variĂ©s des informations dĂ©taillĂ©es mais ils Ă©taient rares. La majoritĂ© des villageois Ă©tait illettrĂ©e et inculte et quand certains parlaient l’arabe ils ne parlaient que le dialectal pas l’arabe classique en usage dans les mĂ©dias. Oui sans mĂȘme savoir lire et Ă©crire la vieille Ă©pouse de BouchaĂŻb possĂ©dait une certaine culture et beaucoup de connaissances autres que celles touchant exclusivement Ă  l’agriculture. Elle Ă©tait visiblement heureuse d’avoir un mari tel que le Vieux qui savait parler aux femmes. Sachant que les autres n’accordaient aucune importance Ă  leurs Ă©pouses avec lesquelles ils ne parlaient que des choses banales elle Ă©tait doublement ravie. Pour elle le monde ne s’arrĂȘtait pas Ă  ces montagnes il Ă©tait vaste et multiforme. TĂŽt le matin le lendemain le guide touristique attitrĂ© vint voir le Vieux pour tenter de louer sa mule. Il Ă©tait accompagnĂ© de cinq jeunes AmĂ©ricains et il cherchait d’autres bĂȘtes des Ăąnes de prĂ©fĂ©rence. Ils voulaient faire une randonnĂ©e dans la rĂ©gion mais sans trop s’éloigner de l’agglomĂ©ration. Ce guide polyglotte Ă©tait nĂ© ici mais il habitait-le chef- lieu oĂč se trouvaient l’administration et le souk. Il avait une femme et des enfants au village une autre femme et des enfants Ă  Tiznit et une troisiĂšme Ă©pouse au souk mĂȘme. C’était la derniĂšre. Elle Ă©tait jeune et il vivait avec elle. Quant aux autres il les laissait se dĂ©brouiller toutes seules... Un aventurier tout comme son pĂšre que le Vieux avait frĂ©quentĂ© - Un baroudeur et un sacrĂ© bandit mais un homme loyal. » - Tu veux louer des bĂȘtes pour la journĂ©e - Oui Da BouchaĂŻb. Et ta mule aussi. - Ah ça non Ma mule ne connaĂźt que son maĂźtre. Mais pour le reste c’est simple. Il faut aller voir le Mokaddem il se dĂ©brouillera. Je vais faire du thĂ©. Dis Ă  ces jeunes gens de monter. La porte est ouverte et tu connais la demeure. - Nous arrivons. Le Vieux qui Ă©tait dans le salon et qui avait parlĂ© au guide par la fenĂȘtre les attendit. Quand ils l’eurent rejoint il les salua et les invita Ă  s’asseoir ce qu’ils firent aussitĂŽt. – Ce sont des AmĂ©ricains rĂ©pĂ©ta le guide. L’un d’eux vit ici depuis deux ans. Il fait un travail universitaire sur les us et coutumes d’un village bien de chez nous et il vit exactement comme les gens qui l’ont acceptĂ© et bien accueilli... Il mange comme eux s’habille comme eux va au souk comme eux Ă  dos d’ñne... Les quatre autres viennent d’AmĂ©rique. Ils veulent voir le pays qui disent-ils est inconnu chez eux. Si tu les vois mal fagotĂ©s c’est qu’ils ne veulent pas ressembler Ă  l’homme ordinaire de leur sociĂ©tĂ©. Ce sont des contestataires. Ils n’aiment pas la guerre que fait leur pays en Asie du Sud-Est. Ils sont contre leur prĂ©sident le CongrĂšs et les gĂ©nĂ©raux belliqueux. Ils disent que ces gens-lĂ  envoient la jeunesse amĂ©ricaine Ă  la mort... Une jeunesse qui lorsqu’elle en rĂ©chappe est si droguĂ©e qu’elle est fichue... Certains deviennent fous. Ceux-lĂ  sont dangereux... Ils s’arment entrent dans un restaurant et ouvrent le feu sur les consommateurs. Il y a eu des massacres. D’autres quittent carrĂ©ment la ville le village la ferme. Ils s’isolent dans les montagnes vivent dans les cavernes comme l’ours ou le coyote. Ils ne veulent plus entendre parler des hommes ni se voir dans une glace. Ils sont retournĂ©s Ă  l’état sauvage. Ces jeunes que tu vois sont contre tout ça. – Ils ont raison assura le Vieux. J’entends parler de cette guerre Ă©pouvantable. C’estslide 37 37 au Vietnam que ça se passe je crois. - Au Vietnam au Cambodge au Laos... - Ma femme n’est pas ici mais je vais quand mĂȘme prĂ©parer le thĂ©... C’est qu’il n’y a peut-ĂȘtre pas encore de braises
 - Nous n’avons guĂšre le temps. Et nous reviendrons une autre fois si tu le dĂ©sires. Maintenant nous sommes pressĂ©s. Le temps qu’on trouve des bĂȘtes... Une autre fois hein dit le guide. D’accord... - D’accord Va mon fils 38 38 Les autres partis le Vieux descendit dans le jardin histoire de respirer un peu dair frais et de jeter un coup doeil sur lensemble. Il remarqua que les amandiers allaient bientĂŽt fleurir et que bien des plantes Ă©taient dĂ©jĂ  envahies par des kyrielles dinsectes tant elles embaumaient et resplendissaient. À ce moment il vit le chat Ă  laffĂ»t au pied dun figuier et il comprit vite ce quil cherchait il y avait sur une branche de larbre une mĂ©sange qui tenait une brindille dans son bec. – HĂ© chat audacieux Doucement Tu ne vas tout de mĂȘme pas t’attaquer Ă  ce joli passereau. Il est ici chez lui comme toi. Allez Rentre Ă  la maison Va courir aprĂšs les rats si le serpent en a laissĂ© dit le Vieux en chassant sans mĂ©nagement le fĂ©lin. Je naimerais pas le voir arriver dans le salon avec un de ces oiseaux entre les dents. Cela me mettrait dans une telle rage que je serais capable de le haĂŻr moi qui laime tant. Mais un chat est d abord un chat. Et s’il a des instincts de chasseur qu’y puis-je » Il fit un tour d’inspection du cĂŽtĂ© des arbres fruitiers alla couper quelques tiges de menthe et d’absinthe et rentra laissant derriĂšre lui le chatoiement soyeux d’une multitude de papillons d’abeilles et autres insectes qui furetaient partout. Dommage qu’il n’y ait pas encore de braises se dit-il. J’aimerais bien me faire un thĂ©. Mais attendons que ma vieille Ă©pouse revienne. » Il s’assit donc et attendit. Au bout d’un moment elle entra dans le salon. - Mais tu ne fais rien lui dit-elle. - Je voulais prendre un thĂ© mais il n’y a pas de braises. - Il y en a. Je vais tout apporter ici ne bouge pas. Elle alla chercher le nĂ©cessaire pour faire du thĂ©. - Tu vois l’eau est bouillante. Je savais bien que tu rĂ©clamerais du thĂ©... Tu le fais toi-mĂȘme - Oui je le veux un peu corsĂ© car je dois encore Ă©crire. - Eh bien je te laisse... Je vais mettre le repas en marche dit-elle en s’en allant. Le Vieux prĂ©para son thĂ©. Il le goĂ»ta et pensa Il est bien fort C’est ce qui convient Ă  un vieux chnoque comme moi. » Il fuma et reprit sa posture de scribe. Il Ă©crivit sans s’interrompre jusqu’à ce que sa femme fĂ»t de retour puis ils dĂ©jeunĂšrent et s’assirent enfin pour se dĂ©tendre. Le Vieux lui apprit la visite du guide. - Ah Celui-lĂ  dit-elle. Il paraĂźt qu’il a trois femmes. Celle qu’il a laissĂ©e ici avec des enfants presque nus souffre beaucoup de cet abandon. - C’est un aventurier tout comme son dĂ©funt pĂšre affirma le Vieux. - Qui Ă©tait-il - Un baroudeur une sorte de bandit mais pas un tueur. À ma connaissance il n’a jamais tuĂ© personne. Il aimait bien faire le coup de feu pourtant. - Qu’est-ce qu’il voulait le guide - Louer des bĂȘtes. Il y avait des gens avec lui qui voulaient faire une randonnĂ©e. Je l’ai envoyĂ© chez le Mokaddem. - S’il lui donne quelque chose il aura des bĂȘtes. - Pas si sĂ»r. Il les aura s’il a de la chance. N’oublie pas que les gens travaillent et qu’ils ont besoin d’elles. C’était en effet si vrai que repassant par lĂ  le guide apprit au Vieux qu’ils n’avaient pu faire leur randonnĂ©e faute d’avoir obtenu des bĂȘtes en location - Les gens sortent le fumier. Les Ăąnes sont indisponibles. Mais nous avons marchĂ© un peu ça nous a fait du bien. Maintenant nous filons. Salut. Le guide qui avait hĂ©lĂ© le Vieux sous la fenĂȘtre du salon pour lui parler entraĂźna les autres derriĂšre lui. Ils disparurent entre les arbres. Quelques instants plus tard on entendit le bruit d’un moteur puis le silence retomba dans le petit salon oĂč le Vieux avait repris sa 39 39 Deux jours plus tard on vint frapper Ă  la porte de la maison. C’était un jeune Noir Salem le fils du ferblantier qui fabriquait aussi des sandales Ă  semelles de caoutchouc. - On vous attend chez l’adjudant dit-il. Il circoncit ses deux petits garçons. - Je suis au courant on est venu m’inviter hier. Je m’apprĂȘtais justement Ă  y aller. Alors allons-y. - Moi je ne suis pas invitĂ© dit Salem. - Alors j’y vais seul. Il se rendit chez l’adjudant aprĂšs en avoir informĂ© sa femme. La maison de son hĂŽte ressemblait Ă  un petit chĂąteau mĂ©diĂ©val Ă  pic sur une Ă©minence rocheuse. On y accĂ©dait par un sentier tortueux. Son histoire remontait Ă  la nuit des temps. Le Vieux fut reçu avec chaleur par l’adjudant qui le conduisit dans une piĂšce dotĂ©e d’une petite fenĂȘtre et de plusieurs meurtriĂšres souvenirs du banditisme qui sĂ©vissait dans la rĂ©gion avant la pĂ©nĂ©tration française. Il y avait lĂ  une quinzaine d’invitĂ©s dont un grand personnage vĂȘtu comme un imam et qui n’était en fait que le circonciseur. Il portait une longue barbe blanche de patriarche biblique qui l’eĂ»t fait ressembler Ă  Abraham s’il n’avait arborĂ© un impeccable turban Ă  rayures dorĂ©es et une paire de lunettes de vue. L’ayant assez bien observĂ© le Vieux lui reconnut de la noblesse... Il y avait au centre de la piĂšce trois grands plateaux Ă  thĂ© un samovar fumant une Ă©norme bouilloire sur un brasero mĂ©tallique et des pots de basilic... On n’avait pas encore servi le thĂ©... Il y eut un va-et-vient. On amena deux enfants de sept et cinq ans vers le circonciseur Ă  cĂŽtĂ© duquel Ă©tait assis l’adjudant. Ils Ă©clatĂšrent en sanglots dĂšs qu’ils virent le matĂ©riel du praticien ciseaux longs et luisants Mercurochrome pansements coton... On tĂącha de les calmer en leur racontant n’importe quoi. En vain. Alors le pĂšre se saisit du plus ĂągĂ© le tint fermement comme dans un Ă©tau et lui ayant ramenĂ© la gandoura sur la tĂȘte il le prĂ©senta au circonciseur qui opĂ©ra rapidement aprĂšs avoir murmurĂ© un verset coranique oĂč apparaissaient les noms d’Abraham de MoĂŻse Jacob David et JĂ©sus- Christ... Ensuite ce fut le tour du plus petit. On les pansa et on les reconduisit en larmes chez les femmes oĂč les petites filles malignes les taquinĂšrent et voulurent absolument voir leur zizi. Leur mĂšre les rĂ©conforta en leur donnant des gĂąteries et Ă  la question de savoir ce qu’on allait faire des prĂ©puces elle rĂ©pondit On les enterre sous la grande jarre deau et ils se transforment en salamandres... » Cette rĂ©ponse impressionna les garçonnets qui ne souffraient dĂ©jĂ  presque plus. Ils voulurent aller courir avec les petites filles mais la mĂšre les en empĂȘcha Vous jouerez demain. Aujourdhui cest le repos. » Tout Ă  cĂŽtĂ© une femme cuisait de la viande Ă  confire pour les circoncis comme cĂ©tait la tradition. Une autre faisait des gĂąteaux dont elle remplissait des plats de cĂ©ramique qui Ă©taient emportĂ©s chez les hommes au fur et Ă  mesure. Le Vieux aimait cette rĂ©union de gens simples. Cela le changeait des mariages tonitruants des parvenus. Il estimait l’adjudant. Un homme honnĂȘte et travailleur. Il avait une boutique au souk qu’il ouvrait quatre fois par semaine. Les autres jours il restait avec sa famille au village. Il vaquait aux travaux des champs aidait les uns et les autres et rendait Ă  tous ces menus services parfois inapprĂ©ciables. Ainsi pouvait-il rĂ©parer un moteur de pompe Ă  eau en panne. Il ne se faisait jamais payer. La conversation roulait autour de la circoncision. Cela avait commencĂ© avec Abraham qui s’était fait circoncire le premier Ă  un Ăąge respectable. Il avait appliquĂ© la mĂȘme loi Ă  ses serviteurs mĂąles. Quelqu’un posa la question de savoir si JĂ©sus-Christ Ă©tait circoncis. On l’assura que oui Ă©tant juif de naissance. On passa alors Ă  l’excision des filles dans certains pays d’Afrique et en Égypte... - Il y a pire dit quelqu’un. Je connais un peu l’Afrique. Chez certains Noirs on infibule la vulve des petites filles avec des mandibules de grosses fourmis carnivores. Quand la bestiole a mordu on sĂ©pare la tĂȘte du reste et on ne rouvre la vulve qu’à l’occa- sion du mariage de la fille. C’est pour soi-disant sauvegarder la virginitĂ©slide 40 40 Tous reconnurent que ces procĂ©dĂ©s Ă©taient dignes des sauvages et que l’islam interdisait de telles pratiques. Plus tard on dĂ©jeuna d’un substantiel couscous aux tripes puis on se congratula et tous partirent. Le Vieux rentra chez lui pour faire sa 41 41 Comme les choses vont vite se dit le Vieux. Il y a Ă  peine vingt ans il n’y avait rien de nouveau ici. Et voici que les riches se font maintenant un devoir de possĂ©der dans leurs belles demeures un groupe Ă©lectrogĂšne deux ou trois puits creusĂ©s Ă  la dynamite dans une roche particuliĂšrement dure et qui ne tarissent jamais des salles de bains marbrĂ©es et des waters ad hoc... Adieu la lampe Ă  huile les bougies Adieu le kanoun L’électricitĂ© a tout changĂ© tout chamboulĂ© en un Ă©clair Et voici le tĂ©lĂ©viseur et la parabole Les riches veulent tout voir et tout savoir Ils ne regardent que les chaĂźnes Ă©trangĂšres amĂ©ricaines et europĂ©ennes turques Ă©gyptiennes... Jamais la tĂ©lĂ©vision nationale qu’ils trouvent sinistrement pauvre Pauvre comme les pauvres qu’ils mĂ©prisent Et moi qui n’ai mĂȘme pas un poste de radio HĂ© Ils visionnent mĂȘme en secret des films pornographiques... Ils aiment ça ces vicieux Et ils ont des vidĂ©os et des dĂ©codeurs que sais-je moi Ils ont tout Tout absolument tout pour vivre ici dans une parfaite tranquillitĂ©... Mais non Ils n’y reviennent qu’une fois l’an Quinze vingt jours tout au plus Les autres mois de l’annĂ©e c’est un gardien qui surveille la propriĂ©tĂ© dont les portes restent closes en l’absence du maĂźtre. Il vadrouille donc Ă  l’extĂ©rieur comme un chien Ă  s’occuper des arbres et des bestiaux... Un chien bien payĂ© au demeurant et bien traitĂ© puisqu’il empoche un joli salaire et qu’il a une petite maison bien Ă  lui cadeau du patron. Oui l’électricitĂ© a tout changĂ© la nuit n’est plus aussi sombre qu’elle l’a Ă©tĂ© du cĂŽtĂ© de ces maisons fastueuses. On y est comme dans une ville Ă  prĂ©sent. C’est si lumineux qu’on ne se sert mĂȘme plus d’une torche Ă©lectrique Mais comme le maĂźtre est absent onze mois sur douze l’ancienne nuit d’encre reprend le dessus. Plus de bruit de moteur alors plus d’éblouissements Heureusement que cette brute s’absente ainsi sinon oĂč irait-on Personnellement je prĂ©fĂšre ma vie simple Ă  tout ce tapage Ă  ce clinquant ridicule. Mais la modernitĂ© est contre moi. Je ne suis qu’un vieux croulant un vieux chnoque qui Ă©crit sur un saint aussi mĂ©connu que lui. En marche vers une disparition complĂšte aprĂšs quoi ne resteront que les choses solides bien actuelles le bĂ©ton l’argent la tĂ©lĂ©vision la vidĂ©o les grosses voitures etc. Ça s’impose dĂ©jĂ  assez violemment que diable AprĂšs tout ce qui est vieux sera tenu pour nul et non avenu inutile bon pour la casse On laissera bien entendu quelques vieilles ruines en l’état car on aura toujours besoin d’une image nostalgique fĂ»t-elle pĂ©nible Ă  supporter et l’on paradera dans son domaine et sur les routes au souk et partout oĂč on retrouvera ses semblables opulents. Mais il y aura toujours des pauvres toujours les mĂȘmes et leurs vieilles maisons archaĂŻques toutes rafistolĂ©es... et leurs filles qui vieilliront contre tout bon sens femmes infĂ©condĂ©es rejetĂ©es parce que dĂ©sespĂ©rĂ©ment misĂ©rables quoique parfois trĂšs belles. Il y aura toujours le torrent la vallĂ©e et les montagnes mais pas de ponts pas d’asphalte sur les routes et pas mĂȘme un radier La belle voiture roulera donc sur des pistes caillouteuses traversera le cours d’eau Ă  guĂ© comme un Ăąne. Elle sera empoussiĂ©rĂ©e la belle allemande dĂ©mantibulĂ©e et cabossĂ©e Mais le parvenu n’en aura cure... "Une voiture hĂ© Elle est faite pour ĂȘtre remplacĂ©e J’en achĂšte une nouvelle tous les deux ans. J’ai les moyens moi" Et la belle achĂšve ses jours comme taxi collectif Quelle disgrĂące Ça fait tout de mĂȘme mal au coeur de voir des fortunes filer comme ça Ă  vau-l’eau dans un bled presque nĂ©cessiteux oĂč seuls quelques potentats arrogants dĂ©pensent sans compter CrĂ©sus immatures inconscients du danger et des colĂšres que leur dĂ©sinvolture suscitera immanquablement... Des nantis qui se disent bourgeois mais qui n’en sont pas. Tout juste des parvenus tombĂ©s de la derniĂšre pluie pas des Jacques Coeur comme autrefois Des gens sans tradition mercantile sans legs et sans autre Ă©ducation qu’une barbarie financiĂšre effrĂ©nĂ©e... et qui sont prĂȘts Ă  faire leurs valises au moindre remous social Ă  sauter dans un avion pour la Suisse oĂč leurs comptes numĂ©rotĂ©s les attendent bourrĂ©s Ă  craquer de milliards acquis Dieu sait comment Avant l’indĂ©pendance il n’y avait pas dans tout le pays une dizaine de vrais riches. On les connaissait c’étaient pour la plupart des gens du Makhzen issus de vieilles familles... Des fortunes bĂąties au cours des siĂšcles patiemment par des gĂ©nĂ©rations d’hommes Ăąpres auslide 42 42 gain intrĂ©pides voleurs assurĂ©ment mais traditionalistes Ă  l’excĂšs... Du jour au lendemain en trois dĂ©cennies on a vu apparaĂźtre un nouveau type de riche parvenu sans foi ni loi corrompu et corrupteur vellĂ©itaire qui croit que tout s’achĂšte des fonctionnaires comme du tabac des femmes des terres tout y compris les consciences les plus affermies les moins permĂ©ables aux tentations empoisonnĂ©es de l’argent... Il achĂšte donc ce qu’il peut floue l’État si nĂ©cessaire mĂ©prise et trompe le peuple ce crĂšve-la-faim qui le gĂȘne dans ses rĂȘves grandioses cette piĂ©taille qu’il aurait annihilĂ©e s’il en avait eu les moyens politiques et qui continue de se dresser sur sa route mirifique Ă  le narguer rien qu’en existant Ă  le rappeler Ă  l’ordre constamment lui qui n’est pas lĂ  vit lĂ  sans y vivre vraiment a un pied ici et un autre ailleurs car on ne sait jamais rien n’est tout Ă  fait garanti. Un jour il faudrait dĂ©guerpir fuir s’exiler... Mais on a mis ses billes de cĂŽtĂ©... On a des appartements Ă  Paris Bruxelles Londres Zurich... "On n’est pas des indigents nous autres Si ça tourne au vinaigre eh bien tant pis on ira tenter l’aventure ailleurs Nos enfants sont dĂ©jĂ  grands... ils Ă©tudient aux États-Unis... Ils ne reviendront ici qu’au moment des vacances... Ce sont maintenant des AmĂ©ricains. Ici On n’a rien Ă  faire ici On y est tant qu’on y gagne de l’argent beaucoup d’argent... Mais si ça foire tant pis Le monde est vaste trĂšs accueillant pour des gens comme nous qui pouvons investir n’importe oĂč n’importe quand..." Quelle sale engeance pensa le Vieux. Des ennemis de la patrie pour laquelle d’autres ont donnĂ© leur vie. Mais ne voilĂ -t-il pas que je me fiche en colĂšre C’est cette foutue Ă©lectricitĂ© et ces groupes Ă©lectrogĂšnes qui m’ont remuĂ© HĂ© hĂ© Que le diable les emporte donc eux et leurs manigances de sacripants » La saine colĂšre du Vieux s’apaisa Ă  la vue des amandiers fleuris dont la splendeur incomparable relĂ©gua dans l’oubli la vision qu’il avait eue de la vie du parvenu... On Ă©tait au mois de fĂ©vrier le mois floral par excellence en cette vallĂ©e bien arrosĂ©e et Ă  l’abri dans son confinement mĂȘme... Il Ă©tait sorti ce matin-lĂ  assez tĂŽt pour aller prendre un colis Ă  la minoterie ce colis qui arrivait de France tous les trois mois environ et qui devait contenir du thĂ© de Chine du tabac et peut-ĂȘtre autre chose. Chemin faisant il Ă©tait passĂ© Ă  proximitĂ© de la propriĂ©tĂ© d’un de ces parvenus qu’il mĂ©prisait une rĂ©sidence qu’on avait Ă©rigĂ©e aprĂšs l’arrachage systĂ©matique d’arganiers sĂ©culaires chose qui faisait dire aux superstitieux qu’un grand malheur frapperait celui qui avait donnĂ© l’ordre de les abattre... De retour chez lui le Vieux s’installa Ă  sa place et ouvrit le colis. Il fut Ă©tonnĂ© et content d’y trouver enfin outre ce qu’il attendait un transistor de marque japonaise qu’il essaya aussitĂŽt. Mais c’est prodigieux Moi qui n’y pensais plus me voilĂ  servi Avec ça je peux Ă©couter la terre entiĂšre et savoir ce qui se passe sans avoir Ă  l’apprendre de qui que ce soit. Est-ce qu’il a envoyĂ© un stock de piles Oui oui il est lĂ  dans ce paquet Ă  part. HĂ© Et ça c’est quoi Ah Une robe Une robe française pour ma vieille Ă©pouse. C’est charmant Mais elle ne porte pas de robe Elle s’habille comme une BerbĂšre Pas mĂȘme comme une Arabe et encore moins comme une femme de la ville. Bon Ça lui fera quand mĂȘme plaisir je pense. » Il rĂ©gla le poste sur la frĂ©quence de la station d’Agadir qui diffusait des variĂ©tĂ©s en langue berbĂšre. Il Ă©couta les paroles de l’Ahwach 1 accompagnĂ© de tambourins et de flĂ»tes jusqu’à l’arrivĂ©e de la vieille femme. - Tiens dit-elle. Une radio. - Ça vient de Paris. Mon ami t’envoie aussi une belle robe. Il lui montra le vĂȘtement. Elle n’en avait jamais vu de semblable. - Mais c’est quoi ça - Un habit de femme Les Françaises et les Arabes des villes en portent tous les jours. - Mais je ne peux pas mettre ça moi - Bien sĂ»r que non Mais garde-la dans ton coffre. Tu trouveras bien une jeune fille Ă  qui la donner. Une fille moderne quoi. 1 - Danse et chants traditionnels 43 43 - Bon... Remercie ton ami. Mais c’est de l’Ahwach Ă  la radio Il est magnifique. Ici on ne danse plus on ne chante plus comme autrefois. Il n’y a mĂȘme plus de fĂȘtes collectives. - Ici il n’y a plus rien dit le Vieux. Les traditions sont mortes et enterrĂ©es. Mais il y a encore des villages oĂč l’on danse et chante pendant les fĂȘtes saisonniĂšres et autres. Des villages oĂč les gens vivent les uns prĂšs des autres oĂč tous s’entraident. Ici chacun fuit l’autre. - OĂč se trouvent donc ces fameux villages - Dans la montagne par lĂ  rĂ©pondit le Vieux en faisant un geste circulaire comme pour dĂ©signer les lieux en question. LĂ -bas il n’y a pas de gens riches tous sont Ă©gaux. - Parce que tu penses que c’est Ă  cause des riches qu’il n’y a plus rien ici - Certainement Les riches se veulent rĂ©solument modernes actuels. Ils n’ont pas besoin de l’Ahwach pas besoin de fĂȘtes populaires ni de ces chants et de ces danses qui durent toute la nuit. - Je m’en souviens. Et qu’est-ce qu’il y a aujourd’hui - Il y a la tĂ©lĂ©vision la voiture les femmes et l’argent. - Ho On n’a pas tout ça nous. - Nous on a maintenant une radio. Ils rirent. - Bon Tu n’écris pas - Je vais Ă©crire. Mais prĂ©pare-moi d’abord un bon thĂ© Ă  l’absinthe. Tiens prends ce paquet de thĂ© et mĂ©lange-le avec l’autre qui est dans la boĂźte mĂ©tallique. - Je fais ça tout de suite et aprĂšs je vais cuisiner. Qu’est-ce que tu voudrais - Un couscous aux navets 44 44 - Parfois on se trompe on a le jugement trop hĂątif mais dans l’ensemble j’ai raison. Le cas de Haj LahcĂšne est l’exception qui confirme la rĂšgle dit le vieux BouchaĂŻb Ă  son interlocuteur un homme dans la force de l’ñge maigre et grand robuste du nom d’Amzil car il avait Ă©tĂ© au temps de sa splendeur le seul forgeron et donc l’unique marĂ©chal-ferrant du village. Il Ă©tait assis en compagnie du Vieux dans le petit salon devant un verre de thĂ© des galettes de l’huile d’argan et d’olive et une pĂąte d’amandes presque liquide 1 . Venu ferrer la mule et l’ayant fait le Vieux l’avait conviĂ© Ă  prendre du thĂ© histoire de bavarder un moment de choses et d’autres. C’est ainsi qu’il apprit d’Amzil les ennuis que sa femme avait eus pour accoucher il avait fallu pratiquer une cĂ©sarienne. Le Vieux sut aussi que Haj LahcĂšne avait tirĂ© l’ancien forgeron d’affaire. DĂšs qu’il a appris mes ennuis il est accouru chez moi et m’a proposĂ© son aide. Nous avons emmenĂ© ma femme au dispensaire du souk dans sa vieille Chevrolet mais lĂ  rien Ă  faire pas un mĂ©decin seulement deux ou trois infirmiers. On nous a conseillĂ© d’aller Ă  l’hĂŽpital de Tiznit distant de plus de cent kilomĂštres... Haj LahcĂšne n’a pas hĂ©sitĂ© il m’a priĂ© de remonter dans la voiture et nous avons dĂ©marrĂ©. À l’hĂŽpital on a immĂ©diatement pris en charge mon Ă©pouse mais on a exigĂ© que je paie sur place les mĂ©dicaments qu’ils ne possĂ©daient pas. Comme je n’avais pas un sou vaillant c’est bien entendu mon bienfaiteur qui a payĂ©. Je devais attendre huit jours en ville avant que mon Ă©pouse se remette de cette opĂ©ration et que tout rentre dans l’ordre. Il fallait rester lĂ  aller la voir tous les jours pour lui porter Ă  manger etc. mais je n’avais pas un centime. Haj LahcĂšne qui savait tout ça m’a remis une assez coquette somme pour rĂ©gler mes petites affaires et faire d’autres achats. Je n’oublierai jamais ce geste mais je ne sais comment remercier cet homme qui dĂ©cidĂ©ment surpasse en bontĂ© le meilleur des saints. Que Dieu me pardonne si je me trompe. Il avait racontĂ© cela au Vieux d’un trait l’air calme et sans omettre aucun dĂ©tail en espĂ©rant que son interlocuteur lui suggĂ©rerait la meilleure façon de remercier son bienfaiteur. - Oui oui rĂ©pĂ©ta le Vieux on peut se tromper mais Haj LahcĂšne est connu pour sa gĂ©nĂ©rositĂ©. N’oublions pas quil Ă©tait dĂ©jĂ  riche avant lindĂ©pendance. Je l ai cĂŽtoyĂ© jadis Ă  Mazagan quand il Ă©tait nĂ©gociant-grossiste en produits alimentaires de toutes sortes et de toutes provenances. Il avait un immense magasin prĂšs du port. Et c Ă©taient uniquement des camionneurs qui venaient charger la marchandise chez lui. Un homme gĂ©nĂ©reux je te dis toujours prĂȘt Ă  faire du bien autour de lui aussi gĂ©nĂ©reux peut-ĂȘtre que le fut chez les Arabes d autrefois le fameux Hatim Tay dont le prestige a traversĂ© les siĂšcles pour arriver jusquĂ  nous. Il faut croire que les anciens riches sont plus humains que les nouveaux. - En tout cas sans lui ma femme serait morte et lenfant aussi. - Ce n est pas toi qui dois remercier Haj LahcĂšne dit le Vieux. Qu est-ce que tu pourrais bien lui offrir C est Dieu et Dieu seul qui le rĂ©compensera. En ce qui te concerne sois toujours attentif Ă  son Ă©gard toujours prĂȘt Ă  faire ce quil te demande car mĂȘme un grand a tĂŽt ou tard besoin d un plus petit que soi. - Merci mille fois merci. Maintenant il faut que je parte. - Tiens cela et bonne chance lui dit le Vieux en lui remettant un gros billet de banque et en le reconduisant jusquĂ  la porte d entrĂ©e. 1 - Amloun’ 45 45 Au dĂźner il raconta l’aventure d’Amzil Ă  sa vieille femme. - La conclusion que j’en ai tirĂ©e dit-il est que le monde n’ est pas totalement mauvais ni dĂ©finitivement corrompu puisqu’il existe encore des hommes comme Haj LahcĂšne des ĂȘtres nobles qui ignorent la haine l’égoĂŻsme et tous ces attributs sataniques avec lesquels le DĂ©mon sĂ©duit les plus faibles. Haj LahcĂšne est vraiment un saint. Un saint d’aujourd’hui. En tout cas le monde peut encore espĂ©rer car la bontĂ© divine ne succombe pas aux assauts du Mal. Elle est la seule garantie qui nous prĂ©munisse contre l’intolĂ©rance ce piĂšge tendu Ă  l’humanitĂ© toujours tentĂ©e par la corruption. - Tout le monde dit du bien de Haj LahcĂšne affirma la vieille. - Qui tout le monde - Eh bien les gens - Les gens ne le connaissent pas du tout. Il ne se livre pas il est poli secret. Il passe six moi ici et six mois en ville. Il ne se mĂȘle pas aux nouveaux riches. Il leur prĂ©fĂšre la compagnie des humbles. Les nouveaux riches et leurs affidĂ©s ne peuvent pas dire du bien de lui. Si quelque Ă©loge lui est fait il ne peut venir que des gens simples des pauvres. - Ce sont justement ceux-lĂ  qui disent du bien de lui prĂ©cisa la vieille. - Alors c’est bon. On ne peut douter de la sincĂ©ritĂ© de leurs sentiments. Mais sais-tu une chose au moins Non je ne pense pas. Eh bien cet Amzil n’a plus aucune ressource depuis que les gens achĂštent tout au souk Et il n’y a mĂȘme plus assez d’ñnes et de mulets Ă  ferrer... Maintenant on a des voitures des vĂ©los... Les quelques Ă©quidĂ©s qui restent ne suffisent guĂšre Ă  le faire vivre. Il attend donc la zakat annuelle pour se retourner. L’indigence l’a rattrapĂ© au plus mauvais moment de son existence... Quand un grave problĂšme survient comme l’opĂ©ration de sa femme une Ăąme charitable guidĂ©e par le TrĂšs-Haut arrive et le sauve. Il a cependant un grand fils qui est commis dans une Ă©picerie de Casablanca mais il ne gagne presque rien. Que pourrait-il lui envoyer Rien je prĂ©sume. Avant que les ustensiles en plastique en aluminium et autres mĂ©taux n’arrivent il fabriquait tout le nĂ©cessaire de cuisine sauf les marmites de terre les pots et les tagines... MĂȘme des couteaux II forgeait des araires Ă  ne pas confondre avec la charrue moderne qui est entiĂšrement mĂ©tallique et que l’on se procure au souk chez les quincailliers des houes des pioches des scies des faucilles et les gros clous qu’on voit encore sur les anciennes portes... Il faisait aussi des haches et que sais-je encore Ah oui Des piĂšges... Des piĂšges artisanaux. Pas comme les miens Les miens sont de fabrication française faits Ă  l’usine. Des piĂšges dangereux Aujourd’hui on se fournit en objets de sĂ©rie Ă  la finition nette des objets usinĂ©s en Europe ou en Asie du Sud-Est. C’est si facile hĂ© Il a donc fermĂ© la forge cette forge oĂč j’aimais aller contempler le pĂ©tillement des escarbilles le fer rouge qu’on plonge dans un bac d’eau froide le fer qui gĂ©mit siffle crache de la vapeur fume et grĂ©sille... Fini tout ça C’est fini... La modernitĂ© a eu le dernier mot hĂ©las Ce n’est donc pas le village qui crĂšve non C’est son Ăąme. - J’ai entendu dire qu’il se louait comme journalier quand il y a Ă  faire dit la vieille. - Peut-ĂȘtre bien. Mais ça ne nourrit pas son homme. Encore moins une famille. Ce que je sais moi c’est qu’il tire le diable par la queue. Il en est souvent rĂ©duit Ă  vendre quelques kilogrammes d’amandes douces pour se payer du thĂ© et du sucre. Quant Ă  la viande il doit braconner pour en avoir. Il n’a donc plus rien. J’ai bien vu comme il Ă©tait habillĂ©. Il ne porte rien sur le dos. Les siens c’est pareil. N’est-ce pas le comble du malheur Les autres disent AprĂšs tout ce n’est qu’un amzil un forgeron d’origine malienne Sa famille est venue d’Afrique noire il y a un siĂšcle ou deux. Un Noir un forgeron qui i conclu un pacte avec le diable. » Des superstitions de nĂšgres colportĂ©es autrefois par les caravaniers... Oui oui ils sont venus de Tombouctou il y a longtemps. Pourquoi ici Dieu seul le sait. Ils ont choisi ce lieu... Ils y ont fait souche ils se sont bien intĂ©grĂ©s malgrĂ© les apparences. Ils avaient deux grandes maisons des terres acquises Ă  la sueur de leur front. C’étaient des gens honnĂȘtes des travailleurs. Des forgerons qui se transmettaient le mĂ©tier de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Des forgerons Ă  l’antique disciplesslide 46 46 d’HĂ©phaĂŻstos ce dieu grec... Aujourd’hui il n’y a plus de place pour eux sous le soleil. Ils doivent faire n’importe quoi pour survivre. Oh Comme sa forge Ă©tait fascinante J’aimais bien cet endroit. MĂȘme si le diable semblait errer dans la pĂ©nombre en traĂźnant sa queue par terre. On voyait la matiĂšre dure se ramollir prendre forme sous les doigts magiques de l’homme. Un homme au visage burinĂ© noir et ridĂ© mais qui souriait... Oui ces forgerons Ă©taient aimables avec tout le monde. - Je ne les connaissais pas assura la vieille. - Tu ne pouvais pas les femmes n’allaient pas Ă  la forge. Bon Assez parlĂ© Je me sens las je vais dormir. Mais donne-moi d’abord la radio. Je veux Ă©couter un peu de musique ça va m’endormir en me servant de berceuse. Ah Quelle rude vie Il alluma la radio et s’étendit pour dormir. - Une vie rude dit la vieille. - Oui trĂšs Ă©prouvante. - Laisse courir le monde. Écoute ta radio et dors. - Oui si tu Ă©teins les lampes. Elle les Ă©teignit. Le chat vint se mettre contre les Ă©paules du Vieux. À la radio c’était encore de l’Ahwach. Les yeux clos le Vieux voyait des femmes danser en cercle autour d’hommes qui chantaient en s’accompagnant de tambourins. Il vit aussi dĂ©filer en dĂ©gradĂ© quelques paysages et des silhouettes imprĂ©cises. Puis il s’assoupit et se mit aussitĂŽt Ă  47 47 Le magasin du village qui s’était considĂ©rablement agrandi au fil du temps et qui comprenait maintenant une minoterie une quincaillerie une boucherie et une papeterie incitait le chaland Ă  dĂ©serter le souk hebdomadaire. Certains s’y rendaient encore par habitude et aussi parce que c’était un centre et un lieu de retrouvailles. Les gens cependant prĂ©fĂ©raient se fournir ici mĂȘme soit par paresse soit que le souk se trouvĂąt trop Ă©loignĂ© Ă  leur goĂ»t. D’autres comme le Vieux pensaient que le souk n’était plus le mĂȘme il s’était transformĂ© en une petite ville et cela le rendait suspect aux yeux des Anciens. Aussi n’y allait-il plus que pour toucher son mandat trimestriel au bureau de poste ou pour effectuer des achats qu’il ne pouvait faire au magasin du village. Et puis pensait-il Ă  prĂ©sent je suis trop vieux pour m’embarquer toutes les semaines dans cette expĂ©dition fatigante. À mon Ăąge on se tient tranquille loin du tumulte. On vend de la viande ici et bien d’autres choses... Alors... » Ce jour-lĂ  il Ă©tait au magasin pour faire des emplettes inattendues. La veille il avait racontĂ© Ă  sa vieille Ă©pouse qu’il voulait se procurer quelques objets modernes. Ayant beaucoup ri elle l’avait taquinĂ© sur sa soudaine conversion Ă  la modernitĂ©. Se moquant de lui-mĂȘme il avait rĂ©pondu Faut s’y faire hĂ© C’est toujours bon Ă  prendre pour un vieux chnoque » AprĂšs un moment de rĂ©flexion il avait ajoutĂ© J’achĂšterai un couscoussier en aluminium une poĂȘle un faitout et des couteaux. - Non Et non avait-elle dit. Mes ustensiles en terre cuite sont meilleurs. Ils donnent un autre goĂ»t que celui du mĂ©tal aux mets. Pour la poĂȘle et les couteaux c’est bon. - TrĂšs bien. Mais ne t’emporte pas Je reconnais que le couscoussier et le faitout en terre cuite sont supĂ©rieurs Ă  leur Ă©quivalent mĂ©tallique. Et ça tant qu’ils existent encore. Mais aprĂšs OĂč comptes-tu t’en procurer d’autres quand ceux-lĂ  seront cassĂ©s - J’en ai en rĂ©serve... Et puis ces choses-lĂ  existeront toujours. - Je le crois aussi quoi que je dise. Pour moi je vais m’offrir un rĂ©chaud Ă  gaz. Pour le thĂ© c’est plus rapide... plus besoin d’attendre qu’il y ait des braises - Ce sera seulement pour faire bouillir de l’eau alors avait-elle dit. Je ne ferai jamais ma cuisine sur un rĂ©chaud Ă  gaz moi Sur la braise oui comme toujours. II n’y a pas mieux que le feu de bois » avait affirmĂ© la vieille femme. Et elle avait ri de nouveau. HĂ© Comme tu es tĂȘtue Mais ce que je te dis est pourtant juste. J’ai aussi autre chose Ă  acheter... Des graines de coriandre de persil et de cĂ©leri. - Et du paprika et du gingembre. Il n’y en a presque plus avait-elle dit. - Et du paprika et du gingembre avait rĂ©pĂ©tĂ© le Vieux. Oui j’ai l’intention de planter ces herbes dans le jardin prĂšs du carrĂ© de menthe et d’absinthe. Tu me prĂ©pareras donc pour demain un seau de fumier j’en aurai besoin pour fertiliser le sol. »slide 48 48 La minoterie tournait Ă  plein rĂ©gime mais au magasin mĂȘme le Vieux ne trouva que des dĂ©soeuvrĂ©s venus tailler une bavette avec le patron. Il salua toute la bande et expliqua Ă  un commis ce qu’il voulait. Quand on eut apportĂ© le rĂ©chaud Ă  gaz il l’essaya et dit - Ce n’est bon que pour faire du thĂ©. - Pas seulement intervint le patron. On peut tout faire avec ça mĂȘme du couscous. Au moment de remettre Ă  son client les semences des herbes qu’il avait demandĂ©es il ajouta - Si tu veux que ça pousse vite prends de l’engrais nous en avons. C’est trĂšs efficace. - De l’engrais s’étonna le Vieux. - Oui de l’engrais. Tout le monde l’utilise aujourd’hui. - Alors c’est la fin des haricots Ă©clata le Vieux. Mais c’est du poison ça Il n’y a pas mieux que le bon fumier de la vache crois-moi. - Je sais je sais. Je suis contre l’utilisation excessive des produits chimiques. On dit que ça donne le cancer tout le monde sait cela mais tout le inonde en utilise. - Pas moi affirma le Vieux. Je suis fidĂšle Ă  la nature pas Ă  ce que disent les radios. Depuis quelque temps il Ă©coutait sur une radio privĂ©e une Ă©mission publicitaire qui faisait grand cas de certains engrais fongicides et pesticides et cela l’amusait tellement qu’il en riait Quand on a mis tout ça dans son ventre adieu la valise Il ne reste plus grand-chose Ă  y mettre. » - Non je ne suis pas pressĂ©. Ça poussera quand ça poussera dit-il. Il paya et demanda si on pouvait livrer la marchandise chez lui. Le patron en chargea un type qui poireautait dehors un de ces jeunes dĂ©soeuvrĂ©s qui n’attendaient qu’une occasion pareille pour gagner quelques sous. Le Vieux le pria de patienter le temps qu’il cherchĂąt un cuissot de chevreau qu’il avait promis Ă  sa femme. Lorsqu’il fut de retour ils se mirent en route. - VoilĂ  un cuissot de chevreau dit-il Ă  la vieille. Ce n’est pas du vieux bouc. Il est plus tendre que le veau. Tu devrais en mettre une partie Ă  sĂ©cher au soleil sur la terrasse. - Ça tente trop les corbeaux mais je vais le faire. Ils m’ont encore volĂ© quelques morceaux de bonne viande ces temps-ci. Mais oĂč est le mal Il faut bien qu’ils vivent. Mais oĂč est la poĂȘle - Tiens la voilĂ . C’était une poĂȘle lourde en acier inoxydable. Elle n’est pas en aluminium dit-il. Elle peut servir Ă  faire cuire des oeufs brouillĂ©s des crĂȘpes... Et voici les couteaux. Tu en as de toutes les tailles. Il exhiba un assortiment de couteaux de cuisine tout brillants. Elle eut un lĂ©ger recul. - Ça fait toujours peur ce genre de couteaux dit-elle. - Un couteau fait toujours peur affirma le Vieux. C’est une arme de criminel que veux-tu Il y en a qui ne rĂ©sistent pas Ă  l’envie de s’en servir contre les autres. On dit que ce sont des aliĂ©nĂ©s. On les enferme mais quand ils sont de nouveau libres ils recommencent. Ils sont comme fascinĂ©s par l’acier brillant. - Pauvres diables dit la vieille. - Oui pauvres diables As-tu prĂ©parĂ© le fumier - Il y en a un seau plein dans le jardin juste Ă  l’endroit oĂč tu veux planter tes fines herbes. Il s’absenta une heure environ puis il remonta et s’assit devant la petite table ronde oĂč Ă©tait dĂ©jĂ  disposĂ© son matĂ©riel d’auteur le cahier vert le porte-plume et l’encrier. La vieille lui avait prĂ©parĂ© du thĂ© sachant qu’il en rĂ©clamerait aprĂšs sa besogne au jardin. Àslide 49 49 prĂ©sent elle dĂ©coupait le cuissot de chevreau pour le saler et le mettre Ă  sĂ©cher. - Tu vas Ă©crire... dit-elle. J’espĂšre que ma prĂ©sence ne te dĂ©range pas. - Pas le moins du monde rĂ©pliqua le Vieux. Au contraire elle m’est bĂ©nĂ©fique. Fais donc un bon tagine de chevreau pour le dĂ©jeuner. Avec des olives du citron et des carottes. - Entendu. Il se mit Ă  Ă©crire avec application. Le saint mĂ©connu revenait d’Inde dans un Ă©tat lamentable. Il avait luttĂ© contre des dieux paĂŻens terribles. ArrivĂ© au mont SinaĂŻ il se rĂ©fugia dans une caverne pour se refaire des forces dans la priĂšre et le recueillement. Le Vieux Ă©tait aux anges. Il aimait ce saint et cet Ă©pisode l’enchantait et le fortifiait dans sa conviction de poĂšte. Il sentait qu’il Ă©tait inspirĂ© et qu’il faisait du bon travail d’écrivain. Il croyait que cette oeuvre serait reconnue un jour dans un siĂšcle ou bien beaucoup plus tard. Quelqu’un dĂ©couvrirait fatalement le manuscrit le dĂ©crypterait et finirait par le vulga- riser. On a vu des exemples de ce genre sous toutes les latitudes depuis que l’homme pense... Ces fausses divinitĂ©s que sa plume suscitait n’étaient immortelles que dans le coeur des hommes voilĂ  ce que le Vieux voulait communiquer Ă  d’éventuels lecteurs ou dĂ©crypteurs. Le saint pouvait donc les annihiler mais tant qu’on croirait en elles elles seraient toujours lĂ  imbattables et indestructibles. Au cours de ses combats le saint avait maintes fois manquĂ© se faire lyncher par une foule de sectataires dĂ©lirants. On l’avait enfermĂ© dans un temple gardĂ© par des tigres fĂ©roces et affamĂ©s mais il rĂ©ussit Ă  s’en Ă©chapper grĂące Ă  la complicitĂ© d’un garde-chiourme Ă  qui il avait promis la fĂ©licitĂ©. Sorti de sa prison le saint fut conduit par son libĂ©rateur chez lui pour se cacher le temps que se relĂąchĂąt la vigilance des zĂ©lateurs de la secte. Cette retraite forcĂ©e permit au saint de guĂ©- rir quelques malades. L’homme lui en fut reconnaissant car il s’agissait de membres de son clan. Vous ĂȘtes rĂ©ellement un saint dit-il. Vous devez quitter ce pays pour Ă©chapper Ă  la vengeance terrible des dieux paĂŻens adorateurs du cobra royal. Je vous guiderai jusqu’à la frontiĂšre aprĂšs quoi il vous sera facile d’aller oĂč vous voudrez. Quant Ă  moi dĂšs aujourd’hui je cesse de croire Ă  ces faux dieux qui ne connaissent que la haine l’orgie le meurtre et la guerre. »slide 50 50 Eh bien voilĂ  tout est dit consommĂ© usĂ© Le dernier troupeau est parti pour le souk Ă  bord de trois camions. Seuls quelques chevreaux et agneaux ont Ă©tĂ© vendus au boucher... Les propriĂ©taires ne veulent plus entendre parler de troupeau plus Ă©couter bĂȘler ces vieilles biques et gueuler les chiens de berger... Ils se sont enrichis en ville dans le nĂ©goce et n’ont plus besoin du lait frais des brebis et des chĂšvres plus besoin de leur viande non plus. Ils peuvent tout acheter. Ils ont de l’argent beaucoup d’argent une autre maison deux fois plus grande Ă  proximitĂ© de l’ancienne oĂč loge toujours un frĂšre dĂ©muni un de ces fainĂ©ants qui ratent leur vie parce qu’ils n’entreprennent rien ne font rien pour amĂ©liorer leur sort et ne tentent jamais rien... Ce ratĂ© vit lĂ  avec l’aĂŻeule qui a refusĂ© catĂ©goriquement de quitter les lieux Je m’en irai d’ici quand je serai morte pas avant » a-t-elle dit aux autres. » On disait qu’elle Ă©tait la doyenne de la rĂ©gion et qu’elle se souvenait encore de l’époque hĂ©roĂŻque des grands caĂŻds et des harkas 1 . Comme elle ne sortait jamais personne n’avait vu son visage et ceux qui l’imaginaient se la reprĂ©sentaient en momie sans autre mouvement que celui des lĂšvres car elle parlait tout le temps Ă  des ĂȘtres invisibles qu’elle seule pouvait distinguer dans cette pĂ©nombre oĂč elle Ă©tait recluse depuis de longues annĂ©es... ÉtĂ© comme hiver elle ne quittait pas cette encoignure prĂšs du fenil oĂč dansotaient des ombres venues de loin et oĂč personne n’osait venir hormis son fils car tous avaient peur d’une soudaine apparition et tous tremblaient Ă  l’idĂ©e de devoir lui porter du lait ou de la soupe d’orge ses mets favoris qu’il fallait l’aider Ă  avaler Ă  petites gorgĂ©es glougloutantes entrecoupĂ©es d’arrĂȘts plus ou moins prolongĂ©s pour que mes invitĂ©s pro- fitent eux aussi de cette bonne nourriture... disait-elle. Mais tu ne peux pas les voir personne ne peut les voir Ă  part moi... Et pourtant ils sont lĂ ... ils attendent que je leur dise Allez partons Nous n’avons plus rien Ă  faire ici. Ça n’a que trop durĂ© Allons-nous- en... » Je vois une petite lumiĂšre lĂ -bas au fond... et d’autres encore elles clignotent... Ce sont des gens qui arrivent d’autres invitĂ©s peut-ĂȘtre... Il faudra faire manger tout ce monde... Dieu qu’ils sont nombreux ... Oh Je les ai tous connus tu n’étais pas encore nĂ© toi j’étais encore une enfant... Je ne jouais pas il n’y avait pas de jouets on n’avait rien pas Ă  manger non plus mais il y avait de temps en temps des sauterelles on les grillait on en remplissait des sacs et on les conservait au sec mais elles finissaient par moisir... et alors on cherchait autre chose Ă  manger. Non il n’y avait rien C’était la disette les puits Ă©taient Ă  sec la terre entiĂšre Ă©tait sĂšche on nais-sait pour crever de soif et de faim tout le monde priait... Un beau jour Dieu entendit cette priĂšre... c’est ce jour-lĂ  que ton grand frĂšre est nĂ©... non pas toi tu es nĂ© le dernier... Oui oui reste avec moi dans cette maison... nous ne changerons pas de maison... aprĂšs moi tu pourras t’en aller oĂč tu voudras ». Le Vieux imaginait ainsi la doyenne du village qu’il avait connue jadis lorsqu’elle allait au potager aux labours aux moissons Ă  la rĂ©colte des amandes et des olives... Il savait qu’elle n’était pas grabataire comme tant d’autres mais il la soupçonnait d’avoir sciemment rompu tout contact avec le monde extĂ©rieur pour entretenir une vie parallĂšle avec tous ceux qu’elle avait aimĂ©s et qui n’étaient plus qu’un petit tas d’os et de poussiĂšre ceux qu’elle appelait ses invitĂ©s... Il respectait le dĂ©lire de cette vĂ©nĂ©rable aĂŻeule momifiĂ©e avant la mort. C’est absurde pensait-il. Elle va passer de ce monde Ă  l’autre sans transition elle s’éteindra comme une bougie... et alors la maison sera condamnĂ©e Ă  la dĂ©molition car les autres voudront rĂ©cupĂ©rer le terrain... un beau terrain au demeurant... et le pĂ©quenot le ratĂ© comme ils disent sera obligĂ© de quĂ©mander un rĂ©duit pour ĂȘtre Ă  l’abri... Ils le feront suer il sera pire qu’un esclave. La fraternitĂ© La pitiĂ© Connaissent pas Pour eux le ratĂ© est un dĂ©bile un idiot qui leur fait honte un mauvais hĂ©ritage dont il est pĂ©nible de se rĂ©clamer... Quand on leur dit votre frĂšre » ils font une moue dĂ©daigneuse et s’en vont sans rĂ©pondre... Ils ont honte d’avoir quelqu’un comme lui dans 1 - ArmĂ©es 51 51 la famille... Pourtant Ă  mon avis il n’est ni dĂ©bile ni idiot il n’a pas eu de chance c’est tout... et les autres ne l’ont guĂšre aidĂ© au contraire ils l’ont laissĂ© s’occuper du troupeau... Un berger Quelle honte Ce n’est qu’un pauvre berger Comment voulez- vous qu’il soit notre frĂšre Des gens comme nous des notables riches et respectĂ©s ne peuvent accepter un frĂšre pareil Qu’il aille donc rejoindre ses semblables ou s’il prĂ©fĂšre rester avec nous qu’il nous obĂ©isse au doigt et Ă  l’oeil. Il n’a pas le choix... Nous ne sommes pas des philanthropes nous autres... Nous avons assez trimĂ© quand c’était encore possible pour Ă©difier nos fortunes... Nous n’allons tout de mĂȘme pas dilapider nos biens au nom d’une fraternitĂ© sans fondement ou par crainte des rumeurs et des on-dit... On n’a rien Ă  faire de ce que les autres pensent de nous..." Le chien peut bien aboyer jusqu’à s’en Ă©touffer la caravane va son train elle passe et le cabot reste lĂ  stupide et la langue en feu... » - Le dernier symbole de jadis est tombĂ© dit le Vieux. - Tu veux parler du troupeau - Oui. AprĂšs ça ce ne sera jamais plus comme avant. - Tu sais un troupeau ce n’est rien. Il y en a partout ailleurs. - Il y en a partout c’est sĂ»r mais celui-ci Ă©tait le dernier de la rĂ©gion. Il y en avait un autre... Un jour il a Ă©tĂ© dĂ©cimĂ© par une brutale Ă©pizootie. C’était Ă©pouvantable. Les charognards se sont alors si -bien gavĂ©s que les poules sortaient en paix. - Un troupeau n’est pas un symbole dit lĂ  vieille. - C’en est un affirma le Vieux car il y a plusieurs siĂšcles le grand AncĂȘtre est venu s’installer ici Ă  la tĂȘte d’un immense troupeau. D’oĂč cette tradition qui s’écroule aujourd’hui comme un chĂąteau de cartes. - Je comprends. Mais personne ne se souvient du grand AncĂȘtre. - Non personne rĂ©pondit le Vieux. - Et on ne sait pas comment il Ă©tait on n’a mĂȘme pas son portrait. - On ne faisait pas de portrait Ă  l’époque. La photographie n’existait pas encore. On a tout juste quelques Ă©crits presque illisibles. En fait on ne sait pratiquement rien de l’AncĂȘtre. Ce que j’ai dans mes archives n’est pas vraiment rĂ©vĂ©lateur de ce qu’il pouvait ĂȘtre et d’ailleurs il ne s’agit que d’un arbre gĂ©nĂ©alogique qui commence par son nom... Avant lui c’est le nĂ©ant. On sait tout juste qu’il est venu du Sahara... ça s’arrĂȘte lĂ . Le reste n’est que pure lĂ©gende. Or l’histoire ce sont les annales. Et l’histoire n’est pas une lĂ©gende. On a donc un ancĂȘtre mythique un titre de gloire mythique si l’on peut dire et c’est tout. On s’en contente. Mais moi je ne pense pas Ă  ça c’est l’avenir qui me prĂ©occupe c’est peut-ĂȘtre pour ça que j’écris. Je ne fais pas de l’histoire mĂȘme hagiographique mais de la poĂ©sie... de la bonne et vieille poĂ©sie Mes rĂȘves mon imagination ont des ressources insoupçonnĂ©es ils colmatent les vides d’une rĂ©alitĂ© souvent pauvre en merveilleux. Or seul le merveilleux peut rendre la vie agrĂ©able. – Oh oui s’exclama la vieille. – Je me rĂ©fugie dans ce merveilleux pour Ă©chapper aux mauvaises influences et aux mauvaises images qu’on me lance Ă  la figure et je me dis que aprĂšs tout si la rĂ©alitĂ© est bien dĂ©sagrĂ©able il y a encore quelque chose au fond de soi qu’il faudrait saisir... C’est l’amour de la vie c’est le rĂȘve l’éternitĂ© la beautĂ© l’InnommĂ© c’est l’Inconnaissable peut-ĂȘtre... Et si l’on rĂȘve ce n’est pas pour rien. Seule la poĂ©sie permet cet accomplissement de soi elle seule nous libĂšre des entraves terrestres et du comportement insensĂ© des 52 52 La medersa consistait en un grand bĂątiment rectangulaire Ă  un unique Ă©tage. Elle Ă©tait isolĂ©e des maisons du village par une certaine distance mais depuis quelques annĂ©es le magasin et ses dĂ©pendances Ă©taient implantĂ©s Ă  cĂŽtĂ©. Elle n’avait pas de murs d’enceinte et seuls des arbres d’essences diffĂ©rentes dont des cyprĂšs l’entouraient de toute part. À proximitĂ© se trouvait un petit sanctuaire oĂč le pĂ©nitent venait se recueillir et mĂȘme passer la nuit prĂšs du tombeau du saint qui se nommait Imoussak et qui avait peut- ĂȘtre Ă©tĂ© un chef de ZaouĂŻa d’oĂč l’existence mĂȘme de cette Ă©cole de thĂ©ologie un Ă©ta- blissement du second degrĂ© qui prĂ©parait les meilleurs Ă©lĂšves aux instituts reconnus et subventionnĂ©s par l’État. Ici l’élĂšve devait subvenir Ă  ses besoins. Les repas Ă©taient pris en commun chacun devant cuisiner Ă  son tour mais le budget commun Ă©tait gĂ©rĂ© par l’imam Ă  la fois directeur et unique professeur de l’établissement. En l’occurrence les tolbas au reste peu nombreux Ă©taient des internes prĂ©sĂ©lectionnĂ©s qui pouvaient prĂ©tendre en cas de rĂ©ussite Ă  l’obtention d’une bourse de fin d’études et mĂȘme Ă  un emploi dans l’Administration. Le bĂątiment Ă©tait composĂ© d’un patio avec un puits au milieu de cellules au rez-de- chaussĂ©e d’une cuisine une salle de priĂšres et une bibliothĂšque dont l’accĂšs Ă©tait rĂ©servĂ© au seul MaĂźtre des lieux Ă  savoir l’imam. Les livres qu’elle contenait Ă©taient rares et prĂ©cieux. Tout avait Ă©tĂ© entrepris pour en Ă©loigner les rongeurs et autres parasites destructeurs de papier. Il y avait lĂ  aussi d’épais manuscrits enfermĂ©s dans des coffrets de fer. Personne ne les consultait Ă  part l’imam. Tout en retrait Ă  l’étage se trouvait l’appartement du MaĂźtre. Spacieux il possĂ©dait contrairement aux cellules d’en bas des fenĂȘtres qui donnaient sur le paysage. L’imam s’habillait comme un cheik tandis que les Ă©lĂšves ne portaient qu’une gandoura de laine rĂȘche. Il leur Ă©tait en effet interdit de se vĂȘtir autrement. Ils devaient en tout point ressembler Ă  des soufis et se comporter comme tels. À l’institut ce serait diffĂ©rent. Ils pourraient s’habiller comme ils voudraient et mĂȘme en costume europĂ©en ce qui dĂ©notait le degrĂ© de tolĂ©rance des institutions. À la medersa les chĂątiments corporels Ă©taient encore d’usage quoique rares. Comme les Ă©lĂšves Ă©taient brillants presque des surdouĂ©s attentifs et en petit nombre l’imam dont le tempĂ©rament bannissait la violence Ă©vitait les punitions dĂ©gradantes Que celui qui veut comprendre comprenne disait-il. Je ne suis pas lĂ  pour vous enfoncer de force le savoir dans la tĂȘte. Et ne comptez pas sur moi pour la maniĂšre forte C’est votre avenir qui est en jeu sachez-le bien. » Au fond il Ă©tait si fier de ses quelques disciples qu’il lui arrivait de partager son thĂ© avec eux. Il ne leur enseignait pas seulement le dogme le Hadith Ibnou Achir la Borda et les Ă©crits des exĂ©gĂštes mais encore la grammaire arabe l’astronomie les mathĂ©matiques l’histoire et la poĂ©sie. Les manuels Ă©taient toujours les mĂȘmes vieux de plusieurs gĂ©nĂ©rations. Comme ils n’en possĂ©daient pas les tolbas devaient recopier tout ce que disait le MaĂźtre pendant son cours qui avait lieu une fois par jour sauf le vendredi le samedi et le dimanche. Ils devaient aussi apprendre cela par coeur. On leur demandait d’avoir une mĂ©moire infaillible. Cet enseignement archaĂŻque rĂ©pĂ©tĂ© d’annĂ©e en annĂ©e depuis toujours finissait par ennuyer ceux qui savaient que le systĂšme Ă©ducatif avait Ă©voluĂ© mais l’imam n’en dĂ©mordait pas Le vrai savoir c’est ce que je vous donne ici. C’est un fondement une base essentielle. À l’institut c’est plus actuel on est moderne. Moi je n’ai que des vieux moyens ceux d’autrefois... Et pas un livre rĂ©cent » expliquait-il aux plus sceptiques des Ă©lĂšves et Ă  tous ceux d’entre eux qui pensaient perdre leur temps sous sa houlette. Ce matin-lĂ  le vieux BouchaĂŻb qui avait confiĂ© quelques jours plus tĂŽt une partie de son manuscrit Ă  l’imam Ă©tait venu aux nouvelles. Le MaĂźtre le reçut avec Ă©gards dans son appartement oĂč un Ă©lĂšve leur apporta du thĂ© des biscuits des amandes des figues sĂšches et des dattes. Il Ă©tait visiblement heureux de cette visite. Il le dit au Vieux en ajoutant - L’autre jour tu es venu au magasin mais tu n’as pas eu l’idĂ©e de passer me 53 53 - Il y avait des courses urgentes Ă  faire et j’étais pressĂ©. D’autre part je n’avais encore rien d’important Ă  te soumettre. - Justement parlons un peu de ce manuscrit. Le poĂšme est magnifique. Je n’ai jamais rien lu de tel mĂȘme en arabe... affirma l’imam. - N’exagĂ©rons rien Merci quand mĂȘme. Venant de toi ce compliment est plutĂŽt encourageant. - Laisse-moi terminer. Le dernier Ă©pisode est proprement fantastique. AprĂšs sa fuite et sa retraite dans cette caverne du mont SinaĂŻ le saint fait un songe oĂč lui apparaĂźt un ange du Seigneur qui lui indique du haut d’un escarpement l’étendue brĂ»lante du dĂ©sert oĂč erre un peuple en butte Ă  une nuĂ©e de dĂ©mons ailĂ©s un peuple affolĂ© qui tourne en rond sans savoir ni oĂč il est ni oĂč il va... L’ange du Seigneur commande au saint de dĂ©livrer cette foule ce qu’il fait en provoquant un orage magnĂ©tique dont les Ă©clairs intenses brĂ»lent les ailes des dĂ©mons qui dĂšs lors sont perdus. Cet Ă©pisode mĂ©riterait Ă  lui seul d’ĂȘtre imprimĂ© dĂšs maintenant mais je ne vois aucune revue capable de le faire. Il est de plus en plus question de fonder des revues appropriĂ©es seulement ce n’est qu’un projet. Attendons un an ou deux nous verrons bien car pour ce qui est d’une publication intĂ©grale ça nous reviendrait cher tout le monde pratiquant ici le compte d’auteur. - Combien Ă  peu prĂšs interrogea le Vieux. - Oh Deux trois millions pour deux mille copies imprimĂ©es. - Je n’ai jamais eu je n’ai pas et je n’aurai jamais une telle somme. - Mais il y a des mĂ©cĂšnes. - Des mĂ©cĂšnes – Oui. Des gens riches qui paient les frais de ce genre de publications expliqua l’imam. - Comme nos parvenus - Que non Ceux d’ici sont incultes. Les gens dont je parle sont des lettrĂ©s qui s’intĂ©ressent aux textes comme le tien. - Que dois-je faire donc - AchĂšve d’abord ce travail. AprĂšs nous aviserons. Le Vieux Ă©tait content. Enfin il allait ĂȘtre publiĂ© et lu de son vivant
 peut-ĂȘtre. En tout cas il avait une confiance aveugle en l’imam. - Eh bien patientons dit-il en se retirant le manuscrit dans sa choukkara cette Ă©ternelle sacoche berbĂšre qui lui pendait Ă  l’épaule et ne le quittait jamais quand il avait Ă  faire Ă  l’extĂ©rieur car elle pouvait tout contenir tant elle Ă©tait grande. En rentrant il trouva sa vieille Ă©pouse occupĂ©e Ă  plumer des perdreaux. À la question de savoir d’oĂč ils venaient elle rĂ©pondit - C’est ce vieux brigand de H’Mad qui te les a apportĂ©s. Il a Ă©tĂ© Ă  la chasse. - Ah L’ancien tueur pense encore Ă  moi Il est bien le seul Ă  le faire ici. Eh bien prĂ©pare-les comme il te plaira - J’ai une bonne recette pour ce gibier dĂ©licat tu verras. - Fais comme il te plaira rĂ©pĂ©ta-t-il. Quant Ă  moi je commence Ă  perdre la mĂ©moire... J’ai Ă©tĂ© chez l’imam Ă  la medersa mais j’ai oubliĂ© de lui porter un paquet de mon thĂ© prĂ©fĂ©rĂ©. Il va falloir que j’y retourne aprĂšs ma sieste. - Inutile que tu y ailles je lui remettrai moi-mĂȘme ce paquet en allant moudre mon orge Ă  la minoterie dit la vieille. - À la minoterie s’étonna le Vieux. Mais tu disais que... - Ce que je disais n’a plus aucune importance maintenant. J’y vais parce que mes Ă©paules me font si mal que je ne peux plus faire tourner notre meule. J’ai une bonne excuse. - Ah bon Je pensais seulement que tu avais soudain perdu la tĂȘte et choisi le parti de la 54 54 - Non Pour l’essentiel je reste traditionaliste. - TrĂȘve de plaisanterie Je suis trĂšs content que tu sois dĂ©livrĂ©e de cette corvĂ©e d’un autre Ăąge. Il y a des machines bĂ©nĂ©fiques et des machines malĂ©fiques. Tout dĂ©pend de ce qu’on en fait. La minoterie est un don du Ciel... L’automobile aussi quand elle - ne sert pas Ă  provoquer l’ire des laissĂ©s-pour-compte. HĂ© C’est pourquoi on en brĂ»le lors des Ă©meutes. L’auto est comme une femme aguichante qui joue trop de ses charmes. Elle lance constamment un appel au viol. Et ce n’est pas l’envie de tout casser qui manque Ă  ces hĂšres qui peuplent les villes. Ils y vont d’un coeur lĂ©ger en masse mettent le feu Ă  ce qui leur tombe sous la main... Et vas-y Encore une L’incendie fait son oeuvre Ă  la grande joie de celui qui ne possĂšde pas mĂȘme un Ăąne. On parle tous les jours de ces Ă©meutes et de ces Ă©meutiers Ă  la radio. Les villes sont devenues un enfer pour le pauvre comme pour le riche. PassĂ© un moment il se ressaisit et ajouta - Mais je parle je parle je parle... Je vais plutĂŽt me faire un bon thĂ© et me remettre au travail. Le saint me sollicite. La vieille ne dit mot. Le sachant dans un autre monde elle se concentra sur la prĂ©paration du repas de midi aprĂšs avoir donnĂ© le foie des volatiles au chat roux qui Ă©tait venu l’importuner. À l’extĂ©rieur une brise fraĂźche adoucissait les premiĂšres ondes de cha- leur qui commençaient Ă  chauffer le sol et les pierres avant de se rĂ©pandre en un brasier 55 55 - Point trop nen faut mon ami... Tu te rĂ©veilles la nuit pour Ă©crire du jamais-vu pour toi qui as toujours dormi comme une souche dit la vieille qui sinquiĂ©tait un peu de lagitation soudaine qui s Ă©tait emparĂ©e de son mari. - C est que je suis dĂ©terminĂ© Ă  finir cette oeuvre. Et si je me lĂšve la nuit pour travailler cest qualors il mest venu des idĂ©es et mĂȘme des strophes entiĂšres quil faut noter sous peine de les voir se dissiper comme fumĂ©e dans un courant dair rĂ©torqua le Vieux en extase devant un poĂšme dont il avait dĂ©jĂ  rempli plus de la moitiĂ© du cahier vert. - Je naimerais pas que ta santĂ© en souffre cest tout. - Ma santĂ© C est quand je n Ă©cris pas que je la perds Ă  faire des futilitĂ©s. Quand je suis Ă  loeuvre au contraire des forces neuves me viennent tout Ă  coup d on ne sait oĂč. Alors dis-toi bien que c est plutĂŽt bĂ©nĂ©fique. - Tu te sens donc bien - Mieux qu’un jeunot En tout cas je vis pleinement ma vie en ce moment. Tu n’as donc rien remarquĂ© - J’ai remarquĂ© que tu avais un peu changĂ© dit-elle. - Moi Je n’ai pas changĂ©. Je vis seulement au mĂȘme rythme que mon personnage. C’est un rythme d’enfer mais il me plaĂźt. - Depuis quelques jours le Vieux mettait toute son Ă©nergie dans cette oeuvre qui ne paraissait pas toucher Ă  sa fin car plus il Ă©crivait et plus il ressentait l’impĂ©rieux besoin de continuer. C’était donc une longue Ă©popĂ©e une sorte de roman de guerre mythologique qu’il rĂ©digeait dans le silence monacal du petit salon. Et il se levait maintenant la nuit lorsque des images fulgurantes l’arrachaient au sommeil. Il voyait alors les scĂšnes Ă  dĂ©crire. Il couchait sur le papier une page ou deux parfois seulement une strophe et il se rallongeait et se rendormait aussitĂŽt. Cela ne le fatiguait pas quoi que pensĂąt sa vieille femme. Il lui arrivait mĂȘme d’oublier qu’il s’était levĂ© pour Ă©crire. C’est ainsi que le lendemain il dĂ©couvrait de nombreuses pages toutes fraĂźches dont il s’étonnait mais le plaisir Ă©tait immense. Il travailla d’arrache-pied pendant quelques semaines puis un beau jour il constata qu’il ne pouvait plus avancer le texte Ă©tant achevĂ©. Il apprĂ©cia l’épaisseur des pages et vit qu’il y avait lĂ  de quoi faire un beau petit livre. Alors il dĂ©cida d’aller consulter l’imam Ă  la medersa seul capable de le conseiller avec pertinence. - Je peux faire faire une belle copie par un de mes disciples dit-il au Vieux. - C’est bon. Garde le cahier je reviendrai dit-il. Et il s’en alla. Revenant quelques jours plus tard il constata que la copie de l’élĂšve Ă©tait un chef- d’oeuvre de calligraphie. Cela lui donna une idĂ©e. - Nous devrions publier ce recueil comme ça dit-il Ă  l’imam. On n’a pas besoin d’imprimerie. - Oh que si On a toujours besoin d’un imprimeur rĂ©pondit l’imam. Il faut fabriquer le livre en tirer des exemplaires. Il faut des machines... Tirer trois cents ou cinq cents exemplaires À nous de voir. Je pense que cinq cents suffisent... Oui cette calligraphie est supĂ©rieure aux caractĂšres d’imprimerie actuels nous pouvons la conserver. Mais l’intervention d’un imprimeur reste indispensable. Ce que je vais faire maintenant c’est garder non pas le manuscrit original mais cette calligraphie dans un coffre mĂ©tallique Ă  la bibliothĂšque. Ensuite j’attends. J’attends qu’un mĂ©cĂšne tombe amoureux de la calli- graphie. AprĂšs quoi... - C’est possible qu’il y en ait un mais ce sera long dit le Vieux. Et aprĂšs un moment il ajouta - Tu sais publier aujourd’hui ou dans un siĂšcle ça m’est Ă©gal. L’essentiel est que ceslide 56 56 recueil soit en sĂ»retĂ© chez toi. Plus tard il y aura forcĂ©ment des gens qui le dĂ©couvriront. - Je pense comme toi mais nous ferons notre possible pour l’éditer si Dieu veut. L’intervention de l’imam fut si efficace que moins d’un mois plus tard un alim professeur Ă  l’institut de Taroudannt et ami de l’imam trouva la solution idĂ©ale ouvrir une souscription. Ce qui fut fait. Le livre parut mais l’évĂ©nement resta sans Ă©cho car les mĂ©dias ne s’intĂ©ressaient pas Ă  la poĂ©sie berbĂšre. Cependant le Vieux reçut des lettres d’admiration et eut mĂȘme la visite inopinĂ©e d’un raĂŻss qui dĂ©sirait mettre en musique et chanter certains de ses poĂšmes. Il refusa net cette offre prĂ©textant qu’il n’avait rien Ă©crit d’autre que l’épopĂ©e elle-mĂȘme. Mais en rĂ©alitĂ© il ne voulait pas que l’on confondĂźt poĂ©sie et chanson poĂšte et saltimbanque. Les gens ne faisaient pas la diffĂ©rence Ă  son avis. Il faisait cependant une exception pour Haj BĂ©laĂŻd chanteur qu’il considĂ©rait avant tout comme un poĂšte car ses textes n’avaient rien de folklorique contrairement Ă  ceux des autres qui Ă©taient davantage des improvisations que des Ă©crits inspirĂ©s et longuement mĂ»ris. Mais le Vieux ne put Ă©chapper Ă  ce circuit. L’éditeur qui vint le voir Ă  la medersa exigea que ses poĂšmes soient Ă  la fois imprimĂ©s et mis en musique sur des cassettes audiovisuelles par des chanteurs-compositeurs professionnels. Il avoua tout de go que cela rapporterait de l’argent. BouchaĂŻb s’entĂȘta s’emporta mĂȘme en maudissant une fois de plus la modernitĂ© mais il finit par cĂ©der Ă  cette offre inattendue car l’imam y voyait un beau signe le signe que la langue berbĂšre allait enfin entrer dans un nouveau cycle de vie. - AprĂšs tout tu n’as rien Ă  perdre tu vas seulement gagner de l’argent honnĂȘte dit-il au Vieux. BouchaĂŻb eut donc assez d’argent pour en offrir une partie Ă  la medersa qui avait besoin de rĂ©parations car les pierres murales se disjoignaient par endroits. L’imam ne savait comment le remercier mais le Vieux l’interrompit - HĂ© Sans toi je ne serais qu’un hĂšre qui Ă©crit un de ces vieux patraques qui disparaissent sans laisser de traces. Un parfait inconnu en sommet Ce qui compte c’est qu’on me lise le reste importe peu. Je n’ai donc plus besoin de dĂ©crypteur. C’est le bon cĂŽtĂ© de la modernitĂ©. Tout est facile de nos jours. - La modernitĂ© n’est pas complĂštement nĂ©gative dit l’imam. - Si on l’adopte dans les limites du raisonnable. - Oui. C’est ce qui Ă©chappe aux parvenus. - J’allais dire la mĂȘme chose conclut le 57 57 Bien quil fĂ»t rĂ©tif Ă  la diffusion audiovisuelle de son oeuvre il admettait volontiers que cĂ©tait un mal nĂ©cessaire vu que la majoritĂ© de ceux qui auraient ainsi accĂšs Ă  sa poĂ©sie Ă©taient des analphabĂštes et que seule une Ă©lite triĂ©e sur le volet pouvait le lire dans le texte. Cette forme de communication avait dailleurs pris une proportion telle que l’exploitaient Ă  fond les prĂȘcheurs politiques les chanteurs et les satiristes. En outre une seule cassette Ă©tait Ă©coutĂ©e par des dizaines de personnes en mĂȘme temps dans les transports en commun par exemple ou les cafĂ©s populaires. Mais le Vieux prĂ©fĂ©rait une Ă©lite lettrĂ©e qui savait goĂ»ter et apprĂ©cier la poĂ©sie Ă  une foule peut-ĂȘtre admirative mais sans imagination et sans autre comprĂ©hension que le tra-la-la du saltimbanque pour elle le sens navait aucun sens. À la fin il eut une petite pensĂ©e Ă©mue pour ce peuple d ignorants et il reconnut qu il avait sans doute un peu d imaginaire et pourquoi pas des sentiments quun mot une idĂ©e ou une image pouvaient libĂ©rer d’un coup. AprĂšs tout ce sont des ĂȘtres humains. S’ils ne comprennent pas tout ils rĂ©agissent quand mĂȘme Ă  certaines choses. Leur façon de percevoir le poĂšme est seulement diffĂ©rente de la nĂŽtre qui est plus sophistiquĂ©e. » Chez lui il fut accueilli par sa vieille Ă©pouse avec un large sourire. Elle n’attendit mĂȘme pas qu’il fĂ»t assis pour dire - HĂ© On a parlĂ© de toi Ă  la radio d’Agadir. - De moi Qu’est-ce qu’ils ont dit - Que tu es un grand anaddam 1 . Et quelqu’un a lu un passage du saint. Ça alors Mais comment ont-ils pu avoir le livre - Ce sont des gens du mĂ©tier hĂ© - C’est vrai. Ils fouinent partout. Il lui rĂ©vĂ©la que ses poĂšmes seraient bientĂŽt chantĂ©s par des raĂŻss et enregistrĂ©s sur cassette. - Nous n’avons rien pour Ă©couter une cassette dit-elle. - J’achĂšterai un lecteur au magasin du village. Une marque japonaise. Il paraĂźt que c’est ce qu’il y a de mieux. - Alors je t’écouterai enfin. Elle Ă©tait visiblement heureuse d’avoir la possibilitĂ© d’entendre les Ă©crits de son Ă©poux. - Nous autres qui ne savons ni lire ni Ă©crire ajouta-t-elle nous sommes comme les bĂȘtes il faut nous parler. La cassette est une bonne invention. - Oui oui dit le Vieux un peu agacĂ©. Mais savoir lire et Ă©crire c’est mille fois mieux. On comprend mieux la poĂ©sie on ne rate presque rien. On prend plus de plaisir Ă  lire qu’à Ă©couter un poĂšme... Mais ce n’est que mon avis. Un avis qui en vaut un autre. - En tout cas tu m’as rendue heureuse. Je suis vieille mais heureuse de vivre ces Ă©vĂ©nements en ta compagnie. J’ai toujours su que tu cachais une grande Ăąme. C’est pourquoi je n’ai jamais souffert avec toi. Il n’y a qu’à Ă©couter ce que disent les autres femmes pour comprendre. Elles en veulent toutes Ă  leur conjoint. Il a toujours quelque chose Ă  se reprocher celui-lĂ . Il les bat les maltraite ne leur achĂšte rien sauf un vĂȘtement et des souliers de temps en temps et il exige d’elles une perfection absolue. Qu’elles soient des anges quoi Moi je n’ai jamais eu Ă  me plaindre de toi. - Moi non plus dit le Vieux. Mais j’ai constatĂ© une chose le riche ne bat pas sa femme seul le misĂ©rable bat la sienne. Sais-tu pourquoi - Non rĂ©pondit la vieille. - Eh bien le riche n’a aucune raison de se comporter comme une brute. Le 1 - Compositeurslide 58 58 misĂ©rable lui a toutes les raisons du monde et de l’enfer d’agir comme tel. Quand il bat sa femme il croit qu’il bat la misĂšre. Sa femme Ă  la longue finit par incarner la misĂšre alors il la bat pour s’en dĂ©livrer. - Pour se dĂ©livrer de sa femme dit la vieille. - Non de la misĂšre alors qu’il est lui-mĂȘme cette omniprĂ©sente misĂšre qu’il voit autour de lui mais pas en lui. Une misĂšre qui lui colle Ă  la peau sans qu’il puisse s’en dĂ©faire. Pauvre diable Ces gens-lĂ  sont Ă  plaindre car ce sont souvent des victimes qui ne se dĂ©fendent pas. Ils se complaisent dans leur rĂŽle subalterne obsĂ©quieux sournois futiles... On leur applique toutes les Ă©pithĂštes dĂ©gradantes et ils s’en accommodent. Oui on finit par s’habituer Ă  sa condition et mĂȘme par l’ 59 59 Quelques jours plus tard le Vieux se rendit au magasin du village. Il demanda qu’on lui prĂ©sentĂąt tous les lecteurs de cassettes disponibles ce qu’on fit. Alors il sollicita l’avis du patron qui s’y connaissait. - Si tu veux mon avis prends celui-lĂ . Il enregistre et lit les cassettes dit le marchand. - Non dit le Vieux je prĂ©fĂšre seulement les Ă©couter. - Bon. Celui-ci est parfait dans ce cas il est japonais. - Je le prends. Donne-moi aussi des cassettes de Haj BĂ©laĂŻd. Et une lampe Ă  gaz. On le servit. Il Ă©tait content de ces deux achats. D’une part la possession d’un lecteur de cassettes Ă©tait devenue indispensable d’autre part celle d’une lampe Ă  gaz assez puissante remplacerait avantageusement les lampes Ă  carbure de calcium dont la flamme s’éteignait au moindre courant d’air. Sa vieille femme partagea son avis. - Mais nous nous modernisons en catimini dit-il. Ils rirent de ce bon mot adaptĂ© Ă  la situation. - Ce n’est pas en acquĂ©rant ces petites bricoles ou mĂȘme une voiture qu’on est moderne. Il y a toute une Ă©ducation Ă  faire avant de prĂ©tendre Ă  la modernitĂ©. Tout le reste n’est que façade affirma le Vieux. Et aprĂšs un silence - Je dois encore avoir des cahiers vierges quelque part je pense. - Il n’y en a plus dit la vieille. Tu te souviens je t’en avais montrĂ© un que les rats avaient largement entamĂ©. Tu l’as jetĂ© au feu. C’était le dernier. - J’en achĂšterai demain. De toute façon je n’écris rien aujourd’hui. La poĂ©sie demande du temps. Et puis attendons de voir un peu le rĂ©sultat de ce que j’ai dĂ©jĂ  fait. - Elle ne dit rien. Elle ne comprenait rien Ă  ces choses. Fors la cuisine et la vie courante en gĂ©nĂ©ral tout le reste Ă©tait nĂ©buleux pour elle. Cependant elle aimait Ă©couter de la poĂ©sie et elle Ă©tait fiĂšre de son homme ce qui la rendait encore plus heureuse. - J’ai cependant le titre d’un futur poĂšme dans la tĂȘte. C’est Tislit Ouarnan la fiancĂ©e de l’eau ou l’arc-en-ciel en berbĂšre. Mais de lĂ  Ă  le produire... Le Vieux se tut. Elle le regarda un bon moment puis elle osa dire - C’est un joli titre. Je suis sĂ»re qu’il sera fait dans quelques jours. - Peut-ĂȘtre. En tout cas ça travaille dedans dit-il en tapotant du doigt sur sa tempe. Il y a dĂ©jĂ  des images des lambeaux de vers... Si c’est comme ça que ça se compose oui il sera lĂ  bientĂŽt assurĂ©ment. L’idĂ©e elle-mĂȘme est claire la fiancĂ©e de l’eau perd son ami Ă  cause du soleil. Rendue folle par sa disparition elle monte au septiĂšme ciel regarde un bon moment l’univers Ă©toilĂ© et noir puis elle s’élance dans le vide sidĂ©ral. DĂšs lors il n’y a plus de tonnerre plus d’orage aucune averse aucune ondĂ©e. C’est le dĂ©but d’une longue sĂ©cheresse sur terre. Les hommes ont beau faire des priĂšres rogatoires aucune goutte d’eau ne tombe plus du ciel. Les vallĂ©es s’assĂšchent les cailloux apparaissent sous l’effet du vent la dĂ©sertification prend d’assaut les sols autrefois fertiles... - Mais c’est inquiĂ©tant dit la vieille. - Oui c’est inquiĂ©tant. Et je crains que ça ne soit prĂ©monitoire. - Car tu penses que tu possĂšdes le don de la divination - Tout vrai poĂšte est plus ou moins devin dit-il c’est bien connu. - Il y aura donc une sĂ©cheresse - ForcĂ©ment puisque le dĂ©sert gagne du terrain tous les jours. Les gens ne respectent pas l’équilibre de la nature ils coupent trop d’arbres sans rien replanter Ă  leur place. Cela modifie le climat. Quelques annĂ©es suffisent alors pour transformer un lieu autrefois arable en un petit bout de dĂ©sert totalement stĂ©rile. AprĂšs ça va dire aux gens de cesser d’émigrer vers les villes Chez nous tant qu’il y aura de l’eau dans les puits ça ira. Mais ailleurs c’est-Ă -dire lĂ  oĂč il n’existe pas de puits mais seulement des citernes que vient de temps en temps remplir l’eau de pluie les habitants seront forcĂ©s d’acheter cetteslide 60 60 eau prĂ©cieuse loin de chez eux et de la payer cher. Cette pratique est dĂ©jĂ  courante un peu partout. Il suffit qu’il ne pleuve pas pour qu’on y recoure. Donc mon poĂšme n’est pas aussi prĂ©monitoire qu’il le semble Ă  premiĂšre vue. La dĂ©sertification est dĂ©jĂ  lĂ . - Si tout cela est vrai les pauvres d’ici vont souffrir dit la vieille. Que mangeront-ils s’il ne pleut pas - Ils iront en ville eux aussi. Ils s’ajouteront aux chĂŽmeurs et ainsi... Il se tut. - Et ainsi... dit la vieille. Continue. - Ce sera pour eux une mĂ©saventure et pour la sociĂ©tĂ© une plaie. Je connais le cas d’un homme qui est parti d’ici en emmenant sa femme sa vieille fille et son fils. Il travaille comme contremaĂźtre dans des salines au nord d’El-Jadida. Son fils comme lui-mĂȘme vit dans un bled perdu. Il rĂ©pare des tĂ©lĂ©s des radios sans avoir jamais appris le mĂ©tier mais il s’en tire tant bien que mal. Il a un certain don du bricolage. Ça lui rapporte de quoi vivoter. Voyant qu’il avait ce petit mĂ©tier assurĂ© dans ce coin perdu cet idiot s’est mariĂ©. Il a maintenant trois gosses qui ne mangent pas Ă  leur faim et ne portent rien sur le dos. Tu vois un misĂ©rable reproduit forcĂ©ment de la misĂšre. J’ai lu quelque part que le rat qui est un animal intelligent sait rĂ©guler son groupe contrĂŽler le taux des naissances par exemple. Ainsi lorsque la nourriture se rarĂ©fie le nombre d’individus chute et ne se stabilise que si chaque rat mange Ă  sa faim. Chez l’homme c’est tout le contraire qui se passe. Le riche ne fait pas de famille nombreuse le pauvre si. Un pauvre qui n’a dĂ©jĂ  rien n’arrĂȘte pas d’engendrer une masse de gueux c’est ça le comble Et c’est dĂ». Ă  quoi À un mauvais legs de la tradition. Ayant on devait avoir le plus d’enfants possible pour contrecarrer la mortalitĂ© infantile qui Ă©tait permanente et parce qu’on avait besoin de bras pour travailler la terre. Pour les vieux parents c’était aussi la garantie d’avoir une retraite sans soucis. À l’époque la famille Ă©tait soudĂ©e homogĂšne. Ce comportement Ă©tait donc valable. Mais aujourd’hui il ne l’est plus. On devrait faire comprendre ça Ă  ces misĂ©reux qui se reproduisent comme des lapins. Mais un misĂ©rable est d’abord un ignorant patentĂ© on ne peut rien lui faire admettre et le plus souvent il impute sa misĂ©rable condition Ă  la fatalitĂ©. Ce dont manque ce pays c’est d’un bon systĂšme Ă©ducatif pour commencer. Il n’y a mĂȘme pas d’école dans certains villages. Il n’y a que l’école coranique pour les petits. Seuls les enfants de riches ont droit Ă  une bonne Ă©ducation. Dans les villes ils suivent les cours d’institutions privĂ©es. AprĂšs quoi on les envoie en Europe ou en AmĂ©rique. Ils obtiennent des diplĂŽmes solides. Quant aux autres... Eh bien les autres restent justement les autres c’est-Ă -dire rien. En gĂ©nĂ©ral ils n’achĂšvent pas leurs Ă©tudes mĂ©diocres. Ils se contentent d’une licence et aussitĂŽt commencent Ă  chercher un emploi alors que de vrais diplĂŽmĂ©s chĂŽment. L’autre jour Ă  la radio il en Ă©tait question. Ces gens-lĂ  cherchent seulement un travail qui leur donne de quoi vivre. Mais il n’y a rien. Pendant ce temps les parvenus... Il n’acheva pas sa phrase. L’image du parvenu lui Ă©tait soudain apparue si monstrueuse qu’il cligna des yeux comme si celui-ci s’était d’un coup matĂ©rialisĂ© devant lui. - Pendant ce temps... rĂ©pĂ©ta la vieille. - Je n’achĂšve pas Le parvenu est une honte Quand on voit tout le reste on a envie de lui crier bien fort Sale ordure Ne vois-tu pas que tu as les pieds dans la merde » La vieille Ă©clata de rire. - Oui cet imbĂ©cile marche dans la merde et il ne voit rien ne sent rien rĂ©pĂ©ta le 61 61 Un jour qu’il faisait une chaleur particuliĂšrement saisissante et en milieu d’aprĂšs- midi le Vieux qui Ă©crivait entendit une rumeur lointaine suivie d’un Ă©norme vacarme comme celui d’une armĂ©e qui part Ă  l’assaut d’un fort qu’elle n’a de cesse d’enlever malgrĂ© le courage de ses dĂ©fenseurs retranchĂ©s derriĂšre une muraille de fer et de feu. Ce bruit inhabituel le distrayait de son travail. Il reposa le porte-plume Ă  cĂŽtĂ© de l’encrier sur la petite table ronde se leva et se posta Ă  une fenĂȘtre. Il vit d’abord un nuage de fumĂ©e puis en abaissant les yeux Ă  hauteur du paysage un champ de flammes. C’était un incendie qui ravageait l’un des plus beaux vergers de la rĂ©gion. Il n’y avait pas moyen de l’éteindre malgrĂ© le concours des pompes Ă  eau des environs qui s’étaient toutes mises Ă  pĂ©tarader. Puis le tumulte se transforma en cris injures menaces... Impuissants les gens grouillaient autour du sinistre comme une fourmiliĂšre affolĂ©e. Le feu s’éteignit de lui-mĂȘme ne laissant derriĂšre lui que des cendres et des troncs calcinĂ©s. MalgrĂ© la distance le Vieux pouvait reconnaĂźtre les cris de rage du propriĂ©taire. - C’est le verger d’Oumouh qui a flambĂ© dit-il. Il y a Ă  parier qu’il a dĂ©jĂ  trouvĂ© un coupable parmi ceux-lĂ  mĂȘmes qui sont venus l’aider. II va donc nettoyer et astiquer sa vieille pĂ©toire Ă  poudre noire et se prĂ©parer au combat comme au bon vieux temps. Il faut le comprendre... Le pauvre vieux vient de perdre sa seule fortune ce verger prĂ©cisĂ©ment. - C’est abominable Si on a mis dĂ©libĂ©rĂ©ment le feu au verger je trouve ça abominable dit la vieille. - Je ne vois personne mettre exprĂšs le feu Ă  ce verger moi dit le Vieux. Il fait trĂšs chaud et les rayons du soleil sont vifs. Il suffit d’un bout de mĂ©tal ou de verre pour dĂ©clencher le feu. C’est peut-ĂȘtre ce qui est arrivĂ©. Le lendemain le Vieux apprit qu’on avait trouvĂ© sur place des canettes de biĂšre brisĂ©es et des mĂ©gots. Et comme il l’avait pressenti Oumouh avait ressorti son arsenal guerrier d’autrefois pour en dĂ©coudre mais le Mokaddem le lui avait confisquĂ©. L’enquĂȘte rĂ©vĂ©la qu’on avait fait la noce ici en pleine nuit. Il n’y avait donc pas de coupable ni de plainte Ă  dĂ©poser. On en resta lĂ . - Ce vieil animal aura un autre verger tu verras dit le Vieux. Il est l’ami des parvenus. Que dis-je C’est leur homme Ă  tout faire et le guide de chasse car il est expert en la matiĂšre. Il doit bien en tirer des bĂ©nĂ©fices... - C’est honteux quand mĂȘme Boire dans un verger qui n’est pas le vĂŽtre et en pleine nuit comme un voleur - Ce sont ces jeunes qui viennent de la ville. Ils font ça pour briser les tabous expliqua le Vieux. Des vacanciers qui auraient plutĂŽt dĂ» courir les filles sur les plages du Nord qui sont ma foi trĂšs propres et trĂšs belles... Mais ceux-lĂ  Oumouh ne les touchera pas ce sont les enfants de ses nouveaux amis. Et puis tu sais Ă  cette heure il a dĂ©jĂ  sans doute Ă©tĂ© dĂ©dommagĂ© par ces messieurs qui n’aiment pas le scandale. Certainement Ce vieux filou a dĂ» toucher quelque chose un gros paquet sinon il serait allĂ© tout droit au bureau du caĂŻd ou chez les gendarmes. Bien visĂ© Il n’a fait ni l’un ni l’autre. D’autres plants vont arriver ces jours-ci. Il replantera car il aime le faire avec un ou deux ouvriers agricoles pour l’assister et pour que ça aille plus vite dit le Vieux. - Son fils unique est toujours Ă  Casa demanda la vieille. - Oui. C’est un dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© un vaurien. Le pĂšre lui a laissĂ© un magasin bien garni mais il a tout claquĂ© avec des putains et trouvĂ© le moyen de faire des dettes bancaires. Et il a abandonnĂ© ici sur les bras du pĂšre une femme lĂ©gitime et des enfants. - Incroyable Et le frĂšre d’Oumouh ce borgne - Celui-lĂ  c’est un parfait salopard. Il est l’oeil et l’oreille des gendarmes un mouchard. Pas mal d’opposants ont pĂąti de ses confidences Ă  la gendarmerie. - Quelle familleslide 62 62 - Comme tu dis. Oumouh qui est vieux s’est pourtant remariĂ© avec une jeune de dix-huit ans une pauvresse. On dirait qu’il est aussi vigoureux qu’un jeune taureau. Ils rirent. La vieille prĂ©parait le thĂ©. Le Vieux qui s’était rassis avait devant lui sur la petite table un gros cahier ouvert oĂč il Ă©crivait son nouveau poĂšme Tislit Ouaman. - C’est que prĂ©cisĂ©ment il l’est dit la vieille femme. Je l’ai vu passer Ă  la minoterie l’autre jour. On ne lui donnerait pas l’ñge qu’il a rĂ©ellement. II existe des natures comme celle-lĂ  qui dĂ©fient les annĂ©es affirma le Vieux. Or celui-lĂ  a tĂątĂ© de l’aventure c’est un ancien baroudeur. Il sait fabriquer la poudre et couler des balles de plomb. Il a toujours son matĂ©riel cachĂ© quelque part dans la maison. Une maison qui ressemble plutĂŽt Ă  un labyrinthe tant elle est sombre et truffĂ©e de piĂšges et de dĂ©tours. C’est qu’il est mĂ©fiant le vieux bouc Il se dĂ©fierait de son ombre. Et ses ennemis d’hier qui sont encore en vie savent Ă  quoi s’en tenir. Quand il menaçait Untel celui-ci devait de son cĂŽtĂ© se prĂ©parer au combat. Ils sont tous les mĂȘmes ils ont tous leurs vieilles armes fusil Ă  poudre noire et poignards. Mais ils ne s’en servent plus. Bon Donne-moi de ce thĂ©. Je vais continuer mon poĂšme. Écoute encore ce que je vais dire... J’ai assistĂ© dans le temps Ă  un incendie moins spectaculaire c’était la clĂŽture Ă©pineuse d’une maison qui flambait. Eh bien la solidaritĂ© Ă©tait telle que les femmes et les hommes avaient spontanĂ©ment constituĂ© une chaĂźne humaine leur permettant de se passer de main en main les rĂ©cipients et cela depuis le puits jusqu’à la maison menacĂ©e. Cet incendie de clĂŽture fut Ă©teint trĂšs vite et la maison qui Ă©tait juste derriĂšre ne prĂ©sentait aucune trace de flammes Ă  l’extĂ©rieur. Cette solidaritĂ© n’existe plus. Si aujourd’hui une maison de pauvre brĂ»le on la laisse brĂ»ler c’est tout. Il but une gorgĂ©e de thĂ© chaud fuma et reprit - J’ai presque fini mon poĂšme. Écoute donc ces vers Tislit Ouaman Ă©plorĂ©e hurla du haut des monts Soleil maudit tu as tuĂ© l’époux splendide de la terre Le soleil dit Retire-toi tu charmes les autres Avec mes propres rayons Avec mon coeur rutilant mon feu roulant Et tu m’oublies moi soldat de la nuit et du jour. - J’en suis lĂ  dit le Vieux. Qu’en dis-tu - C’est beau. En effet l’arc-en-ciel c’est Ă  la fois eau et lumiĂšre. Mais qui a raison dans l’histoire – Le plus fort La nature a toujours raison affirma le Vieux. Et il reprit sa 63 63 Un matin on frappa Ă  la porte et ce fut le Vieux qui alla ouvrir. Sa surprise fut- tellement forte en reconnaissant le visiteur qu’il faillit en perdre la parole c’était son vieil ami de France qui revenait ici aprĂšs bientĂŽt trente ans d’exil total. Les salamalecs interminables achevĂ©s ils montĂšrent dans le petit salon s’assirent l’un en face de l’autre et s’examinĂšrent un bon moment. - Tu n’as pas beaucoup changĂ© dit le Vieux. Tu es toujours aussi jeune et peut-ĂȘtre du cĂŽtĂ© des femmes plus performant qu’un jeune. Mais comment as-tu fait pour venir Radwane Dis-moi quelle mouche t’a piquĂ©. - Il y a bien trente ans que je n’ai pas remis les pieds dans ce pays. Qu’y faire quand on n’y a plus personne... Ă  part toi bien sĂ»r Je suis donc restĂ© lĂ -bas. Je suis français comme tous les autres mariĂ© je paie des impĂŽts et je vote – c’est dĂ©mocratique. J’ai trois enfants. L’un travaille avec moi dans l’agroalimentaire et les deux autres exercent des professions libĂ©rales. Il y a un mĂ©decin et un avocat. C’est donc uniquement pour te revoir que je suis revenu. J’ai pris un billet d’avion comme un touriste et me voici. Mais j’ai fait expĂ©dier deux cartons pleins de bricoles pour toi par le car qui fait Paris-Tiznit. Ici j’ai louĂ© une voiture. Je ne compte pas rester plus d’une semaine. - C’est net et prĂ©cis dit le Vieux. Eh bien tu dĂ©jeuneras ici. - Oui. - Et tu resteras jusqu’à demain. - Non. J’ai des rendez-vous Ă  Agadir. Tu recevras les cartons ici mĂȘme. Le chauffeur du car te les apportera en personne. - Ah Quel plaisir de te revoir dit le Vieux. Tu bois encore du thĂ© au moins - Bien sĂ»r mais je bois aussi du bon vin et de la bonne biĂšre. - À ce moment la vieille Ă©pouse de BouchaĂŻb entra dans le salon. - Tu reconnais notre visiteur lui demanda le Vieux. Elle rĂ©flĂ©chit un instant et dit - Non vraiment je ne le remets pas. - Il y a tellement longtemps. Tu es tout excusĂ©e. C’est Radwane notre ami de France. - Maintenant je le reconnais. Je n’aurais jamais pensĂ© qu’il reviendrait. Sois donc le bienvenu Radwane tu es de la famille. Je vais vous prĂ©parer du thĂ© et des friandises. Elle s’en alla puis revint avec ses ustensiles habituels. Elle s’installa assez loin des deux hommes pour les laisser parler Ă  l’aise et elle commença Ă  prĂ©parer la boisson. Le chat renifla le visiteur se frotta Ă  sa jambe et retourna Ă  l’oreiller qui Ă©tait devenu sa litiĂšre. - Ah Toi par exemple dit Radwane. Tu es connu mĂȘme Ă  Paris. Il y a seulement quelques jours une radio berbĂšre a parlĂ© de toi. C’est peut-ĂȘtre ce qui m’a dĂ©terminĂ© Ă  venir. L’animateur que je connais bien a donnĂ© un long extrait de ton Ă©popĂ©e sur le saint. Il a rĂ©ussi Ă  se procurer ton livre c’est un crack Mais en as-tu toi de ces livres ici - Oui je t’en donnerai trois. Il alla les chercher dans un coffre de bois peinturlurĂ©. AprĂšs les avoir feuilletĂ©s Radwane s’exclama - Ce sont des oeuvres d’art mon vieux À Paris ils coĂ»teraient une petite fortune. Qui a exĂ©cutĂ© cette belle calligraphie - Un Ă©lĂšve de la medersa dit le Vieux. - C’est un virtuose ce petit. Est-ce qu’on pourrait le voir - C’est facile. - Comme poĂšte tu te poses un peu lĂ  dit Radwane. Ce que tu fais est sublime. - Merci mon ami. Mais parlons d’autre chose. Tu liras le livre Ă  tĂȘte reposĂ©e. Comment va la France - La France va de moins en moins bien. Les jeunes chĂŽment. Ils se droguent dealent c’est-Ă -dire qu’ils vendent de la drogue pour en avoir Ă  consommer eux-mĂȘmesslide 64 64 volent agressent dans les magasins les couloirs de mĂ©tro les bus. Quand la police tire sur l’un d’eux qui vient de faucher une voiture ils sortent le soir brĂ»lent des pneus des autos pillent les boutiques les supermarchĂ©s blessent des flics... Et pendant ce temps on les filme... Les images passent Ă  la tĂ©lĂ©vision ça fait peur au Français moyen qui dĂšs lors vote pour l’extrĂȘme droite le fascisme Ă  la française quoi L’Arabe est le suspect numĂ©ro un. On lui refuse le visa d’entrĂ©e sur le territoire on le refoule on le place en rĂ©tention administrative quand il n’est pas en situation rĂ©guliĂšre. Un sans-papiers est un sans domicile fixe il risque gros Ă  tout instant. Les crĂąnes rasĂ©s tuent le MaghrĂ©bin comme ça pour rire. C’est bĂȘte et c’est mortel. Personnellement je suis loin de ces problĂšmes mais ce qui se passe est inquiĂ©tant. - Et il y a encore des fous ici qui veulent aller en France Ils devraient savoir qu’il n’y a pas de place pour eux dans les pays d’Europe. Mais qu’est-ce que tu peux faire comprendre Ă  un ignorant dit le Vieux. - J’ai pris mes prĂ©cautions depuis longtemps. C’est pourquoi je me suis fait naturaliser quand c’était encore possible. Je suis un bon citoyen respectueux des lois de la RĂ©publique et je ne vais pas provoquer de tapage folklorique lĂ  oĂč il ne faudrait pas. Or la plupart des MaghrĂ©bins immigrĂ©s sont de parfaits illettrĂ©s. - Comme ceux d’ici dit le Vieux. - Ceux d’ici sont entre eux ils n’emmerdent personne. - C’est juste. La vieille femme les servit. - La rĂ©gion a drĂŽlement changĂ© dit Radwane. On se modernise par ici. - Oui mais c’est une modernitĂ© fanfaronne rĂ©pondit le Vieux. Une couche de mauvaise peinture qui craque vite pour faire apparaĂźtre la vraie nature des choses. Les gens de chez nous sont irrespectueux de tout sauf de l’argent. Un jour ce village cette vallĂ©e ne seront plus qu’un dĂ©sert. Ce sera triste pour ceux qui n’ont jamais rien eu mĂȘme un vĂȘtement dĂ©cent. La misĂšre que tu as vue en France n’est pas celle d’ici. Notre misĂšre est tenace elle s’accroche et se reproduit Ă  grande vitesse comme un microbe. La France elle a les capacitĂ©s pour juguler la sienne qui n’est aprĂšs tout qu’un mauvais quart d’heure Ă  passer. Ici ce sont des siĂšcles de misĂšre qui se sont liguĂ©s pour donner ce que nous voyons aujourd’hui une misĂšre incurable qui s’amplifie et mine les bases de la sociĂ©tĂ© qui la sĂ©crĂšte une sociĂ©tĂ© oĂč seul le riche fait ce qu’il veut va oĂč il veut. La grande masse elle tourbillonne et bouillonne au fond d’un gouffre vertigineux. Oui gare au vertige. Nous sommes au bord d’un gouffre monstrueux. En perdant la tradition on a aussi perdu le respect de la femme et de l’enfant. Les filles se prostituent les garçons aussi. Et les enfants croupissent dans le caniveau. Mais il n’y a rien Ă  faire. Ce sont les mentalitĂ©s qu’il faudrait changer. - Ton analyse est juste. Si les mentalitĂ©s ne changent pas ça ne s’amĂ©liorera pas dit Radwane. Mais passons Ă  autre chose. Sachant que tes poĂšmes seront tĂŽt ou tard mis sur cassette je t’ai apportĂ© un certain nombre de gadgets. Ça t’amusera. Tu as aussi ton thĂ© prĂ©fĂ©rĂ© et du trĂšs bon tabac. Je dois t’en envoyer assez souvent car tu es un fumeur invĂ©tĂ©rĂ©. Tu apprĂ©cieras donc ces mĂ©langes raffinĂ©s. Mais
 possĂšdes-tu toujours un Ăąne - Non. J’ai une mule. Un Ăąne ne fait pas de vieux os ici. Le dernier que j’ai eu a Ă©tĂ© bouffĂ© par les charognards il y a trois ans peut-ĂȘtre. Ici quand une bĂȘte crĂšve on jette sa carcasse aux fauves. J’ai donc une mule charmante qui ne demande qu’à sortir mais comme je suis indisponible elle reste dans son rĂ©duit. Avant j’allais au souk une fois par semaine maintenant c’est tous les trois mois. On trouve ce qu’on veut au magasin du village ce n’est plus comme autrefois. - C’est une excellente chose rĂ©pondit Radwane. À cet instant on entendit une sĂ©rie de coups de feu. - C’est ce bandit de Hmad qui chasse le perdreau dit le 65 65 - L’ancien tueur - Oui. Je lui ai demandĂ© de m’apporter du gibier pour aujourd’hui. On a beau dire c’est un homme remarquable. Je l’aime bien. Le Vieux alla regarder par la fenĂȘtre. Puis il revint s’asseoir. - Je ne me suis pas trompĂ© dit-il. - C’est bien lui et il vient ici. Dix minutes plus tard en effet on entendit frapper Ă  la porte. La vieille femme alla ouvrir. Quand elle revint elle portait six perdreaux ensanglantĂ©s. Le chat courut Ă  la rencontre de sa maĂźtresse qui le chassa sans mĂ©nagement. Il aurait Ă©tĂ© capable de voler un de ces volatiles encore saignants. - Hmad t’a apportĂ© ceci dit la vieille. Je lui ai dit de monter mais il s’est excusĂ©. Il a paraĂźt-il des choses Ă  faire. - Des choses Ă  faire Il prĂ©fĂšre plutĂŽt sa solitude que la compagnie des hommes. Il est casanier. Eh bien rĂ©gale-nous donc avec ce beau gibier - J’en mange souvent Ă  Paris dit Radwane mais c’est du gibier d’élevage. Celui-ci doit ĂȘtre fameux. - PrĂ©pare-toi Ă  te rĂ©galer. Le goĂ»t du gibier et mĂȘme celui de la viande normale change suivant les rĂ©gions. La viande d’ici a plus de goĂ»t que n’en a celle qui est vendue en ville. C’est ce que mange la bĂȘte qui fait la diffĂ©rence. AprĂšs un copieux dĂ©jeuner qui l’enchanta Radwane dit au Vieux - J’ai rĂ©flĂ©chi. Je dois partir immĂ©diatement pour Agadir. Je ne verrai donc pas ce jeune calligraphe. C’est dommage. Mais je n’ai rien Ă  lui offrir. Qu’il suive donc sa route. Les personnes que je vais voir sont importantes. Je ne dois pas rater cette entrevue. Ils Ă©taient assis devant deux verres de thĂ© fumants le Ă©niĂšme thĂ© depuis le matin. - Dommage Moi qui aurais voulu te coincer ici pour que tu oublies un peu tes soucis d’investisseur... rĂ©pondit le Vieux. Mais soyons sĂ©rieux. Pour le petit calligraphe c’est bon tu n’as rien Ă  lui promettre. Il vaut mieux qu’il continue sa route dĂ©jĂ  toute balisĂ©e. Mais pour ces investissements je dois te mettre en garde contre les margoulins. - Tu prĂȘches un convaincu. Je connais tout ça. Mais lĂ  c’est du solide. Il s’agit en fait du rachat d’une ferme d’agrumes dans la plaine du Souss et de la crĂ©ation d’unitĂ©s de production de jus d’orange pamplemousse etc. destinĂ© Ă  l’exportation. - C’est sĂ©rieux j’en conviens. Seulement gaffe Il y a des voleurs partout. - Il y en a mĂȘme en France. Chez les politiques et ailleurs. Ça ne m’a pas empĂȘchĂ© d’y faire des affaires en or. - Tu connais ton mĂ©tier. Mais le Maroc c’est le Maroc tout le monde te le dira. - Je serai sur mes gardes dit Radwane. - LĂ  je suis rassurĂ©. Mais dis-moi puisque tu en viens dis-moi comment c’est l’Agadir d’aujourd’hui - Oh Une ville pour les touristes. Du bĂ©ton encore du bĂ©ton Et ça marche bien. Personnellement je ne mettrai pas un sou lĂ -dedans. Le tourisme est alĂ©atoire car trop dĂ©pendant de la conjoncture politique et des Ă©vĂ©nements. - C’est une machine qui tourne bien alors - Il me semble dit Radwane. Pour le moment du moins. - Il se leva prit les livres que lui avait donnĂ©s le Vieux. - Je vous dis au revoir. Le Vieux se leva aussi. Il Ă©tait Ă©mu. - Ah Dieu fasse que tu reviennes l’annĂ©e prochaine Ça me fend le coeur de te savoir dans un autre pays loin de nous autres. - Il conduisit Radwane jusqu’à la porte d’entrĂ©e. Quand il fut remontĂ© il s’affala comme s’il venait de soulever un poids 66 66 - Tu es fatiguĂ© demanda la vieille. - Non. Je suis seulement Ă©mu. Trente ans d’éclipse et le voilĂ  dĂ©jĂ  parti pour une autre longue absence. Mais tu es lĂ  toi. Et le chat aussi est lĂ . Ah mon beau rouquin Tu ne peux pas savoir le prix d’une amitiĂ©. Tu n’es qu’un chat toi. Bon Est-ce que j’aurai encore le courage d’écrire Peut-ĂȘtre. Mais aprĂšs la sieste seulement. Se couchant sur le tapis qui recouvrait le sol il s’endormit rapidement. - C’est un grand enfant dit la vieille au chat qui la fixait sans 67 67 AprĂšs un Ă©tĂ© torride ponctuĂ© d’orages aussi violents que brefs qui avaient emportĂ© les cultures en terrasse et endommagĂ© les vieilles maisons l’automne fut calme et sans nuage. On s’attendait Ă  voir tomber les premiĂšres pluies prĂ©cĂ©dant les labours mais rien ne vint hormis un sempiternel vent brillant. L’annĂ©e agraire s’annonçait assez mal et les radios elles-mĂȘmes redoutaient compte tenu de l’avis unanime des experts une sĂ©cheresse prolongĂ©e. Ceux qui s’étaient prĂ©parĂ©s aux labours et qui vivaient de cela les plus pauvres donc avaient vite dĂ©chantĂ© et remisĂ© leur charrue. Le prix des cĂ©rĂ©ales augmenta si vite que beaucoup d’indigents recoururent aux aides du gouvernement mĂȘme ceux qui n’étaient pas habituĂ©s Ă  la farine amĂ©ricaine ou canadienne en reçurent. Cette manne contrecarra quelque temps l’action cynique des spĂ©culateurs qui dĂ©tenaient des stocks importants de cĂ©rĂ©ales dans des dĂ©pĂŽts occultes. L’État les poursuivait de sa vindicte. Des procĂšs et des saisies eurent lieu mais rien n’y fit la spĂ©culation s’était si bien ancrĂ©e dans les mentalitĂ©s que seuls les plus honnĂȘtes marchands n’y succombaient pas. Les autres s’enrichissaient chaque jour au dĂ©triment du grand nombre. Au dĂ©but de l’annĂ©e suivante on vit errer par les campagnes et tout le long des routes des animaux solitaires chassĂ©s par leurs maĂźtres qui ne pouvaient plus les nourrir. Il y avait surtout des Ăąnes parmi ces bĂȘtes. Les pauvres Ă©quidĂ©s allaient ainsi dans la nature Ă  la recherche d’un brin d’herbe et d’eau. A la fin Ă©puisĂ©s ils se couchaient et crevaient en silence. Leur dĂ©pouille ne tentait mĂȘme pas le charognard qui gavĂ© n’avait que l’embarras du choix. Des moutons et des vaches crevaient Ă©galement dans les fermes appauvries sur ces mĂȘmes terres qui les avaient si bien nourris. Le prix de la viande s’était brutalement effondrĂ©. Personne ne voulait plus entretenir de bĂȘtes d’abattage. Le cheptel en avait pris un coup sĂ©rieux quand advint la fĂȘte du mouton l’AĂŻd Al Kabir. On dĂ©cida en haut lieu de ne pas procĂ©der au sacrifice rituel ce qui arrangea du monde mais les plus dogmatiques suivirent Ă  la lettre les prĂ©ceptes religieux et sacrifiĂšrent leur mouton en cachette et en pleine nuit. Comme le prix des denrĂ©es de premiĂšre nĂ©cessitĂ© n’avait cessĂ© d’augmenter une sourde agitation se remarquait dans les bidonvilles et les quartiers populaires ce qui n’empĂȘcha pas les spĂ©culateurs de continuer leur travail de sape. Un jour l’émeute Ă©clata. Elle fut tout de suite attisĂ©e par des trublions professionnels qui manipulĂšrent une jeunesse ductile et inculte ignorant aussi bien la rĂ©alitĂ© que la politique. Ces Ă©vĂ©nements se soldĂšrent par des dizaines de morts et des arrestations massives. Les jeunes qui en avaient rĂ©chappĂ© retournĂšrent Ă  leurs occupations ordinaires drogue vols vagabondage alcoolisme et prostitution. Une politique de barrages fut instaurĂ©e aussitĂŽt que les experts mĂ©tĂ©orologues eurent prĂ©dit un long cycle de sĂ©cheresse. On commença Ă  Ă©difier des ouvrages imposants et des petits barrages colinĂ©aires. Cette politique eut par la suite des rĂ©sultats heureux. Certaines rĂ©gions furent irriguĂ©es au moyen de canaux et d’autres loin des barrages durent se plier Ă  la terrible loi de la sĂ©cheresse persistante. Le Vieux suivait ces Ă©vĂ©nements avec intĂ©rĂȘt. Au village mĂȘme on n’avait pas lĂąchĂ© les animaux dans la nature. Les puits n’étaient pas Ă  sec et il y avait Ă  manger pour l’ñne et la vache. Seuls les plus pauvres pĂątissaient du manque de pluie car ils devaient acheter leur orge au prix fort. Cependant les lĂ©gumes ne manquaient pas l’eau des puits suffisait Ă  irriguer les potagers. La gĂȘne Ă©tait pourtant partout prĂ©sente. On savait que telle ou telle famille avait besoin d’aide mais comme elle ne rĂ©clamait rien on ne lui donnait rien. Ils souffraient donc en silence. Un jour les radios annoncĂšrent l’arrivĂ©e imminente des sauterelles. Cela dĂ©clencha une sorte de fiĂšvre qui se transforma vite en priĂšres pour que les potagers et les arbres fruitiers fussent Ă©pargnĂ©s. Les criquets pĂšlerins ne vinrent pas un vent violent avait poussĂ© leurs essaims vers l’ocĂ©an oĂč ils se noyĂšrent. - Ce que tu as prĂ©vu dans ton fameux poĂšme est arrivĂ© dit la vieille. C’est vraiment la catastrophe d’aprĂšs la 68 68 - C’était Ă  prĂ©voir. Le Sahara est notre voisin. Il faut bien qu’il essaye un jour de gagner nos terres. D’autre part les gens ne respectent pas la nature ils abattent les arbres pour faire du feu ou autre chose. Et les arbres comme chacun sait sont les amis de l’eau. Cette calamitĂ© n’est donc pas si naturelle qu’on le prĂ©tend. Ses causes sont essentiellement humaines affirma le Vieux. Cela dit il n’y a pas eu de labours. Pour nous deux ce n’est pas un problĂšme nous pouvons nous payer l’orge que nous voulons mais pour les autres c’est un casse-tĂȘte. HĂ© As-tu demandĂ© Ă  notre voisine la sainte lettrĂ©e si elle ne manquait de rien - Elle ne manque de rien. C’est une fourmi. Elle a des sacs d’orge en rĂ©serve. - Si jamais elle avait besoin de quelque chose... - Elle me le dirait. Tu sais elle aimerait bien avoir un de tes livres. - Qui lui a dit que j’ai publiĂ© un livre - Moi. - Bon. Tu peux lui en porter un. - Et l’autre livre de poĂ©sie celui qui vient d’arriver - Je n’en ai pas suffisamment. Plus tard. J’ai aussi deux cassettes que tu Ă©couteras toute seule quand je serai dehors. Ce sont mes vers chantĂ©s par un rails. Je voudrais avoir ton avis lĂ -dessus. - Mais je ne sais pas faire marcher l’appareil. - Apporte-le je vais te montrer comment faire. Elle s’exĂ©cuta. Au bout d’une vingtaine de sĂ©ances de dĂ©monstration elle sut enfin faire fonctionner le magnĂ©tophone. - On apprend vite quand on veut dit-elle. Ils rirent. - Ces poĂšmes sont anciens. Ce sont les premiers que j’ai Ă©crits. Un travail de longue haleine. - Le suc de ta jeunesse. - Peut-ĂȘtre. Il avait dĂ©jĂ  en partie feuilletĂ© son recueil mais ces poĂšmes qui s’étendaient sur plusieurs annĂ©es n’éveillĂšrent en lui que de vagues souvenirs. À aucun moment il ne put lier tel ou tel morceau Ă  un Ă©vĂ©nement prĂ©cis. Il y avait lĂ  des Ă©glogues des Ă©lĂ©gies et des poĂšmes inspirĂ©s par des lĂ©gendes oubliĂ©es... Une espĂšce de sentiment nostalgique lui pinçait le coeur chaque fois qu’il ouvrait le recueil. Il se promit de tout relire en y mettant la distanciation nĂ©cessaire afin de juger de la valeur de l’oeuvre. - Et puis ma foi dit-il tout haut il faut bien vieillir. - Qu’est-ce que tu racontes - Tu ne peux pas comprendre... Ça ne concerne que le vieux que je suis devenu et le jeune Ă©talon que j’étais. Le temps est l’acteur principal de cette histoire. - Le temps l’acteur... - Oui. Quand j’étais jeune j’écrivais sur l’amour la nature la beautĂ© le courage... Maintenant aussi mais c’est diffĂ©rent. Je pense aux choses sacrĂ©es Ă  la beautĂ© aussi et j’ai le sentiment que l’homme n’est pas totalement mauvais malgrĂ© les apparences. Avant j’étais insouciant j’avais envie de vivre. Aujourd’hui cette humanitĂ© farfelue me donne du souci comme si j’en Ă©tais responsable. Je vis sans aucun optimisme. - Oublie donc cette humanitĂ© et pense Ă  toi dit la vieille. Tu veux du thĂ© - Je veux bien merci. Le Vieux voyait se dĂ©couper dans le rectangle lumineux de la fenĂȘtre ouverte la crĂȘte du massif montagneux et il se souvint des neiges qui le couronnaient avant les changements climatiques. Tout change en effet tout Ă©volue dans un sens ou dans l’autre pensa-t-il. Moi aussi du reste. Il n’y a qu’à regarder autour de soi pour constater que rien n’est jamais statique. Tu vois mĂȘme le chat a changĂ©. Il a vieilli lui aussi. BientĂŽtslide 69 69 il m’en faudra un autre car je ne peux pas me passer de chat. Ces bĂȘtes-lĂ  ne vivent pas assez longtemps. DĂšs qu’on commence Ă  s’y attacher elles crĂšvent. Mais cessons de divaguer AprĂšs le thĂ© j’irai rendre visite Ă  l’imam. Je lui porterai un daces livres. Lui au moins sera content car il est le vĂ©ritable artisan de cette publication. Sans son aide je n’aurais rien fait. Mon oeuvre aurait sombrĂ© comme tant d’autres. Et pendant que j’y pense je trouve Radwane fascinant. Il me comble d’objets modernes dont je ne sais que faire. Par exemple ces stylos Ă  feutre et Ă  bille. Et mĂȘme l’autre Ă  plume en or Je n’écri- rai jamais avec ces engins moi. Pour rien au monde je n’abandonnerais mon porte-plume offert jadis par Khoubbane mort sans postĂ©ritĂ©. Un de ces hommes du clan qui reprĂ©sentent le dernier chaĂźnon de la lignĂ©e. Mais il y en a d’autres qui se reproduisent assez pour que le clan dure encore mille ans. Khoubbane Il m’apportait toujours des cahiers des crayons de couleur et des biscuits quand il revenait au village oĂč il passait quelques mois pour voir s’il pouvait engrosser son Ă©pouse. Il prenait son temps mais il ignorait qu’il Ă©tait stĂ©rile. Il est mort sans le savoir un soir Ă  Safi devant sa boutique oĂč il prenait le frais aprĂšs avoir dĂźnĂ© et fait sa priĂšre. On l’a enterrĂ© lĂ -bas. Sa maison se dĂ©labre Ă  prĂ©sent. Sa veuve est retournĂ©e chez elle. Elle s’est aussitĂŽt remariĂ©e. Elle est mĂšre de plusieurs enfants Ă  l’heure qu’il est. Ah Cette femme Quelle douceur et quelle gentillesse N’étaient ces marques de variole sur le visage elle aurait Ă©clipsĂ© les prĂ©tendues beautĂ©s dont on cĂ©lĂšbre gaillardement les formes plantureuses. Mais elle a eu enfant cette maladie qui lui a laissĂ© des trous dans la figure. Khoubbane s’en fichait lui. Il aimait cette femme admirable. Et il n’aimait qu’elle ce qui est formidable dans un pays oĂč on aime toutes les femmes pour la bagatelle. Il savait lui donner un sens Ă  l’amour. D’autres voyant qu’ils n’avaient pas d’enfants auraient rĂ©pudiĂ© l’épouse infĂ©conde. Lui non Un homme. Oui c’était un homme. »slide 70 70 La deuxiĂšme annĂ©e de sĂ©cheresse fut encore plus terrible que la premiĂšre. On vit dans les environs des villages entiers vidĂ©s de leurs habitants. Ils avaient rejoint leurs parents dans les villes du Nord en abandonnant Ă  cet enfer qui rampait inexorablement vers la vallĂ©e leurs terres et leurs maisons. En peu de temps ces bĂątisses commencĂšrent Ă  craquer puis elles ne furent plus que des ruines. MĂȘme les vagabonds de jadis avaient dĂ©sertĂ© la rĂ©gion. Le Vieux qui avait vu cette dĂ©solation se demandait si son propre village allait connaĂźtre le mĂȘme sort. Non se dit-il. Beaucoup de gens ont de l’argent ils peuvent donc tout acheter. Et tant que les puits seront pleins le village vivra. Les autres n’ont pas eu de chance voilĂ  tout. Ils n’ont pas de puits ou ils ne veulent pas en creuser... Il y a une nappe phrĂ©atique sous terre. Comme il ne pleut plus ils ont bien Ă©tĂ© forcĂ©s d’émigrer. Oh Ils ne manqueront de rien dans le Nord. Ils y ont une famille des commerces prospĂšres. On s’entassera un peu plus les uns sur les autres voilĂ  tout. Ici cependant ce sont les anciens allogĂšnes qui retournent Ă  leur palmeraie dans quelque oasis perdue plus au Sud. Ils ont bien raison. Faute d’orge ils mangeront des dattes et boiront du lait de chamelle. De toute façon ils n’ont jamais rompu les liens avec leurs racines. Chaque annĂ©e ils se rendaient lĂ -bas pour ramasser la rĂ©colte la vendre sur place et rapporter des excĂ©dents de dattes. Que n’en ai-je dĂ©gustĂ© de ces dattes mielleuses Nos palmiers ne produisent rien de bon hĂ©las Mais il est vrai que nous ne sommes pas au Sahara. Tiens MĂȘme le gibier a disparu Pas d’eau pas de gibier non plus. Le chacal ce vieux fripon s’est fait rare lui aussi. Et pourtant cette charogne se contente de peu. Tout disparaĂźt petit Ă  petit. Chaque jour une nouvelle chose manque Ă  l’appel. Seuls les parvenus reviendront toujours ici pour semer le trouble. Oh Ils ont des puits trĂšs profonds dans leurs propriĂ©tĂ©s. Et puis la vallĂ©e possĂšde une nappe trĂšs importante mais sans doute pas intarissable. En tout cas elle peut alimenter longtemps encore ceux qui ont les moyens de forer assez profondĂ©ment pour atteindre les veines de cette eau que des annĂ©es de neige ont emmagasinĂ©e dans le ventre de la terre. Mais le parvenu a ce qu’il faut que diable Les grands moyens sont Ă  sa portĂ©e. Si l’eau venait Ă  manquer pour de bon ce serait le pauvre qui souffrirait. Le pauvre Tout le monde souffrirait sauf le parvenu. Ou alors il faudrait que l’État nous vienne en aide en procĂ©- dant par exemple Ă  des forages coĂ»teux. Mais l’État est bien loin d’ici. Il ne nous entend pas et nous voit encore moins. Non L’eau ne manquera pas. Dieu ne permettra pas ça. II y a eu par le passĂ© des situations plus dures. Les Anciens que j’ai connus ont parlĂ© des annĂ©es sans eau. Pas d’eau Ă  boire Rien Nous n’en sommes pas lĂ . TĂŽt ou tard un orage Ă©clatera et le tour sera jouĂ©. À mon avis ce n’est pas fini. Nous traversons seulement une dĂ©sagrĂ©able pĂ©riode. Dieu soit louĂ© Tout s’oublie tout passe. J’ai connu moi-mĂȘme des annĂ©es terribles. Des annĂ©es sans lĂ©gumes. Il n’y avait pas de potager. L’eau Ă©tait trĂšs sĂ©vĂšrement rationnĂ©e. Gare Ă  celui qui resquillait On s’entre-tuait pour ça. Aujourd’hui on cultive encore ses oignons ses carottes ses fĂšves et ses navets. Au magasin il y a tout ce qu’on veut. On peut tout acheter. Alors que ceux qui veulent dĂ©serter dĂ©sertent Qu’ils aillent en ville Un jour la ville les chassera. Ils reviendront chez eux penauds... et ils recommenceront reconstruire des maisons creuser des puits plus profonds etc. Le temps finira bien par les rééduquer. La ville Une future et toujours possible explosion sociale une bombe Ă  retardement. Un volcan endormi qui peut se rĂ©veiller n’importe quand et tout mettre en piĂšces le VĂ©suve l’Etna le Pinatubo la SoufriĂšre... Pour le villageois il n’y a pas d’avenir en ville. Il faut qu’il sue sang et eau pour s’y adapter. Seuls quelques malins y parviennent. Et puis si l’on n’a rien que ses terres pourquoi les abandonner mĂȘme si elles sont ingrates Il faut s’y accrocher. Si c’est pour aller grossir le rang des chĂŽmeurs ah non Quelle dĂ©chĂ©ance C’est l’abandon de toute dignitĂ©. Au Sahara il existe des points d’eau. On creuse et on trouve de l’eau pour soi- mĂȘme et pour ses bĂȘtes. Les Touaregs en savent quelque chose. Ici on se contente de dire "Le puits est tari il n’y a plus rien. Allons-nous-en ailleurs En ville il y a du travail et la vie est facile." Comme on se trompe Ce puits creusĂ© par les ancĂȘtres peut fournir deslide 71 71 l’eau si on le creuse encore plus profondĂ©ment. Dans le temps la communautĂ© pratiquait de tels travaux. Aujourd’hui on rĂ©pugne Ă  faire des besognes aussi utiles. Le mirage de la ville est trop tentant on y succombe vite. Heureux celui qui comme l’ EcclĂ©siaste est revenu de tout. Il reste tranquille il attend ce que Dieu lui a promis et il travaille pour vivre lĂ  oĂč il se trouve. Car la vie est partout mĂȘme dans le dĂ©sert le plus aride. » FIN Cependant ses successeurs n’en ont pas la mĂȘme conception. Le christianisme naissant qu’on pratique en secret en raison des persĂ©cutions romaines n’est encore qu’un rassemblement de gnostiques, de mystiques, de martyrs, d’ascĂštes et de jeĂ»neurs dĂ©terminĂ©s (Arbesmann, 1951). La conversion de l’empereur Constantin en 314 fait
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AprĂšs avoir longtemps 7'Ă©flĂ©chi, je me suis rendu compte que V explication rĂ©clamĂ©e par Drumont exis- tait certainement. Dieu a bĂąti notre monde, en effet, sur un plan tel que la chaĂźne qui relie les effets aux causes n'a jamais eu de discontinuitĂ© et n'en aura jamais tant que ce monde existera. Nous sommes souvent inca- pables de la voir, mais la logique divine Ă©clate partout. Nous efforcer d'en rechercher les manifesta- tions jusque dans le dĂ©rouleinent des faits antireli- gieux, c'est donc rendre hommage au CrĂ©ateur. Quoi qu'elle puisse en penser, la Veuve » n'est pas au-dessus de Dieu. C'est pourquoi le fait de la domi- nation maçonnique ne peut s'ĂȘtre produit que con- formĂ©ment aux donnĂ©es fournies par les lois natu- relles, c'est-Ă -dire par les lois divines. Chercher rexjilication de cette domination n'est donc pas une 1 Le Pouvoir occulte contre la France, in-16 de p. 432, 3 fr. 50, — 6 — Ɠuvre de dilettantisme ; c'est un devoir d'autant plus impĂ©rieux que de la dĂ©couverte de cette expli- cation dĂ©pendent la libĂ©ration du catholicisme fran- çais et le salut de la France. Il faut que nous dĂ©couvrions les moyens qui ont Ă©tĂ© imaginĂ©s, dissimulĂ©s et ejnployĂ©s avec une si Ă©tonnante hypocrisie pour produire les ruines dont notre gĂ©nĂ©ration est la spectatrice et la victime impuissante. Sans cela, nous noĂŻis lamentons et nous nous agitons en vain. C'est parce que fai longtemps Ă©tĂ© pĂ©nĂ©trĂ© de ces pensĂ©es que je ne me suis plus donnĂ© de repos jusqu'Ă  ce que j'eusse dĂ©couvert le mĂ©canisme maçonnique, son mode d'utilisation, et ce Ă  V Ă©dification de quoi il sert. Je dis ce Ă  l'Ă©dification de quoi il sert ; car dans Vordre social, lorsqu'on dĂ©truit, c'est pour constriĂčre. Il est onaintenant acquis que les hommes d'Etat français les plus qualifiĂ©s conçoivent la question maçonnique comm,e je la conçois moi-mĂȘme. Au lendemain de la publication du Pouvoir occulte contre la France, M. Emile Flourens, V Ă©minent ancien ministre des Affaires Ă©trangĂšres, consacrait Ă  cet ouvrage un article paru dans le Soleil, oĂč il Ă©crivait Certes, les rĂ©vĂ©lations de M. Copin-Albancelli ne m'ont pas surpris. Il est impossible d'avoir eu en mains la direction de notre politique extĂ©rieure sans s'ĂȘtre convaincu de l'action dissolvante de la a Franc -Maçonnerie. Son Ɠuvre de dĂ©composition sociale apparaĂźt partout. » La mĂȘme note a Ă©tĂ© donnĂ©e par un autre ancien ministre, au patriotisme et au caractĂšre duquel tout le monde rend hommage, qui daignait, lui aussi, donner sa haute approbation Ă  la thĂšse dĂ©veloppĂ©e dans le Pouvoir occulte contre la France. — 7 — Ancieti pi^Ă©sident du Centre gauche, ancien minis- ti^e de V IntĂ©rieur, M. de MarcĂšre a jouĂ© un rĂŽle important Ă  une heure dĂ©cisive de V envahissement maçonnique. Son tĂ©moignage est d'un poids d'autant plus considĂ©rable que dans ses Souvenirs dont les derniers volu7nes ont produit une si gravide et si utile impression, M. de MarcĂšre reconnaĂźt, avec la plus noble simplicitĂ©, avec la plus gĂ©nĂ©reuse droiture, qu'il a Ă©tĂ© lui-mĂȘme trompĂ© par les reprĂ©sentants du Pouvoir mystĂ©rieux qui se cache derriĂšre la Franc-Maçonnerie. M. Emile Flourens continuait ainsi Si cette Ɠuvre de dĂ©composition est plus sensible dans les pays de vieille civilisation, comme la France, l'Italie, V Espagne, c'est que la sociĂ©tĂ© y est plus neurasthĂ©nique, c'est que les nations ^rro- testantes s'en servent com7ne d'an bĂ©lier pour abattre leurs rivales catholiques. Mais c'est une arme Ă  deux tranchants qui se retournei^a contre elles. Aucune n'y Ă©chappera. V Allemagne aujour- d'hui si fiĂšre de son patriotisme, est atteinte plus profondĂ©ment qu'elle ne le croit. Au jjremier choc ses ravages apparaĂźtront. L'Ɠuvre de dĂ©molition ne s'arrĂȘtera que quand, sur les i^uines des empires chrĂ©tiens, se dressera le royaume d'IsraĂ«l, quand le nationalisme juif aura triomphĂ© du nationa- lisme des gentils. » Le prĂ©sent ouvrage n'est que le dĂ©veloppement de la pensĂ©e exprimĂ©e dans ces derniĂšres lignes. Il se trouve donc appuyĂ© par avance sur la haute autorntĂ© de l'homme d'Etat expĂ©rimentĂ© qui les Ă©crivait, ainsi que sur celle non moisis avertie de M. de Mar- cĂšre. fai dĂ©diĂ© le Pouvoir occulte contre la France Ă  mes collaborateurs et collaboratrices de la Ligue Fran- çaise Antimaçonnique et de la Ligue Jeanne- d'Arc, qui co7nbattent avec un dĂ©vouement si Ă©clairĂ© pour la France et pour la religion nationale. Je dĂ©die celui-ci Ă  tous mes frĂšres français catholi- ques ; ceux d'aujourd'hui, frappĂ©s depuis si long- temps sans se douter d'oĂč leur viennent les coups dont ils sont atteints ; et ceux d'hier, illusionnĂ©s plus encore que ceux d" aujourd'hui, trompĂ©s, trahis, broyĂ©s dans le terrible engi^enage et qui, aux heures de deuil, dĂ©ploraient ce quHls appelaient le malheur des temps, sans savoir par quoi ce malheur Ă©tait produit, par qui il Ă©tait voulu. Je n'ai cessĂ© de songer aux uns et aux autres au cours de ce ti^avail ; et particuliĂšrement Ă  ceux que fai vus m^ourir, que J'ai aimĂ©s, qui m,' ont aimĂ©, qui se sont efforcĂ©s de mettre quelque parcelle de leur Ăąme dans mon Ăąme, dont les derniĂšres paroles, toutes re7iplies de foi religieuse, sont toujours dans ma pensĂ©e. Ceux-lĂ , au milieu de la foule des hĂ©ros fran- çais, luttent encore, je n'en doute pas, avec nous, au-dessus de nous. En Ă©crivant ces derniĂšres lignes, f Ă©voque une fois de plus leur souvenir au fond de moi-mĂȘme, en songeant qu'ils me relient Ă  tous ceux qui les ont prĂ©cĂ©dĂ©s et qui firent la France. COPIN-AlB ANCELLI . PREMIÈRE PARTIE '^ Les raisons du plan machiavĂ©lique sur 1 quel a Ă©tĂ© construite la Franc-Maçonne ie. ExpĂ©rience qu'avaient ses fonc'Ateurs en matiĂšre de sociĂ©tĂ© secr'te. CHAPITRE PREMIER Comment le Pouvoir occulte fut forcĂ© d'aboutir Ă  la crĂ©ation de la Franc -Maçonnerie. QUESTIONS A RESOUDRE. Dans un prĂ©cĂ©dent ouvrage Le Pouvoir occulte contre la France^ nous avons dĂ©montrĂ© l'existence d'un Pouvoir occulte, c'est-Ă -dire d'une puissance hu- maine qui, grĂące Ă  l'association secrĂšte dite Franc- Maçonnerie, intervient dans les affaires du monde, et particuliĂšrement dans celles de la France, tout en demeurant invisible. Nous avons ainsi prĂ©sentĂ© la question maçonnique sous son vĂ©ritable aspect. Pendant trop longtemps on a refusĂ© d'admettre que la Franc-Maçonnerie exerçùt une influence quel- conque sur notre politique. Il faut maintenant re- 'onnaĂźtre que cette influence existe et qu'elle est — 10 — actuellement souveraine ; que non seulement elle est souveraine, mais qu'elle l'a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© une premiĂšre fois pendant la Terreur, et que la Franc-Maçonnerie ayant Ă©tĂ© obligĂ©e par ses excĂšs de lĂącher sa proie, c'est-Ă -dire le gouvernement de la France, elle n'a cessĂ© Vipuis lors de travailler Ă  la ressaisir. Nous' avons montrĂ© que toutes les rĂ©volutions qui nous ont .igitĂ«s depuis un siĂšcle, si incomprĂ©hensibles en apparence, s'expliquaient de la façon la plus na- turelle par cet effort invisible. C'est pour arriver Ă  nous faire accepter sans rĂ©volte la domination de la Franc-Maçonnerie qu'on s'est acharnĂ© Ă  nous inocu- ler la haine de nos antiques et si solides traditions politiques et religieuses ; et c'est pour dĂ©truire ces traditions, racines de notre vie, qu'ont Ă©tĂ© accom- plies nos rĂ©volutions. Mais qui a fait cela? autrement dit Qu'est-ce que la Franc-Maçonnerie? En rĂ©ponse Ă  cette question, nous avons prouvĂ© que ce n'Ă©tait pas assez de reconnaĂźtre que l'action maçonnique s'exerce incessamment sous l'action po- litique française, mais qu'il fallait encore nous accou- tumer Ă  l'idĂ©e que sous l'action maçonnique elle-mĂȘme il y avait quelque chose. La Franc-Maçonnerie, association mondiale, est diverse en apparence Ă  bien des points de vue ; mais elle n'en est pas moins une partout, nous l'avons montrĂ©, par cette mystĂ©rieuse organisation des gra- des qui permet la transmission de certaines volontĂ©s invisibles et qui ne saurait tendre Ă  rien autre chose qu'Ă  cela. — 11 — Ces tronçons Ă©pars sont comme les vertĂšbres d'un squelette. L'unitĂ© de construction que leur examen rĂ©vĂšle suffĂźt Ă  dĂ©noncer un seul et mĂȘme crĂ©ateur. D'autre part l'existence de l'organe ne s'explique que par l'existence de la fonction; et celle-ci Ă  son tour ne s'explique que par l'existence de l'ĂȘtre au profit duquel s'accomplit cette fonction. C'est cet ĂȘtre mystĂ©rieux, demeurĂ© jusqu'ici invisible, grĂące. prĂ©- cisĂ©ment Ă  l'organisme qu'il a créé tout exprĂšs dans ce but, que nous appelons le Pouvoir occulte. Il faut ou accepter notre dĂ©monstration ou conti- nuer Ă  ne rien comprendre, d'une part, aux Ă©tranges et contradictoires phĂ©nomĂšnes de l'existence maçon- nique, et, d'autre part, aux causes profondes des faits historiques si extraordinaires par lesquels a Ă©tĂ© bou- leversĂ©e la France depuis la RĂ©volution. Bien mieux ! ceux qui reculeront devant cette dĂ©monstration se- ront exposĂ©s, dans l'ignorance oĂč ils seront, Ă  colla- borer inconsciemment Ă  l'Ɠuvre de destruction de la Patrie. VoilĂ  ce que nous avons Ă©tabli dans la premiĂšre partie de notre Ă©tude. Nous devons maintenant aller plus loin. La gigantesque entreprise de dĂ©molition de la France que nous avons exposĂ©e et l'organisation qui a Ă©tĂ© créée en consĂ©quence sont choses si extraordi- naires, si en dehors de notre caractĂšre français, qu'un grand nombre de nos concitoyens ne comprennent pas, n'admettent pas que l'idĂ©e d'un pareil plan ait pu naĂźtre dans un cerveau. Il faut leur montrer com- ment les fondateurs de la Maçonnerie n'ont pas eu — 12 — le choix, comment ils Ă©taient dans l'impossibilitĂ© matĂ©rielle d'entamer une lutte ouverte contre ce qu'ils voulaient dĂ©truire, et comment Ă  cause de cela, ils ont abouti, d'une façon pour ainsi dire naturelle, Ă  la conception qui cause notre Ă©tonnement. Ajoutons que, si nous avons dĂ©montĂ© piĂšce Ă  piĂšce l'organisme maçonnique, nous n'avons pas exposĂ© lesjp "ocĂ©dĂ©s, les mĂ©thodes d'action grĂące auxquelles on peut faire produire par cet organisme les rĂ©sultats dont nous avons vu l'immense dĂ©roulement. Enfin, nous avons Ă  chercher quel peut bien ĂȘtre le Pouvoir occulte et vers quel but il nous entraine. Tant que nous n'aurons pas montrĂ© tout cela, notre Ă©tude demeurera incomplĂšte, et par suite in- fĂ©conde. N'oublions pas que l'association que nous Ă©tudions est demeurĂ©e absolument incomprĂ©hensible jusqu'Ă  notre Ă©poque. En dĂ©pit de ses deux siĂšcles d'existence certaine, et bien qu'on ait beaucoup Ă©crit Ă  son su- jet, elle est toujours une inconnue pour presque tous. Cela tient pour beaucoup plus qu'on ne croit Ă  ce qu'aucun des exposĂ©s qui nous en ont Ă©tĂ© faits n'a envisagĂ© tous les cĂŽtĂ©s de la question, Ă  ce qu'aucun n'a complĂštement rĂ©pondu aux si nombrenux points d'interrogation que provoque la vue d'une crĂ©ation si extraordinaire et si extraordinairement dissimulĂ©e. Il en est rĂ©sultĂ© qu'on s'est accoutumĂ© Ă  considĂ©rer la Maçonnerie comme un phĂ©nomĂšne Ă©trange, peut- ĂȘtre mĂȘme inquiĂ©tant, mais un phĂ©nomĂšne qui ne pouvait ĂȘtre expliquĂ©. DĂšs lors, a-t-on conclu, Ă  quoi bon s'en occuper? — 13 — Il est mĂȘme Ă  remarquer que ce sont souvent les esprits les plus sĂ©rieux qui ont refusĂ© et qui refusent encore le plus obstinĂ©ment d'y prĂȘter attention. Cer- tains raisonnements a priori^ qui leur paraissent pĂ©- remptoires, les dĂ©tournent de l'Ă©tude Ă  laquelle il suffirait qu'ils voulussent bien consacrer quelques heures pour constater par eux-mĂȘmes que ces raison- nements sont sans valeur. Par exemple, ils n'admet- tent pas qu'une association universelle, composĂ©e d'hommes dont ils connaissent un certain nombre pour d'honnĂȘtes gens, pour des patriotes, soit accu- sĂ©e de tendre Ă  la subversion de tous principes et Ă  la destruction de la France. Ils ne peuvent deviner qu'une pareille contradiction s'explique dĂšs qu'on Ă©tudie l'organisme imaginĂ© par la perfidie des fonda- teurs de la Franc-Maçonnerie, et plus encore lorsqu'on se rend compte des mĂ©thodes que ceux-ci emploient. BrunetiĂšre Ă©tait dans cet Ă©tat d'esprit. Il s'Ă©tait mon- trĂ© disposĂ© Ă  publier dans la Revue des Deux- Mondes quelques-uns des chapitres de la prĂ©sente Ă©tude dont j'avais eu occasion de lui parler. Mais il me disait — Je connais beaucoup de francs-maçons qui sont de trĂšs braves gens. Je ne suis donc guĂšre portĂ© Ă  admettre que la Franc-Maçonnerie soit si redoutable que vous le dites. Lorsque vous m'aurez expliquĂ© cela clairement, je ne dis pas que je rĂ©sisterai Ă  vos explications. Mais il faut me les fournir. D'autres connaissent certains francs-maçons qui sont intelligents ; et ils se basent lĂ -dessus pour re- fuser de croire Ă  la rĂ©alitĂ© des cĂ©rĂ©monies grotesques — 14 — auxquelles on se livre dans les loges. Quand on leur en parle, ils s'imaginent qu'on exagĂšre et ils sont, Ă  cause de cela, peu disposĂ©s Ă  prendre les antimaçons et la question maçonnique elle-mĂȘme au sĂ©rieux Par ces raisons, et par bien d'autres, les hommes les plus rĂ©flĂ©chis ont Ă©coutĂ© jusqu'ici ceux qui ont essayĂ© d'appeler leur attention sur la Franc-Maçon- nerie avec le mĂȘme dĂ©dain qu'ils eussent tĂ©moignĂ© Ă  ceux qui seraient venus leur parler de Croquemitaine ou du Loup-Garou. Et pourtant, si le mystĂšre de l'existence de la Franc-Maçonnerie n'a guĂšre encore Ă©tĂ© mieux expli- quĂ© que ne l'ont Ă©tĂ©, et pour cause, Croquemitaine et le Loup-Garou, cette existence est certaine, et les extraordinaires Ɠuvres maçonniques le sont aussi. La Franc-Maçonnerie est une sociĂ©tĂ© enfantine en apparence ; c'est vrai. Mais il n'est pas moins vrai qu'elle est une sociĂ©tĂ© de destruction. La malf aisance de son but, vis-Ă -vis des nations catholiques en parti- culier, coexiste avec les intentions honnĂȘtes, disons mĂȘme avec les aspirations idĂ©alistes de certains de ses membres. Elle coexiste Ă©galement avec les gri- maces ridicules que la Veuve » fait Ă  ses nouveaux adhĂ©rents, le jour de leur initiation. De mĂȘme, ces grimaces ridicules par lesquelles la Maçonnerie sem- ble vouloir se rendre indigne de toute attention n'em- pĂȘchent pas que cette association ait en elle les pro- digieux Ă©lĂ©ments de force qui la font durer depuis deux siĂšcles Ă  l'Ă©tat universel. Les faits sont lĂ , bien que contradictoires. Il n'y a pas Ă  les nier. Et c'est pourquoi, au lieu de leur tourner puĂ©rilement le dos, — 15 — il faut les expliquer, mais les expliquer complĂštement et les expliquer tous; de telle sorte qu'enfin, si extraor- dinaire, si inadmissible, si fantasmagorique qu'ait paru jusqu'ici le fait maçonnique, il soit avĂ©rĂ© que toute la logique est indiscutablement du cĂŽtĂ© de ceux qui lui reconnaissent une importance primordiale ; et qu'au contraire, tout l'illogisme, toute la dĂ©raison, toute la faiblesse d'esprit sont du cĂŽtĂ© de ceux qui se refusent Ă  le regarder. C'est donc le comment et le pourquoi de tant de particularitĂ©s bizarres, incohĂ©rentes en apparence, et inexpliquĂ©es jusqu'ici, que nous allons exposer dans la premiĂšre partie du prĂ©sent volume. AprĂšs la vue d'ensemble que nous avons commencĂ© par prendre dans celui qui l'a prĂ©cĂ©dĂ©, aprĂšs l'examen des carac- tĂšres gĂ©nĂ©raux et des causes invisibles, mais certaines, que ces caractĂšres rĂ©vĂšlent, nous allons maintenant nous occuper des maniĂšres de faire et des raisons pour lesquelles on les a choisies Si le lecteur veut bien avoir la patience de nous suivre, il constatera que parmi tant de dĂ©tails Ă©tran- ges qui semblent des superfĂ©tations dans l'organisa- tion maçonnique, parmi tant de pratiques dĂ©raison- nables et grotesques en apparence, il n'en est pas qui n'aient leur raison d'ĂȘtre, soit parce que les fonda- teurs de la Maçonnerie ont Ă©tĂ© obligĂ©s d'y avoir re- cours en raison des conditions dans lesquels ils se sont trouvĂ©s placĂ©s, soit parce qu'elles concourent Ă  la rĂ©alisation du but qu'ils veulent atteindre. Ce n'est qu'aprĂšs cet exposĂ© des mĂ©thodes maçon- niques que nous serons amenĂ©s logiquement Ă  recher- — lĂ©- cher quel est l'auteur de la Franc-Maçonnerie et le but Ă  la rĂ©alisation duquel cet auteur se montre si obstinĂ©ment attachĂ©. Cette partie de notre Ă©tude sera d'une utilitĂ© pra- tique incontestable parce qu'en nous montrant notre ennemi tel qu'il est, elle nous dĂ©couvrira qu'il a be- soin de temps et de silence pour arriver Ă  ses fins. C'est parce qu'on lui a laissĂ© jusqu'ici l'un et l'autre qu'il est parvenu au point oĂč nous le voyons. Il suffirait du grand jour jetĂ© sur lui pour qu'il soit mis dans l'impossibilitĂ© de pousser plus avant. Notre cause est donc bien loin d'ĂȘtre dĂ©sespĂ©rĂ©e. Il nous faut seulement savoir d'abord et vouloir ensuite. Nous nous attacherons plus que jamais, est-il be- soin de le dire, Ă  la mĂ©thode que nous avons adoptĂ©e jusqu'ici, parce que c'est la seule qui soit rationnelle en une pareille Ă©tude ; nous avons dit pourquoi. Un des grands avantages de cette mĂ©thode, c'est qu'elle doit donner toute sĂ©curitĂ© aux lecteurs en un sujet sur lequel le public a Ă©tĂ© si souvent trompĂ©. Jusqu'ici ils en Ă©taient rĂ©duits Ă  se demander ce qu'il fallait croire sur cette Franc-Maçonnerie Ă  propos de laquelle tant de versions diffĂ©rentes circulent. Nous avons rĂ©solument fait appel Ă  leur raisonne- ment, au lieu d'essayer de leur imposer tels rĂ©cits plu- tĂŽt que tels autres parmi tous ceux qui se contredi- sent de par la volontĂ© du Pouvoir occulte. Ils n'ont plus maintenant qu'Ă  se demander si les arguments que nous leur avons proposĂ©s sont ou ne sont pas conformes Ă  ce qu'exige leur raison. — 17 — En outre, notre Ă©tude contient une sorte de vĂ©rifi- cation d'elle-mĂȘme. En eiĂŻet, nous avons dit qu'il y avait plusieurs se- crets maçonniques Ă  pĂ©nĂ©trer, plusieurs inconnues Ă  dĂ©gager Qui a créé la Franc-Maçonnerie? Pourquoi l'a-t-on créée? Quelle est la vraie nature de l'orga- nisme maçonnique? Quelles sont les mĂ©thodes em- ployĂ©es? Quel est le caractĂšre de l'Ɠuvre dĂ©jĂ  accom- plie? Or, de par les lois mĂȘmes de la raison, il faut nĂ©- cessairement que les solutions que nous donnons Ă  chacune de ces questions soient en parfaite coordi- nation entre elles. Sans cela, elles devraient ĂȘtre con- damnĂ©es. Ceux qui veulent bien nous suivre ont donc Ă  leur disposition un moyen de vĂ©rifier la thĂšse que nous leur proposons c'est la constatation de l'harmonie ou du manque d'harmonie des rĂ©ponses que fournit cette thĂšse sur chacune des questions Ă  rĂ©soudre. Si en effet, tel est l'auteur de la Franc-Maçonnerie, tel doit ĂȘtre son but. Ou inversement, si tel est le but, tel est l'auteur. Si tel est le but et tel l'auteur, tel doit ĂȘtre l'organisme plutĂŽt que tel autre. Ou in- versement encore, si tel est l'organisme, le crĂ©ateur de cet organisme ne peut ĂȘtre que tel, et tel son but. Les cinq termes de l'Ă©quation maçonnique peuvent ainsi se trouver vĂ©rifiĂ©s l'un par l'autre. Donc sĂ©- curitĂ© intellectuelle complĂšte pour nos lecteurs, que nous constituons juges de la thĂ©orie que nous expo- sons. — 18 — MOTIFS POUR LESQUELS LE POUVOIR OCCULTE A IMAGINÉ LA CRÉATION MAÇONNIQUE. Nous devons tout d'abord montrer comment il se fait que les fondateurs de la Maçonnerie aient abouti Ă  l'organisation si extraordinaire que nous avons Ă©tudiĂ©e. Nous allons voir qu'ils ne pouvaient faire autrement. Pour nous en rendre compte, nous devons, par un effort de raisonnement, nous reprĂ©senter les condi- tions dans lesquelles ils agissaient. Tout d'abord, il est bien entendu qu'en crĂ©ant la Franc-Maçonnerie, ils avaient un but. Sans cela, ils ne se seraient pas astreints Ă  l'eiĂźort que nĂ©cessitait une si colossale entreprise. C'est lĂ  une affirmation indiscutable. De plus, il est Ă©vident que leur but Ă©tait tel qu'ils redoutaient, en l'avouant, de soulever l'opinion. Sans cela ils ne se seraient pas condamnĂ©s Ă  l'hypocrisie et au mensonge que nous avons trouvĂ©s Ă  la base de l'association qu'ils ont fondĂ©e. Ce n'est que par nĂ©- cessitĂ© qu'on se rĂ©sout Ă  de tels moyens, lorsque l'aveu de la vĂ©ritĂ© serait dangereux ou dĂ©shonorant. Il n'y a que les fdous, disait Camille Desmoulins, qui aient peur des rĂ©verbĂšres. Cette seconde affirmation ne saurait, elle non plus, provoquer de contestation sĂ©rieuse. Enfin, ils n'avaient pas la force Ă  leur disposition pour imposer leur but. Sans cela, ils l'eussent em- ployĂ©e. Quand on est fort, on ne ment pas ; on or- donne. — 19 — Mais alors, ces trois points de dĂ©part Ă©tant admis, une consĂ©quence en dĂ©coule nĂ©cessairement. Puisque c'Ă©tait l'opinion existante qui faisait obstacle Ă  la rĂ©a- lisation de leur but et puisqu'ils n'avaient pas la force Ă  leur disposition, ceux dont nous parlons Ă©taient dans la nĂ©cessitĂ© ou de travailler Ă  la destruction de l'opinion existante ou de renoncer Ă  leur but. Pas de milieu pour eux. Tel Ă©tait donc le premier objectif qu'ils devaient avoir en vue la destruction de l'opinion rĂ©gnante. Faute de quoi, la rĂ©alisation de leurs projets Ă©tait chose impossible. Or, au commencement du xviii^ siĂšcle, la caractĂ©- ristique du monde europĂ©en, c'est qu'il avait encore une conscience nettement chrĂ©tienne. C'Ă©tait donc avec cela que le Pouvoir occulte crĂ©ateur de la Ma- çonnerie avait Ă  compter. Toutefois cette conscience chrĂ©tienne n'Ă©tait plus une. La RĂ©forme l'avait divisĂ©e. Il y avait la cons- cience catholique et la conscience protestante. Etait- ce aux deux consciences chrĂ©tiennes que le Pouvoir occulte devait s'en prendre? Ou bien, si ce n'Ă©tait qu'Ă  l'une des deux, Ă . laquelle? Les faits se chargent de rĂ©pondre Ă  cette ques- tion. Puisque, ainsi que nous l'avons dĂ©jĂ  fait observer, il est constant que la Franc-Maçonnerie ne se montre rĂ©volutionnaire et destructrice que dans les pays ca- tholiques, tandis qu'elle est traditionaliste et conser- vatrice dans les pays protestants, c'Ă©tait Ă©videm- ment la conscience catholique que le Pouvoir oc- — 20 — culte avait besoin de dĂ©truire. C'est tout au moins par lĂ  qu'il sentait la nĂ©cessitĂ© de commencer. Donc au dĂ©but du dix-huitiĂšme siĂšcle, la Puissance qui crĂ©a la Franc-Maçonnerie avait Ă  dĂ©truire, Ă  cor- rompre, Ă  altĂ©rer d'une façon quelconque la cons- cience du monde catholique. C'Ă©tait une condition qu'elle jugeait indispensable Ă  la rĂ©alisation de ses secrets desseins. Nous devons le croire puisque c'est ce Ă  quoi elle s'est attachĂ©e. ‱ Nous prions le lecteur de vouloir bien fixer son at- tention d'une maniĂšre spĂ©ciale sur cette observation dont l'importance est capitale, car c'est en la prenant pour point de dĂ©part que l'on peut enfin comprendre l'extraordinaire question maçonnique. C'est parce que l'obstacle qui barrait la route au Pouvoir occulte Ă©tait celui que nous venons de dire l'Ă©tat de conscience catholique, et c'est parce qu'il fallait renverser cet obstacle coĂ»te que coĂ»te et sans qu'on pĂ»t l'avouer, c'est Ă  cause de cela que la Franc-Maçonnerie a Ă©tĂ© constituĂ©e telle que nous la voyons. DĂ©truire un Ă©tat de conscience mondial et le rem- placer par un autre, est-ce que cela se peut? Les fondateurs de la Franc-Maçonnerie n'avaient qu'Ă  ouvrir l'histoire pour y trouver la preuve que si cela est singuliĂšrement difficile, ce fut pourtant possible, mĂȘme aux Ă©poques oĂč les rĂ©novateurs n'a- vaient pas Ă  leur service les moyens si efficaces pour la diffusion des idĂ©es qui devaient rĂ©sulter plus tard de la dĂ©couverte de l'imprimerie. Le plus magnifique exemple leur Ă©tait fourni par — 21 — le christianisme Ă  n'Ă©tait pas seulement une modification de l'opinion et de l'esprit public que les premiers chrĂ©tiens avaient eu Ă  opĂ©rer ; c'Ă©tait bien un renversement complet. Il leur avait fallu tout dĂ©truire les croyances, les mƓurs, la concep- tion sociale et l'organisation politique existante qui comportait l'acceptation du dogme de la divinitĂ© im- pĂ©riale romaine. Et ils y avaient rĂ©ussi ! Puisque cela avait Ă©tĂ© fait jadis dans le monde romain pourtant si solidement construit, pourquoi n'eĂ»t-ce pas Ă©tĂ© possible dans le monde catholique en gĂ©nĂ©ral et dans le monde français en particulier? Il est vrai qu'en ce qui regarde ce dernier, les dif- fĂ©rentes tentatives de ce genre essayĂ©es jusqu'alors n'avaient guĂšre rĂ©ussi. La derniĂšre s'appelait la RĂ©- forme. Comme toutes les hĂ©rĂ©sies qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©e, la RĂ©forme ne fut qu'un effort tendant Ă  la modifica- tion de l'Ă©tat de conscience du monde chrĂ©tien. On l'a considĂ©rĂ©e jusqu'ici comme un fait spontanĂ©. En cela, on a probablement commis une grave er- reur. Il est bien difficile d'admettre qu'au xvi^ siĂšcle un Ă©branlement de ce genre ait pu se produire dans le monde europĂ©en sans prĂ©paration et sans organisa- tion. A mesure que les peuples avancent en Ăąge, un or- dre de plus en plus rigoureux prĂ©side en effet aux changements qui modifient la face et l'Ăąme de l'hu- manitĂ©. A l'origine de cette humanitĂ©, dans les toutes premiĂšres pĂ©riodes, c'est par convulsions en quelque — 22 — sorte cahotiques que s'opĂ©raient les changements. Pas d'organisations alors ; pas de prĂ©parations aux grands bouleversements ; des sortes de soulĂšvements instinctifs, comparables aux agitations violentes par lesquelles se manifeste la vie de toute enfance. Mais Ă  ces spontanĂ©itĂ©s primitives succĂ©dĂšrent des mouve- ments de plus en plus rĂ©flĂ©chis, c'est-Ă -dire de plus en plus mĂ©ditĂ©s, prĂ©parĂ©s, organisĂ©s. En raison de l'heure Ă  laquelle il s'est produit, le protestantisme n'a certainement guĂšre Ă©tĂ© plus spontanĂ© que ne l'ont Ă©tĂ© la crĂ©ation de la Franc-Maçonnerie, l'anarchie de 1789, la Terreur de 1793 et ce que nous vĂŽ^yĂŽns se passer actuellement sous nos yeux. Il a dĂ» ĂȘtre mĂ©ditĂ©, prĂ©parĂ© et organisĂ©, lui aussi. Par qui? Il se peut que nous l'ignorions. Mais il ne se peut pas que la prĂ©pa- ration n'ait pas existĂ© et que le protestantisme ait ainsi Ă©chappĂ© aux lois gĂ©nĂ©rales qui rĂšglent la marche de ce monde. Et d'ailleurs, il suffĂźt d'Ă©tudier les phases du mouvement anticatholique que fut la RĂ©forme, pour constater qu'il ressemble singuliĂšrement Ă  la lutte actuellement voulue, prĂ©mĂ©ditĂ©e et engagĂ©e contre le catholicisme, par la mystĂ©rieuse puissance que nous savons maintenant ĂȘtre cachĂ©e derriĂšre la Franc-Maçonnerie. Nous commençons seulement Ă  nous rendre compte que cette puissance agit depuis deux siĂšcles. Qui nous dit qu'elle n'agissait pas dans le monde chrĂ©tien depuis beaucoup plus longtemps, et mĂȘme bien avant le protestantisme ? Quoi qu'il en soit, l'issue de la tentative du xvi^ siĂšcle avait prouvĂ© une chose c'est que toute entre- prise de modification de l'Ă©tat de conscience religieuse — 23 — des races latines, et de la France en particulier, n'Ă©tait pas sans comporter de sĂ©rieuses difficultĂ©s, mĂȘme et surtout lorsqu'on prĂ©tendait employer la force. Alors que l'Angleterre, l'Allemagne, la SuĂšde et une partie de la Suisse s'Ă©taient abandonnĂ©es aux prĂ©dications nouvelles, la France avait rĂ©sistĂ© Ă  l'envahissement. Elle avait combattu. Au fer et au feu, elle avait rĂ©- sistĂ© victorieusement par le fer et par le feu. Il Ă©tait mĂȘme arrivĂ© que ses chefs politiques, dominĂ©s par leurs intĂ©rĂȘts, avaient hĂ©sitĂ© Ă  donner les directions nĂ©cessaires. La race française avait alors agi d'elle- mĂȘme. Elle avait obligĂ© ses princes Ă  marcher. Pour cela, elle avait fait la Ligue. Bien mieux ! Alors que la couronne Ă©tait Ă©chue par hĂ©ritage Ă  un prince pro- testa^nt, la France n'avait laissĂ© ce prince monter sur le trĂŽne qu'aprĂšs qu'elle l'eut vu abjurer le protestan- tisme et incliner ainsi sa conscience royale devant la conscience nationale. On savait donc, par le souvenir des guerres religieuses du seiziĂšme siĂšcle, ce qu'il en pouvait coĂ»ter de s'attaquer Ă  l'Ă©tat de conscience de notre race pour essayer de le modifier par la force. Or le Pouvoir occulte entendait imposer ses vues Ă  la France comme Ă  toutes les autres nations chrĂ©- tiennes, et mĂȘme peut-ĂȘtre plus qu'Ă  toutes les autres. Cela est prouvĂ© par tout ce qui s'est passĂ© depuis que la Franc-Maçonnerie existe. La question se posait dĂšs lors pour lui de savoir s'il allait affronter le danger, soit en renouvelant la tentative violente qui avait Ă©chouĂ© au seiziĂšme siĂšcle, soit en prĂȘchant pacifique- ment, mais ouvertement, les doctrines qii'il entendait — 24 — substituer Ă  celles auxquelles le monde catholique, ayant la France Ă  sa tĂȘte, Ă©tait demeurĂ© attachĂ©. Des dangers peuvent-ils arrĂȘter ceux qui, par con- viction pure et dĂ©sintĂ©ressĂ©e, veulent crĂ©er de nou- velles opinions, de nouveaux Ă©tats de conscience? A cette question la rĂ©ponse est fournie par l'Ă©tablisse- ment du christianisme. Ses fondateurs prouvĂšrent que le d-anger ne compte pas pour quiconque a dans l'Ăąme un grand idĂ©al. Ceux qui prĂ©tendaient changer l'Ă©tat de conscience au dix-huitiĂšme siĂšcle n'avaient donc qu'Ă  faire comme les premiers chr-Ă©tiens. Ils n'avaient que cela Ă  faire, en vĂ©ritĂ©. Mais ce n'est pas Ă  la portĂ©e de tout le monde. Les fondateurs du christianisme avaient pu prĂȘcher leur idĂ©al Ă  la face du ciel, puisqu'ils le firent. Les fondateurs de la Maçonnerie ne le pouvaient Ă©videm- ment pas, puisqu'ils ne le firent pas. C'est que les premiers avaient un idĂ©al tout de sa- crifice. Ils croyaient fermement que la doctrine qu'ils apportaient Ă  l'humanitĂ© contenait le progrĂšs et le salut de celle-ci. Pourquoi ne l'eussent-ils pas affirmĂ© bien haut? Ils ne risquaient qu'une chose qu'on s'op- posĂąt Ă  leur Ă©vangĂ©lisation ; qu'on les en punĂźt et mĂȘme peut-ĂȘtre qu'on les fit pĂ©rir. Mais la mort Ă©tait chose dont ils n'avaient point peur, prĂ©cisĂ©ment parce que leur ambition avait son terme, non dans ce monde, mais dans un autre en l'existence duquel ils avaient foi et dont la mort leur ouvrait les portes. Et c'est pour cela que, malgrĂ© les haines et en dĂ©pit des obstacles, ils parvinrent Ă  substituer Ă  l'idĂ©al romain qui Ă©tait celui de la force, l'idĂ©al chrĂ©tien qui — 25 — Ă©tait celui du dĂ©vouement, c'est-Ă -dire exactement le contraire. La Puissance mystĂ©rieuse qui fonda la Maçonnerie Ă©tait Ă©videmment dominĂ©e par d'autres pensĂ©es, puisqu'elle procĂ©da autrement. Si elle avait eu pour but le seul idĂ©al, elle eĂ»t proposĂ© Ă  la face du ciel, elle aussi, cet idĂ©al au monde. Ses reprĂ©sentants eus- sent agi comme les premiers chrĂ©tiens. Dans le cas oĂč ils eussent Ă©tĂ© empĂȘchĂ©s dans leur prĂ©dication, ils se fussent dit Si notre idĂ©al dĂ©plaĂźt Ă  nos contem- porains, c'est que ceux-ci ne sont pas assez Ă©levĂ©s, as- sez dĂ©vouĂ©s, assez purs pour le comprendre. Nous al- lons nous sacrifier afin de leur apprendre Ă  l'aimer. » S'ils procĂ©dĂšrent autrement,, c'est qu'Ă©videmment leur royaume Ă©tait de ce monde ; c'est que leur but, au lieu d'ĂȘtre moral, Ă©tait matĂ©riel ; c'est qu'ils Ă©taient dominĂ©s, non par un idĂ©al, mais par une ambition, par un appĂ©tit. Et nous le savons trop maintenant ! Ils voulaient vivre pour jouir et dominer. Et comme on ne se fait gĂ©nĂ©ralement pas tuer par amour de la vie, comme on ne s'immole pas par dĂ©sir de jouis- sance, comme on ne se dĂ©voue pas par soif de domi- nation, ils Ă©taient bien obligĂ©s de trouver un autre moyen que l'exemple du sacrifice volontaire pour modifier cette opinion catholique du commencement du xviii^ siĂšcle qui faisait obstacle Ă  la rĂ©alisation de leurs vues intĂ©ressĂ©es. Ce n'Ă©tait pas facile. En effet une opinion qu'on se propose de modifier est, en soi, chose capable de rĂ©sistance. C'est une sorte d'ĂȘtre ; un ĂȘtre imma- tĂ©riel, mais un ĂȘtre tout de mĂȘme. Cet ĂȘtre, comme — 26 — tous les autres, est attachĂ© Ă  la vie. Or, comment crĂ©er une nouvelle opinion sans que meure l'ancienne? Et comment faire mourir celle-ci sans qu'elle collabore Ă  sa propre destruction? On peut l'entraĂźner Ă  cela, en consentant Ă  mourir soi-mĂȘme, comme firent les mar- tyrs chrĂ©tiens ; en crĂ©ant par la contagion de l'exem- ple, la sainte folie du sacrifice ». Mais, dĂšs lors qu'on renonce Ă  ce moyen et que d'autre part on n'a pas le pouvoir, c'est-Ă -dire la force Ă  sa disposition, qu'est-ce qui reste? Cherchez, et vous verrez qu'Ă  dĂ©- faut de la force ou de la prĂ©dication au grand jour faite dans un esprit d'abnĂ©gation et de sacrifice, il n'y a qu'un moyen pour modifier ou dĂ©truire unĂ©tatjde conscience la fraude. Il faut alors amadouer, capter, sĂ©duire l'opinion qu'on veut dĂ©truire, lui faire absorber certains prin- cipes destructeurs en les lui prĂ©sentant comme des idĂ©es nourriciĂšres ; il faut ruser et mentir, comme rusent et mentent les torĂ©adors qui abattent les tau- reaux dans les arĂšnes. Lorsque ceux-ci tombent frap- pĂ©s par la spada, ils ont collaborĂ©, eux aussi, Ă  leur destruction, malgrĂ© leur dĂ©sir^dej/ le torĂ©ador les y a-t-il incitĂ©s? En les trompant, en agi- tant devant leurs yeux le lambeau d'Ă©toffe rouge que l'animal surexcitĂ© charge furieusement, sans se dou- ter que derriĂšre ce morceau de soie brillante et inof- fensive est une main qui, le moment venu, tendra l'arme sur la pointe de laquelle il se prĂ©cipitera dans un Ă©lan mortel. On peut procĂ©der Ă  l'Ă©gard d'un peuple dont on veut dĂ©truire l'Ăąme, comme procĂšde le torĂ©ador vis- — 27 — Ă -vis du taureau. Que faut-il pour cela? Des idĂ©es sĂ©- duisantes agitĂ©es par des rhĂ©teurs habiles, comme est agitĂ©e la cappa par ceux qui prĂ©cĂšdent le torĂ©a- dor dans l'arĂšne, pour exciter peu Ă  peu la bĂȘte, pour Ă©tudier ses moyens de dĂ©fense et d'attaque, pour l'Ă©puiser progressivement, pour crĂ©er des conditions telles que lorsque arrivera l'heure de la lutte finale, le triomphe de la spada traĂźtresse soit Ă  peu prĂšs as- surĂ©. Des idĂ©es habilement choisies, sĂ©duisantes mais corruptrices et perturbatrices, des cappadores agiles pour agiter et faire miroiter ces idĂ©es, voilĂ  donc ce dont devait se prĂ©occuper ce matadore masquĂ©, le Pouvoir occulte, qui, ne pouvant rĂ©aliser ses plans tant que rĂ©gnerait l'opinion existant au commence- ment du xviii^ siĂšcle, se trouvait dans la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©truire alors qu'il n'avait ni la force ni le dĂ©sir de se sacrifier. Ainsi envisagĂ©e, la difficultĂ© pouvait ĂȘtre surmontĂ©e. A une condition pourtant, c'est que, comme l'ĂȘtre moral qu'il s'agissait d'attaquer Ă©tait organisĂ© sociale- ment et comme les chefs de l'Ă©tat de choses existant devaient ĂȘtre plus ou moins conscients et prĂ©voyants, on cachĂąt soigneusement certains travaux prĂ©para- toires qui eussent pu Ă©veiller les soupçons. D'oĂč la nĂ©cessitĂ© du secret en mĂȘme temps que celle du mensonge. Voici donc qui nous apparaĂźt clairement La Puissance mystĂ©rieuse qui crĂ©a la Franc-Ma- çonnerie avait Ă©videmment un but en procĂ©dant Ă  cette crĂ©ation ; ce but, elle ne voulait pas le dĂ©voiler. — 28 — puisqu'aprĂšs deux siĂšcles elle nous le dissimule encore. Elle ne voulait pas le faire accepter en se sacrifiant et elle ne pouvait l'imposer par la force, puisqu'elle ne fit ni l'un ni l'autre. Elle avait d'ailleurs Ă©videmment l'opinion contre elle ; sans cela, elle n'aurait eu ni Ă  se sacrifier, ni Ă  employer la force. En outre elle prĂ©- tendait cacher ce qu'elle Ă©tait elle-mĂȘme, puisqu'elle s'est dĂ©robĂ©e depuis lors Ă  toutes les investigations. Dans ces conditions, si elle voulait vraiment arriver Ă  la rĂ©alisation de son but, elle n'avait Ă  sa disposi- tion qu'un moyen, celui auquel elle finit par aboutir la crĂ©ation d'une sorte de collĂšge oĂč devaient ĂȘtre choisis et rĂ©unis des adeptes que par fraude et par mensonge elle ferait dresser secrĂštement et lentement en vue de ce but la substitution Ă  l'opinion rĂ©gnante d'une autre opinion qui serait patiemment fabriquĂ©e, Ă  force de falsifications successives et progressives de l'ancienne. Cela ou la renonciation Ă  son but. Il n'y avait pas de milieu. LA FABRICATION DE L OPIMON. ETRANGETE DU PLAN. INDICATION QUI EN RÉSULTE. Fabriquer une opinion 1 » L'expression est de M. Maurice Talmeyr qui l'a employĂ©e dans une bro- chure documentĂ©e, d'une pĂ©nĂ©trante puissance d'a- nalyse ; brochure qu'il faut lire, parce qu'elle nous montre les mĂ©thodes maçonniques en action, parce qu'elle ouvre des vues comme celle qui vient d'ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e. En exposant comment on fabrique — 29 — l'opinion, M. Maurice Talmeyr nous a fait toucher du doigt les procĂ©dĂ©s qui ont Ă©tĂ© employĂ©s plusieurs fois en France pour rĂ©aliser une telle fabrication de- puis un siĂšcle et demi, c'est-Ă -dire prĂ©cisĂ©ment depuis que la Franc-Maçonnerie s'est installĂ©e parmi nousl; et ces procĂ©dĂ©s, essentiellement frauduleux, sont prĂ©- cisĂ©ment ceux reconnus maintenant comme Ă©tant les moyens employĂ©s Ă  l'intĂ©rieur de la Maçonnerie. Quelques lecteurs pourront trouver Ă©trange et de rĂ©alisation bien difficile le plan que nous venons d'es- quisser. Etrange et difficile, soit! Mais, encore une fois, il n'y en avait point d'autre. Qu'il l'eĂ»t dĂ©libĂ©rĂ©ment choi- si ou qu'il y eĂ»t Ă©tĂ© amenĂ© par tĂątonnements succes- sifs, aprĂšs des tentatives plus ou moins infructueuses, le Pouvoir occulte devait aboutir Ă  ce plan, ou renon- cer Ă  son but. En tout cas, si une telle rĂ©alisation Ă©tait difficile, elle n'Ă©tait nullement impossible. Nous en avons la preuve, puisqu'elle est maintenant un fait accompli, puisque la crĂ©ation existe, puisque, si extraordinaire et incomprĂ©hensible que cela puisse nous paraĂźtre, l'organisme fonctionne depuis deux siĂšcles dans les conditions que nous venons prĂ©cisĂ©ment d'indiquer et qu'il nous reste Ă  exposer plus amplement. Ajoutons que ce plan devait offrir plus ou moins de difficultĂ©s, selon que la Puissance qui se proposait d'en poursuivre la rĂ©alisation possĂ©dait des aptitudes 1 Comment on fabrique Vopinion, par Maurice Talmeyr, Librairie Perrin, quai des Grands-Augustins, Paris. — 30 — l'y prĂ©disposant plus ou moins; selon que, peut-ĂȘtre mĂȘme aussi, son passĂ© lui fournissait plus ou moins d'expĂ©rience acquise en ce genre. Si une telle conception peut paraĂźtre Ă©trange, c'est surtout Ă  des Français et, peut-on dire, Ă  tous les oc- cidentaux. Mais il n'y a pas que des Français et des occidentaux dans le monde. Or, ne l'oublions pas, la Puissance qui imagina la Franc-Maçonnerie n'est pas française puisque dĂšs le dĂ©but du dix-huitiĂšme siĂšcle, elle nous l'a prouvĂ©, ses- moyens d'action .Ă©taient- in- ternationaux, puisque, aussi bien, une telle crĂ©ation n'est pas de celles qui soient naturelles au gĂ©nie fran- çais. Nous ignorons encore, au point oĂč nous som- mes de notre Ă©tude, si, en raison de son passĂ©, cette Puissance n'Ă©tait pas portĂ©e tout naturellement par ses instincts, ses besoins, sa situation et ses antĂ©cĂ©- dents, Ă  imaginer et Ă  rĂ©aliser une pareille entreprise. Supposons, par exemple qu'elle fĂ»t d'origine orien- tale. En ce cas, qu'on veuille bien y rĂ©flĂ©chir, elle n'au- rait eu qu'Ă  regarder dans son histoire, ou dans celle des races voisines de la sienne, pour trouver l'exemple des sociĂ©tĂ©s secrĂštes religieuses antiques. Ces sociĂ©tĂ©s Ă©taient prĂ©cisĂ©ment constituĂ©es pour crĂ©er et entrete- nir un sentiment religieux, c'est-Ă -dire un Ă©tat d'es- prit. Il s'agissait maintenant de crĂ©er un sentimenr ĂąhTiiireligieux, c'est-Ă -dire un autre Ă©tat d'esprit. Les mĂȘmes procĂ©dĂ©s ne pouvaient-ils pas servir? A ce sujet, il n'est pas hors de propos de remarquer ici que, prĂ©cisĂ©ment, les fondateurs de la Franc-Ma- çonnerie ont jetĂ© dans l'esprit de leurs initiĂ©s l'idĂ©e que cette association se rattacherait aux anciennes — 31 — sociĂ©tĂ©s secrĂštes religieuses orientales, par l'intermĂ©- diaire de certaines autres, qui se seraient perpĂ©tuĂ©es dans le monde chrĂ©tien Ă  travers le Moyen Age. Or, il est exact qu'on rencontre dans tous les pays chrĂ©tiens la trace de ces sociĂ©tĂ©s. Et pourtant, l'as- sociation secrĂšte est tout ce qu'il y a de plus contraire au gĂ©nie du christianisme. Comment donc ce germe, auquel le terrain chrĂ©tien ne convenait en aucune maniĂšre, s'est-il trouvĂ© promenĂ© partout en Eu- rope, mĂȘme dans les siĂšcles de foi ardente? Devons- nous voir lĂ  des tentatives plus ou moins avortĂ©es, prĂ©cĂ©dant celle qui a fini par rĂ©ussir si complĂštement? Faut-il croire qu'une puissance qui venait des pays orientaux oĂč avaient fleuri les sociĂ©tĂ©s secrĂštes anti- ques, qui avait des raisons de s'attacher Ă  ces concep- tions, qui n'Ă©tait pas chrĂ©tienne mais qui vivait au mi- lieu des populations chrĂ©tiennes, s'acharnait Ă  inoculer Ă  celles-ci ce virus de la sociĂ©tĂ© secrĂšte presque inassi- milable pour elles, et que, n'aboutissant qu'Ă  des gref- fages plus ou moins Ă©phĂ©mĂšres, elle ne se lassait pas de les renouveler jusqu'au jour oĂč se rencontrĂšrent enfin avec une foi moins vive, des circonstances plus favorables ? Ce serait une explication de ces Ă©tranges vĂ©gĂ©ta- tions historiques qui, sans cela, n'en ont pas. C'en se- rait une aussi de l'esprit si extraordinairement men- songer qu'on trouve Ă  la base de l'institution maçon- nique. Les fondateurs de cette institution n'auraient abouti Ă  un tel concept qu'aprĂšs qu'ils auraient cons- tatĂ© la complĂšte impossibilitĂ© d'implanter autrement la sociĂ©tĂ© secrĂšte dans le monde chrĂ©tien. — 32 — A y bien rĂ©flĂ©chir, ce qui devrait nous paraĂźtre le plus Ă©trange dans la crĂ©ation maçonnique, ce n'est d'ailleurs peut-ĂȘtre pas tant cette crĂ©ation elle-mĂȘme que la haine acharnĂ©e par laquelle il fallait que ses auteurs fussent aiguillonnĂ©s contre le catholicisme. L'esprit humain est inventif. Il finit presque toujours par rĂ©aliser ce qu'il veut fortement. Mais vouloir as- sez pour ne pas reculer devant les moyens auxquels ont eu recours les crĂ©ateurs de la Franc-Maçonnerie, voilĂ  ce qui est vraiment extraordinaire. Et c'est en- core un des caractĂšres qui doivent nous aider Ă  les dĂ©- couvrir. Des aptitudes trĂšs particuliĂšres et des moyens d'ac- tion trĂšs spĂ©ciaux Ă©taient Ă©videmment nĂ©cessaires Ă  ceux qui imaginĂšrent une telle crĂ©ation ; et c'est pour cela qu'en dĂ©pit des multiples prĂ©cautions prises par eux, les recherches qui tendent Ă  les dĂ©masquer sont dĂšs maintenant concentrĂ©es dans un rayon assez rĂ©trĂ©ci. C'est pour arriver Ă  nous donner une certitude sur ce point essentiel que nous devons continuer l'Ă©tude raisonnĂ©e des caractĂšres si particuliers que prĂ©sente l'association maçonnique. Ces caractĂšres ont Ă©videm- ment leurs correspondants chez les auteurs de celle-ci. Nous remonterons ainsi des uns aux autres, selon la mĂ©thode par laquelle en histoire naturelle, les sa- vants Ă©tablissent la filiation des organismes. CHAPITRE II PremiĂšres difficultĂ©s rencontrĂ©es par les fondateurs de la Franc-Maçonnerie. SĂ»retĂ© avec laquelle ils les rĂ©solurent, IMPASSE DANS LAQUELLE SE TROUVERENT AU DEBUT LES FONDATEURS DE LA FRANC-MAÇONNERIE. COMMENT ILS EN SORTIRENT. DÉCLARATIONS CONTRADICTOIRES. Nous voici dĂ©sormais Ă©clairĂ©s sur ce qu'on peut appeler les origines morales de la Franc-Maçonnerie. Nous n'avons eu, pour arriver Ă  cela, qu'Ă  nous reprĂ©- senter les conditions dans lesquelles Ă©taient placĂ©s ceux qui ont créé cette association. A dĂ©faut du nom de ses auteurs, nous avons dĂ©couvert les mobiles qui les ont fait agir et comment ils ont abouti Ă  une pa- reille conception. Nous avons mĂȘme fait un peu plus. Nous avons Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  exprimer l'opinion que les fondateurs de la Franc-Maçonnerie n'en Ă©taient peut-ĂȘtre pas, lorsqu'ils créÚrent cette association, Ă  leur coup d'essai comme organisateurs de sociĂ©tĂ©s secrĂštes. Ce qui doit nous confirmer dans cette opinion c'est l'Ă©tonnante sĂ»retĂ© avec laquelle ils ont rĂ©solu les difficultĂ©s contradictoires et, Ă  cause de cela, presque insurmontables, auxquelles ils eurent tout d'abord Ă  faire face. Cela vaut qu'on s'y arrĂȘte. — 34 — Lorsqu'on crĂ©e une sociĂ©tĂ©, ce n'est gĂ©nĂ©ralement pas pour grouper les individus qui, logiquement, doivent ĂȘtre hostiles au but de cette sociĂ©tĂ© ; c'est, au contraire, pour rassembler ceux qui, soit par intĂ©- rĂȘt, soit par sentiment, sont portĂ©s Ă  dĂ©sirer la rĂ©a- lisation de ce but. A cet Ă©gard, les obstacles que les fondateurs de la Franc-Maçonnerie devaient ren- contrer dĂšs leurs premiers pas Ă©taient considĂ©rables. En effet, dĂšs lors qu'il s'agissait pour eux de dĂ©- truire un Ă©tat d'opinion, leur but Ă©tait subversif. C'est donc des mĂ©contents et des esprits subversifs qu'ils avaient besoin. Rien de plus facile que d'attirer ceux-ci. Les fon- dateurs de la Maçonnerie n'avaient pour cela qu'Ă  dire leur but. Mais s'ils le faisaient, l'opinion qu'ils dĂ©claraient vouloir dĂ©truire se soulevait contre eux et elle ne leur permettait pas de constituer leur so- ciĂ©tĂ©. Pour que celle-ci fĂ»t tolĂ©rĂ©e, ils Ă©taient donc obligĂ©s, non seulement de dĂ©clarer un but autre que le vĂ©ritable, mais de le choisir tel qu'il ne heurtĂąt en rien cette opinion qu'ils voulaient dĂ©truire. Ou faire le nĂ©cessaire pour ĂȘtre acceptĂ©s, mais alors ne pouvoir compter que sur des adhĂ©rents inutilisa- bles ; ou attirer Ă  eux ceux dont ils avaient absolu- ment besoin, mais en ce cas n'avoir pas la permission d'exister voilĂ , semble-t-il la perspective qui s'of- frait tout d'abord aux fondateurs de la Franc-Ma- çonnerie. Ils se trouvaient donc lĂ  dans une vĂ©ritable im- passe. Ils en sortirent, grĂące Ă  un ensemble de moyens — 35 — si admirablement coordonnĂ©s au point de vue de la rĂ©alisation lointaine du but, qu'une telle sĂ»retĂ© dans des dispositions susceptibles de ne produire leur effet qu'Ă  longue Ă©chĂ©ance suffirait Ă  rĂ©vĂ©ler la tĂ©nacitĂ© la plus rare unie Ă  une trĂšs longue expĂ©rience dans l'art de faire rendre aux sociĂ©tĂ©s secrĂštes ce qu'elles peuvent donner. Leur plan, le seul qui s'offrait Ă  eux, ainsi que nous l'avons montrĂ© dans le chapitre prĂ©cĂ©dent, dĂ©notait dĂ©jĂ  chez ceux qui entreprenaient de le rĂ©aliser un extraordinaire esprit de patience. Car substituer une opinion Ă  une autre, en faisant prĂ©valoir peu Ă  peu la nouvelle Ă  force de falsifications successives et pro- gressives de l'ancienne, cela ne saurait ĂȘtre accom- pli que grĂące Ă  de bien longues pĂ©riodes d'annĂ©es. C'est aussi sur le temps qu'ils comptĂšrent pour se tirer de la difficultĂ© que nous venons de signaler. Ils commencĂšrent par faire face Ă  la nĂ©cessitĂ© im- mĂ©diate qui Ă©tait que leur association fĂ»t tolĂ©rĂ©e. Ils acceptĂšrent donc l'inconvĂ©nient d'un mauvais recrutement initial. Mais en mĂȘme temps, ils combi- nĂšrent un certain nombre de procĂ©dĂ©s qui devaient leur permettre de modifier peu Ă  peu ce premier re- crutement. A cet Ă©gard, la dĂ©claration de principes qu'ils firent pour prĂ©senter leur sociĂ©tĂ© fut, sans en avoir l'air, un vĂ©ritable chef-d'Ɠuvre. Il fallait, nous l'avons dit, qu'elle ne heurtĂąt pas les idĂ©es rĂ©gnantes, c'est-Ă -dire qu'elle dissimulĂąt complĂštement le but en vue duquel la sociĂ©tĂ© Ă©tait fondĂ©e ; mais aussi, il Ă©tait nĂ©cessaire que, tout en dissimulant ce but, elle pĂ»t servir Ă  le prĂ©parer. — 36 — La dĂ©claration qu'ils produisirent correspondait merveilleusement Ă  cette double nĂ©cessitĂ©. Elle dissi- mulait complĂštement le but subversif, et, par lĂ , elle assurait la tolĂ©rance des Pouvoirs publics ainsi que les adhĂ©sions de nombre d'honnĂȘtes gens et mĂȘme de croyants qui Ă©taient fatalement destinĂ©s Ă  s'y laisser prendre. MĂȘme, elle affirmait les principes qu'elle se proposait de battre en brĂšche. Mais, en mĂȘme temps, elle mĂ©nageait la possibilitĂ© de dĂ©formation et de fal- sification des dits principes, grĂące Ă  certaines con- tradictions que la plupart des profanes ne devaient pas remarquer, et par dessus lesquelles les autres devaient passer d'autant plus facilement qu'ils n'a- vaient aucune raison de soupçonner la perfidie des auteurs. D'un cĂŽtĂ© le premier article des statuts disait La Franc-Maçonnerie proclame l'existence de Dieu et l'immortalitĂ© de l'Ăąme. Elle respecte la foi religieuse de tous ses adhĂ©rents. Elle leur interdit toute dis- cussion en matiĂšre religieuse. » Mais de l'autre, ce mĂȘme article dĂ©clarait que la Franc-Maçonnerie Ă©tait philosophique et progressive, qu'elle avait pour objet la recherche de la vĂ©ritĂ© » et pour principe la libertĂ© absolue de conscience. » En fait, ces dĂ©clarations Ă©taient contradictoires. Si, en effet, un franc-maçon Ă©tait obligĂ© de procla- mer l'existence de Dieu et l'immortalitĂ© de l'Ăąme, sa libertĂ© de conscience n'Ă©tait pas absolue. De mĂȘme, dĂšs lors qu'on s'engageait Ă  respecter la foi religieuse de tous les adhĂ©rents, c'est-Ă -dire la conception que chacun d'eux se fait de la vĂ©ritĂ©, que signifiait la re- — 37 — cherche de cette mĂȘme vĂ©ritĂ©? On ne cherche pas ce qu'on croit avoir. Un tel programme Ă©tait pourtant de nature Ă  trom- per bien des esprits, car avec lui, la Franc-Maçonne- rie pouvait ĂȘtre tout ce que voudraient ses fondateurs, selon les lieux, les Ă©poques et les circonstances. Sans doute quelques profanes pouvaient concevoir des inquiĂ©tudes. Ils demandaient jusqu'oĂč allaient l'es- prit philosophique », la recherche de la vĂ©ritĂ© , la libertĂ© absolue de conscience ». Mais n'Ă©tait-il pas bien facile de dĂ©placer les limites selon les cas? La li- bertĂ© absolue de conscience, rĂ©pondait-on, cela signi- fiait simplement que protestants et catholiques devaient se rencontrer dans la Franc-Maçonnerie, sans se haĂŻr ! L'esprit philosophique et progressif? La recherche de la vĂ©ritĂ©? Tout cela Ă©tait subor- donnĂ© au respect dĂ» Ă  la foi religieuse, qui dominait tout, avec la croyance en l'existence de Dieu et en l'immortalitĂ© de l'Ăąme. DĂšs lors rien n'Ă©tait Ă  craindre... On pouvait prĂ©senter les choses ainsi, mais on pouvait aussi les prĂ©senter autrement. Question d'op- portunitĂ©. La manƓuvre Ă©tait d'autant plus facile Ă  exĂ©cuter qu'on avait pris soin de ne pas placer les articles con- tradictoires les uns en face des autres. On les avait en outre dissĂ©minĂ©s parmi des dĂ©clarations portant sur le dĂ©veloppement des sciences et des arts, la to- lĂ©rance, la solidaritĂ©, la morale, la civilisation, la libertĂ©, l'Ă©galitĂ©, la fraternitĂ©, etc., etc. Lorsque tant de choses sont mises les unes auprĂšs des autres, une — 38 — confusion se trouve créée qui rend faciles les manƓu- vres de la duplicitĂ©. En somme, l'impression gĂ©nĂ©rale qui devait se dĂ©gager Ă  l'apparition de la nouvelle institution, c'est qu'on avait affaire Ă  une sociĂ©tĂ© chrĂ©tienne et tolĂ©- rante, constituĂ©e pour travailler Ă  l'Ă©tablissement de la paix entre tous ceux qui se recommandaient du Christ, protestants ou catholiques, et mĂȘme entre tous les hommes. C'est ce que les promoteurs ne man- quaient pas de faire ressortir. LibertĂ©, Ă©galitĂ©, fra- ternitĂ©, pouvaient-ils ajouter, n'Ă©tait-ce pas prĂ©cisĂ©- ment ce que JĂ©sus-Christ Ă©tait venu prĂȘcher sur la terre? Si un tel idĂ©al Ă©tait dangereux, le christianisme tout entier l'Ă©tait aussi. On pouvait, nous le rĂ©pĂ©tons, comprendre les choses ainsi ; mais on pouvait aussi les comprendre autrement. Nous en possĂ©dons maintenant la preuve, puisque nous avons vu nos francs-maçons de 1789 Ă  1791 trouver dans le principe de libertĂ© de quoi briser l'organisme social, politique et religieux que la Franc-Maçonnerie dĂ©clarait respecter ; ceux de 1792 mettre, au nom de l'Ă©galitĂ©, tout un peuple en insurrection contre les lois de la nature, c'est-Ă -dire contre les lois de la vie ; et enfin ceux de 1793 faire de la sainte fraternitĂ© un prĂ©texte aux dĂ©nonciations, aux persĂ©cutions, aux proscriptions et aux innom- brables assassinats de la Terreur. Comment un tel renversement des choses put-il avoir lieu? Ce fut grĂące aux principes contradictoires contenus dans la dĂ©claration. Lorsque les chefs in- visibles sentirent l'heure venue, il leur suffit de donner — so- le pas Ă  certains de ces principes sur certains autres, puis de les dĂ©former progressivement ; de prĂ©tendre ensuite que tel d'entre eux excluait tel autre; que sans doute les fondateurs de la Maçonnerie ne s'en Ă©taient pas rendu compte et qu'il y avait lieu de perfectionner leur Ɠuvre; que, par exemple, le principe de tolĂ©rance Ă©tait en opposition avec le respect de certaines re- ligions qu'ils avaient soin de montrer essentielle- ment intolĂ©rantes ; que la recherche de la vĂ©ritĂ© exi- geait la destruction prĂ©alable de tous dogmes, en raison de leur prĂ©cision et de leur immuabilitĂ©, par lesquelles toute recherche de la vĂ©ritĂ© Ă©tait contre- carrĂ©e ; que la libertĂ© ne se pouvait concevoir sous un gouvernement autre que celui du peuple... etc., etc. Ajoutons Ă  cela qu'il est d'habitude en Maçonnerie de modifier tel ou tel paragraphe des statuts pour un oui ou pour un non, Aforce de faire des trous et des reprises dans une Ă©toffe, il arrive forcĂ©ment un temps oĂč il ne reste rien de celle-ci. C'est ce qui devait adve- nir pour certains des principes contenus dans la dĂ©- claration maçonnique. Les meneurs secrets se mĂ©nageaient donc toutes les commoditĂ©s pour l'avenir, ainsi qu'on peut s'en rendre compte. GrĂące Ă  ses contradictions, leur dĂ©clara- tion pouvait s'adapter Ă  toutes les circonstances. Elle ne dissimulait pas seulement le vrai but ; elle contenait aussi tout ce qu'il fallait pour le prĂ©parer. Et il Ă©tait fatal qu'on s'y laissĂąt prendre d'autant plus facile- ment que se dĂ©robait mieux la Puissance ennemie qui organisait tout. On ne pouvait ĂȘtre en dĂ©fiance contre ses mauvaises intentions, puisqu'on ignorait — 40 — jusqu'Ă  son existence. Dans de telles conditions qui- conque eĂ»t soupçonnĂ© les personnages qualifiĂ©s qui se prĂ©sentaient comme fondateurs de la Franc-Ma- çonnerie eĂ»t donnĂ© la plus mauvaise idĂ©e de son ca- ractĂšre et de ses intentions. C'est ce qui arriva aux Souverains Pontifes lorsque, mieux Ă©clairĂ©s que ne l'Ă©taieiit les peuples et les rois, ils crurent devoir met- tre les uns et les autres en garde, par leurs encycli- ques antimaçonniques. On les accusa d'intolĂ©rance. On les considĂ©ra comme des provocateurs, alors qu'ils ne faisaient que rĂ©pondre Ă  une offensive masquĂ©e. La difficultĂ© qui pouvait sembler insurmontable tout d'abord se rĂ©solvait donc en une simple question de tactique dans l'enseignement, d'adresse et d'oppor- tunitĂ© dans la maniĂšre de passer de la premiĂšre inter- prĂ©tation de la dĂ©claration celle qui Ă©tait nĂ©cessaire pour assurer l'existence de la sociĂ©tĂ©, Ă  la seconde celle qui Ă©tait indispensable pour la rĂ©alisation du but final. Une telle conception Ă©tait aussi habile que per- fide. Elle ne pouvait, nous le rĂ©pĂ©tons, venir Ă  l'es- prit de novices. Elle supposait une connaissance pro- fonde de ce qui est possible dans une sociĂ©tĂ© secrĂšte et des moyens par lesquels on obtient ce possible ; moyens que nous Ă©tudierons dans les chapitres sui- vants. Quant Ă  la rĂ©alisation, elle fut conduite avec la mĂȘme maĂźtrise, puisque, ainsi que nous l'avons vu, ce plan a Ă©tĂ© menĂ© deux fois Ă  exĂ©cution en France sans que la masse de la nation ait pu seulement soup- çonner la machination. — 41 — On objectera peut-ĂȘtre ici que ces deux interprĂ©ta- tions successives n'ont pas Ă©tĂ© prĂ©vues parles fonda- teurs de la Maçonnerie ; que la seconde a Ă©tĂ© ima- ginĂ©e plus tard par les politiciens et les perturba- teurs qui ont envahi cette association et qui l'ont mise au service de leur ambition, ou par les dĂ©fen- seurs de la libertĂ© en face de l'intransigeance de l'ab- solutisme clĂ©rical. Nous rĂ©pondons en demandant pourquoi on eĂ»t introduit des principes contradictoires dans la dĂ©- claration, si on n'avait eu l'intention de s'en servir? Pourquoi on eĂ»t constituĂ© une sociĂ©tĂ© secrĂšte qui n'Ă©tait rien autre chose, nous l'avons vu, qu'une so- ciĂ©tĂ© de mensonge, si on n'Ă©tait pas rĂ©solu Ă  mentir? Pourquoi on eĂ»t imaginĂ© cette disposition si singu- liĂšre de sociĂ©tĂ©s superposĂ©es les unes aux autres, de maniĂšre Ă  ce que les supĂ©rieures pussent faire passer dans les infĂ©rieures des inspirations Ă©laborĂ©es on ne sait oĂč, si on n'eĂ»t eu aucune arriĂšre-pensĂ©e de substi- tuer un enseignement Ă  un autre selon qu'on en sen- tirait la possibilitĂ©? Pourquoi enfin tant d'autres prĂ©cautions, tant d'autres roueries qu'il nous reste Ă  montrer et qui, toutes, tendent Ă  un seul et mĂȘme but rĂ©aliser autre chose que ce qu'on annonce? Il serait pourtant par trop ridicule de prĂ©tendre que tout cela a Ă©tĂ© produit par le hasard ou combinĂ© par des gens qui ne savaient ce qu'ils faisaient. — 42 — UNE SOCIÉTÉ SECRÈTE QUI A l'AIR DE n'en pas Être une. L'expĂ©rience des fondateurs de la Franc-Maçon- nerie en matiĂšre de sociĂ©tĂ©s secrĂštes se rĂ©vĂšle surtout Ă  un trait particuliĂšrement caractĂ©ristique c'est qu'ils ont fait de cette association une sociĂ©tĂ© qui Ă©tait secrĂšte sans en avoir l'air. Qu'on veuille bien y rĂ©flĂ©chir et l'on comprendra que c'Ă©tait lĂ  une condition absolue de leur succĂšs. Nous avons dĂ©jĂ  fait remarquer que l'idĂ©e de la sociĂ©tĂ© secrĂšte est antipathique Ă  l'esprit chrĂ©tien. Pour l'accepter, cette idĂ©e, il faut qu'un chrĂ©tien soit dominĂ© par la plus impĂ©rieuse des raisons par exem- ple la nĂ©cessitĂ© patriotique ou la nĂ©cessitĂ© religieuse ; l'envahissement ou la persĂ©cution. Cette antipathie s'explique trĂšs facilement. Elle rĂ©sulte de l'Ă©ducation chrĂ©tienne qui repose sur la double idĂ©e que Dieu voit tout, si bien cachĂ© qu'on soit, et que notre vie actuelle n'est pour nous qu'un moyen de parvenir Ă  une vie supĂ©rieure qu'on con- quiert, non pas en fomentant des intrigues, mais en s'imposant des sacrifices. Nulle doctrine n'est plus capable que celle-lĂ  d'engendrer le sentiment de la responsabilitĂ©. Nulle par consĂ©quent ne doit repous- ser davantage la conception de . la sociĂ©tĂ© secrĂšte qui tend, au contraire, Ă  annihiler les responsa- bilitĂ©s. En principe, le chrĂ©tien considĂšre comme une faute d'adhĂ©rer Ă  une telle sociĂ©tĂ©. Pour qu'il y consente, en dehors des cas exceptionnels dont nous parlions — 43 — plus haut, il faut qu'il soit dĂ©jĂ  plus ou moins dĂ©chris- tianisĂ©. Il Ă©tait donc nĂ©cessaire que les fondateurs de la Franc-Maçonnerie inventassent une sociĂ©tĂ© secrĂšte qui eĂ»t l'air de n'en pas ĂȘtre une, et qui, en" mĂȘme temps, pĂ»t opĂ©rer chez chacun des adhĂ©rents la dĂ©- christianisation progressive nĂ©cessaire pour qu'il devĂźnt plus tard un vĂ©ritable adepte. Encore une fois, qu'on veuille bien y rĂ©flĂ©chir et l'on se rendra compte de l'importance de cette observation. De plus, on constatera, en se rappelant l'organisation des grades telle que nous l'avons montrĂ©e, que l'enchevĂȘ- trement des sociĂ©tĂ©s secrĂštes maçonniques rĂ©alise exactement cette condition. Des profanes comme nous tous ayant l'idĂ©e de constituer une sociĂ©tĂ© secrĂšte eussent commencĂ© par essayer de cacher l'existence de leur crĂ©ation. Les fondateurs de la Franc-Maçonnerie Ă©taient-ils tom- bĂ©s antĂ©rieurement dans cette erreur si naturelle? Avaient-ils essayĂ© de constituer des sociĂ©tĂ©s secrĂštes invisibles? C'est possible ; car, gĂ©nĂ©ralement, on ne devient expĂ©rimentĂ© qu'en expĂ©rimentant. Dans tous les cas, au moment oĂč ils constituaient la sociĂ©tĂ© qui nous occupe, ils avaient appris, d'une ou d'autre maniĂšre — nous en avons la preuve par ce qu'ils ont fait — que si la sociĂ©tĂ© secrĂšte est chose courante et admise dans les pays orientaux, il n'en allait pas de mĂȘme dans le monde chrĂ©tien. Ils savaient aussi que s'il est possible de cacher l'existence d'une sociĂ©tĂ© trĂšs peu nombreuse, cela devient trĂšs difficile dĂšs lors que le cercle des adhĂ©rents s'Ă©largit un tant soit peu. Pour qu'ils possĂ©dassent la connaissance de — 44 — ces faits, il fallait qu'ils eussent Ă©tĂ© instruits par une pratique antĂ©rieure de la sociĂ©tĂ© secrĂšte. La science des fondateurs de la Maçonnerie Ă©tait plus grande encore. Non seulement ils n'ont pas perdu leur temps Ă  essayer de rĂ©aliser l'irrĂ©alisable, non seu- lement ils ont su discerner immĂ©diatement ce qui Ă©tait pratiquement possible de ce qui ne l'Ă©tait pas ; mais encore ils ont apportĂ© dans l'exĂ©cution un luxe de prĂ©cautions que peuvent se payer ceux-lĂ  seuls qui sont trĂšs riches en expĂ©rience. C'est ainsi que s'ils n'ont pas tentĂ© de crĂ©er une sociĂ©tĂ© dont l'existence fĂ»t cachĂ©e, ils n'ont pas non plus prĂ©sentĂ© comme une sociĂ©tĂ© ordinaire cette Franc-Maçonnerie qui, en fait, devait tendre Ă  \\n autre but qu'Ă  celui qu'elle annonçait. Ils savaient que, s'ils l'avaient fait, ils n'auraient assurĂ© le prĂ©- sent qu'en se barrant la route pour l'avenir. PrĂ©- voyant tout, ils ont donnĂ© la Franc-Maçonnerie comme une association qui affichait la ridicule prĂ©- tention de jouer Ă  la sociĂ©tĂ© secrĂšte, et qui avait pour cela recours Ă  des procĂ©dĂ©s grotesques. En cela, ils faisaient preuve d'une habiletĂ© vraiment supĂ©rieure, car ils paraient ainsi Ă  plusieurs nĂ©cessitĂ©s Ă  la fois. D'abord, si enfantines que fussent certaines pra- tiques, elles n'en permettaient pas moins l'introduc- tion dans la Franc-Maçonnerie, des procĂ©dĂ©s grĂące auxquels les complots peuvent ĂȘtre fomentĂ©s. Et, en mĂȘme temps, prĂ©cisĂ©ment parce qu'elles semblaient puĂ©riles, ces pratiques fortifiaient excellemment la naĂŻve confiance des gouvernants. Les gouvernants ! N'oublions pas que c'Ă©tait lĂ  — 45 — ceux qu'il fallait aveugler les premiers, puisque c'Ă©tait eux qui pouvaient donner ou refuser Ă  l'association l'autorisation d'exister. Sans cette autorisation, pas de Franc-Maçonnerie fonctionnant librement, telle que nous la voyons maintenant. A sa place, des so- ciĂ©tĂ©s secrĂštes comme celles dont on trouve la trace dans les siĂšcles antĂ©rieurs ; sociĂ©tĂ©s qui Ă©taient obli- gĂ©es de cacher leur existence et qui, par suite, vi- vaient difficilement, on ne sait comment, qui duraient ce qu'elles pouvaient, qui se renouvelaient, mais sans pouvoir jamais prendre solidement racine dans le monde chrĂ©tien, ni y exercer une influence considĂ©ra- ble. Or, sans la Maçonnerie ouvertement constituĂ©e, bien que cachant son but, sans la Maçonnerie tra- vaillant librement Ă  la dĂ©christianisation des chrĂ©- tiens, pas de fonctionnement possible pour le Pouvoir occulte ; ou du moins un fonctionnement entravĂ© de mille maniĂšres. C'Ă©tait pour lui la condamnation Ă  l'impuissance. Nous pouvons nous rendre compte Ă  quel point cela est vrai par ce qui se passe actuellement en Russie. Dans ce pays, la Franc-Maçonnerie est interdite. Depuis un siĂšcle, il n'y a pas eu en Russie de ces rĂ©u- nions de loges qui nous semblent n'ĂȘtre que grotes- ques, mais qui en rĂ©alitĂ© sont indispensables Ă  la marche du Pouvoir occulte. L'exemple de notre RĂ©- volution ne fut pas perdu Ă  cet Ă©gard pour nos amis. N'allons pas croire que le Pouvoir occulte se soit abs- tenu d'agir en Russie, malgrĂ© cette interdiction. Il a fondĂ© en ce pays des sociĂ©tĂ©s secrĂštes. Mais ce sont des sociĂ©tĂ©s secrĂštes dans le genre de celles qui ont ' — 46 — existĂ© dans toute l'Europe chrĂ©tienne avant TavĂšne- ment de la Franc-Maçonnerie. Elles sont obligĂ©es de cacher leur existence ; elles ne fonctionnent pas libre- ment. La consĂ©quence de cette absence de Franc- Maçonnerie russe, c'est que le Pouvoir occulte n'a pu rĂ©ussir dans l'Empire du Czar la RĂ©volution qu'il y a pourtant entreprise dans des conditions si particu- liĂšrement favorables. C'est lĂ  un fait d'une portĂ©e sin- guliĂšrement significative, et qui tend Ă  nous prouver que sans une Maçonnerie pouvant multiplier ses grou- pements au grand jour, comme chez nous, il n'y a pas de triomphe durable pour les RĂ©volutions. Nous ver- rons bientĂŽt pourquoi. Les crĂ©ateurs de la Maçonnerie ne pouvaient donc prendre trop de prĂ©cautions pour assurer Ă  celle-ci la tolĂ©rance des gouvernants. S'ils voulaient arriver Ă  constituer au-dessus du monde chrĂ©tien la dictature invisible qu'ils rĂȘvaient Ă  leur profit, il fallait absolu- ment que la Franc-Maçonnerie existĂąt Ă  l'Ă©tat visible, tout en Ă©tant secrĂšte quant Ă  son but, qu'elle ne res- tĂąt pas dans cette situation prĂ©caire oĂč Ă©taient les sociĂ©tĂ©s secrĂštes du moyen Ăąge, situation oĂč il con- vient que demeurent toujours les malfaiteurs, pour la sĂ©curitĂ© des honnĂȘtes gens. Les gouvernants se seraient certainement opposĂ©s Ă  la constitution de cette association, s'ils s'Ă©taient doutĂ© du but vĂ©ritable pour lequel elle Ă©tait créée. Mais avant d'ĂȘtre instruits par les cataclysmes rĂ©vo- lutionnaires, quel ombrage pouvaient-ils prendre du rassemblement de ces soi-disant initiĂ©s qui, tout en manifestant leurs prĂ©tentions philosophiques et 4/ progressives », avaient, par contre, l'outrecuidance de se prĂ©senter comme rattachĂ©s aux sociĂ©tĂ©s secrĂštes des premiĂšres pĂ©riodes de l'humanitĂ© ; qui, pour faire croire Ă  cette origine fabuleuse, se soumettaient Ă  des pratiques dont le ridicule dĂ©passait toutes limites ; qui enfin parlaient de ces cĂ©rĂ©monies stupides comme d'un hĂ©ritage sacrĂ© qui leur venait de si loin qu'ils ignoraient d'oĂč et qui leur avait Ă©tĂ© transmis ils ne savaient par qui... De pareilles bouffonneries pou- vaient-elles paraĂźtre dangereuses aux gouver- nants ? Les fondateurs de la Franc-Maçonnerie mettaient ainsi les chefs d'Etat dans la plus trompeuse sĂ©curitĂ© en leur donnant Ă  penser que si les adeptes parlaient de leurs secrets », c'Ă©tait tout simplement pour allĂ©- cher le public ; Ă  moins qu'ils ne fussent vraiment convaincus de la sublimitĂ© de leurs singeries philosophiques et de la saintetĂ© de leurs prĂ©- tendus mystĂšres grecs et Ă©gyptiens, auquel cas ils pouvaient ĂȘtre utilisĂ©s pour entretenir la gaietĂ© des peuples. Quels fumistes, ou quels jobards que ces francs- maçons ! devaient penser les plus fins politiques, sans se douter qu'en rĂ©alitĂ© tout le monde Ă©tait trompĂ©, francs-maçons comme profanes et gouvernants, et que le seul trompeur c'Ă©tait celui qui n'apparaissait pas, celui que par consĂ©quent l'on ne pouvait soup- çonner le Pouvoir occulte. 48 SENTIMENTS DIVERS DANS LE PUBLIC A l'apparition DE LA FRANC-MAÇONNERIE. PERVERSITÉ DES FONDATEURS. Sur le public, l'effet Ă©tait tout autre, mais non moins utile. Le secret, quel qu'il soit, captive toujours les hom- mes. Beaucoup devaient donc ĂȘtre attirĂ©s vers une Franc-Maçonnerie qui prenait des airs de sociĂ©tĂ© se- crĂšte sans pourtant en avoir certaines apparences plutĂŽt effrayantes. Quelques objections Ă©taient bien Ă  prĂ©voir; celle-ci par exemple. — Vous n'ĂȘtes pas une sociĂ©tĂ© secrĂšte, puisque vous faites savoir Ă  tout le monde que votre association existe. — Sans doute, Ă©tait-il rĂ©pondu, on sait que notre association existe. Il le faut bien. Nous n'en sommes pourtant pas moins une sociĂ©tĂ© secrĂšte, en ce que nos rĂ©unions sont rigoureusement fermĂ©es, sauf quelques- unes auxquelles il nous plaĂźt de convoquer le public et oĂč, en consĂ©quence, nous ne nous livrons pas Ă  nos travaux ordinaires. Ces rĂ©unions comportent des formes, des pratiques, des cĂ©rĂ©monies, des traditions qui ne sont rĂ©vĂ©lĂ©es qu'Ă  la suite d'une initiation don- nĂ©e dans certaines conditions et qui oblige ceux qui l'ont reçue Ă  s'aider et se secourir en toutes circons- tances. C'est par lĂ  que nous nous rattachons aux sociĂ©tĂ©s secrĂštes du moyen Ăąge et Ă  celles des pre- miers Ăąges de l'humanitĂ©. LĂ  est notre secret. LĂ  sont nos mystĂšres que seuls connaissent ceux qui en — 49 — ont Ă©tĂ© jugĂ©s dignes en raison de la maniĂšre dont ils ont subi les Ă©preuves qui prĂ©cĂšdent l'initiation. DĂšs lors qu'il s'agissait d'entrer dans une associa- tion oĂč on ne recevait pas tout le monde, oĂč il exis- tait des secrets et des mystĂšres se rattachant aux secrets et aux mystĂšres des sociĂ©tĂ©s fabuleuses de l'antiquitĂ© ; une association dans laquelle on ne pou- vait pĂ©nĂ©trer qu'en passant par des Ă©preuves, et qui promettait Ă  l'initiĂ© l'appui de tous les autres, cela de- venait tout Ă  fait allĂ©chant. On sourit bien un peu de ces mystĂšres et de ces Ă©preuves ; mais on se de- mande tout de mĂȘme ce que cela peut bien ĂȘtre ; on est travaillĂ© par le dĂ©sir de savoir ; on est aussi tentĂ© par l'appĂąt des bĂ©nĂ©fices de tout genre que l'on croit devoir rĂ©sulter de la promesse de solidaritĂ© et l'on finit par se laisser aller, en dĂ©pit des inquiĂ©tudes, peut-ĂȘtre mĂȘme des protestations d'ailleurs forcĂ©ment im- prĂ©cises de la conscience. Rappelons-nous ce qu'Ă©crivait en 1822 l'IsraĂ©lite Piccolo-Tigre, ce membre de la Haute-Vente, dont nous avons parlĂ© dans notre prĂ©cĂ©dent volume, et les rĂ©flexions suggestives qu'il exprimait dans la lettre que nous avons citĂ©e, relativement Ă  l'influence qu'on peut prendre sur les hommes, rien qu'en s'en- veloppant de mystĂšre et de secret. Il a Ă©tĂ© jugĂ© bon et utile de donner le branle Ă  tout ce qui aspire Ă  remuer... L'essentiel est d'isoler l'homme de sa famille ; de lui en faire perdre les . mƓurs. Il est disposĂ© par la pente de son caractĂšre Ă  fuir les soins du mĂ©nage, Ă  courir aprĂšs de faciles plaisirs et des joies dĂ©fendues. Il aime les grandes — 50 — causeries du cafĂ©, l'oisivetĂ© des spectacles. En- A mesure que mon ami parlait et que j'entendais tomber de sa bouclĂźe les belles dĂ©clarations inscrites dans la constitution maçonnique, une sorte de voile se dĂ©chirait en moi, grĂące Ă  ce que je me trouvais en face de cette rĂ©alitĂ©, insupportable pour ma cons- cience un ami qui s'en remettait Ă  moi avec con- fiance et que je voyais trompĂ©, victime du mensonge — 185 — des statuts maçonniques. Le fait concret s'imposait Ă  moi dans toute sa nettetĂ©. Ne faisons-nous pas, tous les Jours, me disais-je, Ă  toutes les heures, exactement le contraire de ce qui est Ă©crit lĂ -dedans? Qu'est-ce qui est vrai? Nos actes, ou ces dĂ©clarations par lesquelles nous attirons les profanes de bonne foi?... Je me sentis pour la premiĂšre fois vraiment dĂ©goĂ»tĂ© de la besogne Ă  laquelle j'avais collaborĂ© ^ans en apercevoir l'odieuse et mĂ©prisable hypo- crisie. Lorsque le postulant fut parti, je dis Ă  mon ami franc-maçon — Il me semble, mon cher, que nous venons de faire un singuher mĂ©tier. — Que voulez-vous dire? fit-il Ă©tonnĂ©. — Nous avons affirmĂ© Ă  l'innocent profane qui sort d'ici qu'on ne s'occupait pas de politique dans la Franc-Maçonnerie. Or, nous n'y faisons que de la politique. Avouez que nous en avons pris Ă  notre aise avec la vĂ©ritĂ©... — Est-ce que nous devons dire aux profanes ce qu'on fait en Franc-Maçonnerie? Nous n'en avons pas le droit. — Nous n'en avons pas moins dit le contraire de la vĂ©ritĂ©. * Nous avons aussi affirmĂ© que nous Ă©tions une asso- ciation de tolĂ©rance. — Eh bien? — Eh bien ! Nous sommes juste le contraire. Vous n'ĂȘtes pas tolĂ©rant et je ne le suis pas plus que vous. — 186 — puisque tous deux nous voulons la destruction du ca- tholicisme. — Est-ce que nous n'avons pas raison de vouloir la destruction du catholicisme? — C'est une autre question. Admettons, si vous voulez, que nous ayons raison, il n'en est pas moins dĂ©loyal de tromper un profane comme nous venons de le faire. Si nous considĂ©rons comme un devoir de dĂ©truire le catholicisme, pourquoi ne le proclamons- nous pas hautement? — Parce que nos rĂšglements nous obligent au secret. Il n'y a pas Ă  discuter lĂ -dessus. — Il en rĂ©sulte que nous venons, vous et moi, de dire exactement le contraire de la vĂ©ritĂ©. Cela s'ap- pelle mentir. De plus, nous nous sommes parĂ©s de la vertu de tolĂ©rance alors que nous nous sommes in- tolĂ©rants. Cela s'appelle ĂȘtre hypocrite. Il n'y a pas Ă  sortir de lĂ  ! — Ah ça ! mon cher, qu'est-ce qui vous prend? — Rien. Je regarde seulement nos actes avec les yeux de la raison et je leur donne leur vrai nom. Celui auquel je tenais ce langage si simple en fut littĂ©ralement suffoquĂ©. C'est d'un air effarĂ© qu'il me dit — Mais, frĂšre Copin, est-ce que vous devenez fou? Et pour me remettre dans le droit chemin ma- çonnique, il s'engagea dans toute une sĂ©rie de divaga- tions tortueuses tendant Ă  me persuader que la Ma- çonnerie n'Ă©tait pas hypocrite, par la raison qu'elle avait un but sublime, et que les francs-maçons, pris isolĂ©ment, ne l'Ă©taient pas plus qu'elle,... par la rai- son qu'ils avaient le devoir de se cacher. Et non seu- — 187 — lement il Ă©tait sincĂšre en parlant ainsi, mais cette maniĂšre de voir rĂ©sultait d'une sorte de cristallisation quasi indestructible de sa pensĂ©e. Un franc-maçon capable d'envisager les choses autrement ne pouvait t'tre pour lui qu'un dĂ©ment, qu'un fou, comme il me l'avait dit. 'r^ C'est ainsi que pour un franc-maçon sur lequel agit pleinement la suggestion, la franchise est une faute, le mensonge une obligation, l'hypocrisie une vertu, la fourberie un devoir. Un peu plus tard, le jour mĂȘme oĂč, Ă©tant encore franc-maçon, je venais de livrer ma premiĂšre ba- taille Ă  la Franc-Maçonnerie, je sortais de ma loge, aprĂšs la tenue au cours de laquelle j'avais Ă©tĂ© jugĂ©. DerriĂšre moi deux frĂšres marchaient en causant, sans avoir remarquĂ© que je les prĂ©cĂ©dais et que je pouvais les entendre. C'Ă©taient deux de mes anciens amis. Ils Ă©taient parmi ceux qui avaient soutenu le plus Ă©nergiquement, par esprit de discipline, la cause ma- çonnique contre moi. L'un Ă©tait un mĂ©decin partisan du darwinisme. Il disait Ă  l'autre en parlant de moi — Que voulez-vous, mon cher, ça se voit, ces acci- dents-lĂ . C'Ă©tait un garçon intelligent. Mais il est arrivĂ© au bout de son dĂ©veloppement. Son cerveau a subi un arrĂȘt d'Ă©volution. S'il nous quitte, nous ne devrons pas regretter son dĂ©part pour la Maçonnerie. C'est un homme fini. Celui-lĂ  aussi Ă©tait un beau type de suggestionnĂ©, d'hypnotisĂ©. C'est avec la plus grande sincĂ©ritĂ© qu'il prononçait sur moi le jugement que je viens de dire. Pour cesser de considĂ©rer l'Ɠuvre maçonnique comme — 188 — lĂ©gitime, sainte et sacrĂ©e, il fallait Ă  ses yeux avoir subi un arrĂȘt d'Ă©volution », ĂȘtre retombĂ© en enfance,... au-dessous des trois ans du grade d'apprenti. Il ne voyait pas d'autre explication possible en mon cas particulier, Ă©tant donnĂ© qu'il me savait sincĂšre. Depuis lors, pour employer son expression, j'ai continuĂ© d' Ă©voluer \ J'ai cherchĂ© ce qu'ils appellent la vĂ©ritĂ© », et je l'ai fait en me tenant sous la lu- miĂšre de ce pauvre petit astre intĂ©rieur que j'appelle ma raison et qu'ils appellent, eux, la Raison » ; astre qui, ils l'oublient trop, ne produit pas la lumiĂšre, mais la reçoit ; qui n'est qu'un rĂ©flecteur, sur lequel passent des images qu'il reproduit comme il peut, trĂšs imparfaitement. Je me suis gardĂ© de confondre ma raison, que je sais si fragile, avec la Raison » totale et universelle, ce mythe au nom duquel ils s'imaginent niaisement avoir le droit de parler. Par cela seul que je me tenais ainsi en garde contre moi- mĂȘme, mes chances d'erreur se trouvaient diminuĂ©es d'autant. Au contraire, celui qui parlait comme je viens de dire est restĂ© exactement au point oĂč il Ă©tait alors. Son horizon intellectuel n'a pas changĂ© ; c'est toujours l'anticatholicisme conçu et pratiquĂ© conformĂ©ment aux suggestions et Ă  la discipline ma- çonnique, c'est-Ă -dire d'aprĂšs les vues d'une puis- sance humaine, le Pouvoir occulte, qui n'a mĂȘme pas daignĂ© se rĂ©vĂ©ler Ă  lui. Il s'est formĂ© autour de cette suggestion anticĂ tholique une sorte de durillon dans son cerveau... Le pauvre diable n'en est pas moins convaincu, je n'ai aucun doute Ă  cet Ă©gard, que c'est lui qui a continuĂ© Ă  Ă©voluer et que je suis au — 189 — contraire toujours sous le coup de mon arrĂȘt d'Ă©vo- lution ». ConsidĂ©rĂ© en lui-mĂȘme un pareil aveuglement est simplement comique. Mais quelle arme redoutable dĂšs lors qu'il a Ă©tĂ© créé tout exprĂšs par une volontĂ© qui se cache comme tout ce qui est mauvais, qui a su de- meurer invisible depuis deux cents ans et dont nous savons maintenant la profonde perversitĂ© ! CHAPITRE VIII Francs maçonneries extĂ©rieures et sous-maçonneries. L'aboutissement. LES FRANCS-MAÇO^'^"ERIES EXTERIEURES Certes, de pareils moyens d'action sont formida- bles, surtout lorsqu'ils sont tournĂ©s contre une nation sans dĂ©fiance. Le Pouvoir occulte ne les a pourtant pas encore jugĂ©s suffisants. Il a créé des franc-ma- çonneries extĂ©rieures qui sont destinĂ©es Ă  multiplier son action dans le domaine des idĂ©es aussi bien que dans celui de l'action politique et sociale. Dans le domaine des idĂ©es d'abord, parce que le Pouvoir occulte est, avant tout, anticatholique. Nous n'avons pas Ă  insister sur ce fait qui se trouve surabondamment dĂ©montrĂ©, non seulement par notre prĂ©cĂ©dent ouvrage Le Pouvoir occulte contre la France^ mais par une trĂšs grande quantitĂ© d'autres dont les auteurs se sont attachĂ©s spĂ©cialement Ă  mettre en lu- miĂšre le caractĂšre anticatholique de la Franc-Maçon- nerie. Comme le catholicisme est une puissance dont le domaine est celui des idĂ©es, le Pouvoir occulte a dĂ» l'y attaquer. Nous avons vu que l'organisme et les mĂ©thodes maçonniques Ă©taient prĂ©cisĂ©ment celles qu'il fallait pour correspondre Ă  cette nĂ©cessitĂ©. Le Pouvoir occulte a fait de la Franc-Maçonnerie non une — 191 — ligue d'action, mais une sociĂ©tĂ© d'Ă©ducation ou, plus exactement, de dĂ©sĂ©ducation. Nous avons vu Ă©galement dans notre prĂ©cĂ©dent ouvrage que le Pouvoir occulte avait secondĂ© de tout son eiĂŻort le succĂšs de la philosophie du dix-huitiĂšme siĂšcle. Les encyclopĂ©distes, d'ailleurs membres de la Franc-Maçonnerie ordinaire, formaient entre eux, peut-on dire, une sorte de loge Ă  part, une franc-ma- çonnerie intellectuelle, dans laquelle il est Ă©vident que le Pouvoir occulte s'Ă©tait mĂ©nagĂ© les moyens de transmettre ses inspirations. Il en est de mĂȘme de certaines associations qui, tout en ayant les caractĂšres de la sociĂ©tĂ© secrĂšte, vi- vent en marge de la Franc-Maçonnerie ordinaire et semblent n'avoir point de rapports avec elle ou n'en avoir que fort peu. Nous voulons parler de ces asso- ciations Ă  noms plus ou moins bizarres qu'on sait avoir existĂ© avant l'apparition de la Franc-Maçonne- rie, s'ĂȘtre perpĂ©tuĂ©es au dix-huitiĂšme siĂšcle et jus- qu'Ă  nos jours ou avoir Ă©tĂ© remplacĂ©es par d'autres prĂ©sentant les mĂȘmes caractĂšres les Rose-Croix, les Martinistes, les IlluminĂ©s, les Swedenborgiens, les MisraĂŻmites, les Kabbalistes, les Occultistes, les Spi- rites, les Centres qui se disent plus ou moins Ă©sotĂ©ri- ques, etc., etc., sans compter ces associations tĂ©nĂ©- breuses du Moyen Age qui ont pullulĂ© un peu partout et dont les noms pour un grand nombre, ne sont mĂȘme pas parvenus jusqu'Ă  nous. Ces associations se diffĂ©rencient entre elles. Et c'est tout naturel. Le Pouvoir occulte, qui voulait dĂ©tacher de la morale et de la discipline chrĂ©tienne les hommes — 192 — de tous les pays, devait leur prĂ©senter, pour les ten- ter et pour s'emparer d'un plus grand nombre d'en- tre eux, des types d'association dont la variĂ©tĂ© cor- respondit Ă  celle des types d'intelligences auxquelles il s'adressait. Telle est la raison des diffĂ©rences qui s'aperçoivent dans ces groupements- Mais Ă  cĂŽtĂ© de ces diffĂ©rences, tous prĂ©sentent deux caractĂšres communs qui sont comme la marque de fabrique du Pouvoir occulte ils sont plus ou moins secrets et plus ou moins nettement et visiblement anticatholiques. Si l'on disait aux membres de ces groupements qu'ils ont quelque rapport avec la Franc-Maçonnerie, nul doute qu'un grand nombre protesteraient. C'est qu'ils ne savent pas comment peut ĂȘtre Ă©tabli ce rapport. Nous nous en rendons compte pour eux, maintenant que nous connaissons l'organisation secrĂšte maçon- nique. Les membres des sociĂ©tĂ©s dont nous nous occupons peuvent s'imaginer ne s'ĂȘtre jamais rencontrĂ©s nulle part avec des francs-maçons, et cependant collaborer avec eux Ă  la mĂȘme Ɠuvre de destruction. Les uns attaquent le bloc catholique sur un point, tandis que les autres l'attaquent sur un autre. Pour que leurs efforts soient coordonnĂ©s, que faut-il? Que des re- prĂ©sentants du Pouvoir occulte se trouvent parmi les uns et parmi les autres. Ces reprĂ©sentants se rencon- trent entre eux. Ils reçoivent tous plus ou moins di- rectement la mĂȘme inspiration. Ils savent le pourquoi de la division du travail qu'ils s'efforcent d'Ă©tablir dans les groupes infĂ©rieurs oĂč ils remplissent la mis- — 193 — sion qui leur est confiĂ©e ; et cela suffĂźt. Sans doute, avec un pareil systĂšme, les choses ne marchent pas toujours comme le voudrait le Pouvoir occulte. Mais quelles sont donc les affaires humaines qui mar- chent toujours au grĂ© de ceux qui les entreprennent? Des divergences, des heurts, des divisions peuvent se produire entre ces groupes qui s'ignorent et dont quelques membres seulement se connaissent entre eux. Certains mĂȘme peuvent ĂȘtre arrachĂ©s du tronc, sĂ©parĂ©s momentanĂ©ment ou pour toujours du centre d'inspiration. Mais encore une fois, oĂč donc en va-t-il autrement dans les choses de ce monde? L'impor- tant est que, lorsque de pareils accidents se produi- sent, le secret de l'unitĂ© d'inspiration ne soit pas di- vulguĂ©. C'est le seul qui ait vraiment de l'importance. Mais sur ce point, nous pouvons ĂȘtre sĂ»rs que le Pou- voir occulte sait prendre ses prĂ©cautions et qu'en ou- tre il ne recule devant rien, absolument rien, pour assurer sa sĂ©curitĂ©. Lorsqu'il pĂ©rira, car, en fin de compte, tant vont Ă  l'eau les rĂ©cipients mĂȘme les plus solides qu'ils se cassent ou s'usent, il en aura fait pĂ©rir beaucoup d'autres avant lui. Dans le domaine politique et social, le Pouvoir oc- culte a créé une grande quantitĂ© de sous-maçonne- ries dont les efforts trouvent leur point de concentra- tion dans les loges, de mĂȘme que les efforts de celles- ci et des associations dont nous venons de nous occu- per trouvent le leur dans des sphĂšres plus Ă©levĂ©es. Ici, nous allons pouvoir nous rendre exactement compte de la maniĂšre dont il a opĂ©rĂ© ; et, par lĂ  mĂȘme, nous nous expliquerons comment il a dĂ» procĂ©der _ 194 — aux Ă©tages supĂ©rieures de l'immense organisation de ses armĂ©es secrĂštes. LES SOUS-MAÇONÎS'ERIES. Une fois en possession de la prodigieuse accumu- lation de forces quirĂ©sultait pour lui du groupement, de la discipline et de l'organisation maçonniques, le Pouvoir occulte s'est dit qu'il pourrait se rendre plus fort encore en Ă©tendant groupement, discipline et organisation hors de la Maçonnerie, en crĂ©ant au- tour de celle-ci des sociĂ©tĂ©s qui seraient comme au- tant de sous-maçonneries et qui rempliraient vis-Ă - vis d'elle le rĂŽle qu'elle-mĂȘme remplit vis-Ă -vis de lui. Et c'est ainsi qu'existent actuellement un nombre considĂ©rable d'associations qui ont Ă©tĂ© créées par la Maçonnerie et qui subissent sa direction sans s'en douter, de mĂȘme que celle-ci, sans s'en douter Ă©gale- ment, a Ă©tĂ© créée par le Pouvoir occulte et subit sa direction. On comprend le double avantage d'une pareille multiplication. D'abord, le domaine oĂč rĂ©gnent les suggestions créées par le Pouvoir occulte se trouve agrandi dans des proportions considĂ©rables, puisque beaucoup plus nombreux sont les propagandistes embrigadĂ©s qui contribuent Ă  l'action coordonnĂ©e dçnt le Pouvoir occulte est le secret inspirateur. En mĂȘme temps, un autre bĂ©nĂ©fice est assurĂ© le secret de l'existence de ce Pouvoir occulte qui tient tant Ă  n'ĂȘtre pas connu se trouve encore mieux pro- — 195 — tĂ©gĂ©. 11 n'y avait jusqu'ici que la Maçonnerie qui se trouvĂąt entre le monde profane et lui. Une double barriĂšre existera dĂ©sormais, puisque la Maçonnerie, par laquelle il agit sans se laisser voir, agira, sans se laisser voir elle-mĂȘme, par l'intermĂ©diaire des sociĂ©- tĂ©s qu'elle aura engendrĂ©es. C'est cette pensĂ©e qui a inspirĂ© la crĂ©ation de la Ligue de l'enseignement^ de celle des Droits de l'homme^ des ligues de Libre- PensĂ©e^ des Unions Amicales de SolidaritĂ©^ des A miccrZe^ d'instituteurs, sans compter d'autres et sans parler des syndicats ouvriers dans lesquels la Maçonnerie s'est rĂ©servĂ©e le moyen de pĂ©- nĂ©trer. La Franc-Maçonnerie se garde bien de faire savoir qu'elle est l'initiatrice de ces groupes. Le Pouvoir oc- culte, avons-nous dit, la fait agir en cela comme il agit lui-mĂȘme vis-Ă -vis d'elle. Les indications donnĂ©es aux francs-maçons par leurs chefs Ă  cet Ă©gard sont d'une prĂ©cision qui ne laisse rien Ă  dĂ©sirer. Vous n'ĂȘtes, en ce moment, disait le Blatin au convent de 1892, qu'un Ă©tat-major, vous n'ĂȘtes que des officiers, vous n'avez pas encore groupĂ© suf- fisamment les troupes que vous devez mener au com- bat. Ces troupes vous ne pouvez les appeler dans vos loges, car il vous est absolument impossible de dimi- nuer les conditions financiĂšres dans lesquelles vous vivez et qui sont l'essence mĂȘme de notre Ordre ; mais je le dis avec une conviction personnelle pro- fonde, il vous faut, sous des formes qui sont dĂ©jĂ  trouvĂ©es, grĂące aux Ă©lĂ©ments que vous possĂ©dez dĂ©jĂ , — 196 — arriver Ă  rĂ©unir autour de vous toutes ces masses du suffrage universel qui ne demandent qu'Ă  ĂȘtre dis- ciplinĂ©es par vous. > DĂšs 1891, c'est-Ă -dire un an avant que le Bla- tin prononçùt les paroles que nous venons de rappor- ter le CongrĂšs des Loges du Midi nous apprenait que La Libre PensĂ©e française comptait dĂ©jĂ  six cents groupes dont la formation Ă©tait due pour la plus grande partie Ă  la Franc-Maçonnerie ! » Et c'est Ă©videmment Ă  cela que faisait allusion le Blatin lorsqu'il parlait de formes qui sont dĂ©jĂ  trouvĂ©es ». Le rapporteur de la Commission de propa- gande au couvent de 1893 cite parmi les So- ciĂ©tĂ©s créées par les loges et demeurĂ©es sous leur di- rection morale, les sociĂ©tĂ©s de Libre-PensĂ©e, vĂ©rita- bles machines de guerre contre le clĂ©ricalisme, les so- ciĂ©tĂ©s d'instruction. Deniers des Ecoles, Caisses des Ecoles, BibliothĂšques populaires... les cercles d'Ă©tu- des oĂč l'on peut grouper toutes les bonnes volontĂ©s, les sociĂ©tĂ©s de confĂ©rences populaires qui permettent de rĂ©pandre la lumiĂšre jusque dans les plus petits villages. » En 1894, le CongrĂšs maçonnique d'Amiens recom- mande, lui aussi, la crĂ©ation de sociĂ©tĂ©s agissant sous l'inspiration maçonnique, tout en masquant la Ma- çonnerie. Voici en effet ce qu'on peut lire dans le compte rendu de ce CongrĂšs Notre Commission a estimĂ© que ce moyen devait ĂȘtre dĂ©signĂ© d'une façon toute particuliĂšre Ă  votre attention. Il vous procurera en effet, Ă  tous, l'occa- I — 197 — sion de faire prĂ©dominer nos idĂ©es partout, si nous avojis le talent d'organiser ces sociĂ©tĂ©s tout en restant dans la coulisse. C'est donc bien un plan de campagne trĂšs mĂ©thodi- quement conçu. Et nous trouvons ici corroborĂ© ce que nous avons dit de l'organisation et des procĂ©dĂ©s du Pouvoir occulte ; car nous n'avons qu'Ă  regarder pour constater que l'exĂ©cution de ce plan reproduit exactement au bas de l'Ă©chelle maçonnique ce que nous avons montrĂ© Ă  tous les degrĂ©s. La Franc-Maçonnerie, sans qu'on ait pu y prendre garde, a créé autour d'elle une multitude de sociĂ©tĂ©s dans lesquelles elle rĂ©pand ses suggestions, de mĂȘme que le Pouvoir occulte fait vis-Ă -vis d'elle. Et ces so- ciĂ©tĂ©s sont ses armĂ©es en mĂȘme temps que sa cein- ture protectrice, de mĂȘme qu'elle est l'armĂ©e et la ceinture protectrice du Pouvoir occulte. A-t-elle agi vis-Ă -vis de ces sociĂ©tĂ©s loyalement,- au grand jour? Pas plus que le Pouvoir occulte n'a agi vis-Ă -vis d'elle. C'est toujours la mĂȘme mĂ©thode qui se rĂ©pĂšte du haut en bas. Nous en avons la preuve dans la derniĂšre phrase de l'extrait que nous venons de citer Ce moyen vous procurera l'occasion de faire prĂ©dominer nos idĂ©es partout si nous avons le talent d'organiser ces sociĂ©tĂ©s tout en restant dans la coulisse ». Cette phrase montre le procĂ©dĂ© habituel du Pouvoir occulte, comme l'ogive qui se trouve dans la plus petite des fenĂȘtres d'une cathĂ©drale donne le dessin du motif sur lequel est construit tout l'ensem- ble. ' Il ne faut pas, dit de son cĂŽtĂ© le rapporteur de — 198 — la Commission des vƓux au couvent de 1898, il ne faut pas laisser voir dans cette Ɠuvre la main de la Franc- Maçonnerie. » Donc toujours la dissimulation, toujours la ruse et la fourberie. r PENETRATION DES GROUPES NON MAÇONNIQUES, Ce n'est pas assez pour la Franc-Maçonnerie des groupements qu'elle crĂ©e. Il en existe qu'elle n'a pas créés. Elle s'applique Ă  pĂ©nĂ©trer dans ceux-lĂ  pour tourner peu Ă  peu leurs forces Ă  son profit. Ne sait- elle pas que dix hommes groupĂ©s autour d'une idĂ©e sont plus forts que mille dont les idĂ©es se contredi- sent. En consĂ©quence, elle ne veut pas que ses adver- saires aient Ă  leur service des groupements homogĂš- nes. Pour cela, elle essaye de forcer les portes des groupes qu'ils ont organisĂ©s, pour y rĂ©pandre ses doctrines, mais toujours en ne laissant pas voir sa main. » Le compte rendu du CongrĂšs maçonnique d'Amiens nous en fournit la preuve, car on lit encore dans son compte rendu Faire concourir Ă  notre ƒuvre, partout oĂč ce sera possible des journaux dirigĂ©s par des frĂšres, mais ne dĂ©couvrant jamais les loges et ne divulguant jamais nos travaux... CrĂ©er des sociĂ©tĂ©s de libre-pensĂ©e, de secours, souchĂ©es sur les loges, subventionner les grou- pes profanes existant... et faire pĂ©nĂ©trer les frĂšres ma- ço?is dans les sociĂ©tĂ©s dĂ©jĂ  constituĂ©es^ mais avec la — 199 — plus grande prudence. Faire la propagande par la bienfaisance en participant aux bonnes Ɠuvres et aux encouragements, TOUS CES MOYENS SONT NOTRES. » L'orateur du couvent de 1891 constatait que les francs-maçons avaient rĂ©pondu au mot d'ordre qui leur Ă©tait donnĂ© et que beaucoup d'entre eux ap- partenaient Ă  des sociĂ©tĂ©s groupĂ©es sous le drapeau de la Libre-PensĂ©e. » Au CongrĂšs des IjOges du Nord-Ouest, le Bour- get engageait ses frĂšres Ă  pĂ©nĂ©trer dans le plus grand nombre de sociĂ©tĂ©s possibles particuliĂšrement dans les patronages laĂŻques, scolaires et de bienfaisance, associations de prĂ©voyance, de secours, de tir et de gymnastique ; encourager toutes les sociĂ©tĂ©s de libre- pensĂ©e, pressentir les instituteurs qui dans leur rĂŽle d'Ă©ducateurs du peuple peuvent nous rendre de grands services. » Les Loges, Ă©crivait Piccolo Tigre dans la lettre que nous avons citĂ©e, ne sont qu'un lieu de dĂ©pĂŽt, une espĂšce de baras, un centre par lequel il faut pas- ser avant d'arriver Ă  nous sociĂ©tĂ©s secrĂštes supĂ©- rieures. En lui apprenant Ă  porter arme avec son verre, on s'empare de la volontĂ©, dĂ© l'intelligence et de la libertĂ© de l'homme. On en dispose, on le tourne, on l'Ă©tudiĂ©. On devine ses penchants, ses affections et ses tendances ; quand il est mĂ»r pour nous, on le di- rige vers la sociĂ©tĂ© secrĂšte dont la Franc- Maçonnerie . ne peut plus ĂȘtre que l'antichambre assez mal Ă©clairĂ©e. Ce que sont, de l'aveu du juif Piccolo-Tigre, les sociĂ©tĂ©s secrĂštes supĂ©rieures de la Franc-Maçonnerie — 200 — invisible par rapport Ă  la Franc-Maçonnerie que nous connaissons, celle-ci l'est Ă  son tour par rapport aux milliers de sociĂ©tĂ©s qu'elle crĂ©e sur toute la surface du territoire, ou de celles dans lesquelles elle pĂ©nĂštre sans laisser voir sa main », et qui ne sont que son antichambre assez mal Ă©clairĂ©e ». ' Par l'intermĂ©diaire de ces sociĂ©tĂ©s, elle agit sur le monde profane. Elle y rĂ©pand ses idĂ©es, toujours en les couvrant du voile de l'hypocrisie et en ne versant de ces idĂ©es que les doses qu'elle sent assimilables... C'est donc un immense filet, dont les mailles sont reprĂ©sentĂ©es par des milliers de sociĂ©tĂ©s, qui est jetĂ© sur la France. Ces sociĂ©tĂ©s ont Ă©tĂ© pour la plupart constituĂ©es par la Maçonnerie, et elles ne le savent pas. Elles sont dirigĂ©es par les reprĂ©sentants de cette association et elles l'ignorent. C'est de ses idĂ©es qu'elles sont nourries, c'est par sa propagande hypocrite, tendant on ne sait Ă  quel but obstinĂ©ment cachĂ©, que l'intelligence de leurs membres est oblitĂ©rĂ©e ; et ceux-ci ne s'en doutent pas ! Ne s'en doutant pas, ils ne peuvent mĂȘme pas songer Ă  Ă©carter d'eux le poison. Ils absorbent la doctrine de mensonge comme un enseignement de vĂ©ritĂ©. Ils la rĂ©pandent comme telle autour d'eux. C'est au nom de la science », inconnue des francs-maçons ignorants, qu'ils ont Ă©tĂ© catĂ©chisĂ©s ; c'est au nom de la Science », tout aussi inconnue d'eux, qu'ils catĂ©chisent les autres. Comment, dans de telles conditions, le Pouvoir occulte n'arriverait-il pas Ă  dĂ©truire de fond en com- ble la façon de penser d'une nation ! Comment n'aveuglerait-elle pas cette nation assez complĂšte- — 201 — ment pour l'amener Ă  se dĂ©t-ruire elle-mĂȘme! Par quel miracle celle-ci s'apercevrait-elle que les for- mules mensongĂšres pour lesquelles elle se passionne n'ont Ă©tĂ© inventĂ©es que pour la dĂ©sorganiser, pour la dĂ©sarmer, pour la rĂ©duire Ă  l'Ă©tat de proie, tout en lui cachant le but secrĂštement poursuivi par un Pouvoir occulte dont elle ignore jusqu'Ă  l'existence ! l'envahissement total. — l'heure de l'action. Et voici que ce travail de propagande, dĂ©jĂ  servi par de tels moyens, se trouve, Ă  une certaine heure, secondĂ©, appuyĂ© de telle sorte, que son action va se trouver encore dĂ©cuplĂ©e. En effet, les francs-maçons, ces thĂ©oriciens, ces philosophes si doux, si pacifiques, si conciliants », ainsi que disait wn membre du Conseil de l'Ordre rĂ©pondant en mars 1899 aux interrogations d'un en- voyĂ© du journal Le Temps, les innocents et inoffensifs francs-maçons avaient dĂ©clarĂ© dans leurs statuts qu'ils ne s'occupaient pas de politique. Le membre du Conseil de l'Ordre en question rĂ©pĂ©tait cette affirmation, lui aussi. Nous proscrivons toute discussion politique, di- sait-il. Nous nous tenons Ă  l'Ă©cart de toute agitation. Jamais nous ne nous mĂȘlons Ă  la politique militante. Jamais nous ne prĂ©sentons un candidat Ă  quelque Ă©lection que ce soit... » Ils n'ont jamais prĂ©sentĂ© un candidat Ă  quelque Ă©lection que ce soit ! » Ils ne l'ont jamais fait loya- lement, en se montrant au grand jour, et en disant — 202 — nous sommes francs-maçons. Cela, c'est vrai. Mais ils ont prĂ©sentĂ© des candidats en se masquant. et en se cachant, chaque fois qu'ils l'ont pu. Et la preuve, c'est que dĂšs 1893, six ans avant la dĂ©claration du Membre du Conseil de l'Ordre au journal Le Temps, un autre membre du Conseil de l'Ordre, le Amia- ble, pouvait dire dans son discours au convent Nos candidats Vont emportĂ© presque partout, et notre contingent dans la reprĂ©sentation nationale, dĂ©jĂ  considĂ©rable, se trouve sensiblement accru. Je salue donc au nom de l'AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale du Grand- Orient, les francs-maçons qui sont aujourd'hui les Ă©lus du suffrage universel. » Ils n'ont pas de candidats ; et leurs candidats l'em- portent presque partout ! C'est ainsi qu'Ă©clate Ă  tout instant leur phĂ©nomĂ©nale hypocrisie. Comment d'ailleurs leurs candidats ne l'emporte- raient-ils pas, alors qu'ils reprĂ©sentent prĂ©cisĂ©ment l'opinion Ă  la fabrication de laquelle le Pouvoir oc- culte a travaillĂ© par tous les moyens, y compris les plus malhonnĂȘtes, pendant tout le temps qu'il a jugĂ© nĂ©cessaire? Ils ont l'appui d'une association formida- blement organisĂ©e. DerriĂšre la Maçonnerie marchent pour eux des milliers de sociĂ©tĂ©s qui ont Ă©tĂ© créées et qui sont inspirĂ©es par elle. Sur les flancs, d'autres sociĂ©tĂ©s, plus intellectuelles, obĂ©issent sans s'en dou- ter, elles aussi, aux suggestions du Pouvoir occulte. Il serait vraiment extraordinaire qu'avec de pareils avantages, les candidats de la Franc-Maçonnerie ne fussent pas Ă©lus. D'autant plus que, mĂȘme lorsqu'ils ne sont pas Ă©lus par les vivants, ils le sont par les — 203 — morts, grĂące Ă  certaines fraudes Ă©lectorales dont ne saurait se faire scrupule une association qui a le mensonge et la ruse pour base et pour moyen. Il Ă©tait donc inĂ©vitable que la Franc-Maçonnerie parvint assez rapidement Ă  introduire un certain nombre de ses membres au Parlement. Une fois cela fait, elle devait fatalement voler de victoires en victoires jusqu'Ă  ce que la nation tout entiĂšre fĂ»t instruite de ses agissements. La marche de la Franc-Maçonnerie pour la con- quĂȘte de la puissance politique a donc Ă©tĂ© dirigĂ©e par le Pouvoir occulte avec un esprit de suite et une logique qui devaient renverser tous les obstacles. Ce rĂ©sultat Ă©tait d'autant plus certain que, tant qu'elle n'est pas complĂštement dĂ©masquĂ©e, la Ma- çonnerie jouit de la situation singuliĂšrement avanta- geuse oĂč est un combattant qui a l'usage de ses yeux vis-Ă -vis d'un adversaire aveugle. Rien de plus facile que de prĂ©voir, en pareil cas, auquel des deux doit rester la victoire. RĂ©sumons-la, cette marche, en un regard d'ensem- ble. Tout d'abord prĂ©lĂšvement par sĂ©lection d'un cer- tain nombre de citoyens. Leur isolement dans les loges, oĂč on les attire par de fausses dĂ©clarations et par l'attraction du secret, oĂč on les gonfle de l'idĂ©e qu'ils sont des ĂȘtres supĂ©rieurs par cela seul qu'ils ont consenti Ă  se rassembler dans le giron de la Veuve. En second lieu, Ă©tablissement progressif d'une dis- cipline morale, par l'Ă©limination des Ă©lĂ©ments recon- nus rĂ©fractaires, et en mĂȘme temps par les sĂ©lections — 204 — successives opĂ©rĂ©es parmi ceux qui sont reconnus les plus aptes. Ensuite, manƓuvre lente et calculĂ©e, pour arriver Ă  crĂ©er peu Ă  peu, grĂące aux Ă©liminations et ĂȘiux sĂ©- lections, grĂące surtout aux prĂ©dications, un Ă©tat d'esprit contraire Ă  la fois aux principes sur lesquels on prĂ©tendait primitivement s'appuyer et aux dĂ©- clarations par lesquelles on avait attirĂ© les premiers adhĂ©rents. Emploi incessant de la seringue Ă  sugges- tions qu'est la Franc-Maçonnerie dans la main du Pouvoir occulte, pour jeter dans l'esprit des adeptes l'idĂ©e que les francs-maçons ont une double mission Ă  remplir Ă©clairer le monde en Ă©teignant les Ă©toiles dont le christianisme avait peuplĂ© les cieux et le li- bĂ©rer en dĂ©truisant les pouvoirs politiques existants, pour leur substituer d'autres formes de gouverne- ment ; celles qu'on dit ĂȘtre les plus progressives et les plus libĂ©rales ; celles qui, en rĂ©alitĂ©, sont les plus pro- pres Ă  assurer la domination du Pouvoir occulte par l'intermĂ©diaire de la Franc-Maçonnerie. Une fois Ă©tabli dans les loges l'Ă©tat d'esprit dĂ©sirĂ©, crĂ©ation de sous-maçonneries, de groupes, d'associa- tions, de comitĂ©s, dans lesquels la Maçonnerie, tout en prenant ses prĂ©cautions pour ne pas ĂȘtre aperçue, fait sournoisement passer son esprit, son inspiration, sa direction. En mĂȘme temps, action de la Maçonne- rie et des sous-maçonneries exercĂ©e par les journaux, par les brochures, par les revues, par les confĂ©rences et par mille autres moyens, sur le reste du monde profane qui doit ĂȘtre entraĂźnĂ© d'autant plus facile- ment qu'il constitue la partie la plus aveugle, la plus — 205 — indiffĂ©rente de la nation, la plus paresseuse aussi, puisqu'elle n'a mĂȘme pas Ă©prouvĂ© le dĂ©sir de se grou- per, puisqu'elle est restĂ©e Ă  l'Ă©tat d'Ă©miettement. Enfin, lorsqu'est suffisamment Ă©tablie l'opinion fabriquĂ©e dans la Maçonnerie, dĂ©bitĂ©e dans les sous- maçonneries et transportĂ©e ensuite dans les milieux profanes, conquĂȘte du monde politique par l'Ă©lec- tion, grĂące Ă  l'opinion qu'on a trompĂ©e dans cette vue, et qu'on fait semblant de servir. Alors seulement va sonner l'heure de l'action. Car tout ce que nous avons Ă©tudiĂ© jusqu'ici n'en Ă©tait que la prĂ©paration. L'habiletĂ© profonde du Pouvoir occulte consiste donc surtout en ce qu'il sait ne pas se hĂąter. Il a me- surĂ© la difficultĂ© des gigantesques destructions qu'il doit accomplir pour rĂ©aliser son plan secret. En con- fiĂ©quence il a divisĂ© sa besogne en deux grandes par- ties la prĂ©paration et l'exĂ©cution. La prĂ©paration consiste en deux choses Tromper le monde chrĂ©tien pour que celui-ci se laisse faire ; Et choisir dans ce monde chrĂ©tien des collabora- teurs qui, traĂźtres Ă  leurs origines, Ă  leur passĂ©, Ă  leurs aĂŻeux, n'ont pas scrupule Ă  collaborer Ă  la destruction de leur patrie. Lorsque les francs-maçons ont rempH pendant de longues pĂ©riodes d'annĂ©es leur besogne de propagan- distes, d'apĂŽtres et de sous-apĂŽtres ; lorsque les grou- pes dont ils ont entourĂ© la Franc-Maçonnerie se sont faits les Ă©chos infatigables de leur propagande ; lors- que cette Franc-Maçonnerie est parvenue, grĂące Ă  — 206 — raction d'ensemble ainsi organisĂ©e, Ă  s'emparer du pouvoir politique ; lorsque discoureurs, journalistes, poĂštes, chansonniers, auteurs dramatiques, comĂ©- diens, auteurs de libelles pornographiques ont agitĂ© de mille maniĂšres les idĂ©es soi-disant progressives devant le peuple, comme les banderilleros agitent la capa devant le taureau, alors le torĂ©ador politique qui marche pour le compte du Pouvoir occulte peut en- fin paraĂźtre. Son heure, c'est-Ă -dire l'heure de l'action, l'heure du chambardement, est venue. Qu'au lieu de la capa des banderilleros, c'est-Ă -dire des simples thĂ©ories subversives, il agite le lambeau d'Ă©toffe rouge, le haillon de guerre civile, le programme de destruction avec son cortĂšge insĂ©parable de persĂ©cu- tions, de proscriptions, de pillages, de vols, d'assassi- nats, et l'opinion, excitĂ©e, affolĂ©e, aveuglĂ©e, foncera furieusement pour prendre sa part de l'Ɠuvre impie. Elle est au point, dans l'Ă©tat oĂč peut la souhaiter le torero chamarrĂ© des emblĂšmes maçonniques. Qu'il s'appelle Mirabeau, Danton, Robespierre, ou, plus prĂšs de nous, Waldeck-Rousseau, Combes, Clemen- ceau, qu'il soit ou qu'il ne soit pas franc-maçon lui- mĂȘme, dĂšs lors qu'il a Ă©tĂ© choisi comme dĂ©lĂ©guĂ© », il n'a qu'Ă  parler pour l'entraĂźner, cette opinion que le Pouvoir occulte a fabriquĂ©e par avance tout ex- prĂšs pour lui. Elle lui appartient, et en mĂȘme temps il a le pouvoir ! Les dĂ©putĂ©s, les sĂ©nateurs, les minis- tres, les prĂ©fets, les hauts magistrats et les officiers, tous ceux dont on a fait des francs-maçons ou des maçonisants marchent pour lui comme un seul homme. Au-dessus d'eux le PrĂ©sident de la RĂ©publique, qu'on — 207 — ;i soin de fortement appointer, donne les signatures par lesquelles le crime est revĂȘtu de lĂ©galitĂ©... Tout est donc Ă  souhait. C'est alors qu'une Ă©nergique tension est imprimĂ©e par le Pouvoir occulte Ă  tous les rouages de l'im- mense organisme qu'il a si laborieusement créé. Sous son action un resserrement se produit de toutes les Ă©nergies, de toutes les forces dont il dispose, autour de l'idĂ©e dominante qui a servi de base Ă  l'opinion fa- briquĂ©e. Et c'est la pĂ©riode de RĂ©volution qui s'ouvre. C'est la marche soudaine de toutes les maçonneries et sous-maçonneries, de toutes les bandes que le Pou- voir occulte a' eu soin d'organiser lorsqu'il a senti l'heure venir, marche d'autant plus victorieuse que la force de rĂ©sistance de tous les organismes de dĂ©- fense nationale a Ă©tĂ© prĂ©alablement affaiblie. C'est la ruĂ©e furieuse de tous les fanatismes créés, de tous les appĂ©tits dĂ©chaĂźnĂ©s, sur tous les points du terri- toire, dans tous les milieux, Ă  tous les degrĂ©s de l'Ă©chelle sociale, jusqu'Ă  ce que tout cĂšde Ă  l'effort gigantesque, tout se vende ou s'abandonne, sĂ©duit ou Ă©pouvantĂ©, et qu'enfin le Pouvoir occulte, au mi- lieu du dĂ©sordre universel, tourne toutes les forces nationales dont on l'a laissĂ© s'emparer Ă  la destruc- tion de la nation dont l'existence fait obstacle Ă  ses plans mondiaux. CELUI QUI EST RESPOIS'SABLE. Si nous avons insistĂ© si longuement sur l'effort de suggestion auquel se livre le Pouvoir occulte, c'est — 208 — qu'Ă  cet effort est due la si complĂšte, la si Ă©tonnante fortune politique de la Maçonnerie. On ne saurait assez le dire et le redire si l'on veut que les dĂ©fenseurs de la France contre le Pouvoir occulte cessent d'ĂȘtre constamment vaincus. On n'a jamais suffisamment attirĂ© l'attention des patriotes et des catholiques sur ce cĂŽtĂ© de la question. Et pourtant, n'est-ce pas la premiĂšre des rĂšgles de la tactique, que pour opposer Ă  un adversaire victo- rieux une rĂ©sistance efficace, il faut connaĂźtre son mode d'attaque? On a Ă©tĂ© d'autant plus facilement battu par le Pouvoir occulte et par la Franc-Maçon- nerie qu'on ignorait les mĂ©thodes et l'organisation de cette association. Parmi nos amis, les uns connaissent des francs- maçons qui sont de braves gens. Ils sont tout natu- rellement portĂ©s Ă  voir la Maçonnerie sous la figure de ceux-ci ; et lorsqu'ils entendent les accusations dont cette association est l'objet, ils la considĂšrent comme calomniĂ©e. Nous avons dit que telle Ă©tait la maniĂšre dont BrunetiĂšre envisageait la question ma- çonnique. L'Ă©minent et regrettĂ© directeur de la Re- vue des Deux-Mondes ne fĂ»t certainement pas restĂ© dans son erreur si, au lieu de connaĂźtre seulement ses braves gens de francs-maçons, il eĂ»t Ă©galement connu l'organisme grĂące auquel le Pouvoir occulte peut faire de ces sortes de braves gens », les artisans incons- cients des Ɠuvres les plus mauvaises. D'autres sont conduits Ă  des apprĂ©ciations non moins fausses, parce qu'ils ont appris que la Franc- Maçonnerie des pays protestants est bien loin d'en- — 209 — courir les mĂȘmes reproches que la Maçonnerie française, ou encore parce qu'ils ont entendu dire que la Franc-Maçonnerie française d'il y a quarante, soixante, cent ans et plus ne ressemblait nullement Ă  celle d'aujourd'hui. Et d'un air entendu, ils nous reprochent d'ĂȘtre des fanatiques ou tout au moins de trop gĂ©nĂ©raliser. Ils se montreraient plus circons- pects si, ayant Ă©tudiĂ© Ă  fond l'organisme et les mĂ©- thodes maçonniques comme nous l'avons fait nous- mĂȘme, ils s'Ă©taient rendu compte que cet organisme et ces mĂ©thodes ont Ă©tĂ© créés par quelqu'un, qu'ils ne sauraient ĂȘtre mis en action si ce n'est sous la di- rection d'un autre quelqu'un, et que ce quelqu'un-ci successeur et continuateur de ce quelqu'un-lĂ , peut avoir intĂ©rĂȘt Ă  donner ces figures, ces attitudes, ces conceptions diffĂ©rentes aux maçonneries des diffĂ©- rents pays et des diffĂ©rentes Ă©poques ! GrĂące Ă  une telle Ă©tude, on en arrive aussi Ă  com- prendre comment les braves gens qui ont impres- sionnĂ© BrunetiĂšre et tant d'autres ont pu se four- voyer Ă  toutes les Ă©poques dans la Franc-Maçonnerie. On se rend compte que ces pauvres francs-maçons, si orgueilleusement pleins de ce qu'ils appellent leur lumiĂšre, si lamentablement dĂ©nuĂ©s pourtant au point de vue intellectuel, aprĂšs avoir reçu des initiations qui ne les initient Ă  rien, les uns naĂŻfs comparses, les autres vulgaires et trop souvent mĂ©prisables ambi- tieux, sont tous des hypnotisĂ©s ; mais des hypnotisĂ©s qui, sous l'empire de leur hallucination, peuvent ĂȘtre conduits, sous prĂ©texte de fraternitĂ©, jusqu'aux nias- sacres les plus lĂąches et sous couleur de progrĂšs, — 210 — jusqu'Ă  ranĂ©antissement des nations et Ă  l'asser- vissement de l'humanitĂ©. Quant Ă  celui Ă  qui revient la pleine, la totale res- ponsabilitĂ© du mal commis, des erreurs rĂ©pandues, des mensonges entassĂ©s et des destructions accom- plies ou Ă  accomplir, on se rend compte que c'est le Pouvoir occulte, puisque c'est lui qui agit depuis deux cents ans en faisant descendre ses suggestions de degrĂ©s en degrĂ©s grĂące Ă  l'organisation que nous avons dĂ©crite dans le Pouvoir occulte contre In France. Ce Pouvoir occulte est constituĂ©, par un groupe avons-nous dit, mais par un groupe dont les mem- bres, nous le A'errons, sont indissolublement liĂ©s les uns aux autres par une mĂȘme foi, un mĂȘme patrio- tisme, une mĂȘme ambition qui n'est pas personnelle Ă  chacun d'eux, qui est collective et de nature pa- triotique et religieuse Ă  la fois. C'est lĂ  l'Ă©lĂ©ment mo- ral qui assure leur prĂ©dominance dans l'immense or- ganisme dont ils ont la direction. Lorsqu'ils ont Ă©laborĂ© et choisi les idĂ©es qui, sous une apparence sĂ©duisante, contiennent les poisons dont l'effet naturel sera la dissociation des nations au sein desquelles ils seront versĂ©s, les membres de ce groupe se rencontrent dans d'autres groupes com- posĂ©s d'hommes Ă©lus et formĂ©s par eux. Nous avons vu comment cette formation est donnĂ©e depuis qu'existe l' rĂ©seau des associations qui sont rĂ©unies sous ce vocable La Franc- Maçonnerie^ et nous verrons plus tard comment il a Ă©tĂ© procĂ©dĂ©, dans les Ă©poques antĂ©rieures Ă  leur crĂ©ation et Ă  leur complĂšte organisation. — 211 — Les membres de ces groupes immĂ©diatement voi- sins du Pouvoir occulte ignorent l'existence de celui- ci et, par suite, ils se croient les vrais chefs ; mais en rĂ©alitĂ©, ils sont, qu'ils le veuillent ou non, sous l'as- cendant de ceux d'entre eux qui, fai'^ant partie du groupe suprĂȘme, ont sur les autres l'avantage im- mense d'une entente prĂ©alable ainsi que d'un idĂ©al religieux et patriotique commun. Ces derniers sont seuls Ă  le possĂ©der, cet idĂ©al, puisque si les autres ont Ă©tĂ© choisis par eux pour monter si haut, ce n'est qu'aprĂšs avoir Ă©tĂ© complĂštement dĂ©formĂ©s, dĂ©barras- sĂ©s de l'ancien idĂ©al religieux, et patriotique de leur race, aprĂšs avoir Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s des antiques prĂ©jugĂ©s », u un, rĂ©gnant encore Ă  Ba- bylone, de son temps, au xii^ siĂšcle. Mais son tĂ©moi- gnage est unique ; aucun autre auteur contempo- rain n'en parle ; il n'est mĂȘme pas certainement dĂ©- — 354 — montrĂ© que ce Rabbin ait fait personnellement les voyages qu'il raconte. » Ce silence de l'histoire Ă©quivaut-il Ă  une dispari- tion rĂ©elle des Princes de l'Exil, et depuis le xi^ siĂšcle, les Juifs n'eurent-ils plus de pouvoir central ni de chefs souverains? On l'a cru parce que pendant trop longtemps on n'a tenu compte que de l'histoire extĂ©rieure. Mais on a compris, comme l'Ă©crit l'auteur que nous ve- nons de citer Que depuis plus d'un siĂšcle, les bouleversements religieux, politiques et sociaux, dans les deux mon- des, ont dĂ©pendu, le plus souvent, de causes occul- tes, qui seules les rendent vraiment explicables et comprĂ©hensibles. Ceci ne peut plus ĂȘtre niĂ© au- dessous de l'histoire apparente, il y a eu, et il y a en- core une histoire souterraine. DĂšs lors, puisque la vie et l'action des sociĂ©tĂ©s secrĂštes et de la Maçonnerie juive en particulier, ont Ă©tĂ© possibles et se sont continuĂ©es au-dessous de la sociĂ©tĂ© extĂ©rieure et officielle, pendant plus de cent ans, nous pouvons lĂ©gitimement induire que, dans les siĂšcles antĂ©rieurs, la nation juive dĂ©jĂ  cons- tituĂ©e presque tout entiĂšre en sociĂ©tĂ© secrĂšte par les zĂ©lateurs, avant sa dispersion, a fort bien pu con- tinuer Ă  ĂȘtre gouvernĂ©e de la mĂȘme maniĂšre aprĂšs cette dispersion. » Non seulement, nous partageons absolument la trĂšs judicieuse maniĂšre de voir de M.' l'abbĂ© Cha- bauty sur ce point ; nous ajoutons qu'il en fut nĂ©- cessairement comme il dit. Et cela, par la raison que I ODO nous avons dĂ©veloppĂ©e. Les Juifs n'ont pu conser- ver leur idĂ©al national qu'Ă  condition d'avoir Ă©tĂ© gou- vernĂ©s, d'une ou d'autre façon. Cette façon a cessĂ© d'ĂȘtre visible Ă  partir du xi^ siĂšcle ; donc elle a Ă©tĂ© invisible depuis cette Ă©poque. Si simple que soit ce raisonnement, c'est lui qui contient la clef de la ques- tion maçonnique. Se figure-t-on d'ailleurs une nation dispersĂ©e, dont les membres ont su, malgrĂ© leur dispersion, demeu- rer pendant plusieurs siĂšcles liĂ©s religieusement, intellectuellement, politiquement et socialement autour d'un gouvernement, et qui renonceraient d'eux-mĂȘmes brusquement Ă  ce lien? C'est impos- sible. AprĂšs neuf siĂšcles de dispersion dans de pa- reilles conditions, il est Ă©vident que l'idĂ©e de patrie avait forcĂ©ment pris dans l'esprit juif une significa- tion spĂ©ciale. Cette idĂ©e est gĂ©nĂ©ralement liĂ©e pour nous tous Ă  celle de la terre oĂč nous habitons, parce qu'en raison de notre faiblesse intellectuelle, c'est le visible qui l'emporte en nous sur l'invisible. Nous ne rĂ©flĂ©chissons pas assez que la patrie n'existerait pas si n'existaient l'organisation et le gouvernement par l'action desquels cette patrie a Ă©tĂ© créée et dĂ©- veloppĂ©e peu Ă  peu, par l'action desquels elle peut ĂȘtre dĂ©truite aussi, nous en avons la preuve par ce qui se passe actuellement en France. Mais les Juifs Ă©taient bien obligĂ©s de concevoir les choses autre- ment. Leur patrie terrestre n'existant plus qu'Ă  l'Ă©- tat de souvenir, toute la tendresse qu'ils pouvaient avoir pour ce souvenir les portait Ă  se maintenir Ă©troi- tement unis autour des chefs qui reprĂ©sentaient Ă  — 356 — leurs yeux raucieniie patrie, l'aucien culte et les lois traditionnelles. LĂ  Ă©tait pour eux la patrie, parce que lĂ  Ă©tait son Ăąme, parce qu'aussi lĂ  Ă©tait ce qu'il en restait non seulement de vivant, mais de visible. Il serait donc absolument contraire Ă  la logique d'admettre que les faits qui se passĂšrent Ă  Babylone au commencement du xi^ siĂšcle aient pu dĂ©truire le besoin qu'avait la nation errante d'ĂȘtre gou- vernĂ©e, dĂšs lors qu'elle voulait subsister. A dĂ©faut d'autres causes plus profondes, ce besoin eĂ»t rĂ©sultĂ©, Ă  partir du xi^ siĂšcle, de l'habitude prise de s'en remettre aux dĂ©cisions de ceux qu'on avait considĂ©rĂ©s jusqu'alors comme les chefs lĂ©gi- times. Par contre, il est absolument conforme Ă  la logique d'admettre qu'aprĂšs les faits dont il vient d'ĂȘtre question, des modifications furent apportĂ©es dans le mode de gouvernement ; et il y est plus conforme encore de se reprĂ©senter ces modifications comme ayant Ă©tĂ© telles que le voulaient les nĂ©cessitĂ©s et les mƓurs dĂ©sormais Ă©tablies dans ces colonies juives du monde occidental dont les membres s'Ă©taient accou- tumĂ©s Ă  dĂ©libĂ©rer, Ă  agir, Ă  s'administrer, Ă  se gou- verner secrĂštement. N'oublions pas, en effet, ces sociĂ©tĂ©s secrĂštes dont nous avons Ă©tĂ© obligĂ©s de dĂ©tourner un instant notre attention, nĂ©es des nĂ©cessitĂ©s auxquelles les colonies juives avaient Ă  faire face journellement. Il y avait alors des siĂšcles qu'elles s'Ă©taient constituĂ©es, des siĂšcles que, de dĂ©fensives qu'elles avaient pu ĂȘtre au — 357 — dĂ©but, elles Ă©taient devenues offensives par la force des choses comme nous l'avons montrĂ©, et d'autant plus ardentes Ă  la lutte contre le Christianisme que celui-ci avait dĂ©finitivement conquis le monde occi- dental. Le seul fait de la persistance de ces sociĂ©tĂ©s nous indique que ceux qui les composaient avaient acquis les aptitudes et les habitudes que l'on peut supposer; aptitudes et habitudes telles que la pensĂ©e d'un gouvernement visible devait leur ĂȘtre devenue complĂštement Ă©trangĂšre. Nous avons fait remarquer que si le gouvernement de la nation juive s'exerçait ostensiblement dans d'autres parties du monde, les colonies juives rĂ©pandues au sein de la chrĂ©tientĂ© Ă©taient dans la nĂ©cessitĂ© de dissimuler leurs rapports avec lui. C'Ă©tait donc en se cachant qu'elles sollici- taient et recevaient ses inspirations ; si bien que le centre d'inspiration qui reliait entre elles les dites colonies Ă©tait dĂ©jĂ  en fait, un gouvernement occulte Ă  l'heure oĂč la catastrophe de l'an 1005 venait encore ‱une fois bouleverser les conditions d'existence de la nation juive. Raison de plus pour que, lorsque cette rĂ©volution se produit, le gouvernement juif ne soit pas anĂ©anti. Mais que va-t-il devenir? Et d'abord, oĂč va-t-il se transporter? Est-ce Ă  l'orient de Babylone? Evidem- ment non. Une trop grande quantitĂ© de colonies se trouvent fixĂ©es dans les pays d'occident. Ces colo- nies sont engagĂ©es dans la lutte contre le chrĂ©tien qui, Ă  la place du Romain violateur, est devenu l'en- nemi de la race juive par les raisons d'ordre Ă©cono- mique que nous avons dites et l'ennemi du culte par — 358 — les raisons religieuses qu'on sait. C'est donc vers l'Occident que le gouvernement national doit se transporter. C'est lĂ  que sont dĂ©sormais les intĂ©rĂȘts principaux du peuple errant ; c'est lĂ  que l'idĂ©al juif veut qu'on combatte pour lui. Mais il est de la der- niĂšre Ă©vidence que le gouvernement juif ne pourra s'Ă©tablir en Occident que s'il s'adapte aux nĂ©cessi- tĂ©s extĂ©rieures auxquelles correspond l'administra- tion secrĂšte des colonies, ainsi qu'aux nĂ©cessitĂ©s in- tĂ©rieures qui rĂ©sultent des aptitudes et des habitudes de ceux qui composent celles-ci. Il faudra qu'il de- vienne un gouvernement secret. C'est Ă  partir de ce moment que, logiquement, la nation juive a dĂ» ĂȘtre amenĂ©e Ă  s'organiser tout entiĂšre et dĂ©finitivement en sociĂ©tĂ© secrĂšte, si elle ne l'Ă©tait dĂ©jĂ  plus ou moins en raison des conditions de son existence. L'idĂ©e du gouvernement secret du peuple juif est donc toute autre chose qu'une simple rĂȘverie. Elle repose sur les considĂ©rations les plus rationnelles. Elle rĂ©pond Ă  la situation si particuliĂšre de ce peu- ple et aux nĂ©cessitĂ©s qui, par suite, se sont imposĂ©es Ă  lui. C'est en conformitĂ© avec les lois naturelles qu'un tel gouvernement dut se constituer peu Ă  peu parmi les Juifs ; et ce n'est que par une contradic- tion Ă  ces mĂȘmes lois qu'un jour ou l'autre il ne se fĂ»t pas Ă©tabli. Encore une fois, cela ou la mort voilĂ  ce qu'Ă  une certaine heure la nĂ©cessitĂ© imposa Ă  la nation juive. La mort n'Ă©tant pas survenue, c'est que cette nation a adoptĂ© la seule forme de gouver- nement qui lui fĂ»t possible, la seule que lui laissassent . — 359 — les circonstances, la seule Ă  laquelle pouvaient pen- ser les membres des colonies devenues, par la force des choses, sociĂ©tĂ©s secrĂštes au sein du monde chrĂ©- tien. Mais cette heure une fois sonnĂ©e et la transforma- tion dĂ©finitive Ă©tant accomplie, on comprend que nous n'ayons plus guĂšre de chances de rencontrer les traces d'un pareil gouvernement ; pas plus que nous n'en avions de trouver celles du gouvernement oc- culte maçonnique. Nous savons simplement qu'il n'a pas pu ne pas exister. Nous sommes obligĂ©s ou de l'admettre, ou de prĂ©fĂ©rer les conceptions illogi- ques aux conceptions logiques, DEUX DOCUMENTS DU XV^ SIECLE. L'auteur que nous venons de suivre un instant, M. l'abbĂ© Chabauty, a cependant introduit dans sa si curieuse Ă©tude Les Juifs, nos maĂźtres deux docu- ments que nous nous reprocherions de passer sous si- lence alors qu'il s'agit d'une question que les intĂ©- ressĂ©s ont rendue Ă  dessein si obscure. Il s'agit de deux lettres datĂ©es du xv^ siĂšcle qui, aprĂšs avoir Ă©tĂ© publiĂ©es dĂšs le xvi^ et le xvii^, ont Ă©tĂ© remises au jour par VArmana proiivençau de 1880, et par la Revue des Ă©tudes juives, de la mĂȘme annĂ©e fondĂ©e en 1880, sous le patronage du baron James de Rothschild. La publication du xvii siĂšcle fut faite dans un li- vre français, par l'abbĂ© Bonis, prĂȘtre d'Arles. Son ouvrage porte ce titre — 360 — La Royalle couronne des roys d'Arles, dĂ©diĂ©e Ă  MM. les consuls et gouçerneurs de la Ville, par J. Bouis, /?'" en Avignon 1640. Rappelons d'abord les faits qui motivĂšrent ces lettres. On sait que les Juifs furent chassĂ©s d'un grand nombre de pays d'Europe dans la seconde moitiĂ© du xv^ siĂšcle, notamment de France, d'Allemagne, d'Espagne et de Provence. Ce dernier pays, oĂč ils Ă©taient riches et nombreux, fit retour Ă  la France en 1487. Charles VIII publia bientĂŽt un Ă©dit par lequel il enjoignait aux Juifs provençaux de se faire chrĂ©- tiens, ou de quitter le pays. Le Rabbin d'Arles Ă©cri- vit Ă  ce sujet Ă  ses frĂšres de Constantinople, le 13 jan- vier 1489, pour leur demander quelle conduite il y avait lieu de tenir en cette extrĂ©mitĂ©. Il reçut rĂ©- ponse le 21 novembre de la mĂȘme annĂ©e. Voici la teneur de la lettre du Rabbin d'Arles et de celle qui lui fut adressĂ©e avec une partie des rĂ©flexions dont Bouis les a encadrĂ©es. Nous repro- duisons le tout d'aprĂšs l'ouvrage de M. l'abbĂ© Cha- bauty. Cet auteur a modifiĂ©, pour la commoditĂ© du lecteur, la vieille orthographe de Bouis. Extrait de la Royalle couronne, etc.. Les consuls d'Arles entendant les plaintes que tous les habitants faisaient contre les perfides Juifs qui habitaient dans la ville, Ă  cause des usures qu'ils commettaient... Aussi dans Arles, le peuple s'Ă©tait si fort Ă©mu qu'on eut beaucoup de la peine d'Ă©viter que tous les Juifs ne fussent jetĂ©s dans le RhĂŽne, de quoy le roy Cliarles averti, et dĂ©sirant — 361 — de capter toujours mieux le cƓur des habitants d'Arles, chassa par son Ă©dit cette maudite race de la ville et de son terroir, l'an 1493. Deux ans auparavant, les Juifs se voyant gran- dĂ©ment haĂŻs en France et que le roy Louis XI les avait chassĂ©s de son royaume avant qu'il fĂ»t comte de Provence, et qu'ils Ă©taient menacĂ©s du mĂȘme exil, Ă©crivirent une lettre aux Juifs de Cons- tantinople leur demandant conseil de ce qu'ils avaient Ă  faire. La copie de cette lettre a Ă©tĂ© fidĂš- lement tirĂ©e sur une vieille copie des archives d'une des plus fameuses abbayes de Provence, la- quelle j'ai trouvĂ© Ă  propos d'insĂ©rer dans ce dis- '. cours, Ă  cause de la curiositĂ©. Lettre des Juifs d'Arles envoyĂ©e aux Juifs de Constantinople Honorables Juifs, salut et grĂące. Vous devez sa- voir que le roi de France^ qui est de nouveau mai- tre du pays de la Provence, nous a obligĂ©s par cri de nous faire chrĂ©tiens ou de quitter son terri- ce toire. Et ceux d'Arles, d'Aix et de Marseille veu- lent prendre nos biens, menacent nos vies, rui- nent nos synagogues et nous causent beaucoup d'ennuis ; ce qui nous rend incertains de ce que nous devons faire pour la loi de MoĂŻse. VoilĂ  pour- quoi nous vous prions de vouloir sagement nous mander ce que nous devons faire. Ghamor, Rabbin des Juifs d'Arles, le 13 de Sabath, 1489. Ceux de Constantinople firent tĂŽt rĂ©ponse ; mais ce ne fut pas en langue hĂ©braĂŻque ni provençale, mais en espagnol, car ce langage Ă©tait fort entendu — 362 — en ce temps, vu que le roy RenĂ© et ses devanciers Ă©taient comtes de Barcelone, voisins des Espa- gnols ; laquelle trouvĂ©e en suite de l'autre, j'ai insĂ©rĂ©e Ă  son langage naturel RĂ©ponse des Juifs de Constantinople Ă  ceux d'Arles et de Provence Bien aimĂ©s frĂšres en MoĂŻse, nous avons reçu votre lettre dans laquelle vous nous faites connai- tre les anxiĂ©tĂ©s et les infortunes que vous endurez. Nous en avons Ă©tĂ© pĂ©nĂ©trĂ©s d'une aussi grande peine que vous-mĂȘmes. L'avis des grands satrapes et rabbins est le sui- vant A ce que vous dites que le roi de France vous oblige Ă  vous faire chrĂ©tiens, faites-le, puisque vous ne pouvez faire autrement, mais que la loi de MoĂŻse se conserve en votre cƓur. c A ce que vous dites qu'on commande de vous dĂ©- pouiller de vos biens faites vos enfants marchands, afin que, peu Ă  peu, ils dĂ©pouillent les chrĂ©tiens des leurs. A ce que vous dites qu'on attente Ă  vos vies faites vos enfants mĂ©decins et apothicaires afin qu'ils ĂŽtent aux chrĂ©tiens leurs vies. A ce que vous dites qu'ils dĂ©truisent vos synago- guĂ©s, faites vos enfants chanoines et clercs, afin qu'ils dĂ©truisent leurs Ă©glises. A ce que vous dites qu'on vous fait bien d'au- trĂšs vexations faites en sorte que vos enfants soient avocats et notaires, et que toujours ils se mĂȘlent des araires des Etats, afin que, en mettant les chrĂ©tiens I — 363 — sous cotre joug^ vous dominiez le monde, et vous puissiez vous venger d'eux. Ne vous 'Ă©cartez pas de cet ordre que nous vous donnons, parce que vous verrez par expĂ©rience que, d'abaissĂ©s que vous ĂȘtes, vous arriverez au faĂźte de la puissance. V. S. S. V. F. F., prince des Juifs de Constanti- nople, le 21 de Casleu, 1489. » Dans l'ouvrage de Bonis, la premiĂšre de ces let- tres est Ă©crite en provençal, la seconde en langue es- pagnole. On a vu la raison que donne de l'emploi de cette derniĂšre l'auteur de la Royalle Couronne. La Re- vue des Ă©tudes juives a Ă©crit Ă  ce propos L'explication que Bonis essaye de donner de l'emploi de l'espagnol est peu exacte. La lettre de Constantinople est Ă©crite en espagnol tout simple- ment parce que l'espagnol est la langue maternelle des Juifs de Constantinople, comme la lettre des Juifs d'Arles Ă©tait Ă©crite en provençal parce que le provençal Ă©tait la langue maternelle des Juifs de Pro- vence. L'espagnol du xv^ et du xvi^ siĂšcle est encore aujourd'hui le langage courant des Juifs sur le lit- toral oriental de la MĂ©diterranĂ©e. » L'abbĂ© Chabauty donne encore une autre raison. C'est, dit-il, que la lettre de Constantinople, lettre circulaire des grands chefs de la nation, Ă©tait desti- nĂ©e aussi aux communautĂ©s juives d'Espagne. Il faut en effet noter ici que ces deux lettres avaient Ă©tĂ© dĂ©jĂ  imprimĂ©es, en 1583, Ă  Paris, par un gentil- homme Navarrais, nommĂ© Julien de Medrano, dans un ouvrage espagnol intitulĂ© La Silva curiosa. — 364 — Cet auteur faisait prĂ©cĂ©der la premiĂšre lettre d'une note dont voici la traduction La lettre suivante a Ă©tĂ© trouvĂ©e par le gardien de la bibliothĂšque de Salamanque dans les archives de TolĂšde, en cherchant les antiquitĂ©s du royaume d'Espagne. » Ce qui donnerait Ă  penser que les Juifs d'Espagne, sous le coup d'une nĂ©cessitĂ© semblable Ă  celle qui pesait sur les Juifs de Provence, s'Ă©taient eux aussi adressĂ©s aux Satrapes et Rabbins de Cons- tantinople. L'abbĂ© Chabauty s'est livrĂ© Ă  une discussion trĂšs serrĂ©e sur l'authenticitĂ© de ces lettres qui, comme bien on le pense, a Ă©tĂ© contestĂ©e par les intĂ©ressĂ©s. Ils n'en peuvent nier l'existence, mais ils les attri- buent Ă  quelques chrĂ©tiens faussaires de l'Ă©poque. Nous avons vu au cours de l'affaire Dreyfus, les faux commis par la dĂ©fense, le faux Panizzardi, par exem- ple. Le faux est l'arme naturelle de la sociĂ©tĂ© secrĂšte puisqu'il n'est autre chose qu'un mensonge, et que la sociĂ©tĂ© secrĂšte a pour base et pour arme naturelle le mensonge. L'auteur des Juijs nos maĂźtres^ montre comment la thĂšse du faux en ce qui concerne les deux documents ci-dessus, est insoutenable. Il ajoute Dans notre siĂšcle, cette vieille correspondance juive, malgrĂ© les multiples manuscrits espagnols, n'aurait guĂšre attirĂ© l'attention, Ă  l'exception peut-ĂȘtre de quelques rares Ă©rudits, si l'Europe, et l'on doit dire le monde entier, n'Ă©tait en ce moment en prĂ©sence d'une question juive de la plus haute gravitĂ©. De lĂ  ces piĂšces tirent une actualitĂ© singu- liĂšre et prennent une importance inattendue. — 365 — ; les .magistrats ont basĂ© leur arrĂȘt de rĂ©ha- bilitation sur un texte qui serait ainsi conçu Si l'annulation de l'arrĂȘt ne laisse rien subsister QUI PUISSE A LA CHARGE DU CONDAMNÉ ĂȘtre qualifiĂ© crime ou dĂ©lits aucun renvoi ne sera prononcĂ©. » On discute sur la portĂ©e de cette altĂ©ration. Nous n'avons pas Ă  entrer dans la discussion. Mais nous avons Ă  constater au point de vue de notre thĂšse 1° Que les plus hauts magistrats français ont in- troduit dans un arrĂȘt un texte inexistant, ce qui ne s'est peut-ĂȘtre jamais vu en aucun temps, ni en aucun pays. 2 cpruLiNons de comprendre un fait comme celui-lĂ  dans la situation oĂč se trouve la France, nous ne prenons pas le temps de rĂ©flĂ©chir Ă  toutes les con- ditions qu'une si Ă©tonnante crĂ©ation suppose. J'ai considĂ©rĂ©, moi aussi, pendant un certain temps, que l'Angleterre pouvait ĂȘtre l'initiatrice et la crĂ©atrice le la Franc-Maçonnerie. Certaines apparences se prĂȘtent si bien Ă  cette hypothĂšse ! Mais ce ne sont que des apparences. On s'en aperçoit lorsqu'on sup- pute froidement les conditions en l'absence desquelles il n'y aurait pas eu de Franc-Maçonnerie possible. Pour que l'hypothĂšse de M. Max Doumic se fĂ»t rĂ©a- lisĂ©e, des siĂšcles eussent Ă©tĂ© nĂ©cessaires. Or Bacon meurt en 1626. Jacques II est dĂ©trĂŽnĂ© en 1688. Il est certain qu'il y eut des loges parmi ses partisans. La fondation de ces loges n'a pu ĂȘtre que consĂ©cutive ;i celles du parti protestant... Donc les siĂšcles n'y sont' pas, LA CONDITION d'aptitudes. Les aptitudes, cette autre condition indispensable, ne s'y trouvent pas non plus. Il est dĂ©jĂ  bien extraordinaire que Bacon, dĂ©nuĂ© d'expĂ©rience en pareille matiĂšre dans l'hypothĂšse de* M. Max Doumic, Bacon n'a pas pratiquĂ© la sociĂ©tĂ© secrĂšte ; il s'est contentĂ© de la rĂȘver, il est bien ex- traordinaire, disons-nous, que l'auteur de la Nou- velle Atlantide ait prĂ©vu avec une si Ă©tonnante sĂ»retĂ© les conditions dans lesquelles seraient contraints d'agir ceux qui, plus tard, procĂ©deraient Ă  la prati- que. Il a parlĂ© sur ce sujet qu'il n'avait pas expĂ©ri- — 412 — mente et qu'on ne connaĂźt que par expĂ©rience ou par suggestions reçues comme s'il l'eĂ»t connu. Bien mieux, il a vu par avance les conditions dans les- quelles aurait Ă  manƓuvrer la dite sociĂ©tĂ© secrĂšte. Il rĂšgle le scĂ©nario du fond de son cabinet. Or les so- ciĂ©tĂ©s secrĂštes, nous l'avons montrĂ©, se constituent et se dĂ©veloppent de telle ou telle maniĂšre selon les nĂ©cessitĂ©s ambiantes, prĂ©cisĂ©ment parce qu'elles doi- vent s'adapter Ă  ces nĂ©cessitĂ©s par lesquelles elles sont dominĂ©es. La sĂ»retĂ© de prĂ©vision de l'inexpĂ©- rimentĂ© Bacon est bien invraisemblable. Voici qui l'est plus encore. DerriĂšre Bacon, simple thĂ©oricien, il y en avait d'autres Ă  qui les aptitudes Ă©taient absolument in- dispensables c'Ă©taient les politiques anglais qui, dans l'hypothĂšse de M. Max Doumic, furent les vrais met- teurs en scĂšne, ceux qui se heurtĂšrent aux difficultĂ©s pratiques. Ces aptitudes, oĂč ceux-lĂ  les auraient-ils prises? M. Max Doumic ne nous le dit toujours pas. Peut-ĂȘtre, aprĂšs l'exposĂ© que nous avons fait, quelqu'un sera-t-il tentĂ© de nous rĂ©pondre mais vous vous ĂȘtes chargĂ© de montrer oĂč les politiques anglais auraient pu acquĂ©rir les aptitudes nĂ©cessaires. C'est en frĂ©quentant les sociĂ©tĂ©s kabbalistes. Cette rĂ©ponse est parfaitement admissible. Mais elle appelle deux observations. D'abord les chefs des dites sociĂ©tĂ©s eussent Ă©tĂ© in- formĂ©s. Le propre de la sociĂ©tĂ© secrĂšte Ă©tant en ef- fet de dĂ©velopper l'esprit d'espionnage et d'en faci- liter les moyens, nul doute que ces chefs eussent — 413 — connu les projets de leurs adeptes, mĂȘme si ces der- niers s'Ă©taient efforcĂ©s de les leur cacher. Supposons toutefois que les Ă©lĂšves soient parve- nus Ă  tromper les maĂźtres. Ayant rĂ©ussi en cela, ils fussent demeurĂ©s impuissants pour tout le reste. On conçoit bien une entreprise comme celle de la RĂ©vo- lution française, par exemple, arrivant Ă  exĂ©cution grĂące Ă  l'effort de tout l'organisme maçonnique mis en mouvement par l'impulsion des inspirateurs se- crets qui occupent le point central oĂč aboutissent tous les fils de direction ; on ne voit pas cette mĂȘme entreprise menĂ©e Ă  bien par le seul effort de certains adhĂ©rents marchant en dehors de l'ensemble et, par consĂ©quent, devant trouver partout contre eux cet ensemble, s'il plait ainsi aux chefs occultes. Mais ce qu'il convient surtout d'observer, c'est que, dans toute sociĂ©tĂ© secrĂšte procĂ©dant d'autres sociĂ©tĂ©s du mĂȘme genre — comme Ă©taient les sociĂ©tĂ©s kabbalistes mi-juives, mi-chrĂ©tiennes issues des so- ciĂ©tĂ©s purement juives — chacun des initiĂ©s ne sait que ce qu'il a plu aux initiateurs de leur apprendre. C'est lĂ , en effet, le propre de l'initiation donnĂ©e elle est individuelle et personnelle; et elle demeure toujours telle par suite de la formation qui inspire Ă  chaque adhĂ©rent la religion fanatique du secret. En fait d'aptitudes Ă  la manipulation des sociĂ©tĂ©s secrĂš- tes, les adhĂ©rents chrĂ©tiens n'acquĂ©raient donc que celles qu'il plaisait au Pouvoir occulte juif de dĂ©ve- lopper Ă  chacun d'eux. Or il est bien Ă©vident qu'il ne leur communiquait que celles-lĂ  seulement qui Ă©taient utiles Ă  la rĂ©alisation de ses desseins. Il se — 414 — gardait bien de les rendre capables de marcher sans lui. On voit que dans l'hypothĂšse de l'origine anglaise de la Franc-Maçonnerie, tout aurait dĂ» se faire en dĂ©pit des impossibilitĂ©s. Nous ne trouvons de ce cĂŽtĂ© aucune des conditions qui doivent ĂȘtre rĂ©unies pour que naisse une sociĂ©tĂ© secrĂšte ni la nĂ©cessitĂ© qui crĂ©e l'atmosphĂšre indispensable, ni le temps, ni les apti- tudes. AUTRE CONDITION PREALABLE INDISPENSABLE. Il nous reste encore Ă  attirer l'attention du lecteur sur une considĂ©ration d'une portĂ©e maĂźtresse au point de vue qui nous occupe. L'organisme maçonnique tend, comme nous l'a- vons vu, Ă  Ă©tablir un gouvernement invisible. C'est donc que cette prĂ©occupation Ă©tait dominante chez ses fondateurs. Mais nous avons montrĂ© que la rĂ©a- lisation d'une telle donnĂ©e exigeait la prĂ©existence d'une autre sociĂ©tĂ© secrĂšte dans laquelle devaient ĂȘtre formĂ©s les intermĂ©diaires inconscients chargĂ©s d'agir pour le Pouvoir occulte qui, lui, Ă©tait condamnĂ© Ă  ne jamais paraĂźtre, Ă  user toujours d'influences individuelles soigneusement couvertes . Dans ces conditions, une question se pose La sociĂ©tĂ© secrĂšte prĂ©alable indispensable, l'Angleterre l'avait-elle Ă . sa disposition? Non ; elle ne l'avait pas. Elle ne l'avait pas par les raisons que nous avons dĂ©veloppĂ©es pour montrer que les sociĂ©tĂ©s secrĂštes — 415 — existant dans le monde chrĂ©tien antĂ©rieurement Ă  la Franc-Maçonnerie n'Ă©taient pas d'origine chrĂ©tienne. L'esprit de discipline religieuse se trouvait dans la nation anglaise comme dans toutes les nations chrĂ©- tiennes avant qu'elle se fĂ»t donnĂ©e au protestan- tisme. Les chrĂ©tiens anglais Ă©taient donc, autant que tous les autres, ennemis de la sociĂ©tĂ© secrĂšte en soi. C'est pourquoi si de telles sociĂ©tĂ©s ont existĂ© en An- gleterre avant le protestantisme, elles ne pouvaient ĂȘtre, comme celles dont on trouve les traces chez les autres peuples chrĂ©tiens que des sociĂ©tĂ©s d'origine non chrĂ©tienne, et par consĂ©quent juive ; elles ne pou- vaient donc avoir pour but la future constitution d'un Pouvoir occulte anglais. Lorsqu'Ă  lieu la constitution de l'Eglise anglicane, la situation devient tout autre, il est vrai. Alors le sol chrĂ©tien a reçu en Angleterre l'amendement nĂ©ces- saire pour que la semence de sociĂ©tĂ© secrĂšte y puisse germer, si elle est rĂ©pandue comme il convient. Mais qui rĂ©pand cette semence? C'est toujours le semeur juif. Lui seul a l'esprit tournĂ© vers cette maniĂšre d'a- gir, qu'il a faite sienne. Il est lĂ , comme il est ailleurs, toujours tenu en Ă©veil par son besoin de servir son idĂ©al national et par sa haine contre l'idĂ©al opposĂ©. Les yeux de ses fils sont ouverts partout. Par eux il est renseignĂ© sur tout, prĂȘt Ă  saisir toutes les occa- sions. Aussi nous sommes convaincu que des sociĂ©- tĂ©s secrĂštes composĂ©es de chrĂ©tiens ont existĂ© en An- gleterre avant qu'il en existĂąt en France, non parce que les documents l'Ă©tablissent — car nous n'avons aucune confiance dans les documents relatifs Ă  cette — 416 — question, Ă©manant tous de menteurs intĂ©ressĂ©s Ă  nous tromper — mais parce que cela tombe sous le sens. Nous ne faisons mĂȘme pas doute que des sociĂ©- tĂ©s de ce genre, inspirĂ©es par les sociĂ©tĂ©s juives, aient contribuĂ© Ă  la RĂ©volution anglaise. Ce qui se passe maintenant nous fait comprendre ce qui s'est passĂ© pour notre RĂ©volution ; et ce qui s'est passĂ© pour notre RĂ©volution doit nous rĂ©vĂ©ler ce qui s'est passĂ© pour la RĂ©volution anglaise. Nous sommes Ă©galement persuadĂ© que ces mĂȘmes sociĂ©tĂ©s, toujours inspirĂ©es par les sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives, ont ensuite jouĂ© un rĂŽle lors de la substitution de la monarchie protestante de Guillaume d'Orange Ă  la monarchie catholique de Jacques Stuart. Ce que nous savons de l'avĂšnement des Hohenzollern comme empereurs d'Allemagne au prĂ©judice des Habsbourg doit aussi nous renseigner sur ce qui a pu se passer deux siĂšcles plus tĂŽt. Le Pouvoir occulte juif ne pouvait pas ne pas agir alors, de mĂȘme qu'il ne peut pas ne pas agir mainte- nant. Son rĂŽle est en effet de servir l'idĂ©al de son peu- ple, comme c'est le rĂŽle de tout monarque de servir l'idĂ©al de la nation Ă  laquelle il commande. En somme, la genĂšse des sociĂ©tĂ©s secrĂštes fut en Angleterre ce qu'elle fut dans les autres pays chrĂ©- tiens d'abord sociĂ©tĂ©s purement juives ; ensuite so- ciĂ©tĂ©s mi-juives mi-chrĂ©tiennes; en troisiĂšme lieu, so- ciĂ©tĂ©s secrĂštes chrĂ©tiennes. Seulement, celles-ci, bien que constituĂ©es par des Anglais, n'obĂ©issaient pas ou n'obĂ©issaient que dans une mesure restreinte Ă  l'influence anglaise, de mĂȘme que notre Franc-Ma- — 417 — çonnerie, bien qu'elle soit composĂ©e de Français, n'o- bĂ©it pas Ă  une influence française. Elles procĂ©daient des sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives qui leur Ă©taient superposĂ©es, sans qu'elles s'en doutassent, comme les ateliers de hauts gradĂ©s sont supjrposĂ©s aux ateliers de bas gra- dĂ©s, et par consĂ©quent, elles ne pouvaient avoir pour objectif la constitution d'un futur Pouvoir occulte anglais. L'Angleterre n'avait donc pas la sociĂ©tĂ© secrĂšte prĂ©existante indispensable. Elle l'avait d'autant moins que cette premiĂšre so- ciĂ©tĂ© secrĂšte aurait dĂ» ĂȘtre instituĂ©e Ă  une Ă©poque assez reculĂ©e pour qu'au moment de la naissance de la Franc-Maçonnerie, ses membres eussent eu le temps d'acquĂ©rir l'expĂ©rience et l'habiletĂ© que dĂ©note la construction de l'organisme maçonnique. Quelle extraordinaire complication de la question 1 Une so- ciĂ©tĂ© secrĂšte qui naĂźt, non pas par l'effet d'une nĂ©ces- sitĂ©, mais tout exprĂšs pour enfanter une autre so- ciĂ©tĂ© secrĂšte, deux ou trois siĂšcles plus tard 1 Donc un politique anglais, comme Bacon, mais bien antĂ©rieu- rement Ă  lui, c'est-Ă -dire par consĂ©quent lorsqu'il n'y avait pas encore de protestantisme, aurait eu l'idĂ©e d'une pareille crĂ©ation ; ce politique aurait rĂȘvĂ© l'Ă©ta- blissement lointain d'un Pouvoir occulte mondial au profit de son pays ; il aurait eu action sur le gouver- nement auquel il aurait fait comprendre sa concep- tion et partager sa conviction... Mais qui donc au- rait pu imaginer Ă  la fois l'idĂ©e de la Maçonnerie des- tinĂ©e Ă  assurer dans un avenir indĂ©terminĂ© la domina- tion du monde Ă  l'Angleerre et l'idĂ©e de la sociĂ©tĂ© — 418 — secrĂšte destinĂ©e Ă  crĂ©er cette Maçonnerie? Qui, ayant assez creusĂ© le problĂšme pour se rendre compte par avance de la nĂ©cessitĂ© de ces deux crĂ©ations succes- sives, aurait encore eu la puissance de persuasion suf- fisante pour faire des adeptes en vue d'un but dont la rĂ©alisation comportait un tel dĂ©tour? Qui, rassem- blant en sa personne cette force de rĂ©flexion et cette puissance de persuasion eĂ»t avec cela disposĂ© du nom- bre d'annĂ©es qui Ă©taient nĂ©cessaires pour qu'il rendit une telle crĂ©ation capable de durer aprĂšs lui? Qui enfin, la premiĂšre crĂ©ation accomplie, eĂ»t Ă©tĂ© capable de recruter dans tous les pays les concours nĂ©ces- saires pour que partout les premiĂšres loges se soient un jour trouvĂ©es fondĂ©es avec la facilitĂ© que nous savons ? Tout cela est Ă©videmment impossible. Et encore n'avons-nous pas envisagĂ© une autre impossibilitĂ© celle de la transmission et de l'exĂ©cution d'un pareil plan malgrĂ© les bouleversements rĂ©sultant de la rĂ©- volution religieuse opĂ©rĂ©e par Henri Mil, de celle de 1648 et de celle de 1688. En somme, l'auteur du Secret de la Franc-Maçon- nerie a tout simplement supposĂ© rĂ©solu le problĂšme de l'introduction d'une sociĂ©tĂ© secrĂšte dans le monde chrĂ©tien, alors que la solution d'un tel problĂšme est tout ce qu'il y a au monde de plus compliquĂ©, alors que lĂ  rĂ©side le vrai secret qu'il s'agit de pĂ©nĂ©trer. Lorsqu'on saisit la question corps Ă  corps, on s'a- perçoit que le rassemblement de toutesles conditions prĂ©alables indispensables Ă©tait impossible du cĂŽtĂ© an- glais, tandis qu'au contraire, nous l'avons montrĂ©, ces — 419 — conditions se trouvaient remplies naturellement et par le fait des circonstances qui caractĂ©risent si par- ticuliĂšrement la destinĂ©e du peuple juif. LĂ , les sociĂ©tĂ©s secrĂštes dont l'existence devait prĂ©cĂ©der l'enfantement de la Franc-Maçonnerie telle que nous la voyons, Ă©taient la consĂ©quence de la si- tuation si extraordinaire oĂč s'Ă©tait trouvĂ©e la nation depuis tant de siĂšcles. Par cela mĂȘme, tout le travail de gestation Ă©tait fait en raison du cours mĂȘme des choses. Et l'on irait chercher les inventeurs de la Franc- Maçonnerie lĂ  oĂč tant de difficultĂ©s, tant d'impossibi- litĂ©s se rencontrent, au lieu de les prendre lĂ  oĂč la crĂ©ation de cette association apparaĂźt comme la con- sĂ©quence naturelle des faits existants ! Au lieu de reconnaĂźtre qu'une taupe doit avoir pour mĂšre une taupe, on s'ingĂ©nierait Ă  se persuader qu'elle est nĂ©e d'un brochet ! Non ! La logique n'est pas lĂ . La vĂ©ritĂ© ne saurait donc y ĂȘtre non plus. CHAPITRE XIX Le vrai rĂŽle de l'Angleterre. L INTERMEDIAIRE INDISPENSABLE. L'Angleterre ne serait-elle donc pour rien dans l'enfantement de la Franc-Maçonnerie? Gardons-nous de le croire. DouĂ© d'une puissance de rĂ©flexion remarquable, M. Max Doumic a pu se laisser tromper par certaines apparences parce que, trop nouveau venu dans la question maçonnique lorsqu'il Ă©crivait son ouvrage, il a tranchĂ© avant d'avoir examinĂ© le problĂšme sous toutes ses faces. Toutefois. si un esprit comme le sien est restĂ© fixĂ© sur les agissements anglais, c'est qu'il y avait bien quelque chose de ce cĂŽtĂ©. Il y avait mĂȘme beaucoup. Car le rĂŽle jouĂ© par l'An- gleterre fut tellement important qu'Ă  dĂ©faut d'elle, il eĂ»t absolument fallu que quelque autre le remplĂźt. Sans cela il n'y aurait eu ni Franc-Maçonnerie ni Pou- voir occulte. Quel fut ce rĂŽle? Le lecteur l'a dĂ©jĂ  compris. L'An- gleterre fut l'intermĂ©diaire dont le gouvernement se- cret de la nation juive ne pouvait se passer. Celui-ci, nous l'avons sufTisamment f ait comprendre, Ă©tait obligĂ© de ne jamais paraĂźtre en quelque circons- tance que ce fĂ»t. Il lui fallait donc trouver un agent ; et comme l'Ɠuvre Ă  accomplir Ă©tait immense, l'agent — 421 — en question devait ĂȘtre une vĂ©ritable puissance dans le monde chrĂ©tien. Il Ă©tait en mĂȘme temps nĂ©cessaire que cet agent dĂ©sirĂąt ardemment l'abaissement des nations catholiques. L'Angleterre Ă©tait bien dans la situation voulue. Mais comment la faire marcher? Puisque le gouvernement secret juif ne pouvait se laisser voir, il n'avait qu'un moyen Ă  sa disposi- tion, toujours le mĂȘme c'Ă©tait de mettre en mouve- ment les influences individuelles soigneusement couvertes ». Or, ce lui Ă©tait facile, ainsi que nous avons eu occasion de l'indiquer, grĂące aux sociĂ©tĂ©s kabba- listes. Nous savons maintenant ce qu'une sociĂ©tĂ© secrĂšte composĂ©e de groupes superposĂ©s peut faire du cer- veau de ses adhĂ©rents ; comment elle peut le modi- fier Ă  sa convenance parce qu'elle a le loisir de se li- vrer sans danger Ă  des essais, fussent-ils infructueux, sur certains sujets et de recommencer sur d'autres jusqu'Ă  ce qu'elle rencontre ceux dont elle a besoin. Cela Ă©tant, et une fois son plan conçu, le gouverne- ment secret juif n'avait qu'Ă  lancer ses Ă©missaires, conscients ou inconscients, initiĂ©s ou simples sugges- tionnĂ©s, avec mission d'attirer dans les sociĂ©tĂ©s kab- balistes des politiques anglais ou des hommes dispo- sant d'influence sur certains d'entre eux. C'est tou- jours ainsi que procĂšde le Pouvoir occulte. N'avons- nous pas expliquĂ© comment, depuis quelques annĂ©es, il avait fait entrer dans la Maçonnerie ceux qu'il vou- lait y voir les officiers et les professeurs ? — 422 — En agissant ainsi le Pouvoir occulte ne devait pas avoir de peine Ă  trouver, pourvu qu'il y mit le temps voulu, certains hommes en situation de lancer l'idĂ©e de la sociĂ©tĂ© secrĂšte composĂ©e de protestants. Cette idĂ©e, que nous ne nous expliquions guĂšre tout Ă  l'heure naissant ex abrupto dans l'esprit de Bacon, elle a pu au contraire, y ĂȘtre apportĂ©e avec la plus grande facilitĂ©, soit que Bacon fĂ»t initiĂ© Ă  une sociĂ©tĂ© kabbaliste, soit qu'il eĂ»t autour de lui des initiĂ©s trans- metteurs de la suggestion. Qu'on y songe ! Cette sociĂ©tĂ© que nous peint l'au- teur de la Nouvelle Atlantide et sur laquelle M. Max Doumic se livre aux rĂ©flexions trĂšs judicieuses que nous avons rapportĂ©es, est-ce qu'elle ne nous reprĂ©- sente pas bien les conditions si particuliĂšres de l'exis- tence de la nation juive? Les Ă©trangers sont tenus Ă  l'Ă©cart... Il ne leur est pas permis de se mĂȘler au peu- ple..., ni de rien pĂ©nĂ©trer de sa vie ou de ses institu- tions... Le gouçernement prend un soin jaloux, tout en se renseignant trĂšs exactement sur les autres na- tions, de leur cacher jusqu'Ă  son existence... » Le Temple de Salomon envoie Ă  l'Ă©tranger des frĂšres chargĂ©s de rapporter des renseignements sur les affaires des autres peuples, et rendre compte de leur situation. Ces frĂšres » emportent de fortes sommes d'argent, pour se procurer ces renseigne- ments dans les pays oĂč ils sĂ©journent et payer lar- gement les personnages qu'il y a lieu de payer Ă  cet effet... » Est-ce que ce ne sont pas lĂ  les moyens pour l'in- vention et pour l'emploi desquels les Juifs Ă©taient — 423 — spĂ©cialement douĂ©s en raison de leur passĂ©, de leur caractĂšre, de leur situation et de leurs aptitudes? Et la connaissance en est rĂ©vĂ©lĂ©e et la suggestion en est donnĂ©e aux politiques anglais de maniĂšre Ă  ce qu'ils ne puissent supposer qu'il existe un autre gou- vernement qui met ces moyens en pratique. Que faut-il pour que l'idĂ©e soit ainsi dĂ©posĂ©e dans leurs cerveaux? Il suffĂźt de quelques suggestions je- tĂ©es dans les groupes kabbalistes ouverts aux pro- testants anglais. Est-ce que cette maniĂšre de faire n'est pas prĂ©cisĂ©- ment celle que nous voyons reproduite journellement Ă  notre Ă©poque par la Franc-Maçonnerie? Nous pouvons en ĂȘtre certains si ce n'eĂ»t Ă©tĂ© Ba- con qui consentit Ă  exposer l'idĂ©e, c'eĂ»t Ă©tĂ© un autre politique anglais. Il faut remarquer qu'on la trouve dans les papiers du chancelier, cette idĂ©e. Avons-nous la preuve qu'elle soit bien de lui? N'a-t-elle pas Ă©tĂ© glissĂ©e subrepticement parmi d'autres Ă©crits? C'est encore lĂ  un procĂ©dĂ© que nous avons vu employĂ© plus d'une fois... Peu importe d'ailleurs ; car, nous le rĂ©- pĂ©tons, si ce n'eĂ»t Ă©tĂ© Bacon, c'eĂ»t Ă©tĂ© un autre. C'est ainsi que la suggestion devait ĂȘtre insinuĂ©e au monde politique anglais pour que le Pouvoir occulte juif ne fĂ»t pas dĂ©couvert. Il Ă©tait indispensable qu'elle fĂ»t d'abord versĂ©e dans l'esprit d'un homme marquant pour passer de lĂ  dans d'autres, de mĂȘme que pour la formule le clĂ©ricalisme, voilĂ  l'ennemi ! il Ă©tait indis- pensable qu'elle passĂąt par les lĂšvres de Gambetta pour ĂȘtre rĂ©pĂ©tĂ©e par des milliers de bouches. Peut-ĂȘtre fallait-il du temps pour trouver l'homme. — 424 — LĂ  Ă©tait la seule difficultĂ©. Mais le temps, on l'avait. Une fois le choix fait, tout le travail qui eĂ»t Ă©tĂ© impos- sible dans le cas de l'origine purement anglaise de la Franc-Maçonnerie devait s'accomplir pour ainsi dire tout seul, grĂące aux suggestions qui Ă©taient jetĂ©es dans les sociĂ©tĂ©s kabbalistes. Des discussions s'ou- vraient sur ce sujet dans les dites sociĂ©tĂ©s. Ceux des politiques anglais qui y frĂ©quentaient Ă©taient travail- lĂ©s comme il convenait, selon les mĂ©thodes que nous savons employĂ©es, et c'est eux qui faisaient la for- tune de l'idĂ©e exposĂ©e par Bacon, comme nos francs- maçons firent la fortune du cri de guerre poussĂ© par Gambetta. L'heure venue, des statuts qui Ă©taient tout prĂȘts, comme sont toutes prĂȘtes les lois antireli- gieuses actuellement enregistrĂ©es aprĂšs un semblant de dĂ©libĂ©ration par notre parlement, Ă©taient soi-di- sant Ă©laborĂ©s par quelques-uns des politiques, de con- cert avec un ou deux reprĂ©sentants du Pouvoir oc- culte. Les influences individuelles soigneusement couvertes » et encore plus soigneusement choisies proposaient les dits statuts Ă  qui il fallait pour qu'ils arrivassent dans les rĂ©gions gouvernementales. Ils y Ă©taient prĂ©sentĂ©s accompagnĂ©s des commentaires nĂ©cessaires pour qu'on se rendit compte en haut lieu de l'utilitĂ© de la future sociĂ©tĂ© au point de vue pro- testant et tout particuliĂšrement au point de vue an- glais. Inutile d'ajouter que ces commentaires Ă©taient ce qu'il fallait pour que fĂ»t dissimulĂ©e autant qu'il convenait la lĂąchetĂ© du procĂ©dĂ© proposĂ© contre les nations catholiques. Quant Ă  ceux qui les dĂ©velop- paient, ils se montraient d'autant plus Ă©loquents — 425 — que, grĂące au travail de suggestion accompli par le Pouvoir occulte, ils Ă©taient des convaincus, comme sont nos anticlĂ©ricaux d'aujourd'hui... Ce sont les sug- gestions rĂ©pandues dans les groupes kabbalistes qui rendaient tout facile, tandis que sans ces suggestions rien n'Ă©tait possible. Le mode d'action que nous indiquons lĂ , c'est celui que nous savons maintenant avoir Ă©tĂ© employĂ© de- puis cent cinquante ans dans la Franc-Maçonnerie. N'est-il pas logique d'admettre que, s'il s'y trouve, c'est parce que les fondateurs l'y ont mis, et que s'ils l'y ont mis, c'est parce qu'ils en avaient l'habitude? Une prĂ©caution Ă©tait Ă  prendre il ne fallait pas que les premiers transmetteurs de l'idĂ©e dans le monde profane fussent connus comme affiliĂ©s aux sociĂ©tĂ©s secrĂštes kabbalistes. Mais lĂ  encore, ce qui se passe de nos jours ne nous est-il pas une indication suffisante de ce qui a pu se passer alors? Ne savons-nous pas la tournure d'esprit trĂšs particuliĂšre qu'acquiĂšrent les membres des sociĂ©tĂ©s secrĂštes et le souci perpĂ©tuel qu'ils ont de cacher les initiations qu'ils ont reçues? Les hauts gradĂ©s se taisent vis-Ă -vis des maçons des bas grades. Ceux-ci, de leur cĂŽtĂ©, crĂ©ent des sous- maçonneries sans laisser voir la main de la Ma- çonnerie »... Pourquoi donc les protestants kabba- listes, soumis Ă  la mĂȘme Ă©ducation, auraient-ils eu moins de discrĂ©tion ? Pour mieux se couvrir, pour Ă©teindre tout soup- çon dans l'esprit de ces collaborateurs inconscients et dans celui des politiques avec le concours desquels ceux-ci devaient fonder les premiĂšres loges, le Pouvoir — 426 — occulte juif avait intĂ©rĂȘt Ă  leur suggĂ©rer que celles-ci ne devaient ĂȘtre ouvertes qu'aux seuls chrĂ©tiens et qu'il fallait en exclure rigoureusement les Juifs. Il avait intĂ©rĂȘt Ă  cela, disons-nous, et il ne courait au- cun risque Ă  procĂ©der ainsi, puisque les vrais inspira- teurs des futures loges continueraient d'ĂȘtre façon- nĂ©s, hypnotisĂ©s dans les sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives dont ils faisaient partie, et puisque, d'autre part, l'effet inĂ©vitable des doctrines qu'on leur ferait prĂȘcher se- rait l'admission future des Juifs, non seulement dans cette Maçonnerie qu'ils ne se fermaient momentanĂ©- ment que pour mieux se l'ouvrir par lasuite,mais aussi dans ce monde chrĂ©tien qu'ils ne pouvaient dĂ©truire qu'Ă  condition de le pĂ©nĂ©trer? GrĂące Ă  cette derniĂšre prĂ©caution, l'autoritĂ© poli- tique anglaise devait ĂȘtre fatalement entraĂźnĂ©e. Con- vaincue que la SociĂ©tĂ© naissante ne pouvait favori- ser qu'un seul intĂ©rĂȘt celui de l'Angleterre, si celle-ci se mettait Ă  la tĂȘte du mouvement, le Pouvoir poli- tique anglais fut tout naturellement tentĂ© d'adop- ter l'idĂ©e que le Pouvoir occulte lui faisait suggĂ©rer par ses intermĂ©diaires. EĂ»t-il hĂ©sitĂ©? Il avait Ă  crain- dre — et on le lui devait faire comprendre — que cette idĂ©e ne fĂ»t exploitĂ©e par d'autres. Comment n'eĂ»t-il pas marchĂ©? Le succĂšs de la machination devait ĂȘtre facilitĂ© par la circonstance suivante. Avant que l'Angleterre protestante eĂ»t Ă  utiliser l'association maçonnique contre les nations catholi- ques, elle dut traverser une pĂ©riode de luttes entre protestants et catholiques anglais. Le Pouvoir oc- — 427 — culte juif n'eut donc pas tout d'abord Ă  tromper la perspicacitĂ© des chefs de la nation. II put profiter du dĂ©sordre causĂ© par les divisions religieuses pour glis- ser l'orgnisation secrĂšte dans le parti protestant an- glais. C'Ă©tait pour celui-ci une arme toute trouvĂ©e contre le parti catholique. Et quelle arme innocente ! Un simple instrument de propagande religieuse... On s'expliquerait, grĂące Ă  cela, les succĂšs de Crom- well et, plus tard, l'avĂšnement de Guillaume d'Orange, de la mĂȘme maniĂšre que s'explique le triomphe des utopistes et des phraseurs qui firent notre RĂ©volu- tion. Une fois assurĂ© le succĂšs du parti protestant, les politiques anglais s'efforcĂšrent de rĂ©pandre la Franc- Maçonnerie dans le monde entier. Ils en furent les propagateurs. Ils fondĂšrent partout des loges avec d'autant plus de facilitĂ© que partout se trouvaient, non seulement des protestants qui sentaient leur idĂ©al religieux favorisĂ© par celui qui Ă©tait proposĂ© dans la dĂ©claration de principes, mais aussi et surtout de ces chrĂ©tiens dĂ©christianisĂ©s, protes- tants ou non, initiĂ©s aux sociĂ©tĂ©s kabbalistes. Ceux- ci, suggestionnĂ©s dans cette vue et prĂ©parĂ©sĂ  jouer ce rĂŽle, entraient dans les loges pour y transmettre les suggestions dont ils avaient Ă©tĂ© prĂ©alablement im- prĂ©gnĂ©s et ils mettaient ainsi les groupes maçonni- ques fondĂ©s par les Anglais sous l'inspiration des grou- pes juifs. Il s'Ă©tablissait de cette maniĂšre une situa- tion comparable Ă  celle qui existe dans les loges entre l'autoritĂ© administrative et l'autoritĂ© inspiratrice. Les officiers des loges reprĂ©sentent la premiĂšre, tandis — 428 — que les hauts gradĂ©s reprĂ©sentent la seconde; mais, en raison du but de la Franc-Maçonnerie, c'est l'autoritĂ© inspiratrice seule qui compte. Les Anglais fondaient des loges; ils les adminis- traient ; mais en fait, ils constituaient simplement ainsi des milieux chrĂ©tiens dont ils livraient les Ă©lĂ©- ments Ă  l'action juive. Par les intermĂ©diaires qu'il introduisait dans ces loges, le Pouvoir occulte com- mençait dĂšs lors la pyramide de sociĂ©tĂ©s secrĂštes que nous avons montrĂ©e dans le Pouvoir occulte contre la France^ grĂące Ă  laquelle les derniers des ateliers ma- çonniques et, par eux, le monde chrĂ©tien, sont mis sous l'inspiration du gouvernement national juif. En agissant ainsi, les politiques anglais attentaient Ă  l'existence de la chrĂ©tientĂ© toute entiĂšre, puisqu'ils propageaient une sociĂ©tĂ© qui, en certain pays, devait tendre, dans leur pensĂ©e, Ă  la destruction de la mo- rale chrĂ©tienne. Il y avait lĂ  une vĂ©ritable trahison. Sans doute le Pouvoir occulte se jouait d'eux ; et ce lui Ă©tait facile en raison de l'expĂ©rience qu'il avait des sociĂ©tĂ©s secrĂštes. N'avoir pas reculĂ© devant les ravages qu'ils attendaient de l'action antichrĂ©tienne de la Maçonnerie n'en est pas moins un crime Ă  la charge de ceux dont nous parlons. Jusqu'Ă  quel point Ă©taint-ils conscients, au dĂ©but, de la gravitĂ© possible de ces ravages ? D'autre part, Ă  quelle heure se sont-ils aperçus que l'arme empoisonnĂ©e dont ils frappaient traĂźtreusement les nations catholiques leur Ă©tait fournie par le peuple qui est restĂ© depuis dix-neuf cents ans l'im- placable ennemi de ce Christ devant lequel ils s'age- — 429 — nouillent? Depuis quand ont-ils acceptĂ©, en connais- sance de cause, une pareille collaboration contre une partie de la chrĂ©tientĂ©? Ce sont lĂ  des questions dont la rĂ©ponse, si elle pou- vait ĂȘtre faite, alourdirait ou attĂ©nuerait leurs respon- sabilitĂ©s. LA SEULE CONCLUSION LOGIQUE. Ainsi qu'on le voit, la thĂ©orie de l'origine juive de la Franc-Maçonnerie n'est nullement entamĂ©e par les objections qu'on lui oppose et que croient irrĂ©fu- tables ceux-lĂ  seuls qui n'ont pas su discerner toute la complexitĂ© de la question maçonnique. Elle explique sans aucune difficultĂ© que les fonda- teurs des premiĂšres loges dans presque tous les pays soient des Anglais. Elle expliquerait Ă©galement que presque partout, et mĂȘme partout, si c'Ă©tait prouvĂ© — mais ça ne l'est pas — les Juifs aient Ă©tĂ© exclus de ces premiĂšres loges. Ils n'en avaient pas moins la direction des choses de la Maçonnerie par l'intermĂ©- diaire des mauvais chrĂ©tiens affiliĂ©s Ă  leurs groupe- ments secrets juifs, de mĂȘm€ qu'aujourd'hui le Pou- voir occulte a la main partout dans les loges, de mĂȘme que la Maçonnerie a la main dans les sous-maçonne- ries. Elle explique Ă©galement que la politique maçon- nique se soit montrĂ©e presque constamment favora- ble Ă  la politique anglaise. Le Pouvoir occulte juif a bien Ă©tĂ© obligĂ© de favoriser la nation qui lui ser- vait de courtiĂšre. Il y eut d'ailleurs presque toujours — 430 — intĂ©rĂȘt, puisque la puissance catholique, l'ennemie qu'il lui fallait d'abord abattre, se trouvait affaiblie d'autant. Elle permet en outre de comprendre certains faits que n'explique pas l'hypothĂšse de l'origine anglaise par exemple le dualisme qui se fait voir Ă  certaines heures dans l'organisme maçonnique et sur lequel nous aurons Ă  revenir ; par exemple encore, la suc- cession des quatorze batailles parlementaires qui ont Ă©tĂ© livrĂ©es dĂšs le dĂ©but de la RĂ©volution au sein de la Constituante pour que les Juifs fussent dotĂ©s des mĂȘmes droits civils et politiques que tous les Fran- çais, alors que ceux-ci n'acquĂ©raient pourtant pas en Ă©change la qualitĂ© de Juifs. De telle sorte que la fameuse charte des Droits de l'Homme apparaĂźt Ă  ceux qui y regardent d'un peu prĂšs comme ayant Ă©tĂ© inventĂ©e Ă  seule fin d'en dissimuler une autre qu'on voulait imposer au monde sans la formuler la charte des Droits du Juif. La thĂ©orie de l'origine juive, telle que nous ve- nons de l'exposer, se recommande encore d'une fa- çon particuliĂšre en ce qu'elle Ă©claire deux faits qui ne s'expliquent pas sans elle le maintien de la nationa- litĂ© juive Ă  travers les siĂšcles et l'existence des sociĂ©- tĂ©s secrĂštes du moyen Ăąge. Il serait vraiment extraor- dinaire qu'une thĂ©orie fausse s'adaptĂąt ainsi Ă  des faits historiques si importants et si incomprĂ©hensi- bles jusqu'ici. D'autre part, ainsi que nous l'avons fait remarquer, c'est en Ă©tudiant la structure et les caractĂšres des individus qu'on les classe et qu'on leur assigne une origine en histoire naturelle. Ce procĂ©dĂ© — 431 — scientifique appliquĂ© Ă  la question dont nous nous oc- cupons, condamne l'origine anglaise et conduit au contraire Ă  l'origine juive de la Maçonnerie, car les mĂ©thodes maçonniques sont essentiellement des mĂ©- thodes juives, et le caractĂšre maçonnique ressemble au caractĂšre juif comme le nez d'un LĂ©vy ressemble Ă  celui d'un Dreyfus. La thĂšse de l'origine juive fait mĂȘme comprendre les raisons pour lesquelles il peut y avoir des parti- sans de l'origine anglaise. Elle nous montre le ma- chiavĂ©lisme des moyens employĂ©s pour conduire ceux- ci Ă  l'opinion par eux adoptĂ©e, — machiavĂ©lisme qu'on rencontre d'ailleurs partout dans la Franc- Maçonnerie et qui est si bien en rapport avec le caractĂšre et avec la situation de la nation juive dans le monde depuis dix-huit siĂšcles. La thĂšse de l'origine juive contient donc pour ainsi dire en elle la thĂšse de l'origine anglaise. Elle l'expli- que. Elle l'Ă©clairĂ©. Elle la complĂšte, en nous mon- trant l'Ă©lĂ©ment juif rĂȘvant, concevant, prĂ©parant la Maçonnerie, mais la faisant propager par l'Ă©lĂ©ment anglais. Dans ces conditions on reconnaĂźtra qu'elle se prĂ©sente singuliĂšrement armĂ©e. Le fait de l'Ă©tablissement parmi les nations des co- lonies juives qui ont refusĂ© de se fondre dans ces na- tions, qui ont conservĂ© leur constitution et leur per- sonnalitĂ©, qui ont ainsi jouĂ© le rĂŽle de parasites ac- crochĂ©s Ă  la peau des peuples, ce seul fait contient en lui le germe de toutes les phases de la gestation et de l'enfantement de l'Ă©tonnante et immense crĂ©ation maçonnique. — 432 — Un tel point de dĂ©part existant, il est impossible que les colonies juives ne se soient pas constituĂ©es en sociĂ©tĂ©s secrĂštes et qu'elles n'aient pas Ă©tĂ© reliĂ©es par un gouvernement secret. Impossible Ă©galement que ces sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives qui n'ont pu se maintenir que par l'amour de leur idĂ©al religieux et national, n'aient pas Ă©tĂ© ten- tĂ©es d'agir contre l'idĂ©al chrĂ©tien dont le triomphe impliquait l'effacement du leur. Impossible que, rĂ©duites Ă  l'impuissance d'atta- quer ouvertement puisqu'elles Ă©taient les plus faibles, elles n'aient pas cĂ©dĂ© au dĂ©sir d'attaquer secrĂšte- ment. Impossible que, de dĂ©fensives qu'on peut les sup- poser au dĂ©but, elles ne soient pas ainsi devenues of- fensives. Impossible qu'elles n'aient pas essaimĂ© pour pro- duire les moyens d'action dont elles avaient besoin, c'est-Ă -dire des sociĂ©tĂ©s secrĂštes tendant spĂ©ciale- ment Ă  la dĂ©tĂ©rioration du bloc chrĂ©tien en attendant qu'elles fussent en Ă©tat de tendre Ă  sa complĂšte dĂ©sagrĂ©gation. Impossible que ces sociĂ©tĂ©s secrĂštes de combat n'aient pas cherchĂ© et rĂ©ussi Ă  attirer Ă  elles les trans- fuges chrĂ©tiens. Impossible qu'elles n'aient pas songĂ© Ă  profiter de la grande dislocation produite par la rĂ©forme. Impossible qu'elles ne se soient pas modifiĂ©es ou qu'elles n'aient pas de nouveau essaimĂ© selon ce qu'exigeait cette nouvelle circonstance. Impossible que, filles des sociĂ©tĂ©s secrĂštes pure- — 433 — ment juives, elles n'aient pas essayĂ© d'enfanter Ă  leur tour des sociĂ©tĂ©s secrĂštes purement chrĂ©tiennes qui ne s'ouvriraient que plus tard aux Juifs, en mĂȘme temps que le monde chrĂ©tien lui-mĂȘme. Pour que les choses se soient passĂ©es autrement que nous les avons montrĂ©es, il faudrait que les Juifs fussent en dehors des lois de la nature, par consĂ©- quent au-dessus d'elles. Quel est celui de leurs par- tisans qui osera soutenir une pareille opinion? AprĂšs avoir considĂ©rĂ© comme point de dĂ©part le fait initial que nous venons de dire et qui ne pouvait pas ne pas engendrer ses consĂ©quences, si nous consi- dĂ©rons maintenant le fait actuel maçonnique qui ne peut pas ne pas avoir sa cause, nous nous trouvons Ă©galement en prĂ©sence d'un certain nombre d'impos- sibilitĂ©s qui ne peuvent ĂȘtre rĂ©solues que dans l'hy- pothĂšse de l'origine juive. Il est impossible en effet que la Franc-Maçonnerie n'ait pas un crĂ©ateur, et impossible que ce crĂ©ateur ne soit pas Ă  la fois sĂ©culaire et universel comme sa crĂ©ation elle-mĂȘme. Le peuple juif est l'un et l'autre, et il n'y a que lui qui soit tel. Impossible que ce crĂ©ateur n'ait pas disposĂ© au mo- ment de la crĂ©ation de la Franc-Maçonnerie de moyens de communication s'Ă©tendant partout et de moyens d'action embrassant toutes les contrĂ©es. Le peuple juif possĂ©dait les uns et les autres, il Ă©tait seul Ă  les possĂ©der. Impossible qu'un organisme qui n'a de raison d'ĂȘ- tre que s'il tend Ă  Ă©tablir la possibilitĂ© d'un Pouvoir — 434 — occulte, ait Ă©tĂ© créé en l'absence d'une organisation secrĂšte prĂ©existante ayant le moyen d'agir partout sans se laisser voir nulle part. Le peuple juif possĂ©dait l'organisation en question et il Ă©tait seul Ă  la possĂ©der. Impossible que le crĂ©ateur de la Franc-Maçonne- rie n'ait pas Ă©tĂ© dominĂ© par une haine acharnĂ©e et particuliĂšrement tenace contre le Catholicisme. Le peuple juif Ă©tait incitĂ© Ă  cette haine par des rai- sons de situation, d'intĂ©rĂȘt et de sentiment. Impossible que le crĂ©ateur de la Franc-Maçonnerie ne fĂ»t pas Ă©tonnamment apte au mensonge, Ă  l'ob- sĂ©quiositĂ©, Ă  l'hypocrisie ; impossible surtout qu'il ne fĂ»t pas douĂ© d'une patience, d'une subtilitĂ© et d'une tĂ©nacitĂ© prodigieuses. Mensonge, obsĂ©quiositĂ©, hypocrisie, patience, sub- tilitĂ©, tĂ©nacitĂ©, le peuple juif a Ă©tĂ© incitĂ© sĂ©culaire- ment Ă  tout cela par les circonstances de sa vie. Impossible enfin que le crĂ©ateur de la Franc-Ma- çonnerie ne fĂ»t pas dominĂ© comme tous les conspi- rateurs par un sentiment national ou religieux. La race juive est dominĂ©e depuis dix-huit cents ans par le sentiment religioso-national auquel elle doit sa persistance comme peuple, et ce sentiment a Ă©tĂ© d'autant plus surexcitĂ© qu'il Ă©tait plus contredit, plus humiliĂ©, plus Ă©crasĂ© par le triomphe du prin- cipe chrĂ©tien. Cette race avait Ă  se venger contre les races chrĂ©tiennes de la tache ineffaçable imprimĂ©e Ă  son front par la trahison de Judas et par le supplice du Juste. Contre ces races, elle Ă©tait, par situation, la race Ă©ternellement conspiratrice. Elle devait donc — 435 — jeter au milieu d'elles l'instrument d'Ă©ternelle cons- piration. Donc, une cause historique est lĂ  la race juive, qui ne peut pas ne pas avoir produit d'effet. Et, d'au- tre part, un effet historique est lĂ , lui aussi la Franc- Maçonnerie, qui ne peut pas ne pas avoir sa cause. Cause et effet tendent leurs bras Ă  travers l'histoire, l'effet demandant sa cause, la cause demandant son effet. L'effet ressemble Ă  la cause comme un fils res- semble Ă  sa mĂšre. Tous deux rapprochĂ©s, s'adaptent, se juxtaposent, coĂŻncident exactement. Et l'on refu- serait de reconnaĂźtre qu'ils s'appartiennent? PlutĂŽt que de les rassembler comme la logique et la raison veulent qu'ils le soient, on prĂ©fĂ©rerait les laisser de- mander Ă©ternellement, l'un son besoin de cause, l'au- tre son besoin d'effet...? Soit ! Mais alors il faut dĂ©clarer que la logique doit ĂȘtre systĂ©matiquement Ă©cartĂ©e du sujet qui nous occupe. Nous disons, nous, que si Dieu nous a donnĂ© une raison, c'est pour que nous nous en servions ; et nous proclamons comme seule conclusion possible Le Pouvoir occulte qui a rĂȘvĂ©, prĂ©parĂ©, engendrĂ© la Franc-Maçonnerie, qui l'a propagĂ©e dans tout le monde chrĂ©tien grĂące aux politiques anglais, qui par elle domine aujourd'hui ce monde chrĂ©tien et le con- duit tout entier Ă  sa perte, en commençant par les nations catholiques mais en se rĂ©servant de finir par les nations protestantes qui collaborent avec lui, c'est le GOUVERNEMENT SECRET DE LA NA- TION JUIVE. — 436 — Mais nous ajoutons, d'accord en cela avec ceux qui ont cru jusqu'ici Ă  l'origine anglaise, que ce gouver- nement secret de la nation juive est loin d'ĂȘtre seul Ă  disposer des forces maçonniques. Il a des concur- rents et la puissance de ceux-ci grandit tous les jours Ă  mesure que grandit leur expĂ©rience de la sociĂ©tĂ© secrĂšte. Nous aurons bientĂŽt Ă  envisager ce cĂŽtĂ© de la ques- tion et Ă  constater la situation qui en rĂ©sulte pour nous. CINQUIÈME PARTIE Le plan juif. Les obstacles qu'il rencontre, rsios moyens de combat. CHAPITRE XX Gomment le rĂȘve de la domination du monde se prĂ©sente Ă  lesprit du juif et sous quelle forme. LA DOMINATION DU MONDE. Jusqu'ici, le lecteur le reconnaĂźtra, toutes les par- ties de la thĂšse que nous lui prĂ©sentons sont coor- donnĂ©es. L'Ɠuvre rĂ©alisĂ©e est en rapport avec les mĂ©- thodes employĂ©es Celles-ci sont de leur cĂŽtĂ© telles que l'exige l'organisme construit comme nous l'avons montrĂ©. Quant Ă  l'auteur que nous dĂ©nonçons, il est bien, par son caractĂšre, par les circonstances de sa vie, par ses habitudes et ses aptitudes, celui que veu- lent une pareille Ɠuvre, de semblables mĂ©thodes, un si extraordinaire organisme. Nous reconnaissons nĂ©anmoins que notre dĂ©mons- tration demeurerait boiteuse si la raison pour laquelle tout cela a Ă©tĂ© fait ne se trouvait en concordance, elle — 438 — aussi, avec l'organisme inventĂ©, avec le caractĂšre et la situation de l'auteur de cet organisme, avec les mĂ©thodes employĂ©es par lui et enfin avec la partie de l'Ɠuvre aujourd'hui accomplie. Notre construc- tion, Ă©tant bĂątie sur la logique, doit ĂȘtre logique de la base au sommet. Sans cela, elle s'Ă©croule. Nous devons maintenant exposer le but de l'immense machination et il faut que ce but soit en harmonie avec tout le reste, et mĂȘme qu'il l'explique. Or, nous entendons une objection. " Soit, peut-on nous dire. C'est la race juive, organi- sĂ©e internationalement et secrĂštement, qui a rĂȘvĂ© et créé l'association secrĂšte internationale maçonnique, dans laquelle d'ailleurs les rites, les formules et les lĂ©gendes sont juives, de mĂȘme que la façon de comp- ter les mois et les annĂ©es. Elle a procĂ©dĂ© Ă  cette crĂ©a- tion par haine du christianisme, nous l'admettons, et dans le dessein de le dĂ©truire. Pour cela elle s'est at- taquĂ©e tout d'abord au catholicisme en s'appuyant sur le protestantisme dont elle a contribuĂ© Ă  fortifier les positions. C'est logique. Mais avec tout cela, oĂč veut-elle aboutir? Elle est actuellement maĂźtresse de la France. Son intĂ©rĂȘt et sa haine se trouvent dĂšs lors en conflit. Sa haine doit lui faire souhaiter la sub- version totale de la grande nation catholique. Mais son intĂ©rĂȘt veut au contraire la conservation et le maintien de cette nation, puisqu'elle est parvenue Ă  en faire sa propriĂ©tĂ©. Comment continue-t-elle Ă  l'a- baisser, au risque de tenter par l'appĂąt d'une proie qu'elle a rendue si facile, l'appĂ©tit anglais ou lavĂ©rocitĂ© allemande? Veut-elle l'absorption de la France par l'un 1 1 — 439 — ou par l'autre des deux concurrents? Ce serait Ă  son propre dĂ©triment, puisqu'en prenant la France, c'est son bien qu'on prendrait. Veut-elle garder sa possession comme il est naturel Ă  tout propriĂ©taire? Alors elle devrait affaiblir non plus la France, mais l'Angleterre et qui deviennent des rivales pour elles. Telles sont les questions qui doivent se poser de- vant tous les esprits. Nous n'avons pas le droit de les Ă©carter sans leur consacrer l'examen qu'elles mĂ©ritent. Nous deman- dons seulement Ă  y rĂ©pondre avec mĂ©thode, afin d'y rĂ©pondre avec clartĂ©. C'est pourquoi nous expose- rons d'abord le plan juif, et ensuite les difficultĂ©s trĂšs graves que commence Ă  soulever — heureusement pour nous — la rĂ©alisation de ce plan. Commençons par prĂ©ciser que le but de la machi- nation maçonnique, c'est non pas la destruction, mais l'assujettissement du monde chrĂ©tien. Ce que le Pouvoir occulte juif veut dĂ©truire, c'est seulement l'esprit chrĂ©tien. Et s'il veut cette destruction, c'est prĂ©cisĂ©ment parce que l'esprit chrĂ©tien constitue la vraie dĂ©fense du monde qui en est issu ; de mĂȘme que s'il a dĂ©truit la monarchie française, c'est parce que cette monarchie Ă©tait la meilleure sauvegarde de la France. On commence Ă  s'en apercevoir aujourd'hui. C'Ă©tait pour faire les soldats prisonniers qu'on tuait leur chef ; pour s'emparer du troupeau qu'on assas- sinait le berger. Rien de plus logique que ce qui a Ă©tĂ© fait, en cela comme en tant d'autres choses, par le Pouvoir occulte juif. Il faut bien le dire, puisque cela est vrai. — 440 — La destruction de l'esprit chrĂ©tien comme moyen d'assujettissement, tel est donc le but qui est dissi- mulĂ© sous les grands mots de vĂ©ritĂ©, lumiĂšre, progrĂšs. dĂ©mocratie. Si l'on rĂ©pugne plus ou moins Ă  accepter cette idĂ©e, c'est parce qu'il est naturel qu'on rĂ©siste Ă  ce que l'on n'a pas pris l'habitude d'envisager. L'as- sujettissement d'un monde, se dit-on, comment ad- mettre qu'un pareil rĂȘve puisse ĂȘtre nourri par une race, et surtout par une race qui n'a pas de foyer? On oublie que ce rĂȘve a Ă©tĂ© entretenu dans le cƓur du peuple juif par sa religion. Les Juifs attendent toujours leur ^Messie. Tandis que le christianisme a interprĂ©tĂ© les promesses de la Bible dans le sens idĂ©al, tandis qu'il considĂšre la domination prĂ©dite au Mes- sie comme purement morale, les Juifs, au contraire, ont toujours compris que cette domination devait avoir un caractĂšre matĂ©riel. Ils ont commencĂ© par croire qu'elle serait attribuĂ©e un jour Ă  leur race par un Messie conquĂ©rant. L'idĂ©e s'est maintenant rĂ©- pandue parmi eux que le mot Messie doit ĂȘtre com- pris comme s'appliquant non pas Ă  un fils de la race de Jacob, mais Ă  cette race elle-mĂȘme, et que la con- quĂȘte du monde peut se faire autrement que par le fer. Ils sont dĂ©sormais convaincus que le futur triom- phateur, c'est le peuple juif tout entier, et que les temps messianiques sont ceux oĂč ce peuple sera par- venu Ă  mettre le pied d'une maniĂšre quelconque, sur le monde enfantĂ© par le Messie chrĂ©tien, le Messie du renoncement, qui a tenu si longtemps lĂ  place rĂ©ser- vĂ©e, suivant eux, au vrai Messie, c'est-Ă -dire Ă  eux. Cela t'Ă©tonne, peuple souverain français? C'est — 441 — pourtant pour cela, et pour cela seulement, qu'on t'entretient dans le rĂȘve dĂ©mocratique. L'idĂ©e de la domination du monde n'est d'ailleurs pas si en dehors et au-dessus des conceptions humai- nes qu'il nous semble. Plus d'un conquĂ©rant de l'an- tiquitĂ© a osĂ© lui donner asile en son esprit. Le peuple romain l'a rĂ©alisĂ©e presque complĂštement. Il est vrai que le monde ayant Ă©tĂ© morcelĂ© par les invasions barbares, les guerres se sont faites depuis lors et pen- dant des siĂšcles pour le gain de quelque baronnie ou de quelque comtĂ©. Encore convient-il pourtant de ne pas oublier que Charlemagne fit revivre le rĂȘve d'une domination universelle. AprĂšs l'Ă©miettement de l'empire qu'il avait constituĂ©, ce fut le recommen- cement de la lutte pour la possession d'un lopin de terre. Mais peu Ă  peu les champs de bataille s'Ă©lar- girent. AprĂšs les guerres de comtĂ©s Ă  comtĂ©s, ce furent les guerres de provinces Ă  provinces, puis celles de nations Ă  nations. Ce sont maintenant les guerres de races Ă  races. Or, une fois les races en prĂ©sence, que peuvent-elles se disputer, sinon d'abord la prĂ©pon- dĂ©rance, et ensuite la souverainetĂ© exercĂ©e sur le monde ? Puisque c'est lĂ  que nous en sommes actuel- lement, qu'y a-t-il d'extraordinaire Ă  ce que la race juive intervienne dans les conflits? Elle n'a pas de patrie, rĂ©pond-on. Quelle belle raison ! N'est-il pas au contraire logique d'admettre qu'elle a dĂ» penser Ă  la domination du monde avant toutes les autres, prĂ©- cisĂ©ment parce qu'elle a le pied partout, sans comp- ter que partout elle tient les cordons de toutes les bourses? On ne pense le plus souvent Ă  conquĂ©rir que — 442 — ce qu'on voit. C'est si vrai que, si l'on excepte ce qui s'est passĂ© dans l'histoire des peuples marins, les guerres ont presque toujours eu lieu pour un terri- toire qui Ă©tait Ă  portĂ©e de la main des belligĂ©rants. La race juive est, Ă  ce point de vue, dans une situa- tion trĂšs spĂ©ciale. Par les yeux de ses fils dissĂ©minĂ©s partout, son regard embrasse le monde entier. C'est donc elle qui logiquement, et indĂ©pendamment de la suggestion qu'elle recevait de sa religion, devait, la premiĂšre de toutes les races, faire du monde l'ob- jet de son ambition. Il se peut que cette idĂ©e de la domination du monde n'ait pas toujours Ă©tĂ© prĂ©sente Ă  la pensĂ©e des con- ducteurs d'IsraĂ«l avec la prĂ©cision qu'elle a mainte- nant. En cela comme en tout, nous croyons que les choses ont dĂ» se passer conformĂ©ment aux lois de la nature. LĂ  comme ailleurs, il y a un point de dĂ©part, un point d'arrivĂ©e et, entre les deux, une Ă©volution. Le point de dĂ©part, c'est la croyance Ă  un Messie qui doit dominer le monde au profit de la race juive, alors que le Messie qu'adorent les chrĂ©tiens a, au contraire, conquis ce monde au dĂ©triment de cette mĂȘme race, qui se considĂšre comme volĂ©e. Cette croyance a Ă©tĂ© entretenue en l'Ăąme de ce peuple tenace par la con- tradiction violente Ă  laquelle elle s'est heurtĂ©e sans cesse dans le monde chrĂ©tien. Elle s'est fortifiĂ©e de l'irritation rĂ©sultant de cette contradiction, dans le silence et le mystĂšre des sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives que nous avons vues rĂ©pandues dans le monde. Ce n'Ă©tait alors qu'un rĂȘve obscur, si l'on veut ; une espĂ©rance consolatrice comme est celle de la cĂ©leste patrie pour — 443 — les foules chrĂ©tiennes rĂ©unies a,u pied des autels que le Messie juif, le Messie de la trahison est en train de dĂ©truire. Lorsque, de dĂ©fensives qu'elles Ă©taient pri- mitivement, les sociĂ©tĂ©s secrĂštes devinrent offensives par le cours naturel des choses, l'espĂ©rance des futures conquĂȘtes s'exaspĂ©ra. L'Ăąme de la race errante fut mor- due par un dĂ©sir de plus en plus Ăąpre. Un temps vint enfin oĂč cette race força subrepticement les portes des sociĂ©tĂ©s chrĂ©tiennes qui lui avaient Ă©tĂ© si long- temps fermĂ©es. Puis elle cumula en elle toutes les nationalitĂ©s. La voici maintenant qui s'est emparĂ©e de l'or du monde ; l'or, ce au moyen de quoi on fait presque tout ce qu'on veut !... Aussi peut-elle faire rĂ©gner entre les nations la paix ou la guerre Ă  son grĂ©, et, dans le dernier cas, assurer les bĂ©nĂ©fices de la lutte Ă  celle-ci ou Ă  celle-lĂ , selon qu'elle accorde ou qu'elle refuse en temps utile le prĂȘt de cet or. Elle a en mĂȘme temps le loisir de corrompre, d'empoison- ner impunĂ©ment l'Ăąme des peuples, grĂące Ă  la presse et au complot permanent que cache la so- ciĂ©tĂ© secrĂšte maçonnique contre les nations chrĂ©- tiennes. Elle voit sa puissance grandir sur tous les points du globe, Ă  mesure que dĂ©croit, avec la fidĂ©litĂ© aux traditions, la force de cohĂ©sion et, par suite, la force de rĂ©sistance des races chrĂ©tiennes. Elle est par- tout. Elle agit partout. Son gouvernement voit tout et n'est pas vu. Il frappe Ă  coup sĂ»r, tandis qu'on ne songe mĂȘme pas Ă  se dĂ©fendre parce qu'on ne sait pas qu'il existe. Les choses Ă©tant ainsi, il faudrait vrai- ment que le gouvernement de la race de Judas fĂ»t complĂštement dĂ©nuĂ© au point de vue intellectuel — 444 — pour ne pas rĂȘver l'empire d'un monde que, grĂące Ă  la perversitĂ© qu'il a dĂ©ployĂ©e sĂ©culairement contre lui, rien ou presque rien ne garde plus. Il n'est pas be- soin que vienne le Messie triomphant, il est venu. C'est le peuple juif, aux pieds duquel se prosternent d'elles-mĂȘmes les races dĂ©christianisĂ©es et les nations dissociĂ©es. Telle est Ă©videmment l'Ă©volution qui s'est produite dans la pensĂ©e juive. DĂšs lors que le peuple juif a su conserver en son sein l'Ă©goĂŻsme de race au point d'en faire, en l'absence de toute patrie territoriale, un nationalisme si parti- culier qu'aucun autre exemple semblable n' a Ă©tĂ© fourni par l'histoire, non seulement il est explicable que son gouvernement secret rĂȘve de s'assujettir le monde, mais il serait inadmissible qu'il n'y pensĂąt pas. Ayant accompli ce prodige d'avoir maintenu la race errante dans la fidĂ©litĂ© Ă  l'ancien idĂ©al national, et voyant les aiitres races, la nĂŽtre en tĂȘte, considĂ©rer stupidement l'abandon du leur comme un progrĂšs, ce gouvernement doit logiquement se croire capable, en un tel Ă©tat de choses, d'assurer Ă  son peuple la rovautĂ© de l'univers. CARACTERE DE CETTE DOMINATION. Mais quelle espĂšce de royautĂ©? Le Juif n'est-il pas dĂ©jĂ  roi et la puissance dont il jouit ne lui suffit-elle pas ? Non, parce que cette puissance n'est pas organisĂ©e matĂ©riellement. Or rien ne dure que ce qui est organisĂ©. Cela, le Pouvoir occulte juif le sait mieux que quicon- — 445 — que. Il sera donc inquiet tant qu'il n'aura pas fixĂ© sa royautĂ© par une organisation nouvelle du monde. Lorsqu'un tyran a mis la main sur un pays, il gou- verne toujours celui-ci suivant une conception qui lui est particuliĂšre et, tout naturellement, cette concep- tion, c'est celle qui correspond Ă  son caractĂšre, Ă  ses aptitudes, Ă  ses moyens d'action. Le Pouvoir occulte juif, qui aspire Ă  la royautĂ© du monde, a tout naturel- lement sa conception particuliĂšre sur l'organisation de ce monde et il entend la substituer Ă  celles qui ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es jusqu'ici. C'est encore lĂ  une idĂ©e que nous n'admettons pas facilement, parce qu'Ă©tant ac- coutumĂ©s Ă  ce qui existe, Ă  ce au milieu de quoi l'uni- vers a vĂ©cu depuis si longtemps, nous sommes portĂ©s Ă  le croire indestructible. Nous nous trompons. Lors- que Rome triomphait des peuples dont fut constituĂ© son empire, elle les organisait Ă  sa maniĂšre. Lorsque, plus tard, les barbares firent des conquĂȘtes romaines leur propre conquĂȘte, ils renversĂšrent l'ordre de choses Ă©tabli par le gĂ©nie italien et mirent partout la marque de leur barbarie. Lorsqu'enfin le christianisme triom- pha Ă  son tour, il tendit, lui aussi, Ă  transformer les sociĂ©tĂ©s qui dĂ©jĂ  l'avaient Ă©tĂ© par les Romains et par les barbares. Il en a toujours Ă©tĂ© et il en sera toujours ainsi, parc-e que c'est encore, peut-on dire, une loi de nature que le maĂźtre mette son empreinte sur les choses qui dĂ©pendent de lui. Nul doute, par consĂ©quent, que les futurs rois du monde jettent celui- ci dans un nouveau moule. Et nul doute non plus que leur conception soit celle que leur impose leur gĂ©nie particulier ; celle qui est le plus en rapport avec leur — 446 — caractĂšre, leurs aptitudes et leurs moyens d'action ; celle surtout qui annihilera le mieux les possibilitĂ©s de rĂ©volte des vaincus. Leurs prĂ©dĂ©cesseurs dans la conquĂȘte ont fait ainsi ; ils feront de mĂȘme. L'outil des conquĂ©rants anciens, ce fut la force or- ganisĂ©e militairement. Leurs aptitudes Ă  la conquĂȘte rĂ©sultaient de celles qu'ils pouvaient avoir pour l'em- ploi de cette force. Leur moyen d'action moral pour faire rendre Ă  celle-ci son maximum, c'Ă©tait le senti- ment patriotique qui attache l'homme Ă  la terre oĂč il est nĂ©, ainsi qu'Ă  l'idĂ©al des aĂŻeux dont il descend. Pro aris et focis ! C'Ă©tait le cri des anciens Romains. Il en va tout autrement des Juifs qui n'ont ni armĂ©e ni patrie territoriale. Ils ne possĂšdent ni les moyens d'action, ni les aptitudes, ni le caractĂšre des anciens conquĂ©rants. En consĂ©quence, il est naturel qu'ils aient conçu un autre plan de conquĂȘte que ceux-ci, et il ne l'est pas moins qu'ils rĂȘvent une autre organi- sation du monde et que cette organisation soit en de- hors de nos conceptions. ^S'ils laissaient le monde tel qu'il est, c'est-Ă -dire divisĂ© en nations ayant chacune leurs armĂ©es, leur marine, leur patriotisme, leur frontiĂšre, ils se consti- tueraient par lĂ  mĂȘme en Ă©tat d'infĂ©rioritĂ© vis-Ă -vis de ces nations, eux qui n'ont ni armĂ©es, ni marines, eux qui ne comprennent mĂȘme pas le patriotisme comme nous l'avons compris jusqu'ici. Pour devenir rois du monde comme pour conserver leur souverai- netĂ©, il faut qu'ils commencent par dĂ©truire tous les principes et toutes les organisations intĂ©rieures sur lesquelles reposent les grandes organisations natio- — 447 — nales actuelles. Pas de domination pour eux s'ils ne la basent sur cette idĂ©e fondamentale dĂ©molition les nations, qui, telles qu'elles sont actuellement constituĂ©es, ne se laisseraient pas absorber. C'est de cette Ă©vidence que nous devons nous per- suader. DĂ©molition des nations ! C'est l'idĂ©e maĂźtresse en l'absence de laquelle il n'y aurait pas de royautĂ© juive possible. Et c'est pourquoi, visiblement, on nous mĂšne Ă  cela, toujours sous couleur de progrĂšs. Mais ces nations, il faudra bien les remplacer par quelque chose?... - " ‱" ‱^'"' - '^‱^^[^>Î3 Sans doute. Aussi existe-t-il unj^projet d'organisa- tion du monde dont on parle beaucoup depuis plu- sieurs annĂ©es, en faveur duquel une propagande acharnĂ©e est faite dans les masses et vers lequel nos gouvernants actuels nous font glisser par une marche qu'ils s'efforcent de rendre insensible. Nous voulons parler de l'organisation socialiste-collectiviste. C'est celle-lĂ  qui est le plus en rapport avec le caractĂšre, les aptitudes et les moyens d'action du peuple juif ; c'est celle-lĂ  qui porte la griffe, la marque de fabrique de ce nouveau Peuple- Roi ; c'est elle qu'il veut im- poser au monde chrĂ©tien, parce que ce n'est que grĂące Ă  elle qu'il peut dominer celui-ci. La propagande socialiste-collectiviste on emploie un mot ou l'autre selon qu'il est nĂ©cessaire pour mieux embrouiller les choses a ceci de prĂ©cieux pour le Pouvoir occulte juif qu'elle le masque admirable- ment et qu'en mĂȘme temps elle est tout Ă  fait propre Ă  supprimer toutes possibilitĂ©s de rĂ©sistance, parce — 448 — qu'elle a pour effet de rĂ©duire l'humanitĂ© Ă  l'Ă©tat de poussiĂšre en dissolvant les blocs cohĂ©rents dont cette humanitĂ© est aujourd'hui constituĂ©e. La propagande socialiste-collectiviste masque le Pouvoir occulte juif comme les mots libertĂ©, Ă©galitĂ©, fraternitĂ©, ont masquĂ© la Franc-Maçonnerie aux yeux du monde profane qui, en croyant se donner Ă  un su- perbe idĂ©al, se donnait en rĂ©alitĂ© Ă  cette hypocrite et lĂąche association. [Ăź Une formule rĂ©sume en effet la propagande col- lectiviste Tout Ă  l'Etat. Tout Ă  l'Etat ! Le peuple s'imagine que cela signifie Tout Ă  tous ! et il marche, l'Ăąme ivre d'espĂ©rance, Ă  la conquĂȘte de cet idĂ©al fallacieux, sans se douter que l'Etat Ă©tant dĂšs maintenant aux mains des Juifs, tout Ă  l'Etat, c'est dĂ©jĂ , mais ce sera bien plus encore dans l'avenir tout aux Juifs 1 Lorsque viendront les temps, si souhaitĂ©s par les ouvriers aveuglĂ©s, oĂč l'Etat s'Ă©tant peu Ă  peu emparĂ© des propriĂ©tĂ©s particuliĂšres, tous les non-juifs seront de- venus ouvriers comme eux et ouvriers dĂ©christiani- sĂ©s, dĂ©moralisĂ©s, la situation des Juifs par rapport au monde ainsi transformĂ© sera la suivante Il n'y aura plus de nations dans l'ancienne chrĂ©- tientĂ©, c'est-Ă -dire plus d'hommes associĂ©s par l'idĂ©al patriotique. Plus de groupes unis par l'idĂ©al religieux non plus ; car partout les religions auront Ă©tĂ© dĂ©truites et Ă  leur place rĂ©gnera le matĂ©rialisme, c'est-Ă -dire la loi d'Ă©goĂŻsme individuel qui est celle des bĂȘtes. C'est lĂ  que nous aura mis le progrĂšs ». Les besoins, les paresses et les vices seront vis-Ă -vis les uns des au- — 449 — trĂšs dans cet Ă©tat d'hostilitĂ© permanente qui est na- turellement engendrĂ©, ainsi que nous l'avons montrĂ©, par l'absence de foi religieuse, Ă  moins qu'ils ne soient contraints par une force gouvernementale. Mais toutes forces gouvernementales chrĂ©tiennes auront Ă©tĂ© dĂ©truites. A la place de ce que nous appelons main- tenant les nations, il n'existera plus qu'une poussiĂšre d'ĂȘtres dĂ©shumanisĂ©s parce que dĂ©sidĂ©alisĂ©s, et par consĂ©quent bestialisĂ©s. Des bipĂšdes au lieu d'hommes. Des primates dressĂ©s Ă  la fabrication des objets de consommation et inaptes Ă  toute autre chose qu'Ă  lela, si ce n'est peut-ĂȘtre Ă  composer ou Ă  lire ce qui sera nĂ©cessaire pour maintenir, avec l'universelle corruption, l'universelle impuissance. En face de cette cohue de troupeaux humains beu- glant leurs besoins et leurs dĂ©sirs, une seule famille aura gardĂ©, comme elle l'a fait depuis les dix-huit siĂšcles de sa dispersion, les liens moraux qui l'ont maintenue Ă  l'Ă©tat de nation, de corps organisĂ© la race juive. DĂšs lors, rien de plus facile pour cette na- tion que de se constituer la propriĂ©taire de la masse humaine devenue troupeau et faite de nouveau pour l'esclavage qu'avait dĂ©truit le Christ. Les Juifs sont en droit de considĂ©rer que, dans ces conditions, la superposition de leur race Ă  l'humanitĂ© s'opĂ©rera pour ainsi dire d'elle-mĂȘme, comme s'est opĂ©rĂ©e celle qui met actuellement la France sous la domination maçonnique. Celle-ci ayant pu s'opĂ©rer, pourquoi l'autre ne le pourrait-elle pas? Par cela seul que nous avons violĂ© les lois de la nature en fondant un rĂ©gime politique Ă©galitaire, ces lois ont pris leur — 450 — revanche par l'Ă©tablissement de la domination politique de la Franc-Maçonnerie au-dessus de la na- tion ainsi stupidement Ă©galisĂ©e. De mĂȘme, lorsque nous aurons fondĂ© un rĂ©gime social Ă©galitaire en op- position avec les mĂȘmes lois de la nature, celles-ci prendront de nouveau leur revanche en permettant l'Ă©tablissement de la dictature juive. C'est simple, logique et comprĂ©hensible, comme est simple, lo- gique et comprĂ©hensible la souverainetĂ© d'un pro- priĂ©taire sur les bestiaux dont il fait son troupeau. Comment ce propriĂ©taire est-il le maĂźtre, bien que cha- cune des bĂȘtes qui composent le troupeau dispose de moyens physiques bien plus puissants que les siens? Tout simplement parce qu'aucune ne dispose de moyens, moraux ; parce qu'il est homme en face de bestiaux. Ainsi en sera-t-il de la race juive en face des races chrĂ©tiennes dĂ©christianisĂ©es et dĂ©nationali- sĂ©es. Au lieu de revĂȘtir un caractĂšre militaire ou politi- que, la dictature imposĂ©e par la race juive sera une dictature financiĂšre industrielle et commerciale. Au moins pendant un temps, elle apparaĂźtra le moins possible. Les Juifs ont dotĂ© le monde commercial, in- dustriel et financier de la. SociĂ©tĂ© anonyme, grĂące Ă  la- quelle ils peuvent dissimuler leurs immenses richesses. Ils doteront le monde chrĂ©tien tout entier de ce dont ils ont dotĂ© la France de la SociĂ©tĂ© anonyme d'ex- ploitation des peuples dite RĂ©publique, grĂące Ă  laquelle ils pourront dissimuler leur royautĂ©. Nous marchons donc Ă  la RĂ©publique universelle parce que c'est ainsi seulement que peut ĂȘtre Ă©tablie — 451 — la royautĂ© financiĂšre, industrielle et commerciale juive. Mais sous son masque rĂ©publicain, cette royautĂ©- lĂ  sera infiniment plus despotique qu'aucune autre. Elle sera exactement celle qu'Ă©tablit l'homme sur les animaux. La race juive nous tiendra par nos be- .soins. Elle s'appuiera sur une polico sĂ©lectionnĂ©e, forte- ment organisĂ©e et si grassement payĂ©e qu'elle sera prĂȘte Ă  tout comme sont prĂȘts Ă  toutes les signatures les prĂ©sidents de RĂ©publique auxquels on attribue douze cent mille francs et qu'on choisit tout exprĂšs pour cela. En dehors de cette police, rien que des ouvriers d'un cĂŽtĂ©, et de l'autre des ingĂ©nieurs, des directeurs, des administrateurs. Les ouvriers seront tous les humains non-juifs. Les ingĂ©nieurs, les direc- teurs, les administrateurs seront au contraire les Juifs. Nous ne disons pas les Juifs et leurs amis ; nous disons les Juifs ; car les Juifs alors n'auront plus d'amis. Et ils auront cent fois raison, en une pareille situation, de ne se fier qu'Ă  ceux qui seront de la race ». Cela nous semble impossible ; et pourtant cela se fera de la façon la plus naturelle du monde parce que tout aura Ă©tĂ© prĂ©parĂ© dans l'ombre, comme l'a Ă©tĂ© la RĂ©volution. De la façon la plus naturelle du monde, disons-nous, en ce sens qu'il faudra nĂ©- cessairement des ingĂ©nieurs, des directeurs et des administrateurs pour que le troupeau humain tra- vaille et vive, et que, d'autre part, la rĂ©organisa- tion du monde que nous aurons dĂ©sorganisĂ© ne pourra ĂȘtre opĂ©rĂ©e que par ceux-lĂ  qui auront prĂ©alablement ramassĂ© partout les richesses. En rai- son de cette situation privilĂ©giĂ©e que nous lais- — 452 — sons s'Ă©tablir Ă  leur profit, les Juifs seuls seront en situation de tout conduire. Les peuples pousseront Ă  la roue pour amener cet Ă©tat de choses, ils collabore- ront Ă  la destruction de toute autre force que la force de l'Etat, tant qu'on leur laissera croire que l'Etat, cet Etat possesseur de tout, ce sera eux. Ils ne cesse- ront de travailler Ă  leur propre asservissement que le jour oĂč les Juifs leur diront Pardon ! Vous n'avez pas compris. L'Etat, cet Etat possesseur de tout, ce n'est pas vous, c'est nous ! Le peuple alors voudra re- gimber. Mais il sera trop tard pour rien empĂȘcher, parce que tous les ressorts moraux ayant cessĂ© d'exis- ter, tous les ressorts matĂ©riels auront par lĂ  mĂȘme Ă©tĂ© brisĂ©s. Les troupeaux ne rĂ©sistent pas aux chiens dressĂ©s Ă  les conduire et armĂ©s de mĂąchoires solides. Tout ce que le monde ouvrier pourra faire, ce sera de refuser le travail. Les Juifs ne sont pas assez niais pour ne pas prĂ©voir cela. Ils auront des provisions pour eux et leurs chiens de garde. Ils laisseront la famine rĂ©duire les rĂ©sistances. Au besoin, ils n'auront aucun scrupule Ă  lancer sur les plĂšbes mutinĂ©es, mais dĂ©sarmĂ©es, leurs policiers devenus invincibles parce qu'ils seront munis des engins les plus perfectionnĂ©s contre les foules impuissantes. N'avons-nous pas dĂ©jĂ  une vision de cette invincibilitĂ© des forces organisĂ©es se battant contre les multitudes?... La France a connu — et elle l'a oubliĂ© ! — le rĂ©- gime de la Terreur maçonnique. Elle connaĂźtra et le monde connaĂźtra avec elle le rĂ©gime de la Terreur juive. — 453 — LES CHOSES REGARDÉES EN FACE. TABLEAU DE LA MARCHE DE LA NATION JUIVE. Tel est le plan rĂȘvĂ© par le Pouvoir occulte Ă©tablis- sement de la domination juive sur le monde grĂące Ă  l'organisation du collectivisme et sous l'apparence d'une RĂ©publique universelle. C'est Ă  sa rĂ©alisation que nous conduit la Franc-Maçonnerie. On n'eĂ»t pas voulu l'admettre il y a dix ans. Mais aujourd'hui, il faut se nouer sur les yeux le bandeau qu'on applique symboliquement sur ceux du profane entrant dans la Franc-Maçonnerie, il faut se mettre la tĂȘte derriĂšre un arbre comme fait la stupide autru- che pour ne pas voir la marche vers cet Ă©tat de choses; marche que rĂšglent avec une hypocrisie ha- bile Ă  se dissimuler mais qui se laisse tout de mĂȘme voir, les faux Français qui sont au gouvernement les dĂ©lĂ©guĂ©s du Pouvoir occulte et qui accomplissent Ă  l'Ă©gard de la France une infĂąme besogne de trahison. Que des obstacles imprĂ©vus se dressent un jour ou l'autre sur la route du Pouvoir occulte juif? Nul doute. C'est encore une loi de nature qui le veut ainsi. La prĂ©voyance humaine, si attentive qu'elle se mon- tre, est toujours courte. Elle crĂ©e des faits dont les consĂ©quences se retournent inopinĂ©ment contre elle. Aussi, aprĂšs avoir examinĂ© le plan, nous allons voir les difficultĂ©s en face desquelles ses auteurs vont se trouver, celles qu'ils se sont eux-mĂȘmes créées. Mais nous ne devons pas oublier qu'il ne nous resterait au- cune chance de nous sauver si nous n'avions la fer- metĂ© d'intelligence nĂ©cessaire pour regarder les choses — 454 — en face, et le courage de prendre des rĂ©solutions en consĂ©quence. Le ciel n'aide que ceux qui savent s'ai- der. Jusqu'ici nous avons cru pouvoir nous dispenser des rĂ©solutions viriles parce que nous nous sommes per- suadĂ©s que le rĂ©gime collectiviste Ă©tait impossible. Ne nous mĂ©prenons pas ce qui est impossible, c'est un collectivisme tel que celui dont on nous parle d'habitude, tel que l'exposent les thĂ©oriciens qui, trompĂ©s eux-mĂȘmes, sont chargĂ©s de tromper les multitudes ; un collectivisme qui prĂ©tendrait mettre tous les humains sans exception sur un pied de par- faite Ă©galitĂ©. Gela, oui, c'est impossible, parce que la nature qui a pour loi la hiĂ©rarchie, interviendrait dans nos sociĂ©tĂ©s bouleversĂ©es pour y rĂ©tablir cette loi. Mais il y a ime chose qui n'est pas impossible c'est l'Ă©tablissement d'un faux collectivisme organisĂ© par une famille, par une caste, par une race qui se mettrait au-dessus de la collectivitĂ© pour la gouver- ner. Nous ne saurions assez rĂ©pĂ©ter que nous pouvons nous rendre compte de cela par ce qui se passe dans notre RĂ©publique. Quelqu'un qui y avait intĂ©rĂȘt, — le Juif agissant par l'intermĂ©diaire de la Franc-Ma- çonnerie — a persuadĂ© au peuple français de se cons- tituer en RĂ©publique Ă©galitaire. C'Ă©tait contraire aux lois de la nature. Et, prĂ©cisĂ©ment Ă  cause de cela, il est arrivĂ© que Juifs et Francs-Maçons qui avaient menĂ© leur complot dans l'ombre, ont eu cette loi de la nature pour complice, qu'ils ont pu se constituer en aristocratie, d'ailleurs indigne, et asseoir leur domi- — 455 — nation, si abjecte qu'elle soit, sur la dĂ©mocratie asser- vie. N'oublions pas cette terrible leçon ! Etant admis qu'un rĂ©gime collectiviste Ă©galitaire est impossible, Ă©tant donnĂ© cependant qu'on nous y pousse, il arri- vera infailliblement, Ă  moins que les forces intelli- gentes de la nation ne sachent enfin rĂ©sister par les vrais moyens, il arrivera, disons-nous, que ceux qui nous impriment cette poussĂ©e parviendront Ă  Ă©tablir un faux collectivisme, un collectivisme d'Etat, c'est- Ă -dire une RĂ©publique collectiviste anonyme qui leur permettra de mettre sous leurs pieds les nations qui n'auront pas su se dĂ©fendre contre les illusions. On a cru longtemps que l'humanitĂ© Ă©tait lancĂ©e dans les voies socialistes par une force aveugle, celle des foules. D'autres ont affirmĂ© que cette force aveu- gle Ă©tait d'accord avec celle qu'on appelle la force des choses, c'est-Ă -dire avec les lois de la nature. Nous venons de rappeler que les lois de la nature sont au contraire opposĂ©es Ă  une telle mĂ©tamorphose des so- ciĂ©tĂ©s. QuÂŁint Ă  la force aveugle des foules, elle ne pro- cĂšde pas comme font ceux qui mĂšnent le mouvement auquel nous assistons. Elle avance par bonds dĂ©sor- donnĂ©s, par rĂ©volutions. Actuellement, au contraire, nous voyons la marche vers le collectivisme rĂ©glĂ©e, calculĂ©e, organisĂ©e par ceux-lĂ  mĂȘme qui sont au pou- voir ; nous regardons avec Ă©tonnement les masses qui, toujours impatientes, sont toujours retenues ; nous voyons les journaux socialistes entretenus par l'or des capitalistes juifs ; les meneurs troquant le bour- geron contre la redingote, menant une existence — 456 — luxueuse, disposant de ressources aussi inexplicables que TĂ©taient celles qu'on voyait au dix -huitiĂšme siĂš- cle, entre les mains de certains aventuriers qui furent les prĂ©curseurs de la RĂ©volution. Il faut expli- quer ces anomalies. Notre thĂšse les explique toutes. Elle nous montre la conquĂȘte et la transformation du monde s'cffectuant comme il est naturel qu'elles s'effectuent en raison du caractĂšre, des aptitudes et des moyens d'action des nouveaux conquĂ©rants. Nous pouvons maintenant suivre la marche inflexi- blement logique de la nation juive Ă  travers le monde chrĂ©tien depuis dix-huit siĂšcles. La dissolution de cette nation aurait dĂ», semble- t-il, ĂȘtre la consĂ©quence de sa dispersion. S'il en advint autrement, ce fut par suite de la for- mation des colonies juives en groupes rĂ©fractaires Ă  l'absorption au milieu des populations. Pour se main- tenir, ces groupes ont Ă©tĂ© obligĂ©s de se fermer, de se constituer en sociĂ©tĂ©s secrĂštes de dĂ©fense. Ces sociĂ©- tĂ©s secrĂštes dĂ©fensives sont devenues offensives, sous la suggestion d'une haine qui rencontrait partout et en tout, jusque dans son impuissance mĂȘme, des rai- sons de grandir ; sans compter qu'elles ne pouvaient accepter le triomphe chrĂ©tien sans accepter en mĂȘme temps l'effacement de leur idĂ©al. Combattant tou- jours dans l'ombre, elles ont attaquĂ© le monde chrĂ©- tien sans que celui-ci vĂźt d'oĂč partaient les coups. A peine fomentĂ©e, une hĂ©rĂ©sie Ă©tait vaincue. Mais comme le secret excitateur continuait ses excitations, elle Ă©tait remplacĂ©e par une autre. En mĂȘme temps qu'Ă©- — 457 — . taient opĂ©rĂ©es les manƓuvres par masses, d'autres, plus invisibles, mais plus redoutables Ă  cause de cela dans leurs eiĂŻets, tendaient aux dĂ©formations indivi- duelles par l'introduction de certains chrĂ©tiens dans les sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives antichrĂ©tiennes, ou par la pĂ©nĂ©tration de certains Juifs dans les sociĂ©tĂ©s chrĂ©- tiennes comme celle des Templiers. AprĂšs des siĂš- cles de ce lent travail, la grande dĂ©chirure protes- tante se produit; et, cette fois, grĂące aux prĂ©parations souterraines et sĂ©culaires, les rĂ©voltĂ©s peuvent se maintenir en face de ceux qui sont restĂ©s fidĂšles, tout en continuant Ă  se recommander du Christ. Il y a dĂšs lors deux Christianismes en prĂ©sence, dont l'un peut ĂȘtre employĂ© Ă  l'attaque continuelle contre l'autre. Les deux belligĂ©rants chrĂ©tiens vont se charger de diminuer rĂ©ciproquement leurs forces morales et matĂ©rielles, et par consĂ©quent de diminuer les forces morales et matĂ©rielles du christianisme devant le monde juif qui les regarde, qui les excite et dont l'organisation secrĂšte se perfectionne et se concentre de plus en plus, tandis qu'au contraire est commen- cĂ©e la dissociation chrĂ©tienne. Mais tous les grands Etats occidentaux sont catho- liques. GrĂące Ă  cela, il se pourrait que l'unitĂ© chrĂ©- tienne se rĂ©tablĂźt un jour... Pour que la lutte se continue sĂ»rement, pour qu'elle devienne toujours de plus en plus Ăąpre, il faut que de grands Etats protestants existent aussi. De cette fa- çon, si les consciences chrĂ©tiennes tendaient un jour Ă  se rapprocher, les intĂ©rĂȘts politiques intervien- draient pour s'y opposer. Les grands Etats protes- — 458 — tants sont fondĂ©s, et les divisions se produisent ainsi dans tous les sens au sein du monde chrĂ©tien. Mais l'esprit chrĂ©tien n'en subsiste pas moins, bar- rant partout la route au Juif. Cet esprit chrĂ©tien est un esprit d'affirmation, et son affirmation est opposĂ©e Ă  l'affirmation juive. C'est pour cela que le Juif est toujours tenu Ă  l'Ă©cart, ce qui l'empĂȘche d'arriver oĂč il tend... C'est donc cet esprit qu'il faut dĂ©truire. DĂ©jĂ  la brĂšche est ouverte. Le protestantisme affirme la li- bertĂ© d'examen. Il n'y a qu'Ă  insinuer que la libertĂ© doit ĂȘtre pour tous, ou qu'elle n'existe pas. ThĂ©ori- quement on peut faire accepter cela. Or, si la libertĂ© doit ĂȘtre pour tous, le Juif, avec son idĂ©al, y a droit. C'est logique, semble-t-il. En rĂ©alitĂ©, ça ne l'est pas, parce que l'idĂ©al juif, c'est la destruction du monde oĂč il veut ainsi pĂ©nĂ©trer. D'ailleurs, ce Juif, par suite des traverses de son existence, a acquis des dĂ©fauts si haĂŻssables que le monde entier, catholique ou protestant, chrĂ©tien ou non chrĂ©tien, sent son contact dangereux. Et il l'est, en effet, par cela seul que la nation juive est organisĂ©e secrĂštement, que l'organisation secrĂšte engendre le mensonge, que le mensonge engendre la fourberie, l'hypocrisie, la perfidie... Il lui est donc toujours im- possible de passer ! Il lui faut dĂšs lors user de ces armes qu'il s'est donnĂ©es, qui, aiguisĂ©es pendant des siĂšcles, deman- dent leur emploi le mensonge, la fourberie, l'hypo- crisie, la perfidie. Puisque, pour que le Juif aille Ă  ce qu'il croit ĂȘtre sa destinĂ©e, il est nĂ©cessaire que le — 459 — monde chrĂ©tien soit asservi, il le sera ; et puisque, pour que le monde chrĂ©tien soit asservi, il faut lui faire la grimace de trahison, on la lui fera. On commencera par s'assurer le monde protestant anglais, qu'on trompera, qu'on corrompra politique- ment, qu'on enfiellera, afm qu'Ă  son tour il trompe, il corrompe, il enfielle le monde catholique. Une force cependant existe qui, Ă  elle seule, pour- rait faire Ă©chec aux plans juifs c'est la force gouver- nementale... Il faut s'emparer de cette force. Comment? L'ache- ter? C'est impossible. Partout en effet les gouverne- ments ont Ă  leur tĂȘte des monarques. Un monarque ne se livre pas. Car contre quoi se livrerait-il? Par quel mensonge pourrait-on le dĂ©cider Ă  abandonner quelque chose de sa puissance, de sa souverainetĂ©? Les monarques sont donc, en raison de l'intĂ©rĂȘt qu'ils y'ont, les dĂ©fenseurs des peuples chrĂ©tiens contre les entreprises juives. Il faut dĂ©truire les monarchies, tout d'abord dans les Etats catholiques, et les rempla- cer par des formes de gouvernement telles qu'on puisse faire en sorte que ceux qui gouvernent ne possĂšdent jamais assez pour n'ĂȘtre pas achetables. A cet Ă©gard, la forme rĂ©publicaine est la perfection, parce que chacun de ceux qui seront appelĂ©s Ă  par- ticiper Ă  la souverainetĂ© pourra ĂȘtre choisi par le Pouvoir occulte de maniĂšre Ă  n'ĂȘtre rien par lui-mĂȘme. Il sera par consĂ©quent matiĂšre Ă©minemment achetable. Il le sera encore bien mieux si les principes religieux sont anĂ©antis en lui. Donc il faut, ne serait-ce qu'Ă  ce point de vue, dĂ©truire les principes religieux. A la — 460 — place de gouvernements dont la fonction naturelle et nĂ©cessaire Ă©tait de dĂ©fendre les peuples chrĂ©tiens con- tre les entreprises du Juif, on aura ainsi des gouver- nements qui seront complĂštement dans la main des Juifs. Cela fait, une derniĂšre force fait encore obstacle Ă  la race errante le sentiment patriotique, en effet, demeure une dĂ©fense pour les nations ; il maintient encore tant bien que mal celles-ci debout; il les arme, d'ailleurs, alors que la nation juive n'est pas armĂ©e. On ne peut donc se dispenser de dĂ©truire le sentiment patriotique et avec lui les organismes appelĂ©s nations. Cette fois, c'est fini?.... Non ! Ori ne dĂ©truit vraiment que ce qu'on rem- place. Les organismes nationaux n'existant plus, il en faut d'autres ; car rien ne vit que ce qui est organisĂ©. Or, il est indispensable que l'humanitĂ© vive, pour travailler. La royautĂ© juive ne serait qu'un mot si, au-dessous d'elle, il n'y avait pas une humanitĂ© tra- vailleuse. Une nouvelle organisation du monde est donc nĂ©cessaire, mais une organisation telle qu'elle soit dans la main de ceux-lĂ  seuls qui possĂšdent les capitaux, c'est-Ă -dire dans la main des Juifs, et qu'elle tende tout entiĂšre Ă  ce dont il a besoin la production et la rĂ©glementation par lui de cette pro- duction. C'est le collectivisme sous forme de RĂ©publi- que universelle. Alors enfin, cela fait, tout est fait. Consummatum est ! Le Juif est Roi ! Et sa royautĂ© est indestructible, parce qu'elle seule est organisĂ©e dans le monde, et que tout ce qui l'Ă©tait avant elle a Ă©tĂ© dĂ©truit ! — 461 — Tout est logique dans cette thĂšse. Depuis le pre- mier mot jusqu'au dernier, tout s'enchaĂźne de la fa- çon la plus naturelle. Nous disions en commençant que la question maçonnique cachait cinq secrets, et que la vraie solution de cette question c'Ă©tait celle qui donnerait rĂ©ponse Ă  ces cinq interrogations Qui a inventĂ© la Franc-Maçonnerie? Pourquoi l'a-t-on inventĂ©e? Quel est le mĂ©canisme maçonnique? Quelles sont les mĂ©thodes par lesquelles est mis en mouvement ce mĂ©canisme? Quel est le caractĂšre de l'Ɠuvre accomplie par la FrĂ nc-Maçonnerie dans notre histoire? Or les rĂ©ponses que nous proposons Ă  ces cinq ques- tions sont en complĂšte harmonie entre elles. Nous nous trouvons en prĂ©sence d'une porte celle de la question maçonnique, fermĂ©e par une serrure Ă  cinq secrets. Nous avons introduit dans cette ser- rure une clef que nous pouvons faire manƓuvrer dans tous les sens, dont le mouvement n'est arrĂȘtĂ© par au- cun des secrets, et qui ouvre la porte. Aucune autre clef ne fait jouer complĂštement la serrure... Et c'est pourquoi nous disons La clef de la ques- tion maçonnique, c'est celle dont nous nous servons c'est la clef juive. CHAPITRE XXI Les obstacles qui se dressent devant le Pouvoir occulte et les raisons que nous avons de ne pas dĂ©sespĂ©rer. LA TRAME DE MENSONGE ET LE RETOUR DES CHOSES. Hier encore un nombre considĂ©rable de Français re- poussaient dĂ©daigneusement l'idĂ©e d'une puissance humaine capable de faire sentir invisiblement son ac- tion sur les affaires du monde et d'avoir une part plus ou moins prĂ©pondĂ©rante dans la direction de celles-ci. AprĂšs la dĂ©monstration faite dans le Pouvoir oc- culte contre la France et dans le prĂ©sent ouvrage, nous pouvons formuler les Ă©vidences suivantes L'Ă©lĂ©ment juif s'est maintenu dans le monde Ă  l'Ă©tat de nation, comme il s'y est maintenu Ă  l'Ă©tat de race et de religion. Cette nation a toujours Ă©tĂ© gou- vernĂ©e comme toutes les autres ; mais elle a Ă©tĂ© ame- nĂ©e Ă  se gouverner secrĂštement. Un organisme gou- vernemental juif existe Ă  l'Ă©tat occulte. Non seule- ment nous ne voyons pas les individualitĂ©s qui re- prĂ©sentent le Pouvoir occulte juif, miais nous n'aper- cevons mĂȘme pas la partie essentiellement juive de leur organisme de gouvernement. Nous n'en distin- guons que la partie par l'action de laquelle le monde — 463 — chrĂ©tien est livrĂ© au monde juif. Cette partie, c'est la Franc-Maçonnerie. Donc, sous le monde chrĂ©tien, se meut un autre monde qui lui est ennemi. C'est par suite de l'eiĂŻort sĂ©culaire et invisible du second que le premier est di- visĂ© contre lui-mĂȘme et qu'il voit ses fils s'acharner imbĂ©cilement, sous prĂ©texte de progrĂšs, Ă  sa destruc- tion. Dans ces conditions, le monde chrĂ©tien doit-il et peut-il se dĂ©fendre? Qu'il le doive, aucun doute. Il le doit d'autant plus qu'il a plus conscience de la noblesse et de la nĂ©ces- citĂ© de sa mission dans le monde. Qu'il le puisse..., voici les considĂ©rations qui s'im- posent Ă  ce sujet. Tous ceux qui ont eu Ă  dĂ©jouer des machinations Ă©tablies sur le mensonge ont pu faire la constatation suivante. Au dĂ©but, les choses vont toujours comme le sou- haitent les menteurs. A mesure que surgissent des difficultĂ©s, ils en triomphent par une nouvelle machi- nation qui consolide celle qui leur a servi de point de dĂ©part, et cela rĂ©ussit plus ou moins longtemps. Mais comme chacun des mensonges surajoutĂ©s au men- songe primitif a Ă©tĂ© inventĂ© pour faire face Ă  la dif- ficultĂ© du moment, comme Ă  cette difficultĂ© en suc- cĂšdent d'autres, comme toutes ces difficultĂ©s sont for- cĂ©ment diverses et quelquefois contraires, comme Ă  la longue elles rĂ©sultent des mensonges eux-mĂȘmes, les premiers finissent par se trouver contredits par quelqu'un des nouveaux ; et une heure arrive tou- ._ 464 — jours, pour qui sait prĂ©parer patiemment et mĂ©thodi- quement les revanches de la vĂ©ritĂ©, oĂč les inventeurs de la trame de perfidie se trouvent pris dans leurs piĂšges. C'est ce qui explique la remarque faite si souvent et avec tant de justesse par Drumont que c'est tou- jours Ă  l'heure oĂč les Juifs semblent le plus puissants que leur puissance s'effondre soudainement. Cela tient Ă  ce qu'en raison de leur situation pre- miĂšre au milieu du monde chrĂ©tien, de leur faiblesse Ă  l'origine de la dispersion, en raison aussi de leur ca- ractĂšre et de celui de leur cause, ils ont toujours Ă©tĂ© obligĂ©s d'Ă©tablir leurs entreprises offensives sur le mensonge. Ce mensonge initial leur a servi un temps. Puis il a fallu en ajouter d'autres Ă  celui-lĂ  pour le consolider. Les complications de mensonges ont amenĂ© les contradictions et, parla force des choses, un moment est toujours venu oĂč, toute la trame appa- raissant, les chefs des agglomĂ©rations chrĂ©tiennes ont pris les mesures de dĂ©fense que rĂ©clamait la sĂ»retĂ© de celles-ci. A cĂŽtĂ© de leur habiletĂ© Ă  mentir, les Juifs ont celle de faire oublier leurs anciennes perfidies, comme aussi d'en effacer toutes les traces historiques. Ils viennent de fournir une preuve remarquable de cette derniĂšre aptitude dans l'affaire Dreyfus oĂč, ainsi que nous avons eu occasion de le remarquer, ils ne se sont ac- cordĂ© de repos que lorsqu'ils eurent obtenu un juge- ment de la Cour de cassation Ă©tabli sur un texte de notre code, falsifiĂ© dans l'interprĂ©tation qui lui a Ă©tĂ© donnĂ©e, mais qui, tel qu'il est, deviendra, ils l'espĂš- rent, historiquement justificateur tout de mĂȘme, bien — 465 — qiio faussement. Historiquement tout est lĂ  pour eux en cette affaire. Ils sont aussi prodigieusement entĂȘtĂ©s Ă  recom- mencer l'Ă©dification de leur fortune. Comme ils n'ont pas d'autre moyen que celui que nous ve- nons de dire, il en rĂ©sulte qu'ils procĂšdent toujours de la mĂȘme maniĂšre. Et c'est ainsi que leur histoire a justifiĂ© tant de fois l'observation faite par Drumont. On peut croire qu'elle est Ă  la veille de la justifier encore. Formidables sont en effet les obstacles qui se trou- vent actuellement dressĂ©s sur la route du Pouvoir occulte et qui rĂ©sultent de ses manƓuvres antĂ©rieures. C'est la raison que nous avons d'espĂ©rer, malgrĂ© l'immensitĂ© de la trame tĂ©nĂ©breuse ourdie contre nous, et c'est cette raison qu'il nous reste Ă  expo- ser. Ainsi que nous l'avons dit, la rĂ©alisation d'un plan comportant l'assujettissement du monde chrĂ©tien, si fortement organisĂ© il y a quatre siĂšcles, nĂ©cessitait des Ă©tapes successives. Nous avons notĂ© celles-ci. Les Juifs ont dĂ» commencer par secouer de diffĂ©- rentes maniĂšres la ChrĂ©tientĂ© pour essayer de la dislo- quer. AprĂšs l'Ă©tablissement du protestantisme, il leur fallut se liguer avec celui-ci contre le catholicisme et recommencer le travail do dislocation en visant, cette fois, les organismes nationaux catholiques. Lorsqu'ils virent la nation anglaise Ă©chapper aux idĂ©es rĂ©volutionnaires grĂące Ă  son esprit pratique qui la garde de l'idĂ©ologie en politique, ils durent at- tendre ou prĂ©parer la substitution d'un gouverne- 30 — 466 — ment protestant au gouvernement catholique anglais. Ils purent alors s'appuyer sur lui pour s'attaquer Ă  la France, pour dĂ©truire l'organisation politique de celle-ci, pour lui en donner une selon ses vues, et pour attribuer la direction des affaires Ă  des hommes de l'esprit desquels ils s'Ă©taient emparĂ©s, grĂące Ă  l'Ă©ducation qu'ils leur avaient donnĂ©e par l'inter- mĂ©diaire des sociĂ©tĂ©s secrĂštes. Une pareille suite dans les idĂ©es nous semble pro- digieuse, Ă  nous qui n'en avons plus aucune. Pas si prodigieuse que cela ! Notre politique extĂ©- rieure n'a-t-elle pas Ă©tĂ© une politique suivie, elle aussi, dans les temps oĂč, les Juifs Ă©tant tenus en bride par nos chefs, nous Ă©tions vraiment une nation? Les Bour- bons n'eurent-ils pas un objectif sĂ©culaire? Il faut voir l'adversaire tel qu'il est ; mais il ne faut pas nous voir plus petits que nous n'Ă©tions... S'attaquer Ă  la France une fois le gouvernement protestant Ă©tabli en Angleterre, c'Ă©tait tout indiquĂ© ! Nous Ă©tions pour cette derniĂšre nation la rivale dont elle avait failli faire un jour sa proie. -Nous Ă©tions aussi la nation qu'il devait ĂȘtre particuliĂšrement facile de tromper par le mensonge, prĂ©cisĂ©ment Ă  cause de sa franchise et de sa gĂ©nĂ©rositĂ© naturelles, susceptible s'emballer sur des formules creuses, Ă  cause de son besoin de se dĂ©vouer, au point de devenir l'ouvrier inconscient de sa propre destruction. Nos qualitĂ©s mĂȘmes, les noblesses de notre nature — car nous en avions 1 — pouvaient ĂȘtre utilisĂ©es pour notre ruine, pourvu qu'elles fussent maniĂ©es avec l'hypocrisie et le cynisme qui convenaient. Il devait suffire, pour — 467 — nous entraĂźner jusqu'Ă  ce point, de s'emparer de quel- ques-unes des idĂ©es imprimĂ©es dans nos Ăąmes par des siĂšcles de culture chrĂ©tienne, de les dĂ©former quel- que peu, de nous les donner comme nouvelles, grĂące Ă  ces maquillages auxquels excelle le Juif pour faire du neuf avec du vieux ou du vieux avec du neuf selon son intĂ©rĂȘt du moment, et de les inscrire sur nos drapeaux en quelques-unes de ces formules dont la retentissante sonoritĂ© morale devait produire sur nos Ăąmes l'effet que produit sur nos nerfs le son du tambour... GrĂące Ă  cela, la nation qui a justifiĂ© cette parole Gesta Dei per Francos ! devait justifier cette autre Gesta judaeorum per Francos ! Dans cette premiĂšre partie de sa besogne, le Pou- voir occulte national juif a rĂ©ussi aussi complĂštement qu'il pouvait le souhaiter. Tout ce qui pouvait faire obstacle chez nous Ă  la domination juive est actuel- lement renversĂ©. Nos traditions politiques sont abat- tues et nos traditions religieuses violemment arra- chĂ©es de l'Ăąme de la race sans que celle-ci, privĂ©e de ses guides et de ses dĂ©fenseurs naturels, sache rĂ©sis- ter Ă  l'opĂ©rateur. La discipline politique Ă©tant brisĂ©e, il arrive que les catholiques ne s'entendent plus et que la plupart se livrent d'eux-mĂȘmes Ă  leur ennemi. Les uns prĂȘchent l'acceptation des faits ; les autres l'acceptation partielle des idĂ©es adverses. Un certain nombre s'enthousiasment pour un idĂ©al fait de chimĂš- res dĂ©mocratiques qui leur est suggĂ©rĂ©, sans qu'ils le sachent, par l'ennemi, et qui est destinĂ© Ă  les me- ner lĂ  oĂč le faux idĂ©al de 1789 a conduit les catholi- ques d'alors. Partout, par consĂ©quent, sous une forme — 468 — ou sous une autre, c'est l'inaptitude Ă  la lutte, ou le renoncement, quand ce ne sont pas les bras ouverts Ă  l'ennemi. Ici ou lĂ , il arrive bien que le patient crie, gesticule, comme ceci ou comme cela ; mais il est rĂ©- duit Ă  la plus complĂšte impuissance. A la place de la religion des aĂŻeux, on est parvenu Ă  nous faire accep- ter un matĂ©rialisme dĂ©vastateur, qui suffirait Ă  lui seul Ă  nous rendre incapables de rĂ©sistance. Au lieu du chef de la nation qui avait intĂ©rĂȘt Ă  la sauve- garde de la communautĂ©, puisque sans elle il n'eĂ»t Ă©tĂ© rien, un gouvernement nous a Ă©tĂ© donnĂ©, d'ori- gine rĂ©volutionnaire, c'est-Ă -dire procĂ©dant du Pou- voir occulte juif, ne pouvant rien attendre que de lui, et qui, dominĂ© par l'abjection rĂ©gnante, abjection qu'il a d'ailleurs contribuĂ© Ă  rĂ©pandre, ne peut plus songer qu'Ă  complaire au maĂźtre. Et il Ă©tait fatal que les choses en arrivassent Ă  ce point, dĂšs lors qu'on avait privĂ© la France de ses chefs. Nation capable de tout, Ă  condition qu'elle soit conduite ; incapable de se garder au contraire, dĂšs lors qu'elle est sans guide. A ce point de vue, le Juif a bien fait son calcul. Il sa- vait qu'il suffisait de trancher la tĂȘte Ă  notre royautĂ© pour qu'Ă  la place de cette tĂȘte abattue, il n'eĂ»t plus qu'Ă  poser la sienne. Car il nous en faut une, quelle qu'elle soit, de par la volontĂ© de la nature. Tout semble donc irrĂ©mĂ©diablement accompli. Attendez pourtant ! Car voici qu'au dedans comme au dehors surgissent des circonstances d'oĂč peut nous venir le salut, si nous savons les voir et les utiliser. Et ces circonstances ont Ă©tĂ© créées par le Pouvoir occulte lui-mĂȘme. Elles sont les consĂ©quences des manƓuvres — 469 — auxquelles il a Ă©tĂ© obligĂ© de se livrer pour nous abattre. C'est ainsi que se manifeste la justice de Dieu ! LA SITUATION DU POUVOIR OCCULTE JUIF A l'intĂ©rieur. D'abord Ă  l'intĂ©rieur, voici quelle est la chance qui rĂ©sulte pour nous de la situation ; chance qui se pro- duit pour la premiĂšre fois depuis deux cents ans. Ainsi que nous l'avons dit, la Franc-Maçonnerie est une sociĂ©tĂ© spĂ©cialement construite et organisĂ©e pour manƓuvrer, non dans le domaine des faits, mais dans celui de la prĂ©paration aux faits. En d'autres termes, c'est une sociĂ©tĂ© d'Ă©ducation, et non une so- ciĂ©tĂ© d'action. Elle a pour mission de dĂ©former les intelligences, de jeter les individus hors du sens com- mun, puis de les laisser agir Ă  leurs risques et pĂ©- rils. C'est ainsi qu'en 1789, lorsqu'elle eut mis la RĂ©volution en marche, elle ferma ses loges. Elle s'ef- faça pour laisser les Francs-Maçons libres de sacca- ger, de piller, de voler, de tout dĂ©truire et de tout cor- rompre Ă  leur grĂ©. Il n'en est plus de mĂȘme aujour- d'hui. Les politiciens francs-maçons n'ont pas Ă©tĂ© laissĂ©s libres comme en 1793. Nous avons vu qu'ils sont tenus Ă  l'attache par le Pouvoir occulte qui les oblige Ă  assister aux rĂ©unions des loges et Ă  appliquer la politique qui leur y est dictĂ©e. C'est dans l'histoire de la Franc-Maçonnerie un fait nouveau dont nous avons expliquĂ© la raison et dont nous pouvons tirer un immense avantage. Voici pourquoi. — 470 — On comprend que si la Franc-Maçonnerie s'effaça au moment de la RĂ©volution, c'est que le Pouvoir occulte voulut qu'il en fĂ»t ainsi. Pourquoi le voulut-il? Il avait deux raisons pour cela. La premiĂšre, c'est que les loges, ainsi que nous ve- nons de le dire, Ă©taient constituĂ©es pour enseigner, pour prĂ©parer, et non pour agir. Leur organisation leur permettait l'un des deux rĂŽles, et non pas l'au- tre. Mais dans leur sein avaient Ă©tĂ© formĂ©s des hommes que leur tempĂ©rament et leur situation rendaient propres Ă  l'action. Ils avaient Ă©tĂ© attirĂ©s tout exprĂšs dans la Franc-Maçonnerie ; ils y avaient remplacĂ© les philosophes, les rĂȘveurs de progrĂšs, qui avaient eux-mĂȘmes succĂ©dĂ© aux francs-maçons craignant Dieu et fidĂšles Ă  leur prince de la premiĂšre Ă©po- que. Ces hommes d'action, une fois suggestionnĂ©s par les apĂŽtres et les sous-apĂŽtres » du Pouvoir oc- culte, avaient tirĂ© des principes suggĂ©rĂ©s les conclu- sions que leur dictaient leur ambition et leur tempĂ©ra- ment. Ils Ă©taient, nous l'avons dit, comme des chiens dressĂ©s pour la chasse d'un certain gibier, qui, une fois sur les traces de celui-ci, s'Ă©lancent furieuse- ment. Si on les eĂ»t gardĂ©s en loge, ils eussent Ă©tĂ© gĂȘnĂ©s par les francs-maçons de la deuxiĂšme couche encore nombreux, les philosophes, les rĂȘveurs de pro- grĂšs , thĂ©oriciens de la destruction, mais non pas destructeurs par goĂ»t. C'Ă©tait une raison, dĂšs lors que l'action Ă©tait dĂ©cidĂ©e, pour que les rĂ©unions ma- — 471 — çonniques cessassent d'avoir lieu et pour qu'elles fus- sent remplacĂ©es par les rĂ©unions des clubs. Il est \Tai que chacun se sentant libre crĂ©a le sien les modĂ©rĂ©s, les thĂ©oriciens d'un cĂŽtĂ©; les violents et les destruc- teurs de l'autre. Mais ceux-ci, aidĂ©s en sous main dĂšs le dĂ©but par le Pouvoir occulte, devaient fatalement l'emporter sur ceux-lĂ . Le Pouvoir occulte avait encore pour procĂ©der ainsi une autre raison de grande importance c'Ă©tait le be- soin oĂč il Ă©tait que la Franc-Maçonnerie ne fĂ»t pas compromise. 11 prĂ©voyait les Ă©checs possibles, instruit par l'accident arrivĂ© Ă  l'Illuminisme. Il vou- lait qu'en cas d'insuccĂšs l'association maçonnique pĂ»t recommencer Ă  se livrer au travail de propagande en vue duquel il l'avait créée et spĂ©cialement organisĂ©e. Le meilleur moyen pour obtenir ce rĂ©sultat, c'Ă©tait qu'elle n'agit pas. Les consĂ©quences de cette maniĂšre de faire furent les suivantes. La Franc-Maçonnerie ne fut pas com- promise en effet, bien que pourtant elle eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©e par quelques Ă©crivains. Mais par contre, les chiens, une fois hors du chenil maçonnique, n'obĂ©i- rent plus qu'Ă  leur tempĂ©rament et Ă  la fureur dont on les avait animĂ©s. Lorsqu'ils curent commencĂ© Ă  mordre, ils ne surent plus faire que cela. Ils se mor- dirent mĂȘme les uns les autres, et si furieusement qu'ils dĂ©truisirent les cadres de l'armĂ©e du Pouvoir occulte. En mĂȘme temps, ils inspirĂšrent Ă  la France l'horreur du rĂ©gime qui donnait de tels rĂ©sultats, aprĂšs qu'il avait Ă©tĂ© annoncĂ© comme Ă©tant celui de la li- bertĂ©, de l'Ă©galitĂ© et de la fraternitĂ©. Ils rendirent — 472 — ainsi la rĂ©action inĂ©vitable. Or cette rĂ©action, ce de- vait ĂȘtre un recul de prĂšs de quatre-vingts ans pour le Pouvoir occulte. Celui-ci, en effet, ne devait plus re- devenir maĂźtre de la France qu'aprĂšs la chute du ma- rĂ©chal de Mac-Mahon. Durant ce long temps, il n'avait pourtant cessĂ© de travailler Ă  reconquĂ©rir la situation perdue. Nous avons montrĂ© qu'il avait presque rĂ©ussi en 1848 et en 1870-1871. Mais Ă  peine au pouvoir, il s'Ă©tait vu contraint Ă  lĂącher sa proie ; et c'avait Ă©tĂ©, dans les deux circonstances, parce que la France avait Ă©tĂ© prise de peur, rien qu'en revoyant sortis des chenils maçonniques ces terribles chiens enragĂ©s dont elle avait gardĂ© l'Ă©pouvante depuis 1793. Le Pouvoir occulte fut ainsi amenĂ© Ă  considĂ©rer que la mĂ©thode qu'il avait employĂ©e jusqu'alors Ă©tait mauvaise et qu'en consĂ©quence, au lieu de lĂącher sa meute, il devait la tenir constamment en laisse. Len- tement, mais sĂ»rement ! » tel est le mot d'ordre de- puis 1871. Et c'est pourquoi, tandis que, dans les pĂ©- riodes rĂ©volutionnaires antĂ©rieures, les francs-maçons Ă©taient plus ou moins abandonnĂ©s Ă  eux-mĂȘmes, nous les voyons aujourd'hui, bien qu'occupant le pouvoir, frĂ©quenter en mĂȘme temps les loges et obĂ©ir aux or- dres qu'ils y reçoivent sous forme de suggestions aux- quelles ils sont forcĂ©s d'obĂ©ir parce qu' on les tient par leur propre intĂ©rĂȘt ». De sorte qu'en rĂ©alitĂ©, ce n'est pas eux qui gouvernent comme gouvernaient les francs-maçons de 1793, c'est la Franc-Maçonnerie. Le Pouvoir occulte parvient ainsi Ă  maĂźtriser mĂȘme ses dogues les plus fĂ©roces. C'est ce que nous le voyons — 473 — faire depuis vingt-cinq ans. Il donne la consigne aux piqueurs qui les tiennent et aux veneurs qui les con- duisent. Il subventionne les uns et les autres, toujours prĂȘt Ă  leur ĂŽter le pain de la bouche s'ils ne savent di- riger leurs bĂȘtes. Il suspend ainsi sur nos tĂštes une rĂ©vo- lution dont il promet tous les jours le» grand soir » Ă  ceux qui la rĂȘvent ; mais il met tous ses efforts Ă  l'empĂȘ- cher d'Ă©clater, par peur des rĂ©actions dont il a gardĂ© le souvenir. C'est en dĂ©tail qu'il procĂšde Ă  la destruction de tout ce par quoi est entretenue la vie au sein de notre nation, d'une façon presque invisible et insen- sible, tant les transitions sont habilement mĂ©nagĂ©es, tant les occasions et les prĂ©textes sont bien choisis. Donc pas de rĂ©volution violente, et par suite pas de rĂ©action Ă  redouter voilĂ  le bĂ©nĂ©fice de la mĂ©- thode actuelle pour le Pouvoir occulte. Mais, comme toutes les choses de ce monde, la mĂ©- thode dont nous venons de signaler l'avantage a aussi ses inconvĂ©nients. Voici en quoi. Le Pouvoir occulte n'est parvenu Ă  se rendre maĂźtre de la France que parce que nous ignorions son exis- tence et son action. Le secret de cette existence et de cette action gardĂ© tout au moins jusqu'Ă  ce qu'il n'y ait plus pour nous de rĂ©sistance possible, voilĂ  la con dition de sa victoire. Le jour oĂč cette condition ne serait plus remplie, tous les avantages qu'il a conquis se trouveraient compromis. Or, par cela seul que le Pouvoir occulte a fait agir politiquement et directe- ment la Franc-Maçonnerie, il nous a permis de sur- prendre celle-ci en flagrant dĂ©lit, de la mettre en con- tradiction avec elle-mĂȘme, de la faire voir telle qu'elle — 474 — est, menteuse et hypocrite. Elle qui se disait si belle, si pure, la voilĂ  obligĂ©e de montrer sa face grima- çante et hideuse. Les antimaçons sont parvenus Ă  Ă©clairer une certaine partie du public, Ă  en inquiĂ©ter une autre. Bien mieux ! GrĂące au bon sens et Ă  la logique qui sont les qualitĂ©s maĂźtresses de l'esprit français, voici la nation qui commence Ă  se dou- ter que derriĂšre la Maçonnerie, il doit y avoir quelque chose qui se cache. C'est la derniĂšre des choses aux- quelles devait s'attendre le Pouvoir occulte. D'autre part, la Franc-Maçonnerie a Ă©tĂ© organisĂ©e tout exprĂšs pour agir dans l'ombre. Par le fait qu'elle est actuellement tirĂ©e hors de cette ombre, il faut qu'elle manƓuvre dans un autre milieu pour lequel elle n'a pas Ă©tĂ© constituĂ©e celui de la pleine lumiĂšre. La consĂ©quence, c'est une diminution considĂ©rable de force pour elle. Nous ne nous en apercevons pas encore, parce qu'elle est maĂźtresse de tout. La vitesse acquise la pousse et la soutient. Mais les lois de la nature sont lĂ . Une heure viendra, qui n'est peut-ĂȘtre pas bien Ă©loignĂ©e, oĂč il suffira qu'instruits enfin par nos dĂ©faites antĂ©rieures nous sachions lutter, pour que l'immense machination s'effondre. Nous devons donc considĂ©rer comme une victoire extrĂȘmement importante au point de vue des rĂ©sul- tats futurs, le fait de tenir lĂ  dĂ©masquĂ©s devant nous, non seulement la Franc-Maçonnerie, Ă  l'action corro- sive de laquelle on ne voulait pas croire, mais encore ce Pouvoir occulte national juif qui, pour demeurer invisible, n'a cessĂ© d'accumuler les plus cyniques mensonges et les plus honteuses hypocrisies. — 475 — Cette victoire initiale et qui en entraĂźnera d'autres, r'ost aux antimaçons, et Ă  eux seuls, que la France la doit. Pour l'obtenir, on peut dire qu'ils ont eu Ă com- l>attre non seulement l'ennemi, mais tout le monde, y compris souvent leurs amis ; et ils ont nĂ©anmoins N aincu. Nous le disons, parce qu'il importe, pour la suite de la campagne, que la valeur de rendement des [irocĂ©dĂ©s employĂ©s jusqu'Ă  ce jour soit connue. Qu'on Ă©carte les hommes qui les ont utilisĂ©s, soit ! C'est sou- vent ainsi que les choses se passent et il faut savoir l'admettre. Mais qu'on garde au moins les mĂ©thodes qui ont fait leurs preuves. AUTRE CONSEQUENCE DES MANƒUVRES DU POUVOIR OCCULTE. CRÉATION d'aUTRES PUISSANCES OCCULTES QUI CONTRECARRENT LA PREMIÈRE. Lorsque le Pouvoir occulte juif fonda la Franc- Maçonnerie, il se trouva dans la nĂ©cessitĂ©, ainsi que nous l'avons expliquĂ©, d'avoir recours aux Anglais comme intermĂ©diaires. Il fut obligĂ© de leur livrer en partie le secret de l'organisme de destruction qui de- vait ĂȘtre introduit, grĂące Ă  eux, dans le monde catho- lique. Les hommes d'Etat anglais comprirent l'utilitĂ© dont pouvait ĂȘtre pour leur pays une association par l'intermĂ©diaire de laquelle il leur Ă©tait loisible de rĂ©- pandre dans les nations catholiques les idĂ©es qui de- vaient ĂȘtre pour celles-ci tout au moins des germes d'affaiblissement. C'est pourquoi, ne voyant que l'in- tĂ©rĂȘt de leur pays, et oubliant celui de la chrĂ©tientĂ©, ils s'appliquĂšrent Ă  rĂ©pandre cette FrĂ nc-Maçonnerie — 476 — universelle, fraternelle en apparence, mais anglaise en fait, dont il leur Ă©tait parlĂ©. Nous avons expliquĂ© comment, sans qu'ils pussent s'en douter, les sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives possĂ©daient les moyens de mettre si- lencieusement la main sur les loges, par l'intermĂ©- diaire des chrĂ©tiens qu'elles avaient affiliĂ©s, et com- ment le Pouvoir occulte juif, inconnu alors des poli- tiques anglais, avait ainsi pu faire passer ses inspira- tions dans les loges fondĂ©es par ceux-ci. Nous avons aussi montrĂ© pourquoi ces inspirations Ă©taient forcĂ©- ment favorables Ă  la politique anglaise, par cela seul qu'elles tendaient Ă  la diminution de la force fran- çaise. Il arriva pourtant qu'Ă  certains moments, l'in- tĂ©rĂȘt juif ne se confondit pas absolument avec l'intĂ©- rĂȘt anglais. Par exemple les politiques anglais eurent Ă  constater la disparition des loges françaises pen- dant la RĂ©volution, ce qui les privait des moyens qu'ils croyaient possĂ©der de diriger cette RĂ©volution. Plus tard, ils virent une partie des forces maçon- niques françaises leur Ă©chapper sous le premier Em- pire. Ils furent incitĂ©s par ces circonstances et par un certain nombre d'autres, Ă  reprendre en sous-main, au sein de la Franc-Maçonnerie, une certaine organisa- tion qu'ils avaient forcĂ©ment nĂ©gligĂ©e en raison de leur inexpĂ©rience au moment de la constitution des loges celle qui tend Ă  la transmission des suggestions. En se donnant Ă  ce travail de constitution, ils avaient en somme fourni au Pouvoir occulte juif des moyens d'action au sein de la chrĂ©tientĂ© analogues Ă  ceux que fournissent Ă  la maçonnerie les crĂ©ateurs de cer- i — 477 — tains groupes profanes. Les circonstances dont nous venons de parler ne leur rĂ©vĂ©lĂšrent peut-ĂȘtre pas en- lore l'existence de ce Pouvoir occulte juif, mais elles Il s amenĂšrent tout au moins Ă  reconnaĂźtre que l'or- Lianisme ne fonctionnait pas de façon Ă  rendre tout rc qu'ils en avaient attendu, et cela suffisait pour pi'ils eussent le dĂ©sir de remĂ©dier Ă  ce qu'ils croyaient Ire une imperfection de l'organisme. Comment? Dans le monde occulte les procĂ©dĂ©s en pareil cas sont forcĂ©ment peu variĂ©s. Les politiques an- irlais ne pouvaient que crĂ©er des groupes maçonniques nouveaux chargĂ©s de rĂ©pandre dans ceux qui exis- taient dĂ©jĂ  des suggestions avantageuses Ă  l'Angle- terre. C'est ansi qu'Ă  diffĂ©rentes Ă©poques, et selon ce qu'exigeaient les circonstances, des courants ont Ă©tĂ© créés ou fortifiĂ©s au sein de la Franc-Maçonnerie, aprĂšs certains mĂ©comptes rĂ©sultant pour les Anglais des manƓuvres juives. Une nouvelle situation, grosse de consĂ©quences, a Ă©tĂ© la consĂ©quence de ces tentatives rĂ©itĂ©rĂ©es. Pour nous rendre complĂštement compte de cette situation, il faut considĂ©rer la façon dont s'opĂšrent de pareilles opĂ©rations. Supposons qu'un homme politique anglais, initiĂ© Ă  la haute maçonnerie, connaissant par consĂ©quent la maniĂšre dont fonctionne l'organisme et se rendant compte de ce qu'on devrait en tirer, constate que certaines idĂ©es dĂ©savantageuses Ă  l'influence anglaise sont rĂ©pandues dans les groupes maçonniques ou dans certains d'entre eux. Il fait part de sa constata- tion Ă  certains de ses co-initiĂ©s anglais dont — 478 — il croit ĂȘtre sĂ»r. Des conciliabules secrets s'Ă©tablis- sent. Ceux qui sont appelĂ©s Ă  y prendre part pour- ront commencer par dĂ©cider simplement qu'ils s'ap- pliqueront individuellement Ă  faire circuler d'autres idĂ©es au sein des loges. Mais s'ils constatent que leur effort demeure impuissant, ils sont amenĂ©s Ă  organiser une contre-propagande, et pour cela Ă  crĂ©er une Franc- Maçonnerie spĂ©ciale fondation de loges, d'ateliers su- pĂ©rieurs, de fĂ©dĂ©rations, voire mĂȘme de rites qui jouera au sein de la Franc-Maçonnerie universelle, selon les nĂ©cessitĂ©s, le rĂŽle que jouent les loges au sein du monde profane. Ainsi peut se trouver instituĂ© un nouveau centre d'inspirations c'est-Ă -dire un autre Pouvoir occulte qui, sans faire directement Ă©chec au premier, dont il n'a peut-ĂȘtre ni la connaissance ni l'intuition, sert tout au moins un autre intĂ©rĂȘt. De pareilles crĂ©ations ne sont pas Ă  la portĂ©e de tout le monde, certes ! Mais elles ne sont pas impos- sibles Ă  qui reprĂ©sente une idĂ©e nationale ou une idĂ©e religieuse, ou les deux Ă  la fois, comme c'est le cas pour les politiques anglais. Elles seront considĂ©rable- ment facilitĂ©es si les initiateurs de ces sortes de mouvements disposent d'une grande situation, de relations et d'influences diplomatiques, et aussi de puissantes ressources financiĂšres. Il est impossible que les politiques anglais, disci- ples et successeurs de ceux par qui les Juifs firent ef- fectuer les plantations niaçonniques dans les diffĂ©- rents pays chrĂ©tiens en leur persuadant que cette opĂ©ration ne pouvait ĂȘtre favorable qu'Ă  l'Angleterre, il est impossible, disons-nous, que ces politiques an- — 479 — glais n'aient pas Ă©tĂ© conduits Ă  constituer un Pou- voir occulte politique anglais manƓuvrant pour son compte, dans les conditions que nous venons de dire, am sein de l'immense agglomĂ©ration maçonnique. Le Pouvoir occulte juif n'a pas eu de peine, comme on pense, Ă  s'en apercevoir. Il avait toute facilitĂ© pour cela, lui qui tenait tous les fils et qui avait une expĂ©rience bien plus grande du maniement des sociĂ©- tĂ©s secrĂštes superposĂ©es. Mais il ne pouvait s'opposer aux manƓuvres anglaises que dans une certaine me- sure, dominĂ© qu'il Ă©tait par la nĂ©cessitĂ© de ne pas se dĂ©couvrir. C'est ainsi que le secret, cause de sa force, peut devenir, en des cas accidentels, cause de sa fai- blesse. Il lui est souvent impossible d'agir comme il le voudrait, prĂ©cisĂ©ment parce qu'il doit rester occulte. ^Tant que son objectif immĂ©diat Ă©tait la ruine du ca- tholicisme et des nations catholiques, cet objectif se trouvait d'ailleurs servi d'une certaine maniĂšre par le Pouvoir occulte anglais. La principale prĂ©occupa- tion du premier a donc dĂ» toujours ĂȘtre de faire pĂ©nĂ©- trer ses crĂ©atures au sein des groupes constituĂ©s par le second, pour ĂȘtre renseignĂ© sur eux, pour contre- balancer leur puissance, pour avoir dans leur direc- tion une certaine part, pour neutraliser dans la me- sure du possible celles de leurs tendances qu'il jugeait dangereuses pour lui. Parfois il est arrivĂ© qu'il a cru devoir opposer Ă  ces sortes de crĂ©ations d'autres crĂ©ations du mĂȘme genre ; et nous pouvons nous ren- dre compte par lĂ  de ce que sont ces franc-maçon- neries rĂ©guliĂšres ou irrĂ©guliĂšres, dont les francs-ma- çons entendent parler sans y rien comprendre, ainsi — 480 — qu'en faisait naĂŻvement Taveu le Limousin dans ce discours Ă  la SociĂ©tĂ© de statistique dont nous avons parlĂ© dans notre prĂ©cĂ©dent ouvrage. Qui prononce la rĂ©gularitĂ©? Pourquoi la prononce-t-on? C'est ce qu'ignorent les pauvres moutons de Panurge que sont les francs-maçons mĂȘme haut gradĂ©s, comme celui dont nous venons de prononcer le nom. Il est trente- troisiĂšme ! Nous pouvons considĂ©rer que l'irrĂ©gula- ritĂ©, prononcĂ©e comme elle l'est le plus souvent par on ne sait qui, au nom d'on ne sait quoi, est une sorte d'excommunication lancĂ©e par les reprĂ©sentants de celui des deux Pouvoirs occultes qui s'inquiĂšte lors- qu'il voit se crĂ©er au sein de la Franc-Maçonnerie une organisation nouvelle contre laquelle il se dĂ©fend comme il peut. Un exemple de ce genre de lutte nous est-il offert en ce moment par la soi-disant rĂ©organi- sation de la Franc-Maçonnerie spiritualiste, rĂ©orga- nisation qui apour base l'excommunication lancĂ©e con- tre le Grand-Orient de France, principal agent dans l'Ɠuvre de dĂ©sorganisation dont la France est la vic- time? C'est possible. Mais il est possible Ă©galement qu'il ne s'agisse lĂ  que d'une manƓuvre tendant Ă  tromper le public par le retranchement d'une des par- ties de l'organisme maçonnique sur laquelle les pro- fanes sont arrivĂ©s Ă  jeter trop de lumiĂšre, et dont le maintien serait compromettant pour l'ensemble. Quoi qu'il en soit, aprĂšs bientĂŽt deux siĂšcles de fonc- tionnement de la Franc-Maçonnerie au sein du monde chrĂ©tien, nous devons tenir pour certain que cette so- ciĂ©tĂ© secrĂšte voit depuis longtemps dĂ©jĂ , au moins deux influences se mouvoir en elle, — sans compter — 481 — d'autres qui uni pu ou qui pourront surgir, — et que si les gouvernements n'y prennent garde, il en sera bientĂŽt de notre monde europĂ©en comme il en est du monde chinois, oĂč la vie publique n'est que la ma- nifestation des luttes des diffĂ©rentes sociĂ©tĂ©s secrĂštes qui se croisent, se mĂȘlent, se heurtent et se disputent par la ruse toutes les influences. Un tel Ă©tat de choses doit arriver. Il est fatal. S'il n'existe pas encore main- tenant, il se crĂ©era nĂ©cessairement un jour ou l'autre ; ou plutĂŽt nous y marchons tous les jours. L'occulte en effet ne peut pas ne pas engendrer l'occulte. La seule ressource qu'il nous reste pour prĂ©venir une situation sociale aussi honteuse, c'est que, par la force des choses, les gouvernements europĂ©ens qui ont le plus bĂ©nĂ©ficiĂ© de l'action maçonnique vont commencer et commencent mĂȘme dĂ©jĂ  Ă  sentir que cette action devient dangereuse pour eux. CONSÉQUENCE DE CET ÉTAT DE CHOSES DANS LA POLITIQUE INTERNATIONALE ACTUELLE. Le Pouvoir occulte juif ne pouvait se sentir que fort peu gĂȘnĂ© par les tentatives anglaises, tant qu'il avait pour unique objectif immĂ©diat la destruction du ca- tholicisme et l'affaiblissement des nations catholi- ques. Toutefois la collaboration du protestantisme et du judaĂŻsme a eu pour consĂ©quence une complication inattendue. Les nations catholiques ont bien Ă©tĂ© infĂ©riorisĂ©es comme le dĂ©sirait le Pouvoir occulte juif. Mais en rai- son de l'expĂ©rience que certains de ses hommes poli- — 482 — tiques sont parvenus Ă  acquĂ©rir dans le maniement des sociĂ©tĂ©s secrĂštes, l'Angleterre a vu sa puissance politique s'accroĂźtre dans de telles proportions qu'elle en est venue Ă  former le rĂȘve d'Ă©tablir son impĂ©rialat sur le monde. DĂšs maintenant, elle est en bon chemin pour rĂ©aliser ce but, et magnifiquement armĂ©e pour y rĂ©ussir. Elle possĂšde des colonies et des points d'ap- pui sur toute la surface du globe. On parle sa langue partout. Elle a constituĂ© la plus formidable des ma- rines. OĂč sont les obstacles que puisse rencontrer son ambition? Ce n'est plus dans les pays catholiques rĂ©- duits Ă  l'impuissance par la collaboration des efforts juifs et protestants. C'est, pour une part, en Allema- gne, oĂč la force des choses a créé un invincible besoin d'expansion. Mais c'est plus encore dans la race juive parce que celle-ci aspire, elle aussi, et depuis plus longtemps, au sceptre du monde. Les deux ambitions, anglaise et juive, tendent au mĂȘme but ; il est donc inĂ©vitable qu'elles deviennent ennemies. Ceux des Français qui ont l'habitude de rattacher les effets aux causes peuvent dĂ©jĂ  voir sourdre sur bien des points, en France, les manifestations d'une inimitiĂ© dĂšs main- tenant existante entre la force juive et la force an- glaise. '=] Le jeu des circonstances a fait que notre pays est l'un des théùtres de la lutte qui s'engage en- tre les deux anciens alliĂ©s devenus adversaires. Ces manifestations seraient bien plus gĂ©nĂ©rales si les nĂ©- cessitĂ©s de leur politique n'obligeaient le Pouvoir national juif et le Pouvoir national anglais Ă  dissimu- ler l'antagonisme qui les divise. Ils ne sauraient en ef- — 483 — fet le laisser voir sans risquer de dĂ©couvrir trop tĂŽt au monde l'objet de leur ambition et la façon perverse dont ils ont usĂ© l'un et l'autre de l'organisme maçon- nique contre les nations catholiques. Mais, dĂšs main- tenant, l'hostilitĂ© existe entre eux. Ajoutons que cette hostilitĂ© ne peut aller qu'en s'aggravant, parce que le systĂšme de domination de l'un exclut celui de l'au- tre. Nous avons montrĂ© quel est celui auquel doit logi- quement tendre le gĂ©nie juif. C'est le rĂ©gime collec- tiviste, par lequel l'humanitĂ© serait partagĂ©e en deux classes celle des travailleurs qui comprendrait tout ce qui n'est pas juif, et celle des administrateurs qui seraient recrutĂ©s exclusivement parmi ceux qui se considĂšrent comme Ă©tant le peuple Ă©lu, le peuple Messie. C'est ainsi qu'actuellement en France, grĂące Ă  l'effort du Pouvoir occulte juif, il existe dĂ©jĂ  deux classes au point de vue politique celle des Français non judaĂŻsants et celle des Français judaĂŻsants ; ceux- ci possĂ©dant tous les privilĂšges ; ceux-lĂ  ayant droit Ă  toutes les persĂ©cutions. La suppression des nations, nous l'avons dit, est la condition nĂ©cessaire de cette organisation du monde. Les politiques anglais ont une tout autre concep- tion celle de l'impĂ©rialat. A mesure que leur sceptre s'Ă©tend, ils ne dĂ©truisent pas les nations qu'ils con- quiĂšrent. Ils se les attachent simplement par certains liens Ă©tablissant une subordination. Ils laissent sub- sister les organismes politiques qu'ils rencontrent dans les pays dont ils deviennent les maĂźtres. Ou bien s'ils les dĂ©truisent, ils se hĂątent de les remplacer par — 484 — d'autres. Mais avant tout, ils veulent des administra- tions autonomes auxquelles ils se contentent de faire reconnaĂźtre la suprĂ©matie de la mĂ©tropole et qu'ils s'appliquent Ă  discipliner en faisant naĂźtre chez cha- que peuple la fiertĂ© de compter parmi les membres de l'empire. Un tel systĂšme est incompatible avec le systĂšme juif. Et c'est pourquoi, dĂšs maintenant, le Pouvoir oc- culte juif doit faire opposition Ă  la puissance anglaise. Cet antagonisme qui, sans que nous nous en aper- cevions, domine la situation politique actuelle, est compliquĂ© de celui qui existe entre l'Angleterre et l'Allemagne. Autrefois, le gouvernement occulte juif pouvait rassembler toutes les forces protestantes contre les nations catholiques. Il n'en est plus ainsi maintenant, et c'est par sa faute. Il a dĂ©cidĂ© Ă  un certain moment que ce n'Ă©tait pas assez contre la France catholique d'une grande puissance protestante, et il en a dressĂ© une autre en face de nous, continentale comme nous. Il a créé, pour cette raison, l'empire allemand, dont il a donnĂ© le sceptre Ă  la Prusse. Il nous a mĂȘme fait travailler Ă  cette crĂ©ation, en nous suggĂ©rant la thĂ©o- rie du principe des nationalitĂ©s » et en nous inci- tant Ă  mettre nos armĂ©es au service de ce principe. Nous savons ce que cela nous a coĂ»tĂ©. Mais le Pouvoir occulte juif n'avait pas prĂ©vu qu'un jour viendrait oĂč ce principe des nationalitĂ©s qui donnait naissance Ă  une seconde grande puis- sance protestante europĂ©enne, mettrait celle-ci aux prises avec la premiĂšre. Ce jour est venu, et la consĂ©- — 485 — quence c'est que l'effort combinĂ© de nos anciens ad- versaires protestants se trouve divisĂ©. Comme l'Angleterre aspire Ă  l'Ă©tablissement de sa suprĂ©matie sur le monde, l'Allemagne est obligĂ©e de nourrir une ambition non moins haute, sous peine de se laisser dĂ©passer par sa rivale. Ils sont donc trois, Ă  l'heure qu'il est, Ă  poursuivre la rĂ©alisation du mĂȘme but l'aĂźnĂ©, le Juif; le cadet, l'Anglais ; le dernier nĂ©, l'Allemand. Trois qui avaient autrefois une mĂȘme pensĂ©e dominante notre abais- sement, et qui Ă©taient unis Ă  cause de cela contre nous ; trois qui, aujourd'hui, ne pensent plus Ă  cela d'abord, parce que chacun d'eux est obligĂ©, avant tout, de ne pas laisser grandir davantage ses deux ri- vaux. Le Juif, — c'est-Ă -dire le vrai Pouvoir occulte, puis- qu'on ne sait mĂȘme pas qu'il existe Ă  l'Ă©tat de nation, ni par consĂ©quent oĂč est la tĂȘte de cette nation — le Juif exerce par la puissance irrĂ©sistible de l'argent et par son ubiquitĂ© une immense influence dans le monde entier. En outre, il a pris pied sur un point de ce monde celui qu'on appelait jusqu'ici la France; oĂč il est devenu Ă  peu prĂšs le maĂźtre ; oĂč il n'est guĂšre com- battu, hĂ©las ! par des influences françaises; oĂč il n'est actuellement tenu en Ă©chec que par l'influence an- glaise. Le Juif a intĂ©rĂȘt Ă  asseoir plus complĂštement encore sa domination parmi nous, et pour cela, Ă  complĂ©ter la destruction des derniĂšres forces d'orga- nisation qui nous restent dans le domaine religieux, dans le domaine moral, dans le domaine des idĂ©es patriotiques et aussi dans celui des institutions poli- — 486 — tiques et sociales. Il voudrait aboutir Ă  l'organisation collectiviste, mais il est obligĂ© de vouloir que cette organisation s'opĂšre sans heurts, sans rĂ©volution, parce qu'aprĂšs 1793, 1848 et 1871 il sait quels incon- nus redoutables peuvent sortir d'une rĂ©volution, sur- tout maintenant qu'il est devinĂ©. 11 n'a donc plus qu'une arme contre nous la corruption dans tous les genres, pour que s'ensuive notre irrĂ©mĂ©diable inap- titude Ă  la rĂ©sistance. Et l'on peut voir depuis quel- ques annĂ©es s'il en sait user ! Mais en mĂȘme temps il faut qu'il veille aussi Ă  ce que la France, sa possession, ne soit pas attaquĂ©e par ses trop puissants voisins. Il a trois raisons pour re- douter une guerre dans laquelle interviendrait fata- lement l'Angleterre. D'abord Ă  cause de l'inconnu qu'elle peut ouvrir et qui est aussi redoutable pour lui que celui des rĂ©volutions. En second lieu, tout dĂ©- pĂšcement de la France serait maintenant Ă  son dĂ©tri- ment, puisque celle-ci lui appartient. Enfin, que l'An- glais ou l'Allemand soit victorieux, c'est toujours un de ses rivaux qui devient encore plus puissant. Or, il trouve maintenant que tous les deux le sont dĂ©jĂ  trop... Il faut donc que tout en nous dĂ©sarmant, en nous mutilant et en nous dĂ©virilisant, il empĂȘche que l'Allemagne ne nous attaque ou que l'Angleterre ne nous entraĂźne. Il espĂšre y arriver, grĂące Ă  ce qu'une guerre nĂ©cessite des sommes Ă©normes et que ces som- mes, on ne peut plus se les procurer qu'en s'adressant Ă  lui. De son cĂŽtĂ©, l'Angleterre qui avait tout Ă  gagner autrefois Ă  notre affaiblissement matĂ©riel et moral — 487 — est intĂ©ressĂ©e aujourd'hui Ă  empĂȘcher l'un et l'autre. Si elle n'a nul besoin de notre marine dans l'Ă©tat oĂč est rĂ©duite celle-ci, elle ne peut se passer de notre ar- mĂ©e contre l'Allemagne. N'en eĂ»t-elle pas besoin qu'elle ne saurait tout au moins dĂ©sirer que, dans le cas oĂč elle attaquerait la marine allemande, l'empe- reur Guillaume prĂźt une compensation Ă  notre dĂ©tri- ment. En admettant qu'elle fĂ»t insensible au dĂ©sas- tre dont nous souffririons, elle ne le serait pas Ă  l'ac- croissement de la puissance territoriale de sa rivale. Quant Ă  notre affaiblissement moral, elle sent trop maintenant qu'il est la condition et la marque de l'ac- croissement de puissance de son autre rival le Pou- voir occulte juif. Enfin pour ce qui concerne l'Allemagne prussiani- sĂ©e, il en est d'elle comme de l'Angleterre. Sa pensĂ©e dominante n'est plus l'abaissement de la France ou l'absorption de quelques-unes des provinces de celle-ci. L'avenir de l'Allemagne est sur la mer , selon la parole de Guillaume. Sa pensĂ©e dominante d'aujour- d'hui, c'est la lutte contre l'Angleterre. Elle est obli- gĂ©e, ainsi que nous le disions plus haut, de suivre sa rivale Ă©conomique sur tous les terrains, et de rĂȘver, elle aussi, une suprĂ©matie mondiale. L'Allemagne est donc dĂ©sormais ennemie de la puissance anglaise. Mais elle a aussi Ă  compter avec la puissance juive. Cette der- niĂšre ne peut pas dĂ©sirer un trop grand accroissement de la force allemande, par les mĂȘmes raisons qui lui font craindre le dĂ©veloppement de la force anglaise. La suprĂ©matie allemande comporterait le maintien d'une organisation politique qui ferait obstacle Ă  la rĂ©alisa- — 488 — tion des plans juifs. Par contre, l'Allemagne ne peut pas dĂ©sirer l'accroissement de la puissance juive dont le systĂšme collectiviste serait la ruine du sien. ConsĂ©quemment, elle n'a donc plus le mĂȘme intĂ©rĂȘt Ă  l'abaissement moral de la France parce que cet abaissement moral, c'est, comme nous le disions tout Ă  l'heure, la marque et la condition de la domination juive chez nous. Ainsi, tandis qu'autrefois la puissance juive, la puis- sance anglaise et la puissance allemande avaient tou- tes trois pour pensĂ©e dominante l'abaissement de la France, Ă  l'heure actuelle le Pouvoir occulte national juif craint l'augmentation de la puissance anglaise ou allemande ; l'Angleterre craint l'augmentation de la puissance allemande ou juive ; et l'Allemagne craint l'augmentation de la puissance juive ou anglaise. Et comme le Pouvoir occulte juif est installĂ© chez nous, comme il a fait de la France sa proie, c'est sur nous que convergent forcĂ©ment- les pensĂ©es des trois adver- saires. On sent quels avantages un gouvernement vraiment national pourrait tirer d'une pareille situa- tion. Dans l'Ă©tat d'impuissance auquel nous ont rĂ©duits trente ans de gouvernement maçonnique, notre chance de'salut rĂ©sulte, ainsi qu'on le voit, de l'oppo- sition des trois ambitions rivales. Et, comme deux de ces ambitions ont grandi grĂące aux manƓuvres auxquelles le Pouvoir occulte juif s'est livrĂ© contre nous, il se trouve que c'est ce Pouvoir occulte qui, dans son acharnement Ă  anĂ©antir les forces françaises, — 489 — a Gréé les circonstances grĂące axquelles il est empĂȘ- chĂ© de poser dĂ©finitivement son sceptre sur nous. Il en est toujours ainsi dans les affaires humaines. Si forts, si habiles que nous soyons, il y a une chose que nous resterons toujours impuissants Ă  empĂȘcher c'est l'Ă©closion des consĂ©quences lointaines de nos ac- tes. II n'est pas seulement vrai que tout efĂźet a sa cause, il est vrai aussi que tout effet devient cause, et que cette cause, Ă  son tour, veut produire ses effets... CHAPITRE XXII Les conditions du Salut. SUR QUI DEVONS-NOUS COMPTER? Ainsi que le lecteur a pu s'en rendre compte, ce sont toujours des dĂ©ductions ou des inductions ap- puyĂ©es sur des faits positifs qui lui ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s dans cet ouvrage et dans celui qui l'a prĂ©cĂ©dĂ©. En toutes circonstances, aprĂšs avoir constatĂ© que tel ou tel fait existait, nous nous sommes dit que ce fait entrait forcĂ©ment dans l'immense enchaĂźnement de causes et d'effets suivant lequel le CrĂ©ateur a dĂ©- roulĂ© sa crĂ©ation. DĂšs lors, nous ne nous sommes pas trouvĂ© le droit de le considĂ©rer dans un isolement oĂč Dieu n'a pas permis qu'il fĂ»t. Nous avons cherchĂ© sa cause et ses consĂ©quences. Nous nous garderons bien d'oublier cette mĂ©thode Ă  l'heure oĂč nous voici arrivĂ©s de notre Ă©tude. Alors qu'il s'agit de dĂ©gager les devoirs Ă  l'accomplisse- ment desquels est attachĂ© le salut de la France, il conviendrait, nous semble-t-il, que le rĂŽle de l'auteur se trouvĂąt rĂ©duit Ă  celui du morceau de craie qui trace sur le tableau les formules imposĂ©es par les don- nĂ©es du problĂšme. Il ne s'agit pas ici, eh effet, de sa- voir ce que pense telle ou telle personne, mais ce que dit la logique des faits. C'est d'elle que nous devons — 491 — nous inspirer si nous voulons entreprendre la lutte dans des conditions favorables Ă  la France. Nous nous trouvons en prĂ©sence d'une situation celle que nous nous sommes efforcĂ© de dĂ©gager des obscuritĂ©s amoncelĂ©es sĂ©culairement sur elle. Cette situation peut-elle ĂȘtre rĂ©solue? Comment? Tel est le problĂšme dont nous avons le devoir de chercher et d'exposer la solution de la façon la plus imperson- nelle qui soit possible, sans tenir aucun compte ni de nos intĂ©rĂȘts, ni de nos idĂ©es, ni de nos sentiments, au besoin en les heurtant. Il est certain que le salut de la France n'est pas chose au-dessus des possibilitĂ©s humaines. Mais pour pouvoir il faut vouloir. Les volontĂ©s françaises voudront-elles? C'est une autre question. Quoi qu'il en soit, nous accomplirons notre devoir en posant les donnĂ©es du problĂšme. La question judĂ©o-maçonnique n'est pas seulement une question française ; c'est une question mondiale DĂšs lors, il y a lieu d'examiner ce que nous avons Ă  attendre du dehors. Un observateur qui, pour juger les affaires de ce monde, pourrait se placer en dehors et au-dessus de l'atmosphĂšre humaine, Ă  l'abri des passions qui nous rapetissent, serait amenĂ© Ă  conclure que l'Angleterre et l'Allemagne ont de graves responsabilitĂ©s vis-Ă - vis de la France et qu'elles lui doivent plus que des secours des rĂ©parations. L'abaissement dans lequel ces deux nations nous ont mis n'a en effet rien do comparable Ă  ceux que — 492 — nous leur avons infligĂ©s jadis dans certaines circons- tances, et qu'en d'autres, elles nous ont rendus. C'Ă©tait alors loyalement, Ă  ciel ouvert, qu'entre elles et nous s'engageait le combat ; pour des ambi- tions souvent illĂ©gitimes, c'est vrai, plutĂŽt que pour des besoins dont la satisfaction Ă©tait d'une nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse ; mais du moins en dehors de toute col- laboration avec ceux qui se sont montrĂ©s jusqu'ici les ennemis acharnĂ©s de la ChrĂ©tientĂ©. Il n'en est plus de mĂȘme aujourd'hui. Ce qui carac- tĂ©rise la fortune actuelle de l'Angleterre et celle de l'Allemagne, c'est 'en effet que l'une et l'autre ont Ă©tĂ© acquises, en partie, grĂące Ă  certains moyens que rĂ©- prouvent violemment la morale et la fraternitĂ© chrĂ©- tiennes. Avant d'attaquer sur le champ de bataille la France, nation fille du Christ comme elles, leur aĂźnĂ©e, elles ont commencĂ© par l'affaiblir en lui glissant traĂźtreu- sement dans les veines le virus dont l'action corrup- trice devait leur assurer l'avantage. C'est-Ă -dire qu'a- vant de combattre par le fer, elles ont eu recours au poison. Devant la face de l'Eternelle Justice, peu- vent-elles se dire qu'en faisant cela, elles ont agi loya- lement et courageusement? Ajoutons que le virus maçonnique, par cela seul qu'il Ă©tait corrupteur, Ă©tait essentiellement antichrĂ©- tien. C'est en effet en dĂ©truisant l'enseignement chrĂ©- tien qu'il affaiblissait la France. Celle-ci n'a donc pas Ă©tĂ© frappĂ©e seule ; le christianisme l'Ă©tait avec elle. Cela se trouve suffisamment dĂ©montrĂ© aujourd'hui. Et une pareille Ɠuvre Ă©tait accomplie par les pro- — 493 — cĂ©dĂ©s hypocrites et lĂąches d'une association issue des sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives ! De mĂȘme que Judas entrant au Jardin des Jh- viers allait en ami vers Celui qu'il livrait, la Franc- Maçonnerie entrait, elle aussi, en amie chez les na- tions catholiques, et elle y entrait prĂ©sentĂ©e par des protestants, c'est-Ă -dire par des chrĂ©tiens ! A la base de la fortune actuelle de l'Angleterre et de l'Allemagne, il y a donc une fĂ©lonie non seulement contre la France, mais contre la ChrĂ©tientĂ©, et une fĂ©lonie entreprise par les gouvernants anglais et al- lemands de compte Ă  demi avec les ennemis du Christ. Ces rĂ©flexions, si j'Ă©tais chrĂ©tien anglais ou alle- mand, rabattraient quelque peu mon orgueil. La France n'a pas un tel crime Ă  se reprocher vis- Ă -vis de l'Angleterre ni de l'Allemagne. C'est pour- quoi nous sommes fondĂ© Ă  dire que, victime de pa- reilles manƓuvres, elle aurait droit de leur part Ă  des secours et Ă  des rĂ©parations. Mais il est plus facile de concevoir ce que voudrait la justice que de le voir rĂ©alisĂ©. Nous ne devons donc pas nous leurrer. Ce n'est pas du repentir anglais ou allemand que nous avons Ă  espĂ©rer le salut. Heureux faut-il nous estimer si les gouvernants d'Angleterre et d'Allemagne parvien- nent Ă  rompre les liens dont le Pouvoir occulte s'est efforcĂ© de les envelopper, s'ils se rendent compte des pĂ©rils courus par leurs peuples et s'ils compren- nent la nĂ©cessitĂ© d'une alliance chrĂ©tienne gĂ©nĂ©rale pour empĂȘcher les chefs de la nation antichrĂ©tienne de rĂ©aliser leur plan de domination du monde. — 494 — Peut-ĂȘtre Edouard VII et Guillaume II qui ont des moyens d'information que nous n'avons pas, sont-ils beaucoup plus prĂ©occupĂ©s de cette question que nous ne nous imaginons. Mais en raison des actes de leurs prĂ©dĂ©cesseurs et des leurs, ils sont obligĂ©s, s'ils nourrissent de telles prĂ©occupations, de les cacher. En l'Ă©tat actuel du monde, ils ne pourraient d'ailleurs prendre de mesures contre la France-Maçonnerie et contre les Juifs si leurs peuples n'Ă©taient lĂ -dessus en complet accord avec eux. Or les nations euro- pĂ©ennes ont Ă©tĂ© maintenues jusqu'ici dans la plus com- plĂšte ignorance de la question judĂ©o-maçonnique. Elles en sont encore oĂč en Ă©tait la malheureuse reine Marie- Antoinette, en 1787, lorsque, dans une lettre qu'elle adressait Ă  sa sƓur, elle faisait l'Ă©loge de cette Franc-Maçonnerie qui se prĂ©parait Ă  la martyriser moralement et physiquement de la maniĂšre la plus in- fĂąme. C'est encore Ă  nous qu'incombera leur Ă©duca- tion... Nous n'avons donc Ă  compter que sur nous-mĂȘmes. Toutefois nous ne devons pas oublier la situation que nous avons indiquĂ©e dans le prĂ©cĂ©dent chapitre, si- tuation qui met les gouvernants anglais, allemands et juifs en telle posture les uns vis-Ă -vis des autres que ces derniers sont dĂ©sormais dans l'impossibilitĂ© de manƓuvrer librement contre nous. C'est assez pour que nous puissions organiser notre dĂ©fense. — 495 — LA TACTIQUE QUI NOUS EST COMMANDÉE PAR LA SITUATION DU POUVOIR OCCULTE. DISTINCTION ENTRE LA, POLITIQUE ET LA CREATION d'uN ÉTAT d'eSPRIT. l'État d'esprit que prĂ©fĂšre pour nous le pouvoir occulte. Comment faut-il la comprendre, cette dĂ©fense? C'est aux faits que nous devons le demander. Il en est un qui se prĂ©sente tout d'abord Ă  l'esprit, et qui porte en lui l'indication du procĂ©dĂ© de lutte vraiment adĂ©quat aux circonstances. C'est celui-ci le Pouvoir occulte judĂ©o-maçonnique a basĂ© sa do- mination sur un Ă©tat d'esprit qu'il a commencĂ© par Ă©tablir. D'oĂč rĂ©sulte cette consĂ©quence Tant que rĂ©gnera l'Ă©tat d'esprit en question, le Pou- voir occulte gardera sa puissance ; ou bien s'il la per- dait accidentellement comme cela lui est arrivĂ© aprĂšs le premier Empire, il la reconquerrait comme il a fait. Au contraire, si nous pouvions supprimer cet Ă©tat d'esprit, le Pouvoir occulte n'ayant plus de support s'Ă©croulerait comme une statue dont le socle se dĂ©- roberait sous elle. La situation serait donc relativement facile Ă  dĂ©- nouer si elle ne se trouvait compliquĂ©e du fait que l'Ă©tat d'esprit créé par le Pouvoir occulte a eu pour consĂ©quence l'Ă©tablissement de certains Ă©tats de choses d'ordre politique et religieux. DĂšs lors se pose la question dĂ©licate entre toutes Ă  cĂŽtĂ© de laquelle il se- — 496 — rait puĂ©ril de passer en dĂ©tournant les yeux le salut de la France exige-t-il la destruction ou permet-il l'acceptation de ces Ă©tats de choses? Comme ces derniers sont la consĂ©quence de l'Ă©tat d'esprit prĂ©alablement créé, il est logique que nous nous occupions de celui-ci tout d'abord. Peut-on dĂ©truire un Ă©tat d'esprit? En second lieu, quel est exactement celui Ă  la destruction duquel il s'agirait de travailler? La premiĂšre de ces deux interrogations s'est posĂ©e devant les disciples du Christ lorsqu'il s'agit pour eux de fonder l'Eglise. Il leur fallait dĂ©truire un Ă©tat d'esprit. Ils ont voulu ; et ils ont pu. Elle s'est posĂ©e aussi devant le Pouvoir occulte lorsqu'il forma le plan d'asservir le monde chrĂ©tien. Lui aussi, il a voulu, et il a pu. La destruction d'un Ă©tat d'esprit est donc chose possible. Mais il faut vouloir ; et pour vouloir il faut savoir. Nous nous trouvons ainsi ramenĂ©s Ă  la se- conde interrogation quel est exactement l'Ă©tat d'es- prit Ă  la destruction duquel il y a lieu de travailler? C'est encore aux faits de nous renseigner. Ils nous montrent que l'Ă©tat d'esprit créé par le Pouvoir occulte est celui qui a Ă©tĂ© prĂ©parĂ© par les philosophes du xviii*^ siĂšcle, propagĂ© par des libelles rĂ©pandus Ă  profusion, et qui eut pour aboutissement la RĂ©volution. C'est l'Ă©tat d'esprit antitraditiona- liste. Antitraditionalisme religieux et antitraditiona- lisme politique, voilĂ  la grande caractĂ©ristique de — 497 — l'Ă©tat d'esprit sur lequel le Pouvoir occulte a comptĂ© pour tuer la France. C'est un fait. De ce fait se dĂ©gage une consĂ©quence C'est que si nous travaillons Ă  rĂ©pandre soit l'anti- traditionalisme politique, soit l'antitraditionalisme religieux, c'est-Ă -dire l'antimonarchisme ou l'antica- tholicisme, nous travaillons dans le sens dĂ©sirĂ© par les ennemis de la France. Si, au contraire, nous tra- vaillons Ă  rĂ©pandre l'un des deux traditionalismes, nous nous opposons aux vues de ces ennemis ; et nous nous y opposons plus directement encore si nous fai- sons une propagande Ă  la fois monarchiste et catho- lique. Qu'on veuille bien le remarquer nous parlons en ce moment de propagande et non pas de politique. Il est extrĂȘmement important de distinguer entre les deux. En effet, la politique n'est pas simple affaire de principes ; elle est, comme la mĂ©decine, une science en mĂȘme temps qu'un art d'adaptation. Elle nĂ©ces- site des principes fixes et des tactiques variables se- lon les cas. N'arrive-t-il pas, tous les jours, qu'en raison de l'Ă©tat gĂ©nĂ©ral d'un malade, son mĂ©decin ne puisse lui faire absorber le remĂšde qu'appellerait la maladie? C'est pour cela qu'il y a si grande importance Ă  distinguer entre politique et Ă©tat d'esprit. C'est ce qu'a fait le Pouvoir occulte. S'il peut y avoir discussion entre traditionalistes combattant, les uns pour le catholicisme seulement, les autres pour le catholicisme et le monarchisme, — 498 — il est indubitable qu'en principe toute propagande anticatholique ou antimonarchique est conforme aux vues gĂ©nĂ©rales du Pouvoir occulte juif, puisque celui- ci ne peut arriver Ă  son but qu'aprĂšs suppression complĂšte de tout traditionalisme en nous, y compris l'idĂ©e de Patrie. Telle est la constatation que nous devrions tou- jours avoir prĂ©sente Ă  la pensĂ©e, car elle est le flam- beau susceptible d'Ă©clairer notre route dans la dou- loureuse incertitude oĂč sont les vraiment dĂ©vouĂ©s sur la dĂ©termination de leurs vrais devoirs. Quelle que soit la politique Ă  laquelle nous croyions prĂ©fĂ©rable de nous rallier, nous devrions ne jamais oublier que politique et Ă©tat d'esprit sont choses dif- fĂ©rentes et que l'Ă©tat d'esprit aimĂ© par le Pouvoir oc- culte ennemi de la France et de la chrĂ©tientĂ©, c'est l'anticatholicisme et l'antimonarchisme; tandis qu'au contraire l'Ă©tat d'esprit catholique et monarchique Ă  la fois lui est particuliĂšrement en horreur, parce qu'il constitue — Ă  condition qu'il soit Ă©clairĂ© par l'Ă©tude de la question judĂ©o-maçonnique — un obsta- cle-infranchissable Ă  sa secrĂšte ambition. LA QUESTION RELIGIEUSE. Cela est d'ailleurs tellement Ă©vident que l'entente serait relativement aisĂ©e sur ce sujet entre Français vraiment dĂ©vouĂ©s au salut public, s'ils ne se trou- vaient aux prises avec les difTicultĂ©s de l'action po- litique. Ces difficultĂ©s rĂ©sultent non seulement de l'Ă©tat — 499 — d'esprit créé par le Pouvoir occulte, mais aussi et sur- tout des Ă©tats de choses Ă©tablis consĂ©cutivement Ă  cet Ă©tat d'esprit. Voici quelles sont les indications fournies Ă  cet Ă©gard par l'Ă©tude que nous terminons. Au point de vue religieux, l'Ă©tat de choses créé par le Pouvoir occulte, c'est la guerre Ă  mort au ca- tholicisme et le remplacement de celui-ci par le ma- tĂ©rialisme le plus bestial. Nous avons montrĂ© dans quel but le matĂ©rialisme Ă©tait prĂȘchĂ©. Le Pouvoir occulte juif le considĂšre avec raison comme destinĂ© Ă  nous achever. Quant Ă  la guerre dĂ©clarĂ©e au catholicisme, qu'est- ce qui la lĂ©gitime? Rien. Au contraire, tout devrait nous l'interdire si le Pouvoir occulte n'Ă©tait parvenu Ă  faire de nous un peuple malade, un peuple fou. En effet, ce n'est pas seulement au nom de la li- bertĂ©, comme certains le disent, que le catholicisme est fondĂ© Ă  rĂ©clamer son droit Ă  l'existence. Deman- der pour lui la simple tolĂ©rance, c'est humilier injus- tement sa cause. Celle-ci doit ĂȘtre plaidĂ©e par des raisons plus hautes et infiniment honorables. Le ca- tholicisme possĂšde des titres qui lui assurent le droit non seulement Ă  la vie, mais aussi au respect de tous les hommes et des Français en particulier. Voici en trois mots le rĂŽle sublime qu'il a jouĂ© il a ressuscitĂ© l'humanitĂ© aprĂšs que celle-ci eĂ»t Ă©tĂ© submergĂ©e par la barbarie ; il lui a fait une Ăąme ; et il a construit la France. Et ce n'est pas dans la nuit des temps » que ces services glorieux et inoubliables ont Ă©tĂ© ren- dus par lui ; c'est au grand jour. Tels sont ses titres. — 500 — Le Pouvoir occulte juif veut la mort du catholi- cisme. Nous ne pouvons pas ne pas nous opposer Ă  cet attentat, Ă  ce crime monstrueux contre l'idĂ©al, contre la raison, contre la patrie, contre l'humanitĂ©. Est-ce Ă  dire que nous devions redevenir tous croyants et pratiquants? Cela ne se fait pas au com- mandement; pas mĂȘme au commandement qu'on se donnerait Ă  soi-mĂȘme. Les blessures laissent des cica- trices. Or nous sommes des blessĂ©s. Mais il est une chose qui se peut, pourvu qu'il nous reste quelque sentiment de justice et tant soit peu de luciditĂ© intellectuelle c'est que nous redevenions des dĂ©fenseurs du catholicisme, c'est-Ă -dire de l'Ă©tat d'esprit chrĂ©tien, y compris l'indispensable et noble idĂ©e de discipline. Ou bien nous serons ces dĂ©fenseurs ou bien nous serons les serfs des Juifs. Ces derniers ont si bien fait que la question religieuse se pose Ă  nous dans ces termes simples ou le Christ, ou Ju- das ! Voudrions-nous nous dĂ©rober?... Impossible ! La logique des faits nous enserre tous les jours da- vantage si nous n'avons pas le courage de choisir, elle choisira pour nous. Ou le Christ, ou Judas ! LA QUESTION POLITIQUE. LA FORME DE GOUVERNEMENT DONT NE VEUT PAS LE POUVOIR OCCULTE. COMMENT SE RÈGLENT SES PRÉFÉRENCES EN CETTE MATIÈRE. Il nous faut enfin arriver Ă  l'examen de l'Ă©tat de choses politique. C'est lĂ  que notre organisme natio- — 501 — nal prĂ©sente le plus de points douloureusement sen- sibles. Le Pouvoir occulte juif a voulu qu'il en fĂ»t ainsi. Son intĂ©rĂȘt l'exige. Actuellement, il nous a donnĂ© la RĂ©publique. Nous disons actuellement, parce qu'Ă  d'autres Ă©poques la Franc-Maçonnerie a facilitĂ© l'avĂšnement des deux Empires et celui de Louis-Philippe. Mais ce n'Ă©tait lĂ  que manƓuvres momentanĂ©es ayant pour but d'as- surer certaines transitions nĂ©cessaires. Nous en avons la preuve dans le fait que les deux Empires et la mo- narchie de Louis-Philippe ont eu Ă  subir les assauts des sociĂ©tĂ©s secrĂštes. Ils ont Ă©tĂ© dĂ©truits par elles, c'est-Ă -dire par le Pouvoir occulte, puisque celui-ci a la main dans toutes, comme la Maçonnerie a la main dans toutes les sous-maçonneries. Ces gouverne- ments avaient donc Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s par lui comme des pis-aller. Pour Ă©viter un retour de la France au tra- ditionalisme intĂ©gral qui comprend l'idĂ©e de patrie, la tradition religieuse et la tradition monarchique, le Pouvoir occulte concĂ©dait, selon ce qu'exigeaient les circonstances, un traditionalisme partiel. Tout considĂ©rĂ©, il faut reconnaĂźtre que les formes de gouvernement qui conviennent le mieux chez nous au Pouvoir occulte juif sont celles qui suppri- ment une plus grande part du traditionalisme intĂ©- gral et qui, par lĂ  mĂȘme, le rapprochent davantage de son but dĂ©finitif la royautĂ© juive par l'anĂ©antis- sement de tout traditionalisme et par l'Ă©tablissement de la RĂ©publique collectiviste athĂ©e. Ce dont il ne veut Ă  aucun prix — les faits sont lĂ  pour le crier — c'est une monarchie qui, en mĂȘme — 502 — temps qu'elle serait chrĂ©tienne, reprĂ©senterait le droit traditionnel dans la personne de son chef. Sup- posez un tel rĂ©gime restaurĂ©, supposez le chef ayant conscience de toutes les nĂ©cessitĂ©s actuelles, grĂące aux lumiĂšres fournies par l'Ă©tude de la question judĂ©o- maçonnique, et prenant bravement les mesures nĂ©- cessaires pour sauvegarder le traditionalisme reli- gieux et patriotique... Mais non ! N'Ă©voquez pas une pareille vision devant le Pouvoir occulte ni devant les Juifs et les francs-maçons dĂ©francisĂ©s qui le ser- vent !... Ce serait le vieil arbre sĂ©culaire français rĂ©en- fonçant ses racines dans le sol, ce serait l'anĂ©antisse- ment de la royautĂ© juive. Tout plutĂŽt que cela ! Par l'effet de ses suggestions, le Pouvoir occulte est parvenu Ă  inoculer Ă  un grand nombre d'entre nous sa haine de la monarchie traditionnelle. C'est un fait indĂ©niable. Or, en politique comme en mĂ©de- cine, ainsi que nous l'avons dit, il faut tenir compte des faits. Celui dont nous parlons suffit Ă  rendre le salut de la France singuliĂšrement difficile. Mais c'est un autre fait non moins indĂ©niable, qu'un tel Ă©tat d'esprit fait merveilleusement les affaires de l'ennemi acharnĂ© de la France et du monde chrĂ©tien. Nous pouvons rester ce que nous sommes ; mais nous de- vons avoir le courage de constater ce qui est, tout ce qui est. A la monarchie dont nous parlons, le Pouvoir oc- culte en prĂ©fĂ©rerait certainement une qui, fĂ»t-elle chrĂ©tienne, ne pourrait s'appuyer sur le droit tradi- tionnel. Ce serait toujours le traditionalisme attaquĂ© sur un point. — 503 — 11 accepterait encore plutĂŽt une rĂ©publique chrĂ©- tienne, fĂ»t-elle dictatoriale. Celle-ci lui laisserait l'es- pĂ©rance de voir succĂ©der au dictateur chrĂ©tien, un dictateur moins chrĂ©tien qui, n'ayant pas le souci d'une politique traditionnelle, gouvernerait selon ses principes. Dans tous les cas, ce serait une racine du traditionalisme stĂ©rilisĂ©e l'hĂ©rĂ©ditĂ©. Elle le serait plus sĂ»rement si, au lieu d'une dicta- ture chrĂ©tienne, il s'agissait d'une rĂ©publique libĂ©- rale chrĂ©tienne. Le Pouvoir occulte saurait jouer du libĂ©ralisme infiniment mieux que ses adversaires et ce serait pour dĂ©truire tĂŽt le rĂ©gime. Une dictature anticlĂ©ricale, mĂȘme sous forme d'em- pire ferait encore mieux son affaire. Il verrait lĂ  les deux racines du traditionalisme fortement atteintes ou menacĂ©es. Il aurait en effet la possibilitĂ© des campagnes anticatholiques tolĂ©rĂ©es, sinon favorisĂ©es par le gouvernement. En mĂȘme temps, le chef de l'Etat n'ayant pas pour lui la force du principe tra- ditionnel, son autoritĂ© dictatoriale serait bientĂŽt sa- pĂ©e par la propagande libĂ©rale qu'on lui opposerait. Nous avons d'ailleurs eu tout cela en France au cours du xix^ siĂšcle et nous savons que c'est en pas- sant par ces chemins qu'on arrive oĂč nous sommes. Dictature, anticlĂ©ricale ou non, ou bien rĂ©publique, chrĂ©tienne ou non, le Pouvoir occulte est assurĂ©, une fois qu'il nous a mis lĂ , une fois qu'il est parvenu Ă  rompre un des Ă©tais du traditionalisme, de briser l'autre. C'est l'affaire de quelques Ă©tapes rĂ©publi- que progressiste, rĂ©publique opportuniste, et enfin rĂ©publique radicale, c'est-Ă -dire athĂ©e. Cela se fait — 504 — presque sans qu'on s'en aperçoive ; et, dans tous les cas, cela se fait malgrĂ© les rĂ©sistances, en raison de l'action de certains principes ou de certains illo- gismes qui, une fois introduits dans les organismes politiques, ont pour effet de les fausser. Nos chefs d'op- position rĂ©publicaine ne se sont pas aperçus de cela ; ceux d'aujourd'hui, qui devraient pourtant ĂȘtre ins- truits par l'expĂ©rience, semblent ne pas le voir mieux que ceux d'hier. C'est pourquoi ils ont laissĂ© tomber la France oĂč elle est. Lorsqu'on les pousse sur ce su- jet, on arrive Ă  obtenir d'eux une rĂ©ponse de ce genre Je ne vous dis pas que je sois aussi radicalement rĂ©publicain aujourd'hui qu'il y a quinze ans. Mais la nation veut le maintien de la RĂ©publique. » Et ils continuent Ă  faire non seulement delĂ  politique, mais de la propagande rĂ©publicaine, sans s'inquiĂ©ter des rĂ©sultats, comme le mĂ©decin qui verserait lui-mĂȘme du poison Ă  son malade, sous prĂ©texte que celui-ci en veut... On peut dire d'eux que leur dĂ©vouement et leur habiletĂ© ont Ă©tĂ© vaincus par leur illogisme — si tant est que celui-lĂ  soit rĂ©ellement habile qui commence par se ranger du cĂŽtĂ© oĂč n'est pas la logique. RĂ©publique radicale athĂ©e c'est celle que nous avons maintenant. Elle a pour objectif la prĂ©para- tion Ă  la rĂ©publique collectiviste. On l'a baptisĂ©e dĂ©- mocratique. Par lĂ  on capte pour elle l'adhĂ©sion des multitudes aveugles, quelques crimes qu'elle com- mette contre la patrie. On entraine en mĂȘme temps les bourgeois vaniteux auxquels on fait croire qu'ils sont des avancĂ©s », des Ă©voluĂ©s » parce qu'ils — 505 — se sont soustraits Ă  toute discipline religieuse, alors qu'en rĂ©alitĂ© leur intelligence privĂ©e de direction su- pĂ©rieure glisse insensiblement vers l'incohĂ©rence et l'anarchie. On sĂ©duit jusqu'aux catholiques en leur prĂ©sentant l'esprit dĂ©mocratique » comme une adaptation naturelle et nĂ©cessaire de l'esprit de cha- ritĂ© Ă  la politique. Conception fausse, Ă  l'abri de la- quelle on leur suggĂšre que l'esprit dĂ©mocratique doit ĂȘtre le principe directeur de toute politique vraiment chrĂ©tienne. On les conduit ainsi Ă  la plus lamentable, Ă  la plus dĂ©sastreuse confusion entre les devoirs so- ciaux, les devoirs politiques et les devoirs religieux; la confusion qu'Ă©cartait le Christ par cette simple pa- role Rendez Ă  CĂ©sar ce qui est Ă  CĂ©sar et Ă  Dieu ce qui est Ă  Dieu. On les hypnotise sur l'idĂ©e du droit des multitudes, gĂ©nĂ©reuse en apparence, mais ration- nellement fausse et funeste Ă  ces multitudes elles- mĂȘmes lorsqu'elle leur est prĂ©sentĂ©e autrement que comme un corollaire de l'idĂ©e de devoir. On les grise de la suggestion qu'ils ont une mission Ă  remplir celle de procĂ©der Ă  l'avĂšnement de la bontĂ© et de l'amour universel comme fondements de la politique; conception absolument enfantine attendu que le fon- dement de toute politique doit ĂȘtre l'ordre. N'est-ce pas en effet le besoin de sĂ©curitĂ© qui est le point de dĂ©part, la raison d'ĂȘtre des sociĂ©tĂ©s humaines? Et la sĂ©curitĂ© peut-elle ĂȘtre assurĂ©e autrement que par l'ordre, rĂ©sultant de l'accomplissement de cer- tains devoirs qui, Ă  leur tour, deviennent gĂ©nĂ©ra- teurs de droits? En faussant ainsi les principes, en les transpor- — 506 — tant Ă  tort et Ă  travers du domaine religieux dans le domaine politique, ou inversement, le Pouvoir oc- culte bouleverse les conditions d'existence des na- tions. Il met Ă  la base des constructions sociales ce qui devrait ĂȘtre au sommet ; au sommet ce qui devrait ĂȘtre Ă  la base. Il arrive enfin Ă  ce que la religion, ini- tiatrice des dĂ©vouements, provocatrice des saints en- thousiastes et, par lĂ  mĂȘme, soutien des sociĂ©tĂ©s, se trouve employĂ©e pour leur ruine. Lorsque de telles confusions sont produites dans l'esprit des meilleurs catholiques, le Pouvoir occulte peut se permettre les suprĂȘmes attentats, puisque ceux qui devraient veiller Ă  la dĂ©fense commune sont occupĂ©s d'autre chose, puisqu'ils concourent mĂȘme Ă  hĂąter l'heure oĂč seront dĂ©truits, morceaux par morceaux, les derniers liens qui maintenaient l'agrĂ©gation nationale. C'est aprĂšs ces derniers efforts que doit enfin sonner l'heure oĂč pourra ĂȘtre instau- rĂ©e la rĂ©publique collectiviste, celle par laquelle se trouvera dĂ©finitivement organisĂ©e la royautĂ© juive. C'est lĂ  que nous allons lentement, progressive- ment ; toutes prĂ©cautions Ă©tant prises pour que la chose n'apparaisse que lorsqu'il sera trop tard pour rĂ©sister, ainsi qu'il a Ă©tĂ© fait pour la RĂ©volution. Nous y allons, conduits par les gouvernants eux-mĂȘmes, les uns cyniques comme Clemenceau, les autres hypo- crites comme Briand, tous hypnotisĂ©s, mĂȘme s'ils n'ont pas reçu l'initiation dans une loge, tous pĂ©nĂ©- trĂ©s de l'esprit maçonnique, grĂące aux milliers de con- duites par lesquelles cet esprit est maintenant rĂ©- pandu dans le mondre profane. BientĂŽt, si le plan — 507 — aboutissait enfin Ă  sa rĂ©alisation dĂ©finitive, la France ne serait plus la France. A son organisation nationale en ruines aurait succĂ©dĂ© une organisation purement financiĂšre, industrielle et commerciale, dans laquelle tous, riches ou pauvres d'aujourd'hui, Ă©galisĂ©s, ni- velĂ©s, nous ne serions plus que les ouvriers de la rai- son sociale IsraĂ«l. Que les amis, que les collaborateurs actuels des Juifs ne s'y trompent pas la raison sociale sera IsraĂ«l tout court, et non pas IsraĂ«l et G", parce qu'une fois roi, IsraĂ«l n'admettra pas d'autre compagnie que celle de ses fils. Et, Ă  son point de vue, il aura raison, sa sĂ»retĂ© ne pouvant plus alors exister qu'Ă  ce prix. On sera de la race Ă©lue » ou on n'en sera pas. Encore une fois, nous marchons Ă  ce but et par des voies beaucoup plus sĂ»res que celles qu'ouvrirait la rĂ©volution dans la rue ; nous y marchons par le dĂ©- sordre mis dans les consciences et en particulier dans un nombre tous les jours plus grand de consciences catholiques ; et c'est en rĂ©alisation du plan qui Ă©tait indiquĂ© par l'un des membres de la Haute-Vente lorsqu'il Ă©crivait Il nous faut une rĂ©volution en tiare et en chape. CE QUE NOUS AVONS A FAIRE DANS l'oRDRE POLITIQUE. l'effort que chacun DE NOUS DOIT TENTER SUR LUI-MÊME. Si la pente qui conduit Ă  ce. terme est si glissante une fois que sont acceptĂ©s les gouvernements oĂč fait dĂ©faut le principe d'hĂ©rĂ©ditĂ© monarchique uni — 508 — au principe chrĂ©tien, faut-il proscrire la forme rĂ©pu- blicaine que nous avons actuellement? A la question posĂ©e avec cette nettetĂ©, les faits rĂ©- pondent encore ; et c'est pour nous dire que nous ne pouvons dĂ©truire Ă  notre fantaisie un Ă©tat de choses existant, surtout lorsque cet Ă©tat de choses repose sur un Ă©tat d'esprit prĂ©cĂ©demment créé et solidement assis. Un trop grand nombre d'entre nous demeurent attachĂ©s, malgrĂ© tout, Ă  la RĂ©publique. Nous y som- mes peut-ĂȘtre attachĂ©s nous-mĂȘmes Notre va- nitĂ© prend tant plaisir Ă  se persuader que nous nous gouvernons librement ! Or l'Ă©tiquette rĂ©publicaine nous donne cette illusion ; et, en cela comme en tant d'autres choses, l'illusion nous suffit. Nous disions tout Ă  l'heure qu'on ne pouvait nous demander de redevenir croyants et pratiquants au commandement ; mais nous ajoutions que nous pouvions et que nous devions redevenir des dĂ©fen- seurs du catholicisme. On ne saurait nous deman- der non plus de redevenir monarchistes au com- mandement ; mais nous pouvons tout au moins ne pas nous livrer Ă  la propagande antimonarchiste. Nous pouvons, quelque conviction religieuse ou quel- que opinion politique que nous ayons, nous abstenir de faire de l'anticatholicisme contre les catholiques de l'antimonarchisme contre les monarchistes, de mĂȘme que nous ne faisons pas d'antipatriotisme contre les patriotes. Oui ! cela, nous le pouvons ; et mĂȘme, nous le devons. Nous le devons, parce que l'idĂ©e de patrie, le prin- cipe catholique et le principe monarchique sont les — 509 — trois sources auxquelles s'est alimentĂ©e la vie de la France. Il est bien certain que ceux d'entre nous en qui. ces sources sacrĂ©es continuent de couler toutes trois ont Ă©tĂ© moins atteints que les autres par la pro- pagande de Tinfame Pouvoir occulte. DĂšs lors, on ne voit pas pourquoi ils mĂ©riteraient notre haine ou notre hostilitĂ©. Dans la terrible bataille dont la vie de la France est l'enjeu, ils ont Ă©tĂ© les moins griĂšvement blessĂ©s. Est-ce une raison pour que nous nous dres- sions contre eux? Il est une autre raison, d'une importance considĂ©- rable, pour laquelle nous devons nous abstenir de faire de l'antimonarchisme contre les monarchistes, aussi bien que de l'anticatholicisme contre les catho- liques. C'est que la division entre les Français est la ga- rantie certaine du triomphe final pour le Pouvoir occulte. Si cette division existe actuellement, c'est parce qu'il l'a voulue ; et s'il l'a voulue, c'est parce qu'il ne pouvait s'en passer. Tout ce qui contribue Ă  l'augmenter ou mĂȘme seulement Ă  l'entretenir est donc favorable au Pouvoir occulte. Tout ce qui con- tribue Ă  l'affaiblir lui est funeste. C'est surtout ici qu'il y a lieu de distinguer entre politique et Ă©tat d'esprit^ parce que ce qui est im- possible d'un cĂŽtĂ© devient possible de l'autre. Il existe des partis politiques, et ces partis sont reprĂ©sentĂ©s au Parlement. Laissons les faire leur besogne, cette besogne dont nous avons pu mesurer l'inanitĂ© puisque, depuis trente ans, l'opposition n'a cessĂ© d'ĂȘtre battue. Est-ce parce qu'elle n'a pas su — 510 — manƓuvrer? Nullement. C'est parce que l'adversaire, avant d'agir politiquement, avait commencĂ© par Ă©tablir un Ă©tat d'esprit, tandis qu'elle a nĂ©gligĂ© d'en faire autant. Nous pouvons agir en dehors de ces partis politiques, mĂȘme si nous appartenons Ă  l'un ou Ă  l'autre d'entre eux ; et ce doit ĂȘtre pour rĂ©parer la faute qu'ils ont commise, c'est-Ă -dire pour travailler Ă  la crĂ©ation de l'Ă©tat d'esprit dont ils ne se sont pas prĂ©occupĂ©s. Ce faisant, nous agirons, disons-nous, en dehors des par- tis ; toutefois nous n'en ferons pas moins Ɠuvre politique. Nous avons dit tout Ă  l'heure quel est l'Ă©tat d'es- prit que nous devons combattre. Il est Ă©vident que celui que nous avons Ă  crĂ©er doit lui ĂȘtre directement opposĂ©. Le Pouvoir occulte veut voir rĂ©gner l'anti- traditionalisme ; nous devons essayer de faire ren- trer le traditionalisme en nous ; chacun travaillant pour son compte, en lui mĂȘme et sur lui-mĂȘme. Nous ne saurions douter qu'en demeurant atta- chĂ©s Ă  telle forme de gouvernement plutĂŽt qu'Ă  telle autre nous correspondons plus ou moins aux vues du Pouvoir occulte ennemi de la France et de la ChrĂ©- tientĂ©. Une telle pensĂ©e devrait, semble-t-il, nous suggĂ©rer le dĂ©sir d'examiner d'un peu plus prĂšs sur quoi ont Ă©tĂ© basĂ©es jusqu'ici nos prĂ©fĂ©rences. Nous laisse-t-elle indiffĂ©rents et rĂ©solus Ă  demeurer oĂč nous sommes parce que nous y sommes ou parce que la majoritĂ© s'y trouve? C'est affaire entre notre cons- cience et notre intelligence. Mais encore pourrions-nous, mĂȘme en ce cas, ne — 511 — pas collaborer Ă  la propagande antitraditionaliste entreprise depuis plus d'un siĂšcle par le Pouvoir oc- culte antifrançais. Si, demeurĂ©s patriotes, mais devenus anticatholi- ques et antimonarchistes, nous faisions Ɠuvre de pro- pagande anticatholique et antimonarcliique, il se trouverait que nous travaillerions par lĂ  mĂȘme contre notre conviction patriotique puisque, par notre effort contre le principe catholique ou contre le principe monarchique, nous obĂ©irions aux vues de l'ennemi de la France. De cela au moins nous pouvons nous garder. Un raisonnement analogue s'imposerait si, Ă©tant patriotes et monarchistes, nous faisions de la propa- gande anticatholique ou si, patriotes et catholiques, nous faisions de la propagande antimonarchique. Nous travaillerions encore dans les deux cas selon les vues du Pouvoir occulte. De cela encore nous pouvons nous garder. Il est donc Ă©tabli par les faits historiques et par l'attitude prise par le Pouvoir occulte contre le tra- ditionalisme français que, mĂȘme si nous ne pouvons faire rentrer le traditionalisme en nous, soit au point de vue politique, soit au point de vue religieux, nous rendrons encore service Ă  la France contre son ennemi en nous interdisant toute manifestation antitraditio- naliste. Qui n'a entendu certains des tenants de la Puis- sance judĂ©o-maçonnique — les plus hypocrites — prĂȘcher la neutralitĂ© vis-Ă -vis des francs-maçons et des Juifs. Etre antimaçon, ĂȘtre antijuiĂŻ, cela, prĂ©- — 512 — tendent-ils, est une marque de sauvagerie, une preuve de fanatisme. DĂšs lors qu'il s'agit de l'appliquer aux maçons et aux Juifs, le prĂ©fixe anti est dĂ©clarĂ© par eux absolument condamnable. Ces bonnes Ăąmes prĂ©- fĂ©reraient, cela se conçoit, nous voir tendre le dos Ă  leurs coups. La besogne leur serait ainsi rendue bien plus facile. Il y a dans ce conseil intĂ©ressĂ© qu'ils nous donnent quelque chose que nous devons retenir, afin d'en faire l'application utile Ă  la France, Ă  savoir Que si nous ne pouvons ĂȘtre des traditionalistes complets, nous devons nous garder de l'a^i^itraditionalisme. Puis- qu'il nous est tant recommandĂ© de n'ĂȘtre pas des anti^ commençons par n'ĂȘtre des anti vis-Ă -vis d'au- cune des doctrines qui font, Ă  un titre quelconque, partie du traditionalisme français. A cet Ă©gard, il semblerait malheureusement que nous ayons reculĂ© plutĂŽt qu'avancĂ© depuis quelques annĂ©es ; et, il faut le reconnaĂźtre, la constitution des ligues d'opposition, avantageuse Ă  d'autres points de vue, a Ă©tĂ© pour beaucoup dans ce rĂ©sultat nĂ©gatif. PrĂ©cisĂ©ment parce que le besoin d'union se fait im- pĂ©rieusement sentir Ă  tous les esprits, il est tels di- recteurs ou inspirateurs de grandes ligues qui sem- blent avoir pris pour objectif l'anĂ©antissement de toutes les autres, sous prĂ©texte qu'ils sont les plus forts et qu'il faut faire l'unitĂ©. C'est lĂ  une erreur grave, une conception sauvage Ă  laquelle doivent rĂ©sister tous les membres de semblables groupements. La rĂ©alisation d'une telle donnĂ©e est d'ailleurs im- possible. Ce n'est pas ainsi que se fait l'unitĂ© ; c'est — 513 — ainsi que se crĂ©ent, au contraire, les inimitiĂ©s et que se font les ruines. Il y a donc lĂ  un vĂ©ritable crime contre la France et, par consĂ©quent, contre le catho- licisme, puisqu'il l'heure actuelle les deux causes se confondent. La division existe. C'est le fait dont il faut partir pour discerner ce qui est possible ou impossible. Pouvez-vous, dĂšs lors que vous avez votre drapeau particulier, entraĂźner ceux qui combattent sous un autre Ă©tendard et pour un autre idĂ©al que le vĂŽtre? Evidemment non. Vous ĂȘtes, au contraire, sans au- cune action sur eux. Vous plaisez aux uns ; c'est une raison pour que vous ne plaisiez pas aux autres. Alors que deviendront-ils si vous les empĂȘchez de se grou- per ou si tout au moins vous leur rendez le groupe- ment difficile? Pourquoi vouloir Ă©touffer ceux qui ne sont pas nous? Quelle petitesse d'esprit que celle qui nous mĂšne Ă  rarĂ©fier l'air pour tous les organismes autres que ceux que nous dirigeons ! Et quel orgueil fou de croire que nous avons l'esprit assez ^vaste pour tout voir, tout comprendre, tout entreprendre, tout rĂ©ussir ! Il ne semble pas que l'unitĂ© soit dĂ©sormais possi- ble en France. Il n'en est pas de mĂȘme de l'union. Celle-ci peut encore ĂȘtre rĂ©alisĂ©e, mais ce n'est pas par l'absorption. Toute ligue qui vise Ă  l'absorption n'est pas utile ; elle est nuisible. En faisant tendre les efforts de ses adhĂ©rents Ă  la destruction des ligues concurrentes au lieu de les employer uniquement Ă  la destruction de l'adversaire, elle ne fĂ©conde pas ces efforts, elle les stĂ©rilise. — 514 — Au lieu de dĂ©truire rĂ©ciproquement nos forces, nous devons les faire converger. Pour cela, il suffĂźt qu'en dehors des conceptions qui nous sont particu- liĂšres, nous en ayons une qui soit Ă  la fois directement opposĂ©e aux vues de l'adversaire et susceptible de solliciter l'activitĂ© de tous. Cette conception peut ĂȘtre fournie par l'Ă©tude de la question judĂ©o-maçon- nique, qui nous Ă©claire sur la vraie nature de nos maux, qui nous enseigne les procĂ©dĂ©s qu'ont em- ployĂ©s les ennemis de la France pour la vaincre et qui nous rĂ©vĂšle ceux par lesquels nous pouvons avoir raison d'eux. Mais l'Ă©tude, n'est-ce pas encore un effort que cha- cun de nous doit faire sur lui-mĂȘme? Nous sommes donc toujours ramenĂ©s lĂ  c'est en nous que, mĂȘme dans l'ordre politique, se trouve actuellement notre A^Ă©ritable champ d'action ; c'est lĂ  que nous pouvons faire quelque chose pour la France. Quoi d'Ă©ton- nant, puisque c'est lĂ  que le Pouvoir occulte s'est efforcĂ© de l'attaquer?... Mais, comme consĂ©quence, chacun de nous, dans ces conditions, peut, s'il le veut, quelque chose; et, par suite, il encourt des responsabilitĂ©s' auxquelles, en face de l'Eternelle Justice, il lui est impossible de se dĂ©rober. L ƒUVRE DE PROPAGANDE. Ce n'est pas assez que ceux qui pensent et qui veu- lent vraiment aider la France s'efforcent d'Ă©chapper par l'Ă©tude de la question judĂ©o-maçonnique Ă  l'em- — 515 — prise intellectuelle et morale du Pouvoir occulte. Il y a quarante millions de Français et il faut que l'Ă©duca- tion de cette masse Ă©norme soit entreprise. Sans doute il en est parmi eux que nous n'atteindrons ja- mais. Cela n'est d'ailleurs nullement nĂ©cessaire. Mais nous en persuaderons un nombre d'autant plus grand que notre effort d'enseignement sera plus Ă©largi et mieux organisĂ©. Pour cela, il faut un centre de pro- pagande. Ce centre existe dans la Ligue Française antima- çonniqiie et dans la Ligue fĂ©minine Jeanne d'Arc qui ont toutes deux leur siĂšge Ă  Paris, 33, quai Voltaire. La ligue Jeanne d'Arc rĂ©unit dans son ComitĂ© de pa- tronage des noms comme ceux de M'"*"" la Comtesse de Saint-Laurent, prĂ©sidente de la Ligue des Femmes Françaises, la marquise de Mac-Mahon, prĂ©sidente d'une grande ligue royaliste, et la baronne Reille, prĂ©- sidente de la Ligue patriotique des Françaises. Le rapprochement de ces noms nous dit Ă  quel point l'Ă©tude de la question judĂ©o-maçonnique peut servir de champ d'action commun entre toutes les frac- tions de l'opposition et tendre par lĂ  mĂȘme Ă  cette union qui porterait tout au moins sur un point et qui serait si indispensable au salut de la France. Ce n'est pas le seul avantage que cette Ă©tude prĂ©- sente. A elle seule elle constitue une arme de premier ordre, en raison de celles qu'emploie l'adversaire au- quel nous avons Ă  faire face. En effet, cet adversaire n'a pu arriver au point oĂč nous le voyons que parce qu'on ne le regardait pas et parce que la manƓuvre lui Ă©tait ainsi rendue facile. — 516 — D'autre part la Franc-IMaçonnerie a Ă©tĂ© construite par lui pour fonctionner dans l'obscuritĂ©. La mettre au grand jour, c'est donc lui assurer un mauvais fonc- tionnement. Elle a pour base le mensonge. Si on ne la connaĂźt pas. elle peut mentir tout Ă  son aise et avec profit. Il en va tout autrement si on la connaĂźt. Enfin le mode de transmission des volontĂ©s invisi- bles et le systĂšme de sĂ©lections et de suggestions que nous avons exposĂ© exige le temps comme Ă©lĂ©ment coopĂ©rateur indispensable. Or le Pouvoir occulte, craignant d'ĂȘtre dĂ©masquĂ© aux yeux de la France avant d'avoir achevĂ© son Ɠuvre, est dĂ©sormais obligĂ© de se hĂąter, en raison des suspicions dĂ©jĂ  Ă©veillĂ©es dans la nation. En se hĂątant il manƓuvre forcĂ©ment mal, puisque l'organisme dont il se sert ne permet pas la hĂąte. Comme consĂ©quence, il compromet sa cause. Par toutes ces raisons l'Ă©tude de la question judĂ©o- maçonnique et plus encore la propagande tendant Ă  la diffusion de cette Ă©tude constituent certainement le meilleur moyen de lutte que nous ayons actuelle- ment Ă  notre disposition contre la traĂźtresse puis- sance juive et contre l'hypocrite et menteuse Franc- Maçonnerie. Sans compter qu'il en prĂ©pare d'autres... Trahison ! Hypocrisie ! Mensonge ! VoilĂ  ce dont nous avons Ă  faire la preuve constamment et partout, afin de rĂ©veiller la fiertĂ© française et de dĂ©sugges- tionner notre race. C'est ainsi que nous constituerons un Ă©tat d'esprit scientifiquement et rationnellement antijuif et anti- maçonnique, tel que l'exigent les conditions de la — 517 — guerre qui nous a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e par le gouvernement secret de la nation juive. Donc Français de toute opinion qui voulez mettre votre patrie avant votre parti dans vos affections, et vous, associations masculines et fĂ©minines qui cher- chez l'Ɠuvre utile Ă  accomplir pour alimenter le zĂšle de vos adhĂ©rents et de vos adhĂ©rentes, Ă  la chaĂźne pour la propagande de l'Ă©tude de la question judĂ©o-maçon- nique ! Oui ! A la chaĂźne ! car la maison brĂ»le et la France, comme sa sainte patronne Jeanne d'Arc, est sur le bĂ»cher ! L'Ɠuvre Ă  laquelle on vous convie n'est nullement une Ɠuvre de haine, puisqu'elle se rĂ©sume dans ces deux mots Ă©tudiez ! enseignez ! Ce ne sont donc pas des armes homicides que celles dont il s'agit de charger vos mains. LES MESURES DE DEFENSE INDISPENSABLES AU SALUT DE LA FRANCE. L'Ă©tude et la propagande Ă  laquelle nous avons tous le devoir de nous livrer doivent toutefois conduire Ă  des mesures de dĂ©fense indispensables au salut de la France. Mais ces mesures, pour efficaces qu'elles doivent ĂȘtre, n'ont rien de terrible, ainsi qu'on va en juger. Il est bien certain que l'Ă©tat d'esprit antimaçonni- que une fois créé, un changement de gouvernement aura lieu, d'une ou d'autre maniĂšre. Ce changement portera-t-il seulement sur les hommes, ou portera-t-il sur la forme elle-mĂȘme? C'est lĂ  une Ă©ventualitĂ© difficile Ă  prĂ©voir. Mais quel — 518 — que soit ce changement, nous devons tenir pour cer- tain qu'Ă  lui seul il ne saurait suffire pour que la France soit sauvĂ©e. Nous avons fait comprendre pourquoi la forme rĂ©publicaine est celle que prĂ©fĂšre le Pouvoir occulte juif. Il la considĂšre comme la plus funeste pour nous, et comme la plus favorable Ă  la rĂ©alisation dĂ© ses propres vues. Elle est, en effet, plus opposĂ©e qu'au- cune autre au traditionalisme ainsi qu'au gĂ©nie de notre race, et en mĂȘme temps elle lui fournit une bien plus grande facilitĂ© pour mettre ses crĂ©atures au gouvernement. Mais une monarchie traditionnelle succĂ©derait-elle Ă  la rĂ©publique actuelle que la France ne serait pas pour cela hors de danger. Nous devons nous tenir pour fixĂ©s Ă  cet Ă©gard par l'ex- pĂ©rience dĂ©jĂ  faite. En effet aprĂšs avoir Ă©tĂ© une premiĂšre fois la proie du Pouvoir occulte, la France retourna Ă  sa tradition. Elle eut le gouvernement de Louis XVIII et de Char- les X, aprĂšs avoir passĂ© par le premier Empire. Elle eut ensuite le gouvernement de Louis-Philippe. Elle eut la RĂ©publique de 48, imprĂ©gnĂ©e d'esprit chrĂ©- tien, bĂ©nissant les arbres de la LibertĂ©. Elle eut le se- cond Empire. Bref, elle put goĂ»ter de tous les rĂ©gimes, et elle ne s'est pas trouvĂ©e sauvĂ©e pour cela. Pour- quoi? Parce que les pouvoirs politiques ont eu jus- qu'ici les yeux fermĂ©s sur la question maçonnique comme sur la question juive. Ils ne se sont pas gar- dĂ©s de ce cĂŽtĂ©-lĂ , et c'est de ce cĂŽtĂ©-lĂ  qu'ils ont Ă©tĂ© frappĂ©s. Quel que soit le gouvernement rĂȘvĂ© par nous en — 519 — raison du cĂŽtĂ© de ropposition oĂč nous nous tenons, nous pouvons ĂȘtre assurĂ©s que ce gouvernement ne pourrait durer s'il ne prenait sur lui d'interdire la Franc-Maçonnerie en France et de retirer les droits de citoyens aux Juifs. Ces mesures, reconnaissons-le, il ne saurait les proposer s'il ne se sentait appuyĂ© par une opinion Ă©clairĂ©e. Et c'est pourquoi le vrai plan de bataille pour les Français contre la nation juive et contre la Franc-Maçonnerie consiste Ă  crĂ©er tout d'abord un Ă©tat d'esprit basĂ© sur la connaissance complĂšte de la question judĂ©o-maçonnique. L'interdiction de la Franc-Maçonnerie n'est pas seulement un droit pour la France ; c'est une nĂ©ces- sitĂ©. Un pays ne saurait permettre qu'on complote contre lui. Les gouvernements, mĂȘme les plus libĂ©- raux, ne tolĂšrent pas la conspiration. A fortiori les nations ont-elles le droit de se montrer intransigeantes sur ce point ; ou bien c'est qu'elles n'ont mĂȘme pas la force de vouloir vivre. Or la Franc-Maçonnerie, sociĂ©tĂ© secrĂšte politique — c'est maintenant dĂ©- montrĂ© par les faits — n'est autre chose chez nous qu'un complot Ă  l'Ă©tat permanent. Elle ne doit donc pas ĂȘtre tolĂ©rĂ©e par la nation française. 'Au nom de la sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale, la Franc-Maçonnerie n'a pas droit Ă  l'existence. Nous disions en parlant du catho- licisme qu'il avait droit Ă  la vie parce qu'il a fait la France. Nous pouvons dire de la Franc-Maçon- nerie qu'elle a droit Ă  la mort parce qu'elle a assas- sinĂ©, trahi et livrĂ© la France. — 520 — Ce n'est donc pas, en principe, contre les francs- maçons qu'il y a lieu de prendre des mesures, c'est contre la Franc-Maçonnerie, c'est-Ă -dire contre l'or- ganisme créé en vue de la prĂ©paration et de l'exĂ©cu- tion de tous les complots. Il faut que cette organisation disparaisse du sol français. Il faut tout au moins qu'elle ne puisse y fonctionner librement. Tout est lĂ  en effet. Que la Franc-Maçonnerie ne puisse fonctionner librement, et elle se trouve Ă  peu prĂšs annihilĂ©e. Lorsque nous parlons de son interdiction, nous ne nous dissimulons pas qu'il lui resterait la ressource de se cacher, comme se cachent les maçonneries supĂ©- rieures. Mais la nĂ©cessitĂ© oĂč elle serait de le faire la rendrait sans puissance. Elle est, en effet, une sociĂ©tĂ© de dĂ©formation progressive des consciences, ainsi que nous l'avons montrĂ©. La dĂ©formation totale ne saurait ĂȘtre effectuĂ©e que dans les groupes supĂ©- rieurs. Or ceux-ci ne peuvent se recruter que parce qu'il existe des groupes infĂ©rieui's dans lesquels a Ă©tĂ© opĂ©rĂ©e une dĂ©formation prĂ©paratoire. Le grand ser- vice que rend la Franc-Maçonnerie au Pouvoir oc- culte consiste en ce que, grĂące Ă  son libre fonctionne- ment, elle prend au sein du monde profane d'excel- lents citoyens qu'elle rend peu Ă  peu hypocrites, men- teurs, fanatiques, sectaires, destructeurs et athĂ©es. Ne permettez pas son libre fonctionnement ; elle se cachera, c'est entendu. Mais les bons citoyens dont nous parlons ne voudront plus y entrer. Elle ne pourra donc plus les dĂ©former. Elle ne pourra plus priver la France de ceux qui, sans cette dĂ©formation, — 521 — seraient peut-ĂȘtre demeurĂ©s ses plus fermes, ses plus dĂ©vouĂ©s et ses plus intelligents dĂ©fenseurs. C'est donc par lĂ  qu'on peut la museler, Ă©tant donnĂ© son mode d'action rien qu'en empĂȘchant son libre fonctionne- ment. Le moyen n'est pas compliquĂ© et il n'est pas fĂ©roce. Le gouvernement qui voudra arracher la France au Pouvoir occulte ne devra pas hĂ©sister Ă  l'employer. Complot organisĂ© Ă  l'Ă©tat permanent, la Franc-Ma- çonnerie est en dehors du droit commun. 11 faut l'y faire rentrer en lui ĂŽtant la possibilitĂ© de conspirer. Le moyen Ă  employer contre les Juifs n'est ni plus compliquĂ©, ni plus fĂ©roce. C'est la mĂȘme nĂ©cessitĂ© de sĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale qu'on peut invoquer pour leur ĂŽter les droits de citoyens français. Lorsqu'on lit les interminables discussions qui eurent lieu de 1789 Ă  1791 au sein de la Constituante avant qu'on se soit dĂ©cidĂ© Ă  faire cadeau aux Juifs de la nationalitĂ© française, on constate que les dĂ©- putĂ©s qui firent opposition Ă  cette mesure voyaient juste en annonçant qu'en dĂ©pit de la naturalisation en masse, les Juifs resteraient toujours Juifs. Quatorze fois en deux ans, l'assemblĂ©e fut de cet avis. Mais les Juifs savent tenir bon et ils savent aussi inspirer la pa- tience Ă  leurs amis. Un quinziĂšme assaut eut lieu. La majoritĂ© de la Constituante se laissa enfin prendre aux suggestions qui tendaient Ă  reprĂ©senter les oppo- sants Ă  la naturalisation comme des pessimistes et des rĂ©trogrades. De guerre lasse, elle finit par donner gain de cause aux dĂ©putĂ©s judaĂŻsants. Les droits de citoyens furent octroyĂ©s aux Juifs. Or les faits ont — 522 — donnĂ© raison Ă  ceux qui s'opposaient Ă  cette mesure. La preuve est maintenant acquise que leurs craintes n'Ă©taient pas exagĂ©rĂ©es. ConsĂ©quemment il convient de reconnaĂźtre que la mesure de naturalisation est tombĂ©e Ă  faux et c'est Ă  l'avis de ces opposants qu'il faut revenir. Les Juifs, quoique ayant Ă©tĂ© faits Français, sont restĂ©s Juifs. Il en rĂ©sulte qu'ils ont deux nationalitĂ©s, tandis que nous n'en avons qu'une. Ils sont ainsi en dehors et au-dessus du droit commun. Il faut les y faire rentrer, eux aussi. Ils n'ont pas plus droit d'ĂȘtre Français et Juifs que d'autres d'ĂȘtre Anglais et Fran- çais ou Allemands et Français Ă  la fois. Ils se vantent de nous avoir dotĂ©s du principe d'Ă©galitĂ©. Ce principe se retourne aujourd'hui contre eux. Il n'y a aucune raison pour qu'ils n'y soient pas assujettis tout comme nous. Qu'on les traite comme sont traitĂ©s tous les autres Ă©trangers, c'est dĂ©jĂ  trop, car leur situation est trĂšs spĂ©ciale. Ils ont, en effet, une organisation secrĂšte que les autres n'ont pas. Il conviendrait donc pour la tranquillitĂ© gĂ©nĂ©rale qu'on les soumit Ă  un rĂ©gime particulier. Au lieu de cela, on a procĂ©dĂ© de telle ma- niĂšre vis-Ă -vis d'eux que nous avons aujourd'hui sous les yeux ce spectacle vraiment extraordinaire d'une race qui, par un privilĂšge inouĂŻ, est parvenue Ă  cumuler en elle toutes les nationalitĂ©s ! Les rĂ©publicains libĂ©raux catholiques qui se bor- nent Ă  rĂ©clamer timidement le droit Ă  la vie pour le catholicisme au nom de la libertĂ© seulement — ce en quoi ils diminuent sa cause, ainsi que nous l'avons — 523 — montrĂ© — sont-ils capables, s'ils arrivaient au pou- voir, de supprimer la libertĂ© de la Franc-Maçonne- rie au nom de la libertĂ© et de la sĂ©curitĂ© de la France? Au nom de la libertĂ© et de la sĂ©curitĂ© de la France et par application du principe d'Ă©galitĂ©, sont-ils prĂȘts Ă  retirer les droits de citoyens aux Juifs? Si oui, il se peut qu'ils soient aptes Ă  gouA'erner selon ce qu'exige le salut du pays. Si non, ce ne serait pas la peine de leur confier le pouvoir ; ils se feraient rapidement dĂ©vorer comme ceux de 1848. On en doit dire autant de leurs compĂ©titeurs. Aucun rĂŽle utile Ă  jouer pour un Empire qui, fait par les Juifs et par la Franc-Maçonnerie, se trouve- rait obligĂ© de prendre sous sa protection ce par quoi il serait arrivĂ©, mais ce par quoi il serait aussi con- damnĂ© Ă  pĂ©rir. Une monarchie traditionnelle qui serait rappelĂ©e par le vƓu du pays courrait peut-ĂȘtre, en raison de la force de son principe, moins de dangers immĂ©diats Ă  ne pas se montrer intransigeante sur les deux points dont nous nous occupons. Elle serait toutefois, elle aussi, condamnĂ©e Ă  pĂ©rir si elle s'abstenait, comme a pĂ©ri la Restauration. Les mesures dont nous parlons sont lĂ©gitimes au- tant que nĂ©cessaires. Il y a, dit-on, cent mille Juifs en France et l'on y compte trente mille francs-maçons. Aux cent mille Juifs nous devons les trois Judas connus sous les noms de Deutz, Dreyfus, Ullmo, sans compter les inconnus ; nous devons aussi la ruine de l'Union gĂ©nĂ©rale, CornĂ©lius Herz, les Rei- — 524 — nach et la corruption panamiste, les spĂ©culations et les accaparements sur tous les produits, sans comp- ter les viandes pourries dont on empoisonne nos soldats. A ces mĂȘmes cent mille Juifs et aux trente mille francs-maçons opĂ©rant de concert nous devons toutes les hontes du rĂ©gime actuel, la vĂ©nalitĂ©, la for- faiture, la persĂ©cution, la proscription, la dĂ©lation, le vol, Wilson, les Humbert, les BaĂŻhaut, les Mer- lou. les Pelletan, les AndrĂ©, les Clemenceau, l'aug- mentation de la criminalitĂ© dans des proportions effrayantes, la morale bafouĂ©e, la prostitution hono- rĂ©e, la pornographie panthĂ©onisĂ©e, la dĂ©population recommandĂ©e, la famille dĂ©truite, l'armĂ©e trahie, la marine livrĂ©e, les arsenaux incendiĂ©s... Est-ce par de tels titres que cette infime minoritĂ© de cent trente mille individus a droit aux privilĂšges que nous lui avons laissĂ© prendre? Est-ce pour cela qu'elle doit ĂȘtre mise au-dessus de la loi com- mune ? La France a vraiment le droit de demander aux partis d'opposition quel est celui d'entre eux qui se dĂ©clare prĂȘt Ă  prendre la responsabilitĂ© des mesures de dĂ©fense dont l'existence nationale dĂ©pend. Que celui-lĂ  parle qui ne recule pas devant l'interdiction de la Franc-Maçonnerie en France ni devant le retrait des droits de citoyens aux Juifs ! Si aucun ne se prĂ©sente, c'est qu'aucun n'est digne d'arriver au pouvoir, et la pauvre France n'a" plus qu'Ă  se coucher dans la tombe oĂč dorment les hĂ©ros qu'en d'autres temps elle sut enfanter. — 525 — Si, au contraire, il en est un qui ait l'audace, la nette vision, l'Ă©nergie et la franchise nĂ©cessaire, encore une fois qu'il parle, car la France a besoin de connaĂźtre celui qui peut la sauver. L'instinct de conservation du pays appelle celui-lĂ . Quel qu'il soit, c'est dans ses bras que la France se jettera. FIlN TABLE DES MATIÈRES PREMIÈRE PARTIE Les raisons du plan machiavĂ©lique sur lequel a Ă©tĂ© construite la Franc-Maçonnerie. ExpĂ©rience qu'avaient ses fondateurs en matiĂšre de sociĂ©tĂ© secrĂšte. CHAPITRE PREMIER COMMENT LE POUVOIR OCCULTE FUT FORCÉ d'aBOUTIR A LA CREATION DE LA FRANC-MAÇONNERIE Questions Ă  rĂ©soudre 9 Motifs pour lesquels le Pouvoir occulte a imaginĂ© la crĂ©ation maçonnique 18 La fabrication de l'opinion. — EtrangetĂ© du plan. — Indica tion qui en rĂ©sulte 28 CHAPITRE II PREMIÈRES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES FONDATEURS DE LA FRANC-MAÇONNERIE. SÛRETÉ AVEC LAQUELLE ILS LES RÉSOLURENT. Impasse dans laquelle se trouvĂšrent au dĂ©but les fondateurs de la Franc-Maçonnerie. — Comment ils en sortirent. — DĂ©clarations contradictoires 33 Une sociĂ©tĂ© secrĂšte qui a lair de n'en pas ĂȘtre une 42 Sentiments divers dans le public Ă  l'apparition de la Franc- Maçonnerie. — PerversitĂ© des fondateurs 48 Le recrutement initiaL — Les trois espĂšces d'initiĂ©s, — Ceux dont le Pouvoir occulte ne veut pas 53 — 528 — CHAPITRE III MODE DE TRANSMISSION DES VOLONTÉS DU POUVOIR OCCULTE. ON NE DONNE PAS d'oRDRES DANS LA FRANC-MAÇONNERIE. Pages ImpossibilitĂ© oĂč se trouvaient les Fondateurs de la Franc-Ma- çonnerie de procĂ©der vis-Ă -vis de leurs adeptes par mĂ©thode impĂ©rative 61 La Franc-Maçonnerie n'a pas Ă©tĂ© constituĂ©e pour ĂȘtre une une ligue d'action, mais une Ă©cole de prĂ©paration Ă  l'ac- tion ‱ 67 Raisons de la transformation actuelle de la Franc-Maçonneine française en ligue d'action, mais toujours en excluant la mĂ©- thode impĂ©rative. Comment cela est possible 69 Une exception Ă  la rĂšgle. — Ordres donnĂ©s dans une circon- stance importante. — Le cas du Morinaud 78 mportance du fait que nous venons de signaler 84 DEUXIEME PARTIE Le mode d'action du Pouvoir occulte, SĂ©lections. Suggestions. CHAPITRE IV LES SÉLECTIONS MAÇONNIQUES. — PRÉCAUTIONS PRISES POUR QUE l'enseignement DONNÉ DAÈS LES ATELIERS PORTE SES FRUITS La Franc-Maçonnerie sociĂ©tĂ© d'Ă©ducation 87 La sĂ©lection automatique par Ă©limination volontaire 92 PremiĂšres Ă©volutions 97 CrĂ©ation d'une atmosphĂšre spĂ©ciale dans les Loges. — PrĂ©cau- tions prises 107 CHAPITRE V LES SUGGESTIONS MAÇONNIQUES. DE l'ÉTAT d'eSPRIT ANTI- CATHOLIQUE AU SEIN DES LOGES. l'eSPRIT d'INTOLÉRANCE SUSCITÉ AD NOM DE LA TOLÉRANCE. Ce qu'on fait dans les Loges. — Les deux suggestions mai- tresses 117 — 529 — Pages PremiĂšre su''gestion. — La Franc-Maçonnerie Sainte et Sa- crĂ©e ». — La nuit des temps. — Le monstre 121 La seconde suggestion. — Comment le Pouvoir occulte n"use de l'idĂ©e de tolĂ©rance que pour attirer les modĂ©rĂ©s et les trahir ‱ ‱ 130 Le Fanatisme de la tolĂ©rance. — Le Jeu des Intiuences in- dividuelles soigneusement couvertes » dissimulant l'action occulte 135 CHAPITRE VI CLÉRICALISME ET CATHOLICISME. LE BOUC l'aCTIOX DU POU- VOIR OCCULTE ÉTENDUE DANS LES MILIEUX CONSERVATEURS ET JUS- QUE DANS LE MONDE CATHOLIQUE, Le mensonge du ClĂ©ricalisme » 144 Marche progressive. — L'aveu du mensonge. — Eliet de l'Ă©li- mination automatique ,‱‱‱‱ ^^^ La marche progressive en politique consĂ©quence de l'action exercĂ©e par le Pouvoir occulte 161 Intervention du Pouvoir occulte dans la direction des partis qui lui font opposition et jusque dans le sein de l'Eglise.. 165 CHAPITRE VII LES HYPNOTISÉS DU POUVOIR OCCULTE Transport de l'Ă©tat d'esprit maçonnique dans le monde pro- tane 171 Les deux avantages dont a bĂ©nĂ©ficiĂ© la Franc-Maçonnerie monopole comme SociĂ©tĂ© organisĂ©e, et invisibilitĂ© de son action 174 La perversitĂ© revĂȘtue de sincĂ©ritĂ© 179 L'Ă©tat profond d'inconscience 1^3 CHAPITRE VIII francs-maijonneries extĂ©rieures et sĂčus-maçonneri s. l' Les francs-maçonneries extĂ©rieures 190 Les sous-maçonneries 194 PĂ©nĂ©tration des groupes non maçonniques 198 L'envahissement total. — L'heure de l'action 201 Celui qui est responsable 207 34 — 530 — TROISIÈME PARTIE Sur le chemin de la vĂ©ritĂ© CHAPITRE IX SUBTERFUGE AUQUEL A RECOURS LE POUVOIR OCCULTE POUR TROMPER LE PUBLIC SUR LA QUESTION RELIGIEUSE ET SUR l'ORIGINE ET LE BUT DE LA FRANC-MAÇONNERIE. Pages Sur quoi nous pouvons'nous appuyer pour dĂ©couvrir le Pou- voir occulte ‱ 215 La DĂ©esse Raison et le Catholicisme 218 Tactique connue 223 CHAPITRE X LE MENSONGE DE LA VERSION MAÇONNIQUE SUR LA QUESTION RELI- GIEUSE NOUS PERMET d'ENTREVOIR LE BUT DU POUVOIR OCCULTE. Comment la question religieuse doit ĂȘtre posĂ©e pour ĂȘtre rĂ©- solue d'une façon rationnelle 229 Sur quoi nous appuyer pour juger le catholicisme dans le passĂ©. — DonnĂ©e fournie Ă  cet Ă©gard par le Pouvoir occulte et par la Franc-Maçonnerie 239 La SociĂ©tĂ© future. — Le but poursuivi rĂ©vĂ©lĂ© par la suprĂȘme contradiction. — La seule explication possible 246 CHAPITRE XI LES CAUSES d'erreur RELATIVES A l'ORIGINE ET AD BUT DE LA FRANC- MAÇONNERIE. LEUR ELIMINATION SUCCESSIVE. LE DÉFAUT DE LA THÈSE DE M. MAX DOUMIC. Les fausses apparences tendues autour de la question maçon- nique. — Le point de dĂ©part 255 Comment sont nĂ©s les Ă©tats d'esprit successifs relativement Ă  la question maçonnique et comment ont Ă©tĂ© dĂ©truites les unes aprĂšs les autres les fausses apparences 257 La question est enfin posĂ©e comme elle doit l'ĂȘtre. — Argu- mentation de M. Max Doumic 263 — 531 — CHAPITRE XII THÉORIE DE LA SOCIÉTÉ SECRÈTE. NÉCESSITÉ d'lNK PÉRIODE d'incubation ANTÉRIEURE A LA NAISSANCE DE LA KRANC-MAÇONNERIE. Pages Conditions et circonstances dans lesquelles peuvent naĂźtre et se dĂ©velopper les sociĂ©tĂ©s secrĂštes 274 SociĂ©tĂ©s secrĂštes enfantĂ©es par une sociĂ©tĂ© de mĂȘme nature prĂ©existante 280 Les sociĂ©tĂ©s secrĂštes antiques 285 L'inaptitude du monde occidental Ă  l'organisation secrĂšte. — Importance considĂ©rable de ce fait au point de vue la re- cherche de l'origine de la Franc-Maçonnerie 290 QUATRIEME PARTIE L'origine juive de la Franc-Maçonnerie. CHAPITRE XIII COMMENT LES COLONIES JUIVES QUI SE RÉPANDIRENF DANS LE MONDE APRÈS LA DISPERSION FURENT AMENÉES A SE CONSTITUER EN SOCIÉ- TÉS SECRÈTES ET COMMENT CES SOCIÉTÉS, DE DÉFENSIVES QU'ELLES POUVAIENT ÊTRE AU DEBUT, DEVINRENT OFFENSIVES. Le point de dĂ©part 299 Constitution des colonies juives en sociĂ©tĂ©s secrĂštes dĂ©fen- sives 306 Transformation des sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives dĂ©fensives en so- ciĂ©tĂ©s secrĂštes offensives 311 CHAPITRE XIV IL EXISTE UNE NATION JUIVE QUI EST GOUVERNÉE SECRÈTEMENT COMME LA FRANC-MAÇONNERIE La nation juive 318 Il existe un gouvernement national juif 322 Le gouvernement national juif est un gouvernement occulte comme celui de la Franc-Maçonnerie 327 — 532 — CHAPITRE XV LES TRACES DU GOUVERNEMENT NATIONAL JUIF DEPUIS LA DISPERSION jusqu'au XI^ SIÈCLE. Pages Le Grand SanhĂ©drin 336 Les Patriarches de la JudĂ©e 341 Les Princes de la CaptivitĂ© 344 CHAPITRE XVI DU XI° SIECLE A NOS JOURS. L'Ă©vĂ©nement de Tan 1005. — La constitution secrĂšte du gou- vernement juif en fut nĂ©cessairement la consĂ©quence 353 Deux documents du xv<^ siĂšcle 359 Quelques tĂ©moignages. — Position de la question au point de vue rationnel. — Les vraies preuves 367 CHAPITRE XVII LA PERIODE D INCUBATION La vraie situation du monde chrĂ©tien depuis le xi^ siĂšcle. .. 375 Les procĂ©dĂ©s de combat des sociĂ©tĂ©s secrĂštes juives 380 La brĂšche ouverte par le protestantisme ‱ 388 CHAPITRE XVIII EXAMEN CRITIQUE DE LA THÈSE DE l'ORIGINE ANGLAISE PRÉSENTÉE PAR M. MAX DOUMIC, DANS LE SECRET DE LA FRANC-MAÇONNERIE». Les conditions du problĂšme de l'origine de la Franc-Maçon- nerie qui se trouvent remplies par la thĂšse de rorigine juive 396 RĂ©sumĂ© de la thĂšse de M. Mas Doumic 401 PremiĂšre impossibilitĂ© c'est l'ambition, et non la nĂ©cessitĂ©, qui serait cause de la naissance de la sociĂ©tĂ© secrĂšte maçon- nique 403 La condition de temps 404 La condition d'aptitudes 411 Autre condition prĂ©alable indispensable 414 — 533 — CHAPITRE XIX VRAI ROLE DE L' Ăąges L'intermĂ©diaire indispensable 420 La seule conclusion logique 42 CINQUIÈME PARTIE Le plan juif. Les obstacles qu'il rencontre. Nos moyens de combat. CHAPITRE XX COMMENT LE REVE DE LA DOMINATION DU MONDE SE PRÉSENTE A l'eSPRIT DU JUIF ET SOUS QUELLE FORME. La domination du monde 4'Ăź7 CaractĂšre de cette domination 444 Les choses regardĂ©es en face. — Tableau de la marche de la nation juive 453 CHAPITRE XXL LES OBSTACLES JUI SE DRESSENT DEVANT LE POUVOIR OCCULTE ET LES RAISONS QUE NOUS AVONS DE NE PAS DÉSESPÉRER. La trame de mensonge et le retour des choses 462 I^a situation du Pouvoir occulte juif Ă  l'intĂ©rieur 469 Autre consĂ©quence des manƓuvres du Pouvoir occulte. — CrĂ©ation d'autres puissances occultes qui contrecarrent la premiĂšre 475 ConsĂ©quence de cet Ă©tat de choses dans la politique interna- tionale actuelle 481 CHAPITRE XXII LES CONDITIONS DU SALUT Sur qui devons-nous compter ? 490 La tactique qui nous est commandĂ©e par la situation du Pouvoir occulte. — Distinction entre la politique et la crĂ©a- tion d'un Ă©tat d'esprit. — L'Ă©tat d'esprit que prĂ©fĂšre pour nous le Pouvoir occulte. 495 53 Pages La question religieuse 498 La question politique. — La forme de gouvernement dont ne veut pas le Pouvoir occulte. — Comment se rĂšglent ses prĂ©fĂ©rences en cette matiĂšre 500 Ce que nous avons Ă  faire dans l'ordre politique. — L'eflfort que chacun de nous doit tenter sur lui-mĂȘme 507 L'Ɠuvre de propagande 514 Les mesures de dĂ©fense indispensables au salut de la France 517 Lyon. — Imprimerie Emmaauel VITTE, 18, rue de la Quarantaine. I BibliotliÀqu rtrsifĂ© d'Oftawe Th Librory University of Ottawo d39003 0005297^426 CE KS 0604 .C6C7C 1909 COO CCPIN-AL8ANC ACC 1143069 DRAKE MACCNN
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